Ruine - Maxim

Vous dormiez, loups. Profondément. Et puis, juste après l'appel de cette mystérieuse voix, vous vous réveillez. Enfin pas vraiment. Votre esprit sait qu'il dort, qu'il est loin de son corps d'origine. C'est une sensation étrange, mais ce monde, aussi insolite soit-il, est réel pour votre nouvelle enveloppe charnelle.

Ruine, tu es une poule faisane !
Maxim, tu es un lapin arctique !

Allez donc récupérer ces œufs avant qu'il ne soit trop tard. Car vous le sentez. Quelque chose déchire le continuum ici. Quelque chose de puissant. Et il vaut mieux fuir avant que ça n'y parvienne. Le réveil risquerait d'être beaucoup plus brutal que prévu...

Oh. La tête faisait un peu mal. Elle n'aimait pas ça. Ruine n'était qu'une enfant capricieuse, et clairement, la situation la dépassait. Elle dormait contre maman. C'était sur. Proche de Cendres et Momon. Et du lait. Très important. Et puis là, elle se réveille. En pleurant. Comme d'habitude. Elle a rêvé d'une voix terrifiante. Mais aucune lèche ne vint. Aucun mots rassurant.

Alors elle ouvre les yeux.
Et pleure de plus belle.

Elle a été transformé en oiseau ! Alors ses frères avaient raison, elle avait bien du sang de piou piou en elle. Et ça a finit par prendre le dessus sur son sang de loup. Oh non. Elle ne voulait pas être un petit poulet. Et encore moins un bébé faisan.

Alors elle cherche du réconfort.
Là, un petit lapin blanc. Tout beau. Tout doux. Il sent le loup, comme elle. Comme les autres. Alors elle accoure vers lui, en pleurant à chaudes larmes.

- PIIIIiiiiiiii on, on... hoc, oh on est des... des nourritures ! PIIIiiiiiiiii-

Elle aurait au moins voulut être du lait. Pour se laper elle même à l'infini. Et voila qu'une étrange de créature lui demandait de trouver des œufs. En la transformant en poulet. C'était horrible. C'était pas drôle. Et pas gentil. Elle voulait pas.

Pis ils étaient où, d'abord, les œufs, hein ?

Dormir, c'est bien.
Dormir, c'est cool.
C'est cool quand t'es bien au chaud dans ta tanière, sans rêves. Un sommeil profond et confortable, où t’es jamais dérangé, jamais interpellé, t’as pas de tâches à faire, pas à te soucier des frères et sœurs chiants, pas à te soucier des attentes parentales, tu peux enfin te permettre d’être une larve recroquevillée et inutile à la société mue par le simple désir biologique de se reposer. T’es même pas conscient que tu dors, t’es juste flottant dans un vide dénué de sensations, suspendu dans ta perception du temps, un peu comme quand t’étais dans le bide de ta mère et que t’avais rien à te soucier, t’étais même nourris directement par un tuyau express, pas besoin de mastiquer, de forcer, rien. Comme Uber Eats, mais en mieux. Nah, en fait, comme si Uber Eats avait un tuyau directement connecté à son camion de livraison jusque dans ta bouche d’affamé post-confinement heureux de pas avoir à te déplacer ni même à avoir de contact avec le livreur peut-être infecté au corona. Hm. Ouais comme ça.

Là, c’était pas un de ces sommeils paisibles-là qui s’occupait du cerveau endormis de Max. Non. Certainement pas. C’était blanc, c’était inconfortable, c’était bruyant, c’était tout comme si elle était éveillée, mais en bizarre. Les sensations un peu transparentes, mais bien là, comme si elles fonctionnaient à travers de la ouate. Pas d’Uber Eats pour toi aujourd’hui. Elle est juste là, en plein milieu d’un paysage qu’elle ne reconnait pas, elle se souvient pas comment elle est arrivé là. Y’a comme un tambour qui tape dans l’air, un tambour très très très rapide, comme la batterie de Gee Anzalone dans Through the Fire and Flames. Ça lui frappe dans les oreilles, ça sille, d’ailleurs ses oreilles, elle les sent étranges. Elles sont…. Longues. Trop longues. Il y a comme un début d’anxiété généralisé qui lui ronge les organes, le tambour il frappe encore plus vite, elle est étourdie mais elle ne peut pas s’évanouir, parce que c’est dans un rêve, et elle se réveillerais. Un regard à ses pattes et elle bondis de frayeur. What the fuck. What the fucking fuck. Personne s’attends à se réveiller un matin et à voir ses pieds avoir grandi de genre 4 tailles au-dessus. Et ils sont même pas de la bonne couleur. Tu t’attends à voir des pieds bruns, et ils sont blancs. En plus elle saute très haut, Maxim. Y’a de la force dans ses cuisses-là. Plus que dans des cuisses de loup; par rapport à sa nouvelle taille en tout cas. Tout d’un coup l’anxiété descend. Son cerveau endormi lui rappelle que c’est un rêve, et qu’elle devrais peut-être profiter de son nouveau corps tant qu’à être pognée dans un monde magique fucké que sa tête a inventé. Check toé le body, Max. T’es thicc maintenant. Pis blanche. Pis duveteuse. Pis un lapin.

