Soleil Rouge — Justice, Tabralt... [Raid Scorpion]

L'opération paraissait plus aisée que ce à quoi il s'était attendu : la créature semblait faiblir, et le liquide visqueux et opaque qui lui servait de sang suintait de toutes parts. Croiser la route des deux autres solitaires avait sans le moindre doute était une bonne coïncidence. Et à mesure qu'il se laissait griser par la bataille, il en venait presque à regretter que ce soit si facile.
Pas qu'il ait eu envie de mourir. Même si son comportement laissait parfois — voire relativement souvent, ou en tout cas trop fréquemment pour qu'on ne remette pas en question sa sanité d'esprit – supposer le contraire.
D'une certaine manière, il aimait bien morfler. Repartir en sang et garder le corps pétri de courbature et ecchymoses pendant plusieurs lunes lui permettait de se sentir vivant. Et accessoirement de se dire qu'il avait pour une fois eu une journée bien rempli.
Ca lui donnait le sentiment que son existence comptait pour quelque chose.
Le tiraillement dans son épaule après le coup qu'il avait donné pour tenter de déstabiliser le scorpion ne serait bientôt plus, noyé sous un flot tourmenté d'adrénaline, et il savait que la fin était proche. Ce n'était plus qu'une question de secondes, à présent.

Enfin, si seulement la bête, dans un hurlement aigu, ne s'était soudain mise à tournoyer sur elle-même, envoyant tout valser par la même occasion. Joaquín ne vit pas le coup venir, et quand bien même il tenta d'esquiver une partie des dommages, il n'eut pas le temps de faire grand chose face à la rapidité de son opposant. Putains d'insectes, avec leur sale manie de se jeter sur vous sans que rien n'ait laisser présager une quelconque attaque même pas une seconde auparavant. Habitué à l'incapacité chronique de sa joueuse à réussir ses lancers de dés lorsqu'ils étaient un tant soit peu importants, il fut donc éjecté à plusieurs mètres de distance , roulant lamentablement dans le sable et écopant au passage de vieilles piqûres de mort. Serrant les dents, bien heureux d'être au beau milieu d'un désert — se faire dégager dans du sable était toujours plus sympathique que valdinguer sur de la caillasse –, il se releva difficilement avec un grognement de douleur. Après un raclement de gorge aussi bruyant que peu raffiné, il cracha un gros caillot de sang par terre, s'ébroua un bon coup et revint vers les autres. Au moins, il avait bien morflé. Et il n'était pas le seul.
Ce venin de mort lui donnait l'impression qu'une colonie de fourmis enflammées courrait sous sa peau et ça lui filait la haine.

Le scorpion était à présent enterré dans le sable. Sérieusement ? Espace cocooning, c'était vraiment le moment ?
Il adressa un coup d'oeil aux deux autres, choisissant d'attendre. Ca avait au moins le mérite de lui permettre de reprendre son souffle.
Mais ça laissait aussi le temps à l'ivresse du combat de redescendre, et c'était bien la seule chose qui lui permettait actuellement d'ignorer la douleur due au venin, donc il n'avait pas non plus l'intention de rester planté là à attendre indéfiniment. Il était temps de clore ce chapitre.

Leurs attaques faisaient mouche.
Coordonnés dans une danse endiablée, les trois prédateurs se jetaient corps et âmes dans la poussée finale qui leur permettrait de prendre le dessus. Bientôt, le monstre serait sur le dos et ne pourrait plus user de ses pattes pour s'enfuir. Bientôt, ils plongeraient leurs museaux enragés au fin fond de ses entrailles pour que la créature cesse de bouger.
Du moins, c'est ce qu'ils croyaient.
Ils étaient éclaboussés de son sang visqueux et les cris perçaient leurs tympans de plus belle. Le scorpion se cabrait et s'agitait, semblait prêt à céder d'un instant à l'autre - quand soudain ils perdirent le contrôle. Le ventre vert qui une seconde auparavant était à la merci de leurs crocs se déroba soudainement et leurs mâchoires claquèrent dans le vide.

