Yersine - Anette

Vous dormiez, loups. Profondément. Et puis, juste après l'appel de cette mystérieuse voix, vous vous réveillez. Enfin pas vraiment. Votre esprit sait qu'il dort, qu'il est loin de son corps d'origine. C'est une sensation étrange, mais ce monde, aussi insolite soit-il, est réel pour votre nouvelle enveloppe charnelle.

Yersine, tu es un coq cemani !
Anette, tu es un lapin géant des flandres!

Allez donc récupérer ces œufs avant qu'il ne soit trop tard. Car vous le sentez. Quelque chose déchire le continuum ici. Quelque chose de puissant. Et il vaut mieux fuir avant que ça n'y parvienne. Le réveil risquerait d'être beaucoup plus brutal que prévu...

Ok. Il avait mal dormi. Tout éreinté dans un corps étriqué, après avoir rêvé d’œufs et de voix mystiques ; il s'éveilla. Pas du tout à l'endroit où il s'était assoupi la veille. Oh bordel, il avait encore été téléporté par le caprice d'un quelconque dieu. Où était-il désormais ? Etelkrus ? Raeders ? Un monde vaporeux aux créatures surnaturelles ?

Il se leva et chercha à marcher ; avant de tomber tête la première dans l'herbe verdâtre du printemps. Ses pattes avant ne réagissaient plus. Ou plutôt, n'étaient plus. Là, quand il les contempla, il ne vit que deux ailes. Deux belles ailes noires aux reflets verts, bleus et violets. Posées sur un corps plumeux, lui même sur deux pattes d'oiseau.

Oh.
Putain.

Il s'agita un bref instant, dans un gloussement et caquètement qui n'était clairement pas propre à son espèce. Et puis, quand l'épuisement vint, que le calme reprit sa place dans son esprit, il put enfin contempler l'énormité de la merde dans laquelle il était.

Ce monde. N'était pas. Mais alors pas du tout. Le sien.
Des îles flottantes. Des animaux en pagaille qui parlent. Beaucoup de lapins et d'oiseaux. Beaucoup trop. Et très, très peu de loups.

Même si, à y regarder de plus près, il y en avait peut être.
Mais, tout comme lui, transformés. Là, ce lapin, par exemple. Une apparence qui, avant, l'aurait fait baver, lui qui ne rêvait plus que de graines et de gratter la terre pour prendre un bain de soleil ; pour une odeur bien similaire à la sienne. Une louve. Etelkrus.

Il s'approcha, quoique méfiant.

- Hé. Tu sais où on est ? Et pourquoi on est... comme ça ? fit il en déployant ses ailes

La voix avait parlé d’œufs. Mais de là à les transformer, et les expédier dans un autre monde. On sait qu'avec le confinement les rayons sont vides, mais c'est un peu abusé pour une simple course, non ? Surtout qu'au premier regard, il ne semble pas y avait autant d’œufs que ça ici.


Quoique.

Elle avait fait un rêve.
Une voix appelait et demandait de l'aide, une aide qu'elle pouvait comprendre. Leurs œufs, leurs enfants, il fallait les récupérer. Mais après s'être intéressée à aider, elle avait eu l'impression d'être tordue, enroulée sur elle-même et essorée comme les capes de son père quand elles étaient pleines d'eau. Puis écrasée et refaçonnée, comme un tas de boue sous les pattes d'un géant. Le tout dans une aurore boréale étrange, des lumières qui avaient dansé autour d'elle comme milles lucioles et...

Et maintenant elle était un lapin faisant face à un piaf, qui avait caqueté et l'avait repéré. Elle avait juste l'impression que lui aussi était un loup dans... Leur monde normal ? La vision se brouillait, les détails passaient vite et lentement à la fois, elle avait l'impression de rêver. Était-ce un rêve trop réel ? Elle sentait pourtant l'odeur de l'autre, solitaire et etelkru. Voyait sa robe noire. Elle se souvenait de ce que Pepper lui avait dit, lui, ce solitaire béni par Kiro qui était sombre de pelage. Qu'elle avait utilisé pour accomplir leurs objectifs.

"Je ne sais pas. C'est comme un rêve. Je sais juste qu'il faut les aider."

Eux.
Les voix.

Alors sa forme lapine se redressa et caracola jusqu'à la poule, posant ses yeux de proie sur les alentours pour dégoter quelque chose. Un œuf, une baie comme lui, peu importait.

C'était malaisant de parler ainsi à ce qui était proie la vieille, et qui, désormais, était loup caché comme lui. Mais soit. Les aider hein ? C'était probablement la seule condition pour redevenir soi même. Ils n'avaient donc pas le choix. Ils s'étaient engagés. Et par conséquent, il avait peur de ce qui se passerait s'ils échouaient.