Elle a juste le temps de faire quelques sauts d’essais dans les airs. C’est l’fun, plus qu’elle pensait. Elle passerait la journée à sauter dans son rêve, c’est pas forçant, pas mal moins que si tu sautais à répétition dans la vraie vie. Ça flotte un peu. Pourquoi ? Pourquoi pas. C’est un rêve après tout. Mais ça dure moins longtemps, son fun, quand une poule arrive en braillant. Max lapine comprends pas tout de suite ce qu’elle raconte, mais elle est convaincu que la poulette est un loup transformé comme elle. La poule parle de quelque chose par rapport à la nourriture. Ah, ouais, tout compte fait, c’est vrai que vous êtes de la bouffe. T’avais pas pensé à ça, right ? Mais là, la poule elle crie et elle tape sur les nerfs. C’est TON rêve, pourquoi y’a quelqu’un d’autre ici d’abord ? Maxim lapine blanche voudrais montrer les crocs, mais y’a juste des cutes petites dents de lapin qui sortent. Il me semble avoir déjà vu un truc du genre dans Monty Python. C’est maraboue qu’elle lui répond. Y’a plus moyen de rêver en paix de nos jours.

« Arrête de pleurer comme un bébé, on est délicieuses, so what. Tu trouves pas ça cool ? Tu peux te manger toi-même quand tu va avoir faim. J’compte bien me goûter avant la fin de ce rêve-là. En attendant, on a pas des œufs à trouver ? »

Comment elle savait qu’il y avait des œufs à trouver ? Une voix étrange lointaine lui revient à la mémoire, mais elle repart. Bof. De toutes façons, elle sait là, maintenant qu’il y a des œufs à trouver. Comment elle aime ses œufs Max ? Brouillés, à la coque, tourné crevé ? Je sais pas moi, faut lui demander, mais les œufs de ce monde-ci sont différents, ils sont bizarres, ils font chier les joueuses qui doivent pondre 2000 mots comme ponde des poules pondeuses sont lumières artificielles dans un entrepôt sale, on est exploitées je te déteste Littie. è_é En parlant d’œufs, la poule, elle peut pas lui en pondre ? Pour s’excuser de lui casser les oreilles tiens. C’est pas à pondre que ça sert, des poules ? À la suite de cet intervention divine dont Maxim n’a aucune connaissance, une carapace lui frappe violemment sa petite tête de lapine arctique (on dit pas lièvre arctique d’ailleurs ? ), ce qui la rendra un peu plus irritée, elle vient de où cette putain de carapace ?

« ÉH OH c’toi qui lance des carapaces ? Fait attention on pourra jamais sortir d’ici si tu essaie de me tuer avant qu’on en aie trouvé un seul. D’ailleurs, tu peux pas nous en pondre, des œufs, ça irait plus vite ? »

Il y a quelque chose plus loin, une force quelconque pousse Max à regarder dans cette direction, c’est un dragon, il est gros, il a l’air méchant, et il fait dodo. Au moins lui il a la chance de roupiller !!! Pas comme vous. Vous croyez que s’il dort dans un rêve, il rencontre Leonardo DiCaprio ? Max se dit qu’elle devrait essayer un de ces quatre. Il est joli le coco qu’il garde entre ses grosses pattes, il brille, multicolore, il faut aller le chercher pour l’avoir. La lapine hausse ses minuscules épaules de ouate, anyway, si elle meurt, elle a des chances de se réveiller de ce cauchemar fiévreux, en tout cas elle espère. Il est temps de se lancer dans un beau paragraphe détaillant le dragon comme l’opportunité est à moi et que je dois remplir des lignes. Le genre masculin sera utilisé par défaut mais JE N’ASSUME PAS LE GENRE DU DRAGON. Ce dragon, il est TRÈS grand. Grand comme un gratte-ciel pour la petite lapine arctique et la encore plus petite poule faisane. Grand comme un gigantesque papa devant sa petite fille admiratrice. Il est le plus fort, Maxim le sait. C’est LEUR dragon le plus fort de tous les dragons. Change my mind.