La suite se passa très vite ; la bête retrouva le contrôle de ses pattes et pivota, puis tout le reste se mélangea dans la gerbe de sable que souleva la puissante queue qui les faucha et les propulsa plus loin.
Justice se retrouva à rouler avec les autres, le souffle coupé tant par le choc de l'appendice carapacé s'écrasant contre son poitrail que par celui du sol qu'il alla épouser, la gueule et les narines emplies de sable. Une seconde passa durant laquelle, hors du temps, il n'effectua pas le moindre mouvement, écoutant seulement sa respiration rauque amplifiée par l'adrénaline et les battements de son cœur qui tambourinait dans sa poitrine.
Puis il sentit les autres corps se lever. Il ouvrit les yeux et à son tour se redressa péniblement, pris de vertige, passant le regard tant sur son propre corps hérissé de plusieurs épines que sur celui du corps de se acolytes, pareillement atteints par la créature.
Qui désormais s'était enfoncée dans le sable argent tâché de rouge, semblable à une dune grotesque qui se serait créée là, seule la carapace émergeant encore du sol désormais si calme que l'on n'aurait pas cru qu'une guerre venait de s'y dérouler.
Une guerre qui n'était pas achevée.

Leurs regards se croisèrent, les trois loups se jaugèrent dans un silence seulement entrecoupé de leurs halètements, tous trois fatigués et passablement refroidis par ce retournement de situation. La brise qui caressait son échine dressa presque un début de frisson - l'adrénaline redescendait, la ferveur du combat s'amenuisait.
Ils ne pouvaient attendre et espérer que quelque chose se passe.
Les yeux de Justice se plissèrent, il força ses babines à se retrousser de nouveau. Un grondement guttural roula dans sa gorge à l'attention de la créature. Pour lui faire comprendre qu'ils étaient toujours là. Et qu'ils n'abandonneraient pas.
Il prit seulement la peine de tourner l'encolure vers les deux autres solitaires au moment où il s'élançait de nouveau pour leur aboyer son unique stratégie, l'unique chose qu'ils pouvaient tenter pour le moment s'ils ne voulaient pas laisser la créature s'enliser.

— On le déterre !

En quelques foulées le mâle noir était de nouveau dans l'arène.
Sans perdre de temps, il bondit sur le dos solide qui dépassait toujours du sable. Il aurait là un appui ferme. Et si la chose décidait de sortir de là... Il serait prêt à l'accueillir.
Justice ancra ses postérieurs sur la carapace rugueuse et sans attendre davantage enfonça ses antérieurs dans le sable qui bordait les épaisses cuirasses pour se mettre à creuser frénétiquement, là où s'était plongé le reste du corps, là où en plongeant suffisamment les griffes cruelles qui ornaient le bout de ses doigts il pouvait espérer perforer la chair molle de leurs pointes.
Pour entendre de nouveau le monstre hurler et se soumettre.

Lui qui voulait panser ses plaies, laisser le temps à son sang gluant de cicatriser sa douleur, voila que tu le détresse Justice. A peine eut-il une partie de son flanc hors du sable que tu le mords, que tu le chique.
Alors, il ressort brutalement de sa dune, gémissant dans un cri strident. Il se secoue. Il se débat. Tu finis par lâcher prise, et il se retourne vers toi.
Contrairement aux autres, tu es en forme. Il n'a donc pas le choix. Ce sera la fuite.

Mais pas sans son dû.
D'une rapidité, que l'on n'aurait pas octroyé à un animal d'une telle taille, il se retourna face à Joaquin, lançant ses pinces pour le saisir. Toi qui avait été piqué par un jeune, toi qui n'avait pas été dévoré par ce dernier. Tu étais sa cible.

