Atsuko - Anita

Paf, pof !
Des nouveaux coups de pattes plein de vigueur - la petite lapine se jette dans la bataille à corps perdu, avec un rire et un cri féroce. Elle est encore une enfant et tout ceci n'est qu'un rêve : elle sent que ce crocodile en chocolat ne peut lui faire de mal, alors elle s'élance sans crainte et elle voit son crâne éclater. Elle accueille la pluie de morceaux chocolatés avec un rire tonitruant.

Elle danse sur place en quelques bonds qui la font virevolter sur place en