- Mettons nous au travail alors. Trouvons les œufs. Si ces créatures sont capables de pénétrer nos rêves et nous transformer, j'imagine même pas ce qu'il adviendrait si on ne récupérerait pas leurs œufs...

De son petit bec, il chercha à flairer. En vain. Meh, les poulets étaient plus sur le mouvements hein. Dommages que les œufs ça ne bougent pas putain. Alors il se dressa, et darda son œil sur le monde. Enfin, ses yeux plutôt. Car il voyait enfin en 3D. Ouh, c'était étrange, mais pas le temps de tergiverser. Il s’extasierait sur le monde tout en profondeur plus tard. Et s'adapterait comme il pourrait.

Pour l'instant, c'était les oeufs, et uniquement les oeufs, son mot de pensée.

Se mettre au travail, très bien, ça elle savait faire.
Elle se demandait juste si les lapins faisaient-ils toujours la taille voir plus qu'une poule ? Peut-être pas, peut-être avait-elle juste conservé ses proportions dans ce rêve. Et non pas ses proportions de rêve. Quoi qu'elle-même les aurait qualifié de très charmantes proportions, elle aimait beaucoup le résultat qu'elle avait atteint avec le sport et les entraînements mais... Mais ça ne comptait pas maintenant.
Il y avait un truc, là-bas, comme elle mais marron. Et brillant.

"C'est quoi ce tr-"

Son regard la transperçait un peu, elle en eu presque un frisson. Peut-être valait-il mieux rester calme en présence de cette chose. Du coup elle avança d'un petit bond et arracha quelques brins d'herbe qu'elle se mit à mâchonner, n'avançant plus que pour en glaner d'autres qui auraient l'air frais et juteux, c'était bien ça qu'aimaient les lapins non ? Maintenant qu'elle y pensait, cette herbe était fraîche et ce n'était pas si mauvais que ça...
Quel étrange monde.
Quel étrange rêve.

Oh merde. Voila qu'un lapin en... chocolat les dardait d'un oeil mauvais. Ok. Agir normalement. Ne pas paniquer. Ne pas faire genre c'est étrange, c'est glauque. Poupoulou, vite. Picorer. Du coin de l'oeil, il vit la lapine faire de même, dévorant des brins d'herbes. Il gratta la terre de ses talons, agita un peu ses plumes, relevant régulièrement la tête pour surveiller les environs comme le ferait un jeune coq sur son harem.

Le lapin finit par lâcher l'affaire, visiblement rassuré de leur comportement presque normal.

OK. Ok d'accord. Il aurait voulu avoir des pattes pour se masser les tempes, mais se contenta de fourrer son bec dans ses plumes en soupirant.

- Ca va pas être facile. Il y à l'air d'avoir des lapins et autres conneries du genre en sucrerie qui garde ce royaume. Sûrement les voleurs dont parlait la voix...

Il contempla la vaste plateforme volante sur laquelle ils étaient posés.

- Bien... En toute discrétion et douceur. Ensemble.

Il fit un sourire, enfin si d'un bec on peut sourire, sur la lapine. Il ne la connaissait pas, mais au moins, il était certains qu'ensemble, il ferait de bons alliés d'infortune.

Des bestioles en sucrerie, super.
Au moins le loup à côté d'elle avait de la logique et déduisait rapidement les choses, il était sûrement plus compétent qu'elle là-dedans. Elle, restait la stratège de guerre, ce qui n'avait pas grande portée ici ; les adversaires semblaient plus forts qu'eux. Elle n'était pas habituée à un corps et vie de lapin aussi, là ! C'était injuste.

"En toute discrétion," confirma-t-elle en hochant la tête. "Ton nom ?"

S'ils étaient ensemble et collaboraient aussi bien dans ce rêve que dans leur monde si elle ne se trompait pas, alors elle voulait définitivement retenir son patronyme. Elle se présenterait ainsi à son tour, il pourrait faire le lien si Pepper avait mentionné son nom. Enfin, elle partait du principe qu'elle se souviendrait de tout cela à son réveil, peut-être pas. Elle espérait, ce serait mieux, même si tout ceci était hautement bizarre.

- Yersine. Et toi ?

Il ne chercha pas à se cacher. Déjà parce que désormais il avait l'intelligence d'une poule. Et deuxièmement, parce qu'il fallait faire confiance aux autres dans ce genre d'impasse. Il espérait seulement ne pas se faire sauter à la gorge par ce lapin, ou qu'une quelconque force, genre, la raison, l'en empêcherait. Ils devaient réussir à deux. Et en parlant d"œufs.