[ Sa race on parie que je vais me mettre KO tout seul comme un grand ]

Le reste des évènements se passa dans une confusion rendue paradoxalement assez vague par le venin qui courrait désormais dans ses veines. Il sentait le sang qui battait à ses tempes et sa respiration qui résonnait dans ses oreilles. Un brouillard floutait sa vision périphérique, ses poumons semblaient prêts à s'extraire de son corps en remontant par sa gorge — elle-même particulièrement sèche et douloureuse – à chaque expiration. Il était grand temps de mettre un terme à cette histoire, car il commençait sérieusement à ressembler à sa joueuse au bout de dix minutes d'endurance au collège, et ça risquait de devenir vraiment peu glorieux à voir.
Dans un vague écho, Justice aboya quelque chose avant de s'extraire de son angle mort, sur la droite, pour aller bondir sur le dos de la créature. Ce mec avait une endurance folle, et si Joaquín tentait de se convaincre que la distance qui se creusait entre eux était principalement due au fait que putain, il s'était fait piquer comme un connard à peine la bestiole sortie de sous terre quelques minutes plus tôt, il ne pouvait s'empêcher de songer qu'il s'était probablement un peu ramolli avec les années, à force de vivre dans un climat de relative paix, et qu'il était grand temps pour lui de se secouer. Bim comment j'amène l'entraînement endurance là.

Les attaques répétées du solitaire à poil ras eurent raison de la patience du scorpion qui sortit bien vite de son trou dans un cri assourdissant, avant de se tourner droit vers lui.
Voir les pinces de la bête fuser dans sa direction eurent le mérite de tirer Joaquín de sa relative léthargie. Là je vais juste lancer le dé et voir si le spectre de la loose continue de planer sur mon existence ou pas.
Réponse : oui.
Mais au moins ce n'est pas le spectre de la loose critique qui aurait pu me conduire à foutre mon perso KO toute seule.
Dans un mouvement qui était au final un réflexe pur, il bondit sur le côté, évitant de peu les pinces dont il devinaient qu'elles peinaient désormais à viser juste. Il profita de ce soubresaut d'adrénaline pour imiter Tabralt et filer vers le corps de la bête. Cette fois-ci c'est sous sa tête qu'il se stoppa avant de bondir vers une zone qui paraissait sensible au niveau de ce qui devait être sa gorge, tous crocs dehors.
Ses dents s'enfoncèrent dans la chair molle et de nouveau il put sentir le liquide poisseux qui coulait dans sa gueule. C'était dégueulasse mais ça avait le mérite de le tirer de sa rêverie induite par le poison : ça lui donnait quelque chose de précis sur quoi se concentrer. Une sensation physique qui, elle, n'était pas diffuse.
Juste profondément désagréable, quoique passablement jouissive, aussi.

[J'arrive pour vous sauveeeeer]

Et les griffes atteignirent la cible et la transpercèrent, comme elles savaient si bien le faire.
Le désert tout entier sembla vibrer quand le sol sous ses pattes s'agita et remonta brusquement. La créature hurla encore de ce son perçant et horrible qui sonnait comme une récompense à ses oreilles - la chose était blessée, encore, et sortait de terre. Le loup se sentit décoller et prendre rapidement quelques mètres d'altitude - il comprit que la bestiole s'apprêtait à livrer son ultime bataille, et la carapace sur laquelle il avait pris appui se dérobait désormais sous ses pattes à mesure que le monstre vert se secouait et s'agitait pour le faire lâcher prise. Il sentit ses postérieurs glisser et rencontrer le vide - puis tout son corps heurter le sable à nouveau.
Son regard féroce s'ancra dans les yeux noirs et vides de la créature qui s'était alors tournée vers lui, furibonde et visiblement prête à se venger, à donner les derniers coups. Haletant, il ne la lâcha pas, crocs découverts et prêt à se remettre sur ses pattes dès qu'elle se jetterait sur lui. Mais elle ne le fit pas.
Au lieu de ça, elle se détourna de lui et lança ses imposantes pinces vers Roakine, lui qui avait déjà semblé être la cible principale de ses premières attaques. Justice ne savait pas ce qu'il avait fait au Clan des Alakranes Verts pour s'attirer ce genre d'emmerdes, mais c'était intéressant de constater que même un insecte géant pouvait visiblement éprouver de la rancune.

Un spasme agita son corps pour le relever et l'envoyer au secours de l'autre solitaire mal au point mais il n'en eut pas le temps, les menaçants appendices fonçant bien trop vite vers la cible.
Et il n'en eut heureusement pas besoin, puisque le loup noir esquiva de justesse au moment même où l'autre à la fourrure grise s'était jeté sur les articulations pour les entraver. Une seconde plus tard le mâle brun s'était rapproché de leur adversaire et enfonçait de nouveau ses crocs au plus proche de la tête de la créature.
Un loup accroché aux pinces, l'autre sous la gorge, l'immense arthropode était presque immobilisé et suintait d'un sang gluant et odorant.
Mais il n'était pas tout à fait mort.