Sa tête est aussi énorme qu’un bison, et les crocs qui en dépassent sont aussi longs qu’une personne debout, faisant frémir à l’idée qu’ils se plantent dans la chair pour vous mastiquer et vous digérer (kinks de style frontpage de Deviantart exclus de l’exemple je m’en excuse). Sa langue fendue sort un peu sur l’un des côtés de sa gueule, sifflant comme un cerf-volant dans le ciel à chaque ronflement qui fait trembler le sol imaginaire. De nombreuses cornes et excroissances poussent sur son crâne tel une forêt écailleuse, sinuant le long de son large cou enroulé autour de son corps longiligne, les côtes dans ses flancs se soulevant à chaque inspiration comme des immenses collines d’herbes hautes caressées par le vent. Ses pattes avant imposantes comme des troncs de sequoia tiennent bien serré entre leurs griffes d’ivoire l’œuf convoité, brillant de mille feux sous la lumière sirupeuse du rêve. Sa queue aussi longue qu’une rivière bats doucement au rythme de son cœur, prête à balayer quiconque s’en approche de trop près. Ses paupières fermées sur son expression calme lui donnent presque un air mignon, à vrai dire.  Il est surprenant de voir cet œuf, si petit en comparaison, tenir dans ses gigantesques doigts sans ne serait-ce que fêler un tout petit peu, la coquille semblant aussi solide qu’il est possible d’imaginer. Tant mieux, Maxim pense, parce que chopper un œuf sans le briser quand t’es un lapin avec une toute petite gueule, ou un poulet avec qu’un bec minuscule et deux ailes inutiles (à part être délicieuses avec de la sauce au fromage bleu), c’est pas du gâteau. Le lapin blanc sautille tranquillement vers le gigantesque dragon endormi, se tournant d’abord vers sa coéquipière pour s’assurer qu’elle suivrait.

« Tu viens ? Fais pas trop de bruit, si tu tiens à pas finir en volaille rôtie. Moi c’est Maxim, en passant. »

Ça lui sembla une éternité, sautiller comme ça jusqu’au reptile qui semblait couché sur l’horizon. Comme des kilomètres et des kilomètres à ne pouvoir que gambader à la vitesse d’un rongeur. Elle eut le temps de penser longuement à sa condition de lapin, vous savez. Elle considéra comment elle était définitivement plus stupide avec un cerveau de rongeur. Plus mignonne, aussi. Mais surtout, elle avait l’air délicieuse. Un mets de qualité. Franchement, si elle se réveillait encore en lapine, elle ne pourrait pas s’empêcher de se dévorer. Qui ne voudrais pas la dévorer ? Franchement, regardez-la, toute juteuse, toute en chair, ça donne envie de faire de la cuisine. Comme un… lapin à la moutarde. Vous ne connaissez pas ? Attendez, je vous explique. Ça prend un lapin (mademoiselle Maxim juste ici), une bouteille de vin blanc, un peu de moutarde de dijon, de la crème fraîche, de l’huile d’olive, de l’ail et de l’oignon à profusion, et des épices au goût. On coupe le lapin en morceau et on le badigeonne avec la moutarde. Hop, dans une casserole, on fait revenir dans l’huile. Ensuite, on fait bouillir le vin avec l’ail et les épices. Retirer le lapin du feu, et verser dessus sa délicieuse chair le vin bouilli. Saler, poivrer et faire cuire à feu doux pendant une heure. À la fin de la cuisson, servir avec une sauce de votre choix et recouvrir de persil pour faire fancy. Voilà. C’est pas très vegan tout ça. Mais Max trouve que ça a l’air bon à s’en pourlécher les babines. Elle s’arrête même pour considérer une de ses cuisses, qui ne le ferait pas ? Avouez. À être transformé en sa nourriture préféré, c’est difficile de pas vouloir succomber à un peu d’autocannibalisme. Je ferai la même si j’étais transformé en gros bol de mac and cheese. Ou en barre de chocolat Lindt. (Vous trouvez pas que ça fait beaucoup de pub dans ce texte ? Je devrais demander à me faire payer par les compagnies pour les clins d’œil ). Après cette réflexion salivante qui dura beaucoup trop longtemps – Ruine devrait se compter chanceuse de pas avoir été le sujet des connaissances culinaires étalées gracieusement dans ce RP et dans la tête de Maxim affamée - , ils approchèrent de leur but, leur trésor, leur destinée, leur œuf magique à saveur de victoire, leur coco de Pâques non comestible gardé par un méchant gigantesque dragon effrayant, leur omelette au premier stade aux couleurs impossible faisant penser à l’étoile d’invincibilité dans Mario Kart, leur ovule d’oiseau solide exposé à l’air convoité par toutes les équipes. En réalité, peut-être ne fût-ce que 2 minutes, mais dans la perception du temps des rêves, tout est possible, et Max le ressenti comme des heures. Ils y étaient, finalement. Elle était épuisée, mais la vue de l’œuf arc-en-ciel lui remonta vite le moral et sa réserve d’énergie. C’était quoi, le plan, maintenant ? En vrai, était-ce vraiment important ? Ce sont les oreilles tiltant de tout côtés et le nez frétillant que le lapin blanc s’approcha des griffes blanches. Elle aurait presque espéré une étiquette « mange-moi » sur l’œuf, ça aurait été concept tsey, lapin blanc. Alice aux pays des merveilles. Whatever.