Ça puait la mort par ici.
Sans vraiment attendre sa comparse d'infortune, il galopa, d'une étrange rapidité pour sa taille, vers l'odeur. Avec de la chance, c'était une réponse. Ou, dans son cas, le précieux bambin perdu.

Et ce fut le cas. Un bel œuf. Bien terne. Bien puant. Il était pourri. Ou bien avait trempé dans la fange. Urg. C'était insoutenable. Il recula, prit une bouffée d'air frais, puis, retint sa respiration. Pas la peine de vomir pour ça. Il se plaça derrière l’œuf, et d'un coup de patte faible, il le fit rouler vers sa compagne. L'odeur, aussitôt, disparue de sa zone, suivant à la trace le mimosa.

Il reprit bruyamment sa respiration.

- Prend un bâton ou quelque chose. Jpeux pas le soulever avec... ça...

Et il montra ses ailes.
Bon au moins, il pourrait se faire lancer et voler, ou planer en tout cas, vers d'autres horizons et œufs. Mais en attendant, pour récupérer un truc aussi... sale, il valait mieux avoir des pattes fortes. Un bâton en Y devrait suffire. Comme celui-ci, hasard absolument pas haxxé. Il l'attrapa de son bec, et l'amena, non sans un large détour, à la femelle.

- Ch't'ien, chpenche faut l'amener à not' départ.

[250 mots donc]

"Anette."

Pas trop le temps de parler plus que ça puis-ce qu'une odeur leur arriva.
Ça sentait quand même très fort la pourriture, ou les algues, ou les deux ? Elle inspirait ce souffre par sa petite truffe en v de lapine, qui s'agitait de haut en bas. Elle en grimaça, les pommettes saillantes se gonflant un peu sous cette expression. Elle s'approcha pendant que Yersine le poulet essayait de lui demander un bâton. Elle en chercha un mais il la devança et ramena lui ramena l'outil. Elle tourna la tête pour inspirer de l'air là où l'odeur n'était pas trop présente, bloqua, et se saisit du bâton.
Vers leur point de départ, ok.

Elle sautilla autour de l’œuf et bloqua la partie en Y dessus, puis poussa dans le cou pour le faire rouler. Un peu raté, il traîna plus qu'il ne roula, mais elle ne laissa pas tomber. Elle appuya le bâton plus bas et cette fois força une rotation. Ce serait plus sûr pour préserver cette mignonne petite coquille après-tout ! Elle réitéra ce petit mouvement, et y mit graduellement plus de force pour aller un peu plus vite. On ne savait jamais, des fois que le lapin en chocolat bizarre reviendrait. Quel joie, de faire rouler encore et encore cette petite créature qui avait été dérobée. Elle serait bientôt chez les siens.

Distance bientôt parcourue, Anette laissa finalement l’œuf tout prêt de où elle se souvenait s'être éveillée. Elle reposa le bâton mollement par terre et s'éloigna d'une autre cabriole pour reprendre de l'air à plein poumons. Quelle vie que d'être un petit lapin, elle sentait ses pulsations si... rapides.

"Mais qu'est-ce qui peut bien pondre ce genre de truc, bon sang-"

Au moins l'oeuf était à bond port !

Elle parvint à bloquer l'oeuf de son bâton et de son épaule, le laissant rouler au gré des creux et des bosses du terrain. Bientôt, elle parvint à le ramener vers l'endroit où ils s'etaient éveillés plus tôt

Et il disparu.
Comme par magie.

Paf. Évanoui. Probablement était il rentré chez les siens. Yersine ne savait pas trop. Mais au moins il savait le nom de sa comparse. Anette donc. Ça ne lui disait rien du tout. Mais en même temps, en tant que solitaire, ce n'etait pas bien difficile de ne pas reconnaître les noms dans les meutes.

- Va savoir... Tant que c'est ami avec nous, ça me va.

Et de nouveau il guetta du regard un quelconque petit dérobé qu'ils pourraient, à leur tour, voler.

Wolé, un œuf de fait.
Il avait raison, après tant que c'était amical... Mais elle espérait que les adultes n'avaient juste pas la même odeur nauséabonde. Sinon ça aurait été des amis à ne rencontrer que loin de son foyer histoire de ne pas tout empester.

Mais voilà qu'un autre objectif apparut !
Pas le temps de dire ouf, ça avait été presque aussitôt l'autre renvoyé. Anette observa un lapin partir avec à toute volée. Elle regretta de ne pas pouvoir grogner, n’émettant qu'un clapissement surpris. Mais elle se mit directement en route, car les situation où il fallait prendre des décisions et si possible rapidement, c'était son rayon !