Et Justice ne comptait pas lui laisser l'occasion de se rebiffer une nouvelle fois.
Ignorant le vertige qui avait profité de son inactivité temporaire pour le saisir, lui rappelant désagréablement la sensation du soleil de l'après-midi tapant sur son crâne, il prit appui sans attendre davantage et zigzagua entre les pattes jusqu'à se glisser sous le ventre de la bête - si tendre et si proche. Prêt à être ouvert.

Il se sentait affaibli du venin qui courrait dans ses veines, mais pas assez pour laisser la créature s'en tirer. Ils devaient aller jusqu'au bout. Ses mâchoires s'ouvrirent en un grondement féroce et se refermèrent sur la chair verte et de là il tira, tira, tira encore ; jusqu'à ce qu'un flot brûlant et malodorant se déverse sur son museau, jusqu'à ce qu'il sente les membranes céder sous ses crocs.
Jusqu'à ce qu'il sente la bête s'effondrer pour ne plus jamais se relever.

Et enfin, alors que le matin pointe ses premières lueurs, apportant chaleur et vie sur vos corps blessés, le scorpion plie. Un dernier cri. Un dernier spasme. Et sa carcasse s'écroule, incapable de supporter plus.
Vous avez bien combattu loups. Il serait temps de profiter de votre récompense...

Pour ce combat, vous avez le droit à un cadeau. Vos loups peuvent aller arracher un morceau du cadavre.

Sur UN seul dès réussite, vous pouvez récupérer un objet. Ils sont liés à vos loups, et ne sont pas échangeables, vendables, donnables.

Réussite critique : Un peu de venin, dans une glande à venin. Pour une attaque, vous pouvez lancer +1 dès force. Le poison étant digérable, aucun risque si vous vous en mettez sur les crocs et les griffes.
Réussite simple : Un morceau de carapace. Donne +3 Pvs pour un combat. Se brise ensuite. Elle sera, par la magie du scénario, à la taille de votre loup. A placer sur les épaules, la tête ou le dos.
Échec simple : Un morceau de viande. Elle à un bon gout de grillé, mais vous donne une haleine fraîche. En la consommant vous pouvez lancer +1 dès soin.
Échec critique : Une glande de salive. En l'écrasant de vos pattes, vous glisserez plus facilement. Vous gagnerez donc +1 dès esquive ou +1 dès fuite.

Tout est transportable, bien entendu, et n'a pas de fin de péremption.

Oiseaux éteints
Brille son aspect divin
Dans la sécheresse du matin

Et puis, quelques instants plus tard, le scorpion tressaillit, pour enfin s'écrouler.

Joaquín mit un moment à lâcher prise. De peur que l'animal n'ait été suffisamment astucieux pour jouer le mort, peut-être, par fatigue, probablement. Il y avait un bourdonnement désagréable dans ses oreilles, un flou artistique qui brouillait sa vision, et le monde semblait tanguer autour de lui. Le goût du liquide poisseux sur sa langue lui laissait le coeur au bord des lèvres. A présent que l'adrénaline commençait à retomber, il sentait que son corps commençait à manifester des signes d'usure. Et encore, il ne s'agissait là que des désagréments dus au poison qu'il avait reçu, et non se la petite tripotée de douleurs variées qu'il commençait à ressentir un peu partout dans l'intégralité de ses membres, qui résultaient, elles, des coups qu'il avait reçus.
Paradoxalement, si une part de lui avait sérieusement envie de mourir, là, tout de suite, oh oui, ça serait bien, il ne se sentait jamais aussi vivant que dans ces moments de grande détresse. Ceux où tout son être était mis à mal. Joaquín ne semblait s'épanouir que lorsque ses pas le menaient sur le fil du rasoir. Son souffle était de feu, son coeur s'affolait, toute sa personne menaçait de s'effondrer à tout moment, et pourtant, il y avait cette version de lui, là, lovée tout au fond de ce qui faisait son essence même, qui était profondément satisfaite.
Ca ne durerait pas.
Il était déjà à la limite finale du climax. Passager impuissant d'un chariot de montagnes russes monté au plus haut, et qui savourait ses dernières fractions de secondes au beau milieu des nuages, juste avant d'effectuée une descente particulièrement brutale.