La lapine, enfin la louve-lapine se dressa et la gronda. Oh non. Elle était méchante. Elle voulait se manger elle-même. Peut être allait elle aussi la manger, elle, cette petite poule ? Oh non. Ses pleurs redoublèrent. Elle voulait ses mamans. Ses frères. Et si eux aussi étaient des poulets ? Oh non, c'était horrible. Maintenant eux aussi auraient des ailes. Elle ne pourrait plus se vanter. Non, non, Ruine n'aimait pas ça. Maman Eva devait être une pie, mais elle n'en vit pas dans les environs. Maman Octavia devait être un paon, tellement elle était jolie et colorée. Mais rien non plus. Quant à Cendres et Momon, elle espérait qu'ils étaient changés en rats. Elle pourrait jouer avec leurs queues comme ça. Les lancer de son bec. Les prendre dans ses petites serres et voler. Oui, oui, ça c'était drôle.

Le jeune poussin parvient à se calmer, faute d'attention. A croire que Ruine est une petite peste princesse. Oui. Oui, elle aime bien cette idée. D'être une princesse bien sûr, pas une peste. Reine Ruine. Oui. Elle pourrait obliger tous les dieux à lui donner du lait. Et ses frères n'en auraient pas ! Ça leur apprendra ! A quoi ? A ne pas être là pour la consoler. A ne pas être des petits poulets comme elle. A ne pas voler. A ne pas rêver d'elle. A être juste là. A exister. A voler tout le lait et l'attention de leurs mères. Oui. Ça leur apprendrait tiens. Ils n'avaient pas qu'à choisir de naitre.

Et puis, quelque chose frappa la lapine. Elle émit un couinement digne d'un poussin qu'on attrape un peu fort, se cachant plus loin, dans les herbes hautes. Visiblement, une carapace de tortue l'avait tapé. Ouch. Fort derrière la tête. La lapine était pas contente. Groguie aussi. Ça devait faire mal. Et elle commença à lui crier dessus.
Alors, Ruine fit ce qu'elle a toujours fait de mieux : pleurer. Geindre. Chouchougner. En cherchant un coupable. Parce que ce n'était pas elle, la lanceuse de carapace. Déjà parce qu'elle était aussi grande que la tortue. Mais aussi parce qu'elle n'avait pas la force de réaliser cette prouesse. Et puis, elle était trop adorable pour être disputée.

Elle fit une moue digne du Chat Potté, dans Shrek bien sûr, pour attendrir Maxim. Elle devait cesser de crier. Elle avait peur. Enfin plus que le fait d'être un mini nuggets sur pattes. Alors peut être qu'en écarquillant ses yeux de poussins, en tirant un peu sur ce bec si peu émotif, elle arriverait à ses fins.

Mais visiblement, la lapine s'en moqua. Oh ! Comment osez t'elle. Ruine méritait toute son attention. Alors quand elle se détourna pour chercher les sois disant œufs, la mine ravagée et attristée de la jeune poule se transforma en un rictus de colère. D'incompréhension.

- T'es pas gentil', siffla t'elle. T'es pas belle ! Moi j'lance pas les to'tues !

Et elle lui tira la langue, espérant faire mouche de ses propos si violents. Et puis... Elle vit ce qui attirait autant l'attention de la dénommée Maxim. Un dragon. Un gros lézard ailé des légendes, des histoires que parfois, un Nahkus leur contait. Un gros dragon. Il était immense. Au moins aussi gros que deux mamans ! Il devait peser aussi lourd que Momon et Cendres réunit ! Il devait manger beaucoup, beaucoup, et surement des petits poulets comme elle.

Alors elle émit un petit gémissement de peur, lâchant au passage une petite fiente. La lapine s'avançait vers lui. C'était pas bon. Vraiment pas bon. Elle aimait pas ça. Maman disait toujours, peu importe la quelle, qu'il fallait pas faire face au danger. Que c'était, justement, dangereux. Il valait mieux rester proche de la citadelle des Nahkus, sous la protection des adultes et de Yurai. De jamais s'approcher du labyrinthe. De ne pas aller sur le territoire lazulis ou etelkrus. De ne pas parler aux inconnus. De ne pas courir dans les escaliers. De ne pas tirer les cheveux. De ne pas manger la terre.

