Elely - Nocera

Elle tourna le regard ailleurs pour masquer sa déception et lâcha un simple :

Tant pis pour toi, c'était ta seule chance de goûter à la perfection.

De toute façon les lapins ce n'était pas trop son tripe. Elle se leva et toucha l'oeuf qui était devenu tiède, ça y est ! Plus qu'à le ramener au portail avec les autres et pour une fois, c'est elle qui s'en chargea en le calant entre son aile et ses côtes.

"La perfection ?"

Nocera ne la vit par tourner la tête et ne releva pas de si le ton de sa voix était construit avec artifice comme les siens ou bien réel. Elle partait du principe que tout cela n'était qu'un échange de railleries qui n'avait de réel fond, simplement une forme flirtant parfois avec une méchanceté pourtant inexistante. Affairée sur sa pomme, elle se décida à emprunter ce qui avait été fait plus tôt. Il n'y avait pas forcément besoin d'originalité pour un tel moment. Elle balança la tête et se mit donc à fredonner, avant de prendre au volume au fur et à mesure. Puis-ce que Nocera ne... chantait pas, ou très peu souvent, guère quelques airs inventés pour son frère, elle n'était pas assuré dans ses harmonies. Mais fort heureusement, elle n'avait pas une voix de crécelle. Sinon bonjour, elle se serait réellement payé la honte.
Elle changeait simplement parfois de hauteur dans les notes pour réajuster.

La zikmu

J'me lance, j'm'en fiche de c'que les gens pensent
Ces regards qu'on me lance, désormais je m'en fous, Eh!
J'avance tant pis si cela t'offense
Ton avis n'a pas de sens, aujourd'hui je m'en fous

J'm'en fous, j'm'en fous, j'm'en fous
Laisse-moi va faire un tour
J'entends plus j'fais le sourd
J'm'en fous, j'm'en fous, j'm'en fous
Laisse-moi va faire un tour
Pourquoi tu m'tournes autour?
Je m'en fous!

Arrête!
Tu sais plus rien ne me blesse
Tu perds ton temps tu m'teste mais moi je m'en fous
Et au faite non je ne retourne pas ma veste
Que tu partes ou tu restes
Finalement je m'en fous

J'm'en fous, j'm'en fous, j'm'en fous
Laisse-moi va faire un tour
J'entends plus j'fais le sourd

J'm'en fous, j'm'en fous, j'm'en fous
Laisse-moi va faire un tour
Pourquoi tu m'tournes autour?
Je m'en fous! Je m'en fous!

J'm'en fous, j'm'en fous, j'm'en fous
Laisse-moi va faire un tour
J'entends plus j'fais le sourd
J'm'en fous, j'm'en fous, j'm'en fous
Laisse-moi va faire un tour
Pourquoi tu m'tournes autour?

Laisse-moi faire mes affaires
J'te laisse faire des efforts
Quitte à tout foutre en l'air
Ouais au fond je m'en fous
Rien à perdre
Tu as raison oui j'ai tord
Moi je préfère me taire
Ouais au fond
Je m'en fous!  

Un superbe message, toutes en notes alors, pour déclarer cette fausse moquerie face à son "adversaire" du jour. Son "indifférence" face à l'occasion manquée avec elle. Elle avait eu un fond de sincérité dans sa précédente blague : elle ne connaissait pas l'âge exact d'Elely mais elle supposait, elle était jeune. Trop jeune pour elle sans doutes, trop de scrupules lui venaient. Était-elle étrange pour cela ? Elle savait que cela ne dérangeait pas d'autres.

Son regard se posa sur un arbre, et elle y vit un autre œuf. Un bref regard vers la poule et elle le montra de la truffe, puis s'approcha. Cette fois-ci, elle voulait grimper un peu et aider à le descendre, alors elle rassembla des branches sur le sol qui semblaient solides et en fit une espèce de... passerelle, appuyée contre le tronc en pente, pour être plus haut et accéder aux branches basses.
Elle laissa la poule faire ce qu'elle voudrait, et s'y plaça en attendant pour réceptionner l’œuf.

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Derrière elle la voix inexacte de son binôme lui cassait les oreilles mais elle souriait pour sa tentative de grâce complètement échouée. Moiro se boucherait les oreilles avec ses plumes si elle entendait une pareille prestation, heureusement que la fille de la prêtresse était là pour apaiser son ouïe délicate.  Elle déposa l'oeuf et se mit à chanter à son tour sur le chemin du retour, prenant d'abord une douce voix puis elle entonna un rythme rigolo, jouant de ses ailes pour appuyer ses mots.

La pauvre p'tite nono d'en face
Voulut se mêler au tournoi
Mais les autres ont fait la grimace
Quand elle chanta..

Elle tenta une imitation du lapin avec exagération, se brisant presque les cordes vocales, puis reprit sa belle voix pour continuer sa critique ouverte :

Oh ! Tu chantes faux, tu chantes faux
Tu vas nous gercer les oreilles

Tu chantes faux, tu chantes faux
Et nous glacer la peau du dos

Elle prit des leçons de solfège
Chez l'organiste du curé
Puis s'en revint faire le siège
De ce do-mi-ci-l'a-do-ré
Et quand elle vit la ravissante
Toujours en quête de galant,
Elle prit une mine innocente
En lui chantant...

Et la voilà repartie dans une imitation grotesque... Quelle actrice cette Elely, c'est quelque chose qu'elle avait appris de sa mère mais pour le coup il n'y avait rien d'artificiel car elle s'amusait complètement à répondre à ce défis et y mettait son cœur. Elle se racla la gorge et s'approcha de l'oeuf perché pour l'observer les ailes repliées sur ses flancs d'un air contrarié. Pensait-elle qu'elle avait fini ? Et bien non ! Son visage redevint moqueur et, toute souriante, elle répéta en chantonnant avec plus d'entrain :

Oh oh oh oooh !
Tu chantes faux, tu chantes faux
Tu vas nous gercer les oreilles
Tu chantes faux, tu chantes faux
Et nous glacer la peau du dos !

