Désastre - Hayndriel [TERMINE]

La boue colle aux poils de la lapine, se dépose en quantité sur la coquille de l'oeuf. Elle fut blanche et scintillante, et bientôt ne le fut plus. C'est le marron, sans lumière ni saveur, de la terre mouillée qui prenait le pas sur tout le reste. Et plus d'application il y avait, plus les poules et les lapins des alentours perdaient tout intérêt pour cet œuf.
De feuilles ramassées dans la forêt et tenus dans son bec (là-bas, celle dans laquelle il partit aussi chercher des lianes, et qu'ensemble ils trouvèrent un oeuf si haut perché), Désastre fit un manteau d'automne, collant sur la boue ces petits bouts de végétaux.

Jusqu'à ce qu'il fut camouflé, et qu'ils n'eurent plus qu'à l'emporter, là où plus personne n'en avait quelque chose à faire.

Elle s'était appliquée, la lapine, et trouva cette fois-ci idée qu'il ne rechigna à suivre. Il fit d'ailleurs comme elle, et partit nettoyer son plumage fait de gris et de noir, en strilles élégantes. Se réveillerait-il avec une de ces plumes sous son nez ? Et l'Autre, chose étrange, de se moquer peut-être de lui.

Les plumes à nouveaux propres, et le poil de lapine débarrassées, ils se remirent en route. Une poule aux couleurs de pie le surprit et le fit s'immobiliser, ailes écartées...mais le présent déposé fut finalement chose appréciable.
Ils n'auraient plus à s'en faire, pour leurs oeufs jusque là obtenu. En milieu de palier, c'était chose appréciable.
Et comme bien d'autres oeufs avant, ils trouvèrent un simplement posé sur l'herbe, qu'ils n'eurent qu'à toucher tous les deux pour obtenir.

L'herbe était verte, dense. Elle s'agitait doucement autour de cet œuf si facile, se frottant doucement contre sa coquille porteuse d'une douce couleur pastel. Il fut rose, comme une truffe délicate, presque comme les coussinets pêches de Pepper. Maintenant il est bleu, pâle, comme un ciel d'été, où les nuages ne savent venir y prendre place.
Tout est constatation, il y a peu de rêverie. Désastre manque d'imagination, il ne se base que sur le concret. Les dragons et les démons sont ces exeptions, mais est-ce imagination lorsqu'on y croit ? Il ne sait pas.
Ils ont marchés et lui regarde simplement cet oeuf, qui se dresse devant eux, comme ça.

Quoi dire de plus ?

Parler de la pluie et du beau temps, de la réfléxion de la lapine à laquelle il répond comme il sait si bien le faire.

« Mmh. »

Mmh, d'accord, ok. C'est un peu ces mots favoris, ceux qui ponctuent ses réponses une fois sur deux. Il était étonnant qu'il ait fait tant de phrases déjà. Il y avait été bien contraint, pour expliquer ; elle avait eu de la chance qu'elles fussent compréhensibles, car ce n'était toujours le cas. Cela créait parfois des quiproquos, comme avec Holly. Bien que lui ne l'avait même pas saisit comme cela, et n'avait tenté de se justifier, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Il était comme ça, Désastre. Un peu maladroit, lorsqu'il fallait se mettre à intérargir avec quelqu'un d'autre. Il faisait des efforts mais ceux-ci se voyaient souvent réduire et ramener proche du zéro...
Enfin.
L'introspection était faite, et ce quinzième oeuf touché. Ca fait un palier en plus, youpi.

Te faire parler aurait été une mauvaise idée, de toute façon... Bien que l'on avait jamais tenté de t'escroquer de quelques paroles supplémentaires, se satisfaisant de ton habituel silence et des quelques mots que tu lachais parfois. Tu étais un peu plus bavard avec certaines compagnies, qui étaient parvenu à franchir tes (nombreuses) premières lignes de défense. Pour certaines, elles se trouvaient même en train de réaliser ce même rêve, un peu fou, un peu bancal, dans lequel tu soulevais des incohérences acceptables parce que c'était un rêve, mais qui t'aurait fait focaliser dessus dans le réel. Tu te serais accroché à ces détails, auraient essayé de les comprendre d''une façon bien plus poussé que là, où tu te contentais de passer à autre chose.

Cette lapine aveugle, par exemple. Si tu comprenais qu'elle puisse user de ses oreilles et des vibrations créées par ses pattes en recherchant les oeufs, tu ne comprenais toujours pas comment elle pouvait localiser un oeuf dans les arbres. Ou, pire encore, au fond d'un ravin, sans utiliser l'écholocalisation. Tu voyais Pepper faire, souvent. Un claquement de langue discret, ses oreilles qui se braquent droit en avant, et elle recevait alors les informations sur la distance plus ou moins proche des objets. Mais tu ne l'avais perçu chez la lapine, cette façon de procéder, ce protocole bien huilé que quelques aveugles semblaient maîtriser.
En dehors de Pepper, tu n'en avais après tout pas rencontré d'autres, et sur les terres leur propension devait être bien faible. Toi à moitié sourd, tu ne connaissais pas non plus loup privé de ce sens. Vous étiez tous bien construits, fallait-il croire. Ou presque.

Enfin.
Bref.