Titubant légèrement, il se recula, contemplant, le souffle haletant, le cadavre de la bête. Cette stupide mère qui avait eu l'indécence de pondre sa progéniture dans son terrier. Dans son oasis. Dans son désert.
Voilà où ça t'avait menée, pauvre conne.
Tabralt s'approcha à son tour, avant d'arracher un morceau de sa carapace. Semblant presque s'excuser par la suite. Il réfléchit quelques secondes avant de s'approcher à son tour, indécis.
Avisant la chair blanche rendue apparente par le prélèvement que venait d'effectuer Tabralt, et jugeant quelle avait contre toute attente l'air relativement comestible, il prit appui sur le dos du scorpion et se baissa, fouillant l'intérieur de ses crocs jusqu'à en extraire un morceau de viande filandreuse. Il décida de garder ce dernier pour plus tard, et se débrouilla pour le caser sous l'épais collier qui protégeait sa propre gorge. Ce n'était pas super pratique ni super hygiénique mais ça faisait le job.
Toujours perché sur le dos du scorpion, il tourna la tête vers les deux autres. Le soleil commençait lentement à poindre à l'horizon.

— Maintenant nous pouvons faire barbacoa.

Suite à quoi il se baissa et alla extraire un nouveau morceau de viande, puis un autre. Et un troisième.
Il jeta le premier aux pattes de Tabralt, le deuxième vers Youstice. Puis attrapa le dernier avant de redescendre de son perchoir et d'aller se poster à leurs côtés. Il laissa tomber son propre bout de viande à ses pattes.

— Barbacoa, répéta-t-il avant de s'allonger.

Et de s'attaquer à son bout de bidoche.
Dommage qu'il n'y ait eu ni bières ni musique, mais au moins, l'endroit était chaleureux, c'était toujours mieux que rien.

C'était terminé.
Il avait cru ne jamais en voir le bout, mais la créature était cette fois-ci immobile. Pour de bon. Ce n'était plus l'un de ses tours pour se camoufler dans le décor et les laisser désemparés, son abdomen était ouvert et le sable tâché de son sang gluant qui formait des paquets.
Il resta immobile au-dessus du cadavre quelques instants, les oreilles bourdonnant d'une vibration particulièrement désagréable et son souffle profond résonnant contre son crâne, avant que l'un de ses congénères ne s'approche. Le gris et mauve, le nouveau. Il l'observa sans rien dire faire quelques pas prudents autour de la bête, répondit faiblement à son signe de tête d'un geste du museau, et entreprit de se lécher les babines pour les débarrasser de la substance collante qui s'y accrochait pendant que l'étranger s'attaquait à la carapace du monstre vert.
Au loin le ciel se paraît déjà des couleurs de l'aube, illuminant la scène d'une lueur douce et rosée, lui faisant réaliser avec effroi qu'ils avaient combattu longtemps. Il ne s'en était pas rendu compte.

Ce fut au tour de Roakine de s'approcher et de plonger dans les entrailles encore chaudes. L'instant d'après, un morceau de viande blanche était apparu devant ses pattes - Justice releva le nez vers le solitaire noir, un sourcil levé et l'autre plissé en une mine perplexe.
Barbacoa.
... Pourquoi pas.
Il prit tout de même la peine d'aller lui aussi soustraire quelque chose à la bête terrassée. Sa mort ne serait pas inutile, en soit. Il songea quelques instants aux désagréables sensations de froid et chaud entremêlés qui s'étaient mises à couler dans ses veines dès lors que le venin s'était répandu dans son sang et il se dirigea vers la tête de la créature, fouillant de ses crocs sous les mandibules immobiles. Là, le plus délicatement possible, il détacha ce qui semblait être une glande à venin et la posa sur le sable pour l'observer. Ca pourrait être utile. Il fit note mentale de ne pas l'oublier lors de son départ et revint vers les deux autres pour le... barbacoa.

