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 Peau de loup, peau de renard | PV Atsuko

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Sale Cleb'
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Peau de loup, peau de renard | PV Atsuko Empty
MessageSujet: Peau de loup, peau de renard | PV Atsuko   Peau de loup, peau de renard | PV Atsuko EmptyVen 27 Mar 2020, 20:35


La brise s'immisce sous ton pelage, viens caresser tes os. Elle souffle dans tes cheveux, les boucles s'envolent, tournoient comme autant de petits oiseaux talonnant le ciel. Elle fait danser la lanterne qui luit doucement sur tes flancs, mettant feu de sa lumière aux hautes herbes qui t'encerclent. Elle fait couler tes yeux, la brise qui fouette, la brise qui te porte alors que tes pas vagabondent. Tu es encore petite, et pourtant, ton cœur est déjà sauvage. Il n'appartient à personne. Pas au Panda Maladroit, ni au Guerrier Tigre. Celui-ci sait qu'il ne peut te retenir, tu es comme l'eau qui glisse sur les rochers, tu es comme la brume du petit matin. Tu files entre les doigts, tu te caches, tu disparais. Tu observes. Ton cœur appartient au vent du printemps, au ciel d'orage, à la nuit qui murmure.

Tu te laisse porter, mais tu n'avances pas au hasard. Tu te sens guidée. Il est différent de toi, et pourtant, il habite en toi. Tu ne sais qui il est, mais tu sais qu'il est distinct. Aujourd'hui, il te pousse vers la Rougelande. Tu n'y est encore jamais allée, jeune Atsuko. Tes grand yeux de coucher de soleil s'agrandissent à la vue de cette immense étendue d'herbe. La neige n'a presque pas touché ces terres, et le peu qu'il reste disparaît rapidement, but à grande gorgées par la terre qui a soif. Elles bougent, ces herbes, elles dansent et se mouvent comme si elles n'étaient qu'un. Elles t'observent, tu le sais. Au loin, ton regard curieux est attiré par un troupeau de gnous qui broutent, leurs grandes queues fouettant l'air comme des fouets. Le vent te porte leur odeur musquée, et l'instinct de chasse te chatouille. Mais tu es trop petite encore, Atsu, il te devra attendre. Tu t'approches, silencieuse, paisible. Tu les regardes déambuler, leurs grands yeux de jais humide cachés par de longs cils, leurs corps musclés se mouvoir sous leur peau grise. Quelques nouveaux-nés gambadent aux côtés de leurs parents, portés par la joie qu'apporte la saison nouvelle. Tu aurais passé longtemps à les observer, petite louve, mais quelque chose accroche ton regard, à la droite du troupeau, non loin. Il a des oreilles pointues semblables aux tiennes, un petit nez fin, des yeux à la pupille fendue qui rayonnent d'intelligence. Il te regarde, droit comme une statue, assied, sa majestueuse queue enroulée autour de ses pattes. La brise t'informe qu'il s'agit d'un renard, mais il te semble pourtant différent. Il ne porte la robe riche des feuilles automnales, il ne porte les couleurs des braises rougeoyantes. Il est de jais et de cendres, seuls son regard perçant d'un remarquable orangé clair. Tes narines frémissent. Il t'attends. Toi, qu'attends-tu ?

Ton corps fin s'élance avant même que tu n'y réfléchisse. Tu n'y peut rien; ton instinct est fort, impitoyable, et tu lui réponds, parce que c'est ce que tu fais le mieux. Tu vois le renard faire volte-face au ralenti, sa queue touffue volant derrière lui comme un étendard, t'invitant à le suivre. Les herbes te fouettent les membres, le visage. Le troupeau s'enfuit à son tour, alerté par la commotion que tu crées. Il n'est pas difficile à voir, ce petit renard étrange. Sombre dans cet univers clair, il se détache du reste comme une tache de sang sur un loup blanc, couleurs inversées. Tu sens le choc dans tes pattes à chaque bond, la brûlure douce de ta respiration dans tes poumons. Il semble si près et si loin à la fois, surréel, d'un autre monde. Tu te demande un instant s'il n'est pas fruit des illusions que tu fais naître, mais son odeur terreuse te rapporte à la réalité. Tu ne sent pas de peur en lui, étrangement. Les autres animaux que tu as pourchassés laissaient tous dans leur sillage une odeur indéniable de peur, de panique, même. Mais pas lui. Ce renard de cendres était calme. Confiant.
Cette singularité te pousse à galoper plus vite, à essayer de le rattraper, d'enfiler son pas. Tu dois découvrir ce qu'il te cache. Il n'est pas comme les autres; tu le sens.