Il y avait donc un œuf au fond du ravin, celui dont s'approcha le jeune coq. Il le vit, là, joliment doré. Il faisait penser à une pépite d'or au fond d'une rivière du Mississippi (ou quelque parts en Amérique du Nord, vous saisissez l'idée), et voilà qu'eux devenaient pionner partant le récupérer. Et alors qu'il réfléchissait à comment descendre en toute sécurité, la lapine proposa d'y aller elle, le chercher. Et de prendre le risque de la chute, peut-être.
Mmh.
Il était mitigé à cette idée. Dans le meilleur des cas, elle parviendrait à mettre ce plan à exécution, à aller jusqu'à l'oeuf sans tomber. Dans le pire des cas, elle tomberait, et voilà qu'il se retrouverait seul à partir en quête de ces oeufs. En toute honnêteté, lu vint cette pensée de, justement, pouvoir y parvenir seul.
Prenons-ce risque, alors.
Au pire la lapine se réveillerait, et il lui continuerait à mener à bien cette quête.

En quelques ponds, elle parvint tout en bas, serra contre elle l'oeuf. Puis elle le leva vers le ciel, le tendant à son lui.
Il descendit, mouvement d'ailes souples (c'était agréable, de voler, il regrettait de n'avoir pu si peu le faire dans sa réalité), attrapa l'oeuf et remonta. Le déposant là, sur l'herbe, et le laissant disparaitre, il ne prit la peine de partir chercher une liane.
Au lieu de ça voilà qu'il redescendit en vol, attrapant de ses serres la peau de la lapine pour la remonter de façon plus sécuritaire.

Ce n'était pas un mauvais garçon, après tout...

Il l'avait saisit par la peau du cou, par sa peau tendre et son poil doux. Elle s'était laissé faire sans bouger, malgré le fait qu'il avait omit de la prévenir, ne rendant pas la tâche plus compliquée qu'elle ne l'était déjà. Car la lapine était lourde, et lui un bien jeune coq. Les ailes musclées s'acharnaient à battre l'air avec de plus en plus de rapidité. Ce n'était pas évident, d'ainsi braver sa force et les cieux, quand on était d'ordinaire un loup de la terre. Il était pourtant pourvu d'ailes, si du moins celles-ci étaient en capacité de se révéler... Des ailes qui se détachaient d'une aura rouge, qu'on disait appartenir à l'autre mère. Des ailes qu'il était capable de détendre, et qui malgré leur transparence... étant capable de faire face aux vents. Il avait déjà planer, comme ça.
De véritable envol, par contre... Il n'avait jamais eu l'occasion d'essayer, tant elles ne lui étaient plus revenues.

Il n'était cependant ni déçu, ni affligé, Désastre. C'était... Comme ça, à quoi bon espérer plus ? Il souffle par son bec, ils se remettent en route.

Un oeuf, le prochain. Il le voit là-haut, dans le nid d'un oiseau. Mmh. Ils n'avaient même pas besoin de beaucoup monter, il était presque aussi simple qu'un oeuf que l'on trouve sur l'herbe. Ceux dont on s'approchait sans trop de méfiance, que l'on touchait et que l'on voyait alors disparaitre. En serait-il de même, pour celui là ? Au lieu de l'herbe, de la paille et des branchages. Désastre s'approche, un peu plus méfiant tout de même. Il n'y avait pas non plus de poule, aux alentours, comme il pouvait bien y en avoir pour l'oeuf gardé.
Il met au courant sa comparse lapine, de cette voix morne qu'on lui connait si bien, là où il manque les étincelles de joie et de bonheur, et même l'enthousiasme.

« Un oeuf dans un nid. Je vais le prendre, reste ici et prévient moi si tu entends quelque chose. »

Il est agile alors il monte, il voit les marches qui se dessinent dans la paroi et peuvent accueillir son petit corps. Alors il monte, le panseur Etelkru fait coq aux moustaches dans ce rêve sans doute mené par l'Autre, ou une autre entité aussi mesquine que taquine. Il monte et il ne regarde plus en bas. Il n'a pas le vertige, il a l'habitude des hauteurs.
Avec Narcisse, il montait toujours plus haut. Bientôt, jusqu'au sommet des arbres, il en avait l'ambition et lui aussi, entretenant ce mélange d'amitié et de rivalité pour se dépasser dans leurs propres objectifs.
Arrivé près du nid, Désastre saisit l'oeuf, l'y retire.

C'est sans doute à cet instant précis que la lapine entendra les bruissements d'aile d'un aigle en approche et qu'elle le préviendra de son approche imminente.
Juste avant que lui, Désastre, ne voit aussi le volatile aux larges ailes, bien plus impressionnant que le petit coq qu'il est, s'approcher d'eux.

Il garde l'oeuf prêt de lui et saute en bas, rejoignant la lapine.

« Fuyons. »

Et il se mit à courir, gardant l'oeuf puisqu'il était le plus rapide. Y aurait-il un endroit où se cacher ?

De la lumière ? Il releva la tête.

« ...Je vois un oeuf, plus que de la lumière. Essaye de le porter ? »

Il est trop lourd pour lui.

Il hocha la tête. Elle était forte, la lapine...

Un lapin voleur d'oeuf ! Il se fait rapide, mange la baie laissé par un lapin bien trop scintillant pour ne pas être louche, et le devient encore plus.
Court, petit poulet.