Mamans disaient beaucoup de chose, oui. Elle avait presque tout retenu. Et elle avait déjà fait une bêtise. Elle avait parlé à une inconnue. Une inconnue lapin pas gentille en plus ! C'était sa faute, et elle se demanda si mamans allaient la crier pour ça.

L'autre avait parlé d'un rêve, mais Ruine faisait pas des rêves comme ça. Elle rêvait souvent de sa famille. De son petit territoire entre quatre murs. Pas de grandes plaines. Pas de dragon. Pas de lapin qui parle. Non. Il n'y avait même pas les rivières de lait où elle se baignait régulièrement, faisant boire la tasse a ses frangins. Alors si, ça, c'était un rêve, c'était un rêve caca boudin.

Pourtant, elle s'approcha quand même, terrifiée plus par l'idée d'être seule que d'être aux cotés de Maxim et d'un dragon. Pas un bruit. C'était dur. Elle voulait pleurer. Elle voulait parler. Poser beaucoup de questions. Mais finir en poulet grillé, non, ce n'était pas ça qu'elle voulait. Alors elle ne dit rien, regardant inquiète l'autre femelle s'approcher des griffes du dragon où était rangé l’œuf.
Un sublime œuf multicolore. Oh ! Tout luisant ! Tout lisse ! Tout coloré ! Un arc en ciel sur sa coquille, oui ! Elle aimait beaucoup. Ça lui donna un peu de courage pour avancer et contempler ce précieux butin. Mais comment l'avoir ? Il était dans ses pattes...

Oh ! Elle savait ! Comme quand elle avait prit la tétine à un Momon endormi et collé à cette dernière. En remplaçant son téton par un autre truc du même genre, dans ce cas, un lombric qu'elle avait trouvé proche des marches du temple. Ça avait marché. Un temps. Avant que Momon ne l'avale, ne s'étouffe et ne crie en voyant Ruine collée à sa mamelle, lui tirant tout le lait.

Il fallait donc quelque chose de gros, de rond, ou ovale, elle connaissait pas encore très bien ses formes, pour mettre dans les pattes du dragon à la place de cet œuf merveilleux. Quelque chose comme la carapace que Maxim s'était prise en pleine tête ! Oui ! Sans parler de son plan, beaucoup trop bien à ses yeux, elle galopa de ses petites pattes de poulet pour atteindre l'artefact de la tortue. Elle le poussa de sa petite tête, se rendant compte de sa soudaine légèreté lorsqu'elle n'était pas habitée -la tortue était elle nue quelque part ? - jusqu'au dragon. Puis, profitant elle même de son poids futile, et surtout de sa naiveté quant aux conséquences, elle grimpa avec sur la patte du gigantesque reptile, qui n'en prit pas compte. Il dormait trop profondément. On aurait dit Momon, oui. A roupiller tout le temps.

Puis, avec l'aide de la lapine, oui je joue un peu ton perso déso pas déso mais jvois pas une petite caille faire ça seule mdr, elle remplaça avec la vitesse d'un Indiana Jones l’œuf par la coquille vide. Avant de partir en quatrième vitesse.

Quand elle fut assez loin, le cœur battant la chamade, son petit corps tremblotant, elle se mit à rire. Un petit chant de volaille aiguë, qui aurait fait vriller les tympans des loups ; mais qui, elle espérait, ne ferait pas trop de dégâts à l’ouïe d'un lapin.

- On est t'op fo'tes ! Il est t'op beau ! Plein de couleu' t'as vu ?

Et elle ne put s'empêcher de le contempler, encore et encore, jusqu'à ce qu'il disparaisse, rendu à ses parents originels. Elle fut étonnée de cette magie soudaine, mais aussi quelque peu rassurée. Au moins elles ne se baladeraient pas avec un gros œuf volé.

- Oh ! A pu' ! On fait quoiiiii ? fit elle à la lapine, la regardant avec ses grands yeux de poussins.

Génial. Maxim était aux prises avec un contrat de gardiennage dans ses rêves, maintenant. Roulant des yeux aux remarques du poussin qui s’efforçaient d’être affreusement insultantes, elle haussa ses épaules de lapine et fit une moue qui se traduisait clairement en «j’men balek ». Malgré leurs petites piques, et avec une chance incroyable vu le pleurnichage du bébé, ils réussirent à chopper l’œuf multicolore qui dormait entre les griffes du prédateur mystique. Il se réduisit d’ailleurs à la taille d’un œuf de pâques en chocolat, tout petit, facile à garder sur soi. Max le garda quelque part dans son poil une fois que le poussin eût terminé de l’admirer. Elle semblait avoir oublié de pleurer et ça faisait grandement l’affaire de la lapine grognonne. S’ils en trouvaient d’autres, peut-être réussirait-elle à garder le bambin d’une humeur plus joviale ? Motivée maintenant qu’à l’idée de ne plus entendre pleurnicher dans ses grandes oreilles sensibles, elle fit un grand sourire à la petite Ruine qui lui demandait ce qu’il y avait ensuite.