"Je le plaque, occupe-toi de l’œuf !"

Et hop, ce fut partit pour poursuivre l'autre lapin quelque chose comme deux dizaines de mètres et elle passa ses pattes au-dessus de lui pour abattre tout son poids dessus. Comme faire la morte, mais en plus violent, un bon gros tacle des familles. Familles comme certains sports, rugby, boxe, tout ça. Elle était grande et grosse même sous cette forme donc autant en profiter. Elle se tourna même un peu sur le côté pour bien écraser l'autre. Pas jusqu'à broyer les os mais pour bien lui faire sentir le poids et lâcher l’œuf.

3 dé, parce que Force. Pour Plaquer.

La lapine réagit avant lui, surprise. L'oeuf qu'ils venaient de repérer se fit chaparder par un lièvre sois leur museau ! Indescriptible sensation que de ne pas gronder, montrer les crocs, ou bondir sur sa cible poussé par l'instinct de traque.

Elle fut aussi plus réactive, plus rapide, le poursuivant avec hargne. Le plaquer, bonne idée. Mais il était rapide. Mais pas autant que lui, de ses ailes qu'il déploya.

Il plana. Pour la putain de première fois de sa vie, il vola. Bien que son équilibre soit précaire, et qu'il soit malmené par les vents qu'il ne connaissait pas encore, il vola du moeux qu'il put. Imitant les oiseaux si jalousement observés. Se targuant finalement de sa nouvelle apparence.

Et puis, il vira de gauche, prenant en chasse l'animal, pour lui barrer la route. Et peut être même le faucher.

Des agi pour le rattraper et lui bloquer le chemin

Bon, bon !
C'était raté, pas de quoi en faire tout un plat. Il n'y avait qu'à réessayer et courser cet affreux comparse en sucre. Déjà sur ses pattes, elle repartie promptement pour retenter un plaquage qui cette fois-ci elle l'espérait, se passerait en bon et dû forme.

D'autres bonds, encore et encore pour rattraper la distance, le petit cœur rapide battant jusque dans le bout de ses longues oreilles, elle coursait. Et quand elle se pensa assez proche de "l'ennemi" du jour elle sauta une nouvelle fois plus haut pour atterrir sur l'autre avec splendeur relative. De toute sa masse.
Elle voulait l'écraser bon sang !

"Donne l’œuf sacré bon sang !"

Elle n'espérait pas le rater une seconde fois, un peu d'espoir. Il fallait croire en les dés et ils le rendraient !

3 dé, parce que Force. Pour Plaquer, encore.

Il parvint à bloquer temporairement le passage, obligeant l'energumène à se stopper pour mieux gérer son tournant et ainsi contourner Yersine le coq tout de noir. Mais trop tard. Dans un bruit sourd, Anette le plaqua, avec tant de violence que c'etait à croire qu'elle était, dans sa vie de louve, une sacrée catcheuse. Loin de la frêle Nocera. Une vision assez étrange. A se demander q quoi elle ressemblait.

Mais pas vraiment le temps de lui demander. Sous le choc, le lièvre lâcha son oeuf, qui roula comme une furie sur le sol. Il fallait le stopper et vite.

- balance le dans le vide ! Fit il en parlant de leur désormais prisonnoer.

Après tout, il était capable d'alerter les autres de leurs manigances. Et Yersine n'avait aucune empathie pour une proie qu'il aurait déjà croqué en temps normal.

Il bondit alors à la poursuite de l'oeuf, usant de ses ailes et de ses serres pour l'attraper en vol.

Elle suivit le conseil du poulet pendant qu'il attrapait l’œuf et d'un grand coup de pattes arrière, catapulta sa victime demi-écrasée. Un peu comme Panpan sur l'arbre mort, mais avec un acolyte lapin. C'était un sacré spectacle et Yersine n'avait pas tord de la penser catcheuse dans leur peaux de loup. Si elle avait été humaine, peut-être... Enfin bon.

"Une bonne chose de faire."

Un petit commentaire de rigueur, car celui-là avait été un peu plus frustrant à récupérer. Mais ce n'était pas finit, il fallait continuer. Puis-ce que le le chokolapine effrayant n'était pas encore revenu, elle se décida à traverser un peu l'espace et se dresser sur deux pattes pour mieux voir autour d'eux. Ainsi pourrait-elle peut-être en avoir un autre.
Enfin, ça c'était si la chance leur souriait et s'il n'y avait pas une autre face "Rien".