Atsuko - Anita

Pif, paf, pof - les coups pleuvent sur la pauvre créature en chocolat. Si elle n'avait pas été dans un rêve, la petite Anita se serait peut-être soustraite à une telle activité, reculant un instant pour se demander si s'acharner ainsi était bel et bien nécessaire. Tabasser les autres sans poser de question, ce n'était pas vraiment le genre de la petite louve, ni son ambition première. Elle préférait essayer de parler !
Mais peu importe : ça, ce n'est qu'un vilain prédateur en chocolat, et ce n'est pas en bouts de chair et d'os qu'il explose, mais en épais morceaux de chocolat. Elle reprend un peu son souffle et coule un regard satisfait vers sa partenaire. Elles s'étaient bien défoulées et dépensées sur celui-ci, le prochain serait peut-être plus reposant. Alors elles récupèrent l'oeuf tout vert avec délicatesse, celui pour lequel elles se sont si bien battues, et elles reprennent la route en laissant la carcasse de sucre derrière elles. Le marécage continue encore un peu : ses yeux fouillent le paysage car elle a compris que les oeufs peuvent ici se cacher un peu partout, dans les branches, sur les rochers, cachés dans l'herbe... Peut-être même au fond de l'eau ? Elle ne le sait pas, mais sa joueuse lui souffle que si, et qu'il faut bien regarder, et prier le Maître du Jeu pour faire de bons lancers.
Elle ne sait pas ce que cela veut dire, elle, mais elle continue d'avancer à petits bonds, sa copine poule sur les talons.

La misérable créature reposait maintenant sur le sol du marécage en milliers de morceaux de sucre de tailles différentes. Ça aurait été un paradis pour les humains tout ce chocolat, ce qui est en soi bien ironique puisque ce dernier est toxique pour la plupart des animaux, y compris vous. Est-ce que ça voulait dire que ce rêve tenait plus du cauchemar que du beau songe ? Vous promener à taper des créatures faites en poison, c’est un peu étrange comme définition de fun. Mais tout cela ne t’importe peu petite Atsuko, car tu ne penses guère au chocolat, et d’avantage aux œufs. Trottinant aux côtés d’Anita à la fourrure toute fluffy, tu dandines ton derrière de plumes en essayant de garder le rythme, tournant ta tête de tout côtés pour essayer d’apercevoir de nouveaux œufs. C’est pas très malin les yeux sur le côté comme ça, tes yeux de prédateur bien de face te manque, tu te dis que ça serait probablement plus facile d’en repérer.

Mais alors que tu regrettes nonchalamment ton ancien corps, vous avancez tranquillement vers la fin du marécage. Si vous voulez en trouver d’autres ici, c’est maintenant ou jamais. Tu regardes un peu partout, soulevant rochers, fleurs de marais, et brins d’herbes, mais votre nouvelle pièce de collection ne se trouve une fois de plus pas sur le sol. Il est dans les airs, oui, regarde un peu plus haut… il est juste là, caché bien au chaud dans le creux d’un tronc d’arbre vidé. C’est bizarre, tous ces œufs à des endroits si étranges, c’est presque à se demande si quelqu’un les a mis là par exprès.

Elle observe d'un oeil curieux et intéressé la drôle de forme d'Atsuko se contorsionner en tous sens, se tordre un peu partout à la recherche d'un nouvel oeuf, car elles voient bien que bientôt ce marécage prendra fin. Alors elle patiente un peu, lève son nez en l'air pour essayer de renifler quelque chose - les oeufs ont-ils une odeur ? Dans le vrai monde pas qu'elle sache, mais ici, peut-être...- mais soudain la poule réussit à en dénicher un - il est tout simple mais ça leur convient bien, car au moins elles n'ont pas besoin de manquer de se faire griller les plumes, et ça leur permet de passer plus vite à la suite. Anita s'approche pour le regarder d'un peu plus près, puis toutes deux tournent la page - il y a un nouveau portail à traverser pour rejoindre encore, peut-être, un autre biome.
Elles le franchissent ensemble et la luminosité les agresse alors - ce monde là abrite un grand ciel bleu et une longue steppe aux herbes grasses ! Ça lui rappelle un peu la Rougelande, même si à cette époque elle commençait déjà à devenir rouge. Au loin, tu vois un éclat familier : le soleil qui tape fort sur une coquille blanche et marquée de bleu. Elle attire l'attention de sa coéquipière d'un petit coup de patte sur le dos.