« C’est vrai qu’il est joli ! Tout ça grâce à toi ! »

Le ton était affreusement sarcastique, mais Max était convaincue que ça passerait dix pieds au-dessus du petit crâne de l’oiseau comestible.

« Regarde, un peu plus loin, il y en a un autre qui nous attends ! Tu le vois ? Il est tout bleu. Va le chercher, il est tout facile, que pour toi ! »

Allez petite poule, cours faire les courses pour tata Max. C’était peut-être pas si mal au fond, d’avoir un bébé avec soi.

Oh ! Un compliment ! Si elle n'avait pas tout ce plumage, probablement rougirait-elle. En tout cas, ses plumes gonflèrent d’orgueil et un large sourire d'innocence stria son visage juvénile. Elle aurait voulu lui dire merci, mais un autre œuf l'attendait. Oh, oui ! Une mission ! Max le lapin devait voir à quel point elle était responsable ! Alors, sans attendre, elle couru vers l'oeuf, avec la vague impression de porter le monde sur ses frêles épaules.

Pfiou, il était pas loin, mais elle n'était pas habituée à courir sur deux pattes. C'était nul, deux pattes. Quatre c'est mieux. C'est plus donc c'est mieux. En tout cas, il était joli, lui aussi. Tout bleu, tout brillant. Elle lui donna un petit coup de bec, comme pour l'embrasser, ou le lécher. Petit réflexe aviaire. Ou enfantin. Elle même ne savait pas trop.

Mais bon, Max lui faisait confiance pour cet œuf, alors elle devait lui amener. Oh hisse, la saucisse ! Collant son petit corps, elle chercha à le faire rouler. C'était plus compliqué que prévu, mais elle était grande, elle ! C'était plus un bébé ! Elle faisait presque plus sur elle la nuit d'ailleurs ! Et ça, ses mamans en étaient très fières. Elles lui disaient toujours quand elle était bien sèche au réveil. "Tu es une brave fille !". Ah, si mamans avaient pu la voir chaparder un dragon !

Et pouf ! D'un dernier petit coup d'aile, elle largua l'oeuf aux pattes de la lapine. Il disparu, comme l'autre, et toujours avec autant d'émerveillement, elle applaudit de ses petits chicken wings.

- Ouiiii on est t'op fo'tes !

C'était, très clairement, le meilleur duo. Déjà deux oeufs !

Hop hop ! La lapine est fière d'elle, trop bien ! Ruine claqua de ses petites ailes pour affirmer son enthousiasme. Finalement, c'était pas une grosse méchante louve, enfin lapine ; mais une amie ! Peut être même pour la vie ! Alors quand elle lui propose de monter sur son dos, la jeune piaille de joie ! Oh oui, un rodéo ! Elles iront vite comme ça ! De vraies fusées dans la plaine ! Elles attraperont tous les œufs, et peut être qu’après, les grosses créatures seront contentes aussi ! Elle pourra peut être même en gouter un !

Et c'est ce que Maxim fait ! Elle croque l’œuf ! Hop, comme ça, comme un flamby ! Mais il est gros, ouh lala. Trop gros. Le lapin couine de douleur et se roule en boule dans l'herbe, dégageant le poussin de son dos d'une manière peu orthodoxe. Ruine aussi roule, mais elle, elle s'en fiche. Elle est si légère maintenant que ça fait plus pouf pouf pouf que vlan blam ouille !

Alors, pendant que la grande se tortille, elle, elle s'approche.

- Mais t'es bête ! Faut pas les manger, sinon le g'osses bestiol' elles vont pas ê'tes contentes !

De son petit corps, elle fit rouler l'individu rosé, l'entraînant là où elle avait placé les autres. Décidément elle faisait tout le boulot ! Au moins sa récompense serait que plus belle, n'est-ce pas ? Peut être une rivière de lait ! Où se baigner, où jouer, où boire. Les trois trucs intéressant dans la vie, d'après Ruine et ses vingts jours d'existence.