Dernière parole terminée en une exclamation aiguë, cette fois-ci c'était bien pour marquer la fin oui. Comment comptait-t-elle s'y prendre sans l'aide de son irremplaçable partenaire de chasse ? Pff Elely sautilla sur son branchage puis sur la tête de la Nakhus et hop après un coup d'ailes elle arriva aisément sur la branche où était retenu le précieux. Elle était maîtresse dans l'art de l'escalade et de l'agilité, heureusement qu'elle était là.

Que ferais-tu sans moi hein, tu n'en serais même pas à ton 5ième œuf.

Ou au sixième avec de la chance. Elle remua son postérieur et dégagea lachoserondedontonnedoitprononcélenom pour le faire tomber sur sa binôme. Elle avait intérêt de l'attraper où elles mangeraient de l'oeuf brouillé au dîner, non pas que ça déplaise à la disciple rose mais elle préférait une viande bien juteuse qu'elle dégusterait avec ses crocs. Quelle horreur d'être dans le corps d'un poulet, elle n'avait même pas de dents !  

Voilà qu'elle se moquait de sa voix. Nocera récupéra l’œuf.
Très bien !

Nocera allait alors donc prendre le chemin du grotesque et offrir un spectacle d'exagération digne de ce nom.

"Ne t'approche pas trop des flaques d'eau dans lesquelles tu t'admires à la moindre occasion."

La légende racontait après-tout le funeste d'un pauvre personnage de la mythologie à force de s'être miré trop longtemps dans les ondes claires. Peut-être l'autre n'aurait-elle pas la référence, elle l'espérait même un peu pour la laisser un peu suspicieuse. Cela lui inspirait un air aussi, d'une autre créature attirée par son apparence.

Triste ironie qu'en forçant les traits jusqu'à les rendre bouffis, elle ne chante mieux qu'en essayant d'être sérieuse : au moins cette reprise fut-elle ainsi plus drôle et agréable à entendre. Assumer son incompétence aidait à gérer son air, ce qui aidait beaucoup. Nocera vécu sa meilleure vie en raclant dans son larynx des vibratos amplifiés par rapport à l'original et en poussant les notes à l'extrême. Pour les plus aiguës en en finissait par ne plus sortir qu'un filet d'air.
Si on devait se souvenir d'elle pour ces chants stupides, autant qu'ils soient brillamment idiots.
Et donc au paroxysme de la prestance caricaturale.

♪♫♪

Ah ! Je ris de me voir si belle en ce miroir !
Ah ! Je ris de me voir si belle en ce miroir !
Est-ce toi, Elely ? Est-ce toi, réponds-moi, réponds-moi !
Réponds, réponds, réponds vite !

Non ! Non ! Ce n'est plus toi !
Non ! Non ! Ce n'est plus ton visage !
C'est la fille d'un roi, c'est la fille d'un roi, ce n'est plus toi, ce n'est plus toi !
C'est la fille d'un roi, qu'on salue au passage !

Ah, tous étaient ici ! S'ils me voyait ainsi !
Comme une demoiselle, ils me trouveraient belle.
Ah ! Comme une demoiselle, ils me trouveraient belle !
Comme une demoiselle, ils me trouveraient belle…

Et pouf, le précédent ramené, elle trouva un autre petit violet dans l'herbe. Elle le souleva et l'envoya à Elely comme celle-ci lui avait lâché celui de l'arbre.

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Elle secoua la tête avec exaspération et la fixa du coin de l'oeil sans répondre. Elle ne voyait pas pourquoi cela lui causerait du tord elle qui était si belle et élégante d'ordinaire à regarder. Elle n'était pas une disciple du charme et de la beauté pour rien, elle avait beaucoup à offrir !

Serais-tu jalouse d'un simple reflet ?

Elle était peut-être un peu vaniteuse sur les bords mais en temps que louve elle avait de quoi l'être, en revanche avec cette allure de pintade elle était tournée au ridicule et elle en jouait. Rien ne pouvait la vexer alors la Nakhus pouvait y aller et puis ça l'amusait plus qu'autre chose. La tête relevée et les yeux plissés elle écouta la caricature que lui faisait son binôme en lui répondant avec des grimaces indignées. Elle n'avait pas du sang royale alors elle pouvait la jalouser autant qu'elle le voulait, elle n'avait été qu'adopté par une alpha, elle n'était pas sortie de son corps.

Je suis moi-même fille de roi et reine alors je ne crains pas l'insulte.

Elle tira sa langue et poussa un petit gloussement en rattrapant l'oeuf de justesse. Arh ! Jouant avec l'oeuf, elle se mit à bouger son corps dans une danse autour de la lapine et à chanter d'une voix sensuelle en articulant bien les mots :

Je suis une princesse
Je suis une princesse
Je suis une princesse

Une robe assassine
Des talons trop grands
Sur ma bouche j'dessine
Tous mes désirs en brillant

Un parfum me vole
Mon autre, troublant
Cette envie qui me colle
A la folie comme un gant

Même après minuit

En terre inconnue
Danse et je te suis
Comme si j’étais perdue

Loin de ces royaumes
Et ces contes de fée
Toutes mes pages déchirées

Moi je suis une princesse
La reine de ma rue
Oui je suis une princesse
Ennemie du temps perdu

Je suis une princesse
Je suis une princesse
Je suis une princesse

Et hop, elle fit voler l'oeuf jusqu'au portail après une petite pirouette.