— Là, regarde. Encore un oeuf léger dans un buisson !

Celui-là aussi, elles l'ont déjà fait, alors ce sera un jeu d'enfant de reproduire leur stratégie, et ce sera un oeuf de plus à leur collection.

Anita s’approche pour observer l’œuf violet, et tu lui montres tout fièrement. Chaque œuf ramassé de plus vous rapprochait de votre but, et bien que tu t’étais vachement amusée, tu sentais la fatigue et la lassitude te gagner peu à peu. Quittant le marécage, vous traversez un autre de ces portails étranges qui menait toujours inexorablement vers d’autres biomes, et tu te questionnas sur la nature du prochain. Allait-il être une grande montagne ? Une banquise fouettée de blizzard ? Une grotte sous-marine ?

Ce qui s’étendit devant vous était plutôt paisible, la forte lumière contrastant avec la noirceur du marécage vous aveuglant quelques instants. Tu t’arrêtas de marcher, une aile par-dessus les yeux pour essayer de t’accoutumer à ce nouvel environnement. Cet endroit est tout ouvert, recouvert d’un ciel bleu à en jalouser les films de Ghibli, et peuplé de hautes herbes qui font penser à la Rougelande, en moins rouges. Quelques oiseaux en chocolat survole tranquillement vos têtes, comme des spectateurs attendant de voir la suite des choses dans un film d’action. Tu ne serais même pas surprise si tu voyais l’un d’eux tenir du popcorn. Tes yeux encore plissés ne voient pas grand-chose sur le sol, mais heureusement Anita en aperçoit un au loin, et tu la suis jusque-là en sautillant. C’était un nouvel œuf léger appuyé dans un buisson, trop facile, vous en aviez déjà vu un semblable. Il était cependant plus accessible que le précédent, niché un peu moins haut. Tu écarte les branchages de tes larges ailes, laissant la place à ta coéquipière d’aller le récupérer.

Tout se passe très bien et comme prévu, sans le moindre accroc, avec une facilité déconcertante - oui, il était très important d'insister sur toutes les tournures de phrases possibles et imaginables pour grapiller quelques mots, car c'était bientôt l'objectif qu'ils s'étaient fixés qui allait être atteint, alors en avant, haut les coeurs, avançons main dans la main !
Leurs pirouettes s’exécutent, leur mouvements s'emboîtent, la poule et son noir plumage se presse contre le buisson aux belles branches qui se dressent vers le ciel azuré et elle en écarte les longs doigts. La petite lapine s'y engouffre alors, assez délicatement pour ne pas rompre les membres de cet arbuste, et elle récupère l'oeuf entre ses pattes douces et duveteuses aux poils plus sombres que le reste du corps, comme sa forme de louve.
Avec un sourire elle compte à voix haute : dix-huitième, c'était le dix-huitième oeuf ! Cela faisait déjà beaucoup, et elle espérait qu'une récompense à la hauteur les attendrait à la fin de cette quête.
La petite lapine s'ébroue ensuite et repart avec une bonne énergie. Elle fait quelques bonds le long du chemin, renifle un insecte, par-ci par-là (dans ce monde ils sont tous en chocolat alors ça finit par un peu la lasser). Elle se demande d'ailleurs... De quoi se compose le chocolat ? Pour un humain, c'est probablement assez évident. Du cacao issu d'une fève, du sucre, et du lait pour lier tout ça : on pouvait soit le manger en tablette, le convertir en gâteau, ou acheter des délicieuses friandises de créateur... Elle, Anita, n'y aurait jamais le droit. Non seulement elle ne connaissait pas l'art de la création de telles sucreries, mais en plus, c'était toxique pour son genre ! Quel dommage.