Et toi, Atsuko, toi aussi tu n'es pas comme les autres. Alors qu'il ne cesse de te filer entre les pattes, tu remarque que ce renard unique te copie. Toi aussi, tu nargues les autres, tu t'amuse à les regarder chercher à te comprendre. À percer ton silence, tes paroles haikus. Mais tu file, file, file... sans jamais te laisser saisir.
Tu t'es toujours sentie un peu différente. Ces louveteaux qui pleurent, qui jouent ensembles, qui s'accrochent à leurs parents comme un écureuil s'accroche aux arbres. Toi, tu ne pleures pas. Tu ne joues pas avec les autres. Tu n'a que faire de tes parents. Tu es déjà ta propre personne, indépendante, à part des autres. La vie sociale ne t'intéresse que peu, car tu ne retires pas grand chose des interactions avec les autres. D'ailleurs, tu ne les comprends pas. C'est un sentiment étrange, tu sais, petite louve. De voir les autres, sans vraiment les voir. Ils te semblent bizarres, et pourtant, c'est exactement ce qu'ils pensent de toi aussi, mais tu ne le sais pas. Tu n'arrives pas à te figurer qu'ils ont eux-aussi une conscience, une vie qui leur est leur. Ils ne sont que figurants dans ton histoire, Atsuko. Es-tu également une figurante dans la vie du renard que tu chasse ? Plus tu cours, plus tu t’essouffles, la frustration s'empare de toi. Peut-importe à quel point tu te crois proche, il est toujours plus rapide, plus loin que ce que tu ne crois. Un coup de patte de ta part, tu trébuche, il voltige, s'enfuit de ta portée. La réalité semble se mêler aux rêves, tu ne sais plus ce qui est ciel, ce qui est terre. Seul compte ton renard, votre course-poursuite folle à travers la Rougelande. N'est-il pas magnifique, différent ainsi ? Tu voudrais être comme lui, tu t'imagines, renarde, courir à ses côtés avec la vitesse du vent qui hurle, avec la grâce d'un chat qui se louvoie. Il n'est pas différent de toi, Atsuko. Se battant pour sa vie, jouant avec ton esprit comme tu aime jouer avec celui des autres. Se riant des traditions, se riant des coutumes, des règles établies. Si un renard pouvait être renard sans être roux, pouvais-tu être louve sans l'être ? L'instinct de chasse qui te motive se métamorphose, tu ressent quelque chose qui te perturbe. N'est-ce pas un bout de ta propre queue que tu fois, devant toi ? Le reflet scintillant des cornes sur ton front ? Tu t'arrêtes, secoue la tête. Tu fermes les yeux, haletante, incertaine de ce que tu as vu. Le petit renard cendré a disparu, seul les hautes herbes s'étalent devant toi, dans tous les sens.

Tu te sens mal à l'aise, soudainement. Observée. Il est peut-être temps de rentrer.
Un volte-face, et tu t'arrêtes net.
Des oreilles pointues semblables aux tiennes, un petit nez fin, des yeux à la pupille fendue qui rayonnent d'intelligence. Il ne porte la robe riche des feuilles automnales, il ne porte les couleurs des braises rougeoyantes. Il est de jais et de cendres.
De jais et de cendres.

Si près. À quelques mètres à peine. Tu es comme hypnotisée, petite louve. Figée.
Sans même ne t'en rendre compte, une illusion se forme autour de toi, particules volatiles bleutées qui se posent sur ton visage comme un masque. Tu te retrouve avec son visage, calqué par-dessus le tiens. Identique. Les mêmes petits yeux perçants, le même museau long et fin, le même air défiant et malin. Il s'approche de toi, lentement, et tu ne bouges pas. Il touche ta truffe de la sienne.
Et s'enfuit alors que ton masque illusoire se dissous dans l'air comme autant de lucioles d'azur.

Tu le regardes partir, une expression mystérieuses sur ton visage encore enfantin. Qui ne te connaisse pas ne remarquerait rien de changé en toi, Atsuko. Mais tu le sentais. Il était bien là, posé au fond de tes prunelles. Qui regardait à travers tes yeux, sentait à travers ton nez, te murmurait des phrases, des mots doux. Celui qui auparavant n'avait guère de nom, celui qui se mouvait en harmonie avec toi, invisible. Celui qui te rendait différente, celui qui te disait des plans de toutes sortes à l'oreille, les meilleures cachettes pour échapper aux adultes. Il fait désormais partie de toi à part entière, le seul qui a de l'importance, le seul qui compte pour toi, maintenant et à jamais.

L'Esprit du Renard.

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