Cette aventure chocolatée avait fini par bien plaire à la louve (lapine) en quête de sens. Ce rêve n’en faisait absolument aucun, d’ailleurs, mais il y a quelque chose au cœur des rêves qui permet de s’échapper de son monde pour quelques heures, d’oublier ses soucis et ses regrets, de ne vivre qu’à la fleur de ses désirs les plus farfelus et de laisser tout le reste de côté jusqu’à notre réveil. Si elle n’avait pas perdu son caractère aussi acre et explosif que de la poudre à canon, elle se permettait de renouer pour la première fois avec les joies d’une enfance qu’elle n’avait jamais vraiment eu. Ce petit poussin Ruine, bien qu’énervant, avait une innocence infinie qui rendait le tout aussi irritant que léger. Mais surtout léger. Après tout, ça ne l’avançait à rien de se fâcher contre un stupide poulet tout en étant transformé en un stupide lapin. Ils étaient sur des plateformes volantes, dans un monde ou des œufs magiques tombaient du ciel, et où leur seul objectif était de les ramasser pour les collectionner, et de parfois lancer des carapaces et manger des baies. Pas de Prêtresse Rose déçue du chemin de ses enfants, pas de jalousie fraternelle à gérer, pas de lourds secrets à garder. Juste du rodéo avec un poussin qui parlait beaucoup. Au fond d’elle, la Maxim brûlée par sa vie souhaitait que ce rêve ne finisse jamais. Elle aurait voulu rester ici pour toujours, à sauter gaiment d’œuf en œuf, et à se jouer gentiment de l’innocence d’un bébé. C’était vrai, ce qu’ils disaient sur les louveteaux. Quand ils vous énervent, n’a besoin que de leurs donner des « défis » qui les éloignent de vous et leur font faire ce que vous voulez, et vous avez gagné. Trop facile.

Bon, cette fois par-contre, la jeune loupine était bien décidée à en attraper un seule, ou même à moitié seule, pas question que ce soit l’ouseau qui se choppe tout le fun. Et plus de dents sur les œufs, ça c’était clair. Avec seulement quatre longues dents à l’avant plutôt qu’une poignée de petites dents de scie tranchantes, elle comptait bien essayer de les garder. Si elle restait prise dans ce monde étrange, elle espérait au moins pouvoir manger du solide, pas du mou comme les mémés. Le prochain œuf était d’ailleurs juste là, en équilibre dans les branches d’un arbre non loin du duo. Elle fit signe à Ruine qui avait été éjecté hors de son dos son nouvel objectif. Elle fût surprise à quel point il fût aisé de grimper à l’arbre, même avec ses membres de lapin bizarres, en s’agrippant progressivement à des branches basses. Cependant, avec son poids, il était impossible qu’elle arrive à se percher sur la branche à coco sans le faire tomber et possiblement le briser. Elles ne pouvaient pas prendre ce risque. Le sentiment d’urgence grandissait dans son esprit, une menace qu’elle ne voulait pas risquer. Elle tendit ses longues oreilles vers le bas.

« Viens, monte ! Je suis trop lourde, je n’y arriverai pas seule ».

Maxim avait raison. Rien ne mieux qu'un enfant pour faire vos corvées pour peu qu'on les mettent au défi ou qu'on en fasse un jeu. Et Ruine était très joueuse, doublée d'un gros esprit de compétition. Les œufs, elle les voulait tous, pour elle seule. Et un peu pour sa partenaire aussi. Mais juste un peu. Car ça, c'était comme le lait, ça se partageait pas. Ou un kinder bueno mais askip là jfais du placement de produit. Quoiqu'il en soit, quand la lapine en découvrit un énième, le poussin bondit de joie, accourant le voir.

Elle s'arrêta net devant un arbre, bien haut pour leur si petite carrure. Levant la tête, elle ne put qu’apercevoir un trésor en coquille, là, tout perdu, tout perché entre les branches.

Hm. Il était haut. Très haut. Et même Maxim, qui était pourtant une grande, ne parvenait pas à l'atteindre. Il fallait donc faire la courte échelle. Et c'est ce qu'on lui proposa. Lui monter dessus était une bonne idée, même si la gamine commençait à vraiment penser faire le travail seule. Mais qu'importe. Un œuf, c'était un œuf. Alors, elle planta ses petites serres dans la fourrure de la lapine, au niveau des hanches, et agita ses petites ailes pour s'aider dans son escalade. Hop hop, petits pas sur son dos, sur ses épaules. Mont Lapin fut plus rude que prévu, surtout au vu de sa difficulté à trouver un équilibre maintenant qu'elle était sur deux pattes. Mais elle y parvint, non sans arracher quelques touffes de poils de ses griffes incontrôlées.

- Désolée... fit elle boudeusement, une fois avachie sur le crâne du quadrupède.