Son nez levé en l'air frémit un instant puis s'immobilise - la petite lapine a capté une odeur. Elle fait signe à Atsuko de la rejoindre, car elle en a compris l'origine : ça sent le chaud, comme quand au Castel les adultes oubliaient d'éteindre véritablement le feu qui brûlait dans certains caves en hiver. Et l'air ondule au-dessus d'un oeuf rougeoyant qui semble diffuser une sacrée chaleur ! Alors les deux Etelkrus s'approchent, curieuses de cette nouvelle épreuve. Etait-il aussi brûlant qu'il en avait l'air, ou s'agissait-il d'un leurre ?
Ah ! Assurément, il est bel et bien brûlant ! Anita s'est approchée et a senti son poil roussir, alors elle bondit en arrière et percute son amie par erreur. Elle s'excuse puis fronce les sourcils.

— On peut pas le toucher, lui... Va falloir le refroidir !

Mais heureusement, cette steppe regorge de richesses et de ressources. N'est-ce pas une mare qui est cachée à quelques mètres de là dans les hautes herbes ?
Et, peu croyable mais vrai : c'est un seau en chocolat qui est posé à côté ! C'était si facile ! Anita s'y dirige à petits bonds légers et excités, se saisit de l'étrange ustensile qui laissa un bon goût dans sa gueule, le remplit d'eau, et... Le rapport jusqu'à l'oeuf qu'elle arrose copieusement, dégageant une belle volute de vapeur.
Il n'y avait plus qu'à répéter l'opération un certain nombre de fois !

Est-ce que tu te plaisais dans un corps de poule ? Bien entendu, c'était différent de l'habitude même s'il y avait certains inconvénients : D'abord les yeux placés à l'horizontale autour de ton crâne que tu as mentionné dans le post précédent parce que oui maintenant répéter des idées ne semble pas si fou surtout quand on approche tellement de la fin de l’aventure. Ensuite, n’avoir que deux pattes pour courir, ce n’est pas le truc le plus pratique, surtout quand tu dois essayer de garder le rythme au côté d’une lapine qui a bel et bien quatre pattes et qui saute vers l’avant à toute vitesse, mais en plus c’est dénué de poils ou de plumes et c’est tout maigre et laid, alors ça donne froid. Tu aimerais bien parfois pouvoir les blottir en-dessous de ton plumage épais pour les réchauffer, mais tu n’as pas de temps à perdre si tu veux finir cette étrange histoire avec un bon nombre d’œufs. En parlant de plumes, c’est quoi l’intérêt d’avoir des ailes si on ne peut pas voler ? Tu as essayé quelques fois pendant votre randonnée, mais ça n’a rien donné à part de perdre une plume d’ébène ou deux dans le vent ou de brièvement planer avant de retomber lourdement sur le sol. Ce qu’on ne t’as pas dit c’est que la poule en quoi tu es transformée est designed pour justement pas que tu vole, tu est faite pour être grosse et dodue et délicieuse. Délicieuse pour qui ? Bonne question, mais tu ferais mieux de courir et d’amasser des œufs avant que quelque chose ne t’attrape. Tu aurais préféré la forme lapine de ton amie, au moins elle pouvait rester un mammifère, c’est désorientant de changer complètement de classe, surtout un oiseau obèse un peu inutile qui ponds des œufs à gogo pour les gros appétits de monstres bipèdes et sans poils.

Ce n’est plus le temps de t’attarder sur ton sort petite Atsuko, car au loin se dresse la déformation de l’air caractéristique des objets chauds, annonce infaillible que vous avez repéré un nouvel œuf. Vous courrez toutes deux à sa rencontre, et Anita s’approche de beaucoup trop près, ce qu’elle semble regretter immédiatement en bondissant vers l’arrière. Il est brûlant celui-ci, et il ne faut pas le toucher avant de l’avoir refroidit ! Après un peu d’exploration dans les environs pour une solution, ton amie duveteuse découvre un seau de chocolat près d’une marre. Pratique ! Elle le remplis et, balançant maladroitement dans son petit museau de léporidé, le vide sur l’œuf qui réagis en fumant dans un grand bruit de vaporisation. Tu veux t’y mettre toi aussi, et heureusement un deuxième seau se trouve près de la marre, alors tu ne perds pas de temps et t’y mets toi aussi. Après quelques aller-retours, l’œuf est toujours tiède mais sécuritaire à manipuler sans se brûler, alors tu laisses Anita-lapine le ramasser par gentillesse comme tu en avais déjà pris plusieurs de toi-même. En avant ! Il ne vous en manquait qu’un !