Comme d'habitude avec le mâle noir il n'avait pas la moindre idée de ce dont il allait s'agir alors il se contenta d'observer pour comprendre, imitant ses gestes. S'allongeant devant sa pitance, c'est donc avec un enthousiasme d'abord modéré puis plus sincère quand il se rendit compte que la chair de la créature n'était pas aussi dégueulasse que ses fluides corporels qu'il s'attaqua lui aussi à la viande pâle, calmant les complaintes de son estomac qui commençaient à se faire sentir.

Restait une question à élucider.

— Pourquoi l'alakrane voulait ta mort ?

Et surtout, pourquoi tu le cherchais alors qu'il voulait ta mort ?
Il songea un instant à ce qu'aurait pu devenir le cours des évènements si le mâle brun avait été seul. Probablement pas glorieux.

Vous venez récupérer votre dû, loups ; mais quand vous lui arrachez de sa carcasse, le corps s'affaisse. Le sable crache ses gerbes d'air et de caillasses, et puis, tout s'effondre, emportant le scorpion dans ce trou béant.

Le creux formé, véritable pyramide inversée, vous permet de descendre ou remonter sans crainte. Et en ses tréfonds, une grotte s'est découverte, sorte de boyau assez large pour le scorpoca lui-même. Peut être est-ce avec cela qu'il se déplace sous le désert ? Il à l'air solide ; mais si sombre, que vous ne voyez pas le bout du tunnel.

Aucun bruit n'en sort, si ce n'est l'écho du vent lointain.

Allez-vous entrer, loups ? Ou bien fuir ce dédale ?

Joaquín 2/13PV

Il eut comme les autres la surprise de constater que contre toute attente, la chair filandreuse de ce qui était devenu leur proie était tout à fait consommable. Encore fallait-il réussir la dégager de cette substance visqueuse particulièrement amère dans laquelle elle baignait à la base.
Par delà le brouillard désagréable que le venin semblait forcer sur sa conscience, il savourait la sensation d'un estomac qui se remplit peu à peu.

— Elle a laissé oeuf chez moi. J'ai tué son petit, fit-il en haussant vaguement les épaules.

Il envisageait sérieusement de retourner se servir lorsqu'un son grave parut s'élever du sol. Cessant de mastiquer son repas, les oreilles dressées, Joaquín darda son regard sur la dépouille, à quelques mètres d'eux. Dépouille qui se mit à trembler légèrement.
Sans déconner.
Cette chose empestait la mort et trouvait toujours moyen de se relever ? A moins qu'elle n'ait eu en son ventre une horde d'oeufs qui aurait tout à coup décidé d'éclore tous en même temps et de s'extraire de son abdomen à la mode Alien ?
Le poil de Joaquín se hérissa, et tout à coup le scorpion disparut, happé par le sol. Il fronça les sourcils, perplexe. Puis laissa son bout de viande là pour s'avancer, méfiant, jusqu'au trou qui venait de s'ouvrir et d'engloutir par la même occasion ce qui aurait pu être un putain de festin plutôt bien mérité.

Semblait désormais s'offrir à eux un étrange labyrinthe creusé sous leurs pattes. Il contempla longuement l'abîme, pensif. Le scorpion venait de toute évidence de là, c'était fortement mystérieux et ça n'était pas sans lui rappeler les tombeaux que certains des peuples qu'il avait pu croiser lors de son périple pour arriver jusqu'ici érigeaient pour leurs défunts. Ca puait le mauvais plan à plein nez et c'était pourtant une délicieuse manière de tromper la monotonie de ces longues journées passées à se dorer la pilule dans le désert.
Il fallait être sacrément con pour s'aventurer là-dedans.
Ca tombait plutôt bien : il aimait se mettre en danger inutilement.

Il finit par faire demi-tour, rejoignant ses camarades et le bout de viande qu'il avait laissé là.

— Ca a l'air accessible, se contenta-t-il de dire avant de s'installer de nouveau à sa place, et de finir d'engloutir son steak.

Manger aidait. Il se sentait déjà un peu mieux.

Joaquín 4/13PV