D'une petite impulsion du museau, elle parvint à franchir les premières feuilles, déboulant au cœur du chêne.
Hop hop, elle parvint à atteindre la branche la plus proche d'un petit saut, puis, à s'approcher assez de l’œuf pour l'effleurer. C'était bien pratique, d'être aussi légère et petite. Petite poule qu'elle faisait, de quelques grammes à peine, la voila à pousser l'oeuf en direction de Maxim.

- Att'ape ! hurla t'elle en direction du sol.

Elle attendit que la femelle se place, prête à réceptionner le bien, puis, elle le fit tomber. Zou, a plus ! Il fut attrapé par deux grosses pattes pelucheuses, sans un éclat. Et de son poids plume, Ruine sauta à son tour, atterrissant mollement dans l'herbe. Un rebond. Un second. Et elle roula avant de se relever. Oui. Ça avait vraiment du bon que d'être aussi petite et chétive. Même la gravité semblait vouloir vous donner votre chance.

Mais pas le temps de s'extasier à chaque petits faits de son tout nouveau corps. Elle gratta un peu le sol, s'ébroua, comme par instinct, puis darda son regard innocent sur les environs. Il leur fallait encore des œufs ; Toujours plus d’œufs. Et celui que Maxim rapportait n'était que le début, elle le sentait !

Les petites pattes de Ruine étaient plus pointues que prévues. Mais en serrant les dents et en lâchant quelques jurons mentaux, ils y arrivèrent, et l’œuf décoré de branchages fût largué directement dans les pattes blanches de la lapine, avec la précision d’un sniper dans les forces spéciales. Elle était tout de même douée la petite ! Une fois leur trésor rangé bien en sécurité, Max aida le poussin à redescendre du végétal, sans nul besoin pour des serres enfoncées dans sa peau cette fois. Elle haussa les épaules, se disant que le poil arraché servirait aux oiseaux imaginaires de ce pays de rêves à se construire un nid pour leurs enfants en chocolat. La louve-lapine se gratta frénétiquement derrière les oreilles de sa grande patte de Pan Pan pour dissiper la piqûre des pattes de Ruine, tout en plissant ses gros yeux mignons à la recherche du prochain œuf. Rembarquant la concernée sur son dos pour gagner du temps, elle se mit à bondir tranquillement vers un point random du paysage. Les œufs semblaient en effet spawner un peu au hasard, et elle ne fût pas déçue lorsqu’ils en virent un nouveau, posé tout tranquillement sur l’herbe. Un autre violet !

« Regarde ! Encore un autre ! On fait la course ? »

Accompagnant sa proposition d’un clin d’œil amical, elle remis le petit oiseau sur le sol, sa queue ouatée frétillante d’avoir réussi à en apercevoir un autre. Pattes de lapin versus pattes de poussin, l’issue d’une réelle course à l’œuf n’était pas bien difficile à deviner, mais peut-être bien que Max laisserait son ego de côté pour laisser le petit bambin excité gagner.

5 OEUFS

AH ! non ! Maxim avait repéré l’œuf avant elle ! C'était nul en fait d'être petite, elle voyait pas plus haut que le bout des herbes, alors que la lapine était toute grande, elle ! Alors quand elle décida de faire la course, sans même l'attendre, elle se gonfla de colère. Ouh lala ! Ruine n'allait pas se laisser faire ! Attends voir, Maxim, que son bec vienne tâter des petites fesses ! De ses petites pattes, elle commença à galoper. Hop hop hop, mais elle n'était pas très rapide. Enfin si, pour un poussin, ça allait. Mais face à un lapin, monté sur ressort et clairement taillé pour la course, c'était une autre histoire. Mais qu'importe ! Elle allait se battre pour cette course !

PETITS PAS.
PETITS PAS.
PETITS PAS.
SAUT !

Et bim, à terre. Elle roula de toute sa vitesse prise en aval avant de s'arrêter contre les fesses de la lapine, totalement groguie. Elle se releva, tituba un peu, avant de s'étaler de nouveau sur le sol. Elle eut alors un rire franc, clair, et un peu suraiguë.

- T'as gagné ! B'avo !

Et de ses petites ailes, elle applaudit ; enfin tenta, car ça ne faisait pas beaucoup de bruit. Elle se releva, une fois la tête ne tournant plus, pour inspecter l'oeuf. Encore un rose-violacé, là, tout perdu et seul sur l'herbe. C'était bizarre quand même, de les laisser là. Mais au moins, c'était simple !
Alors, avec l'aide de Maxim, elle le poussa vers l'endroit où ils disparaissaient, espérant que celui ci retrouver aussi sa maman.

Parce que au fond, Ruine commençait à vouloir un câlin de l'un de ses mères. Et même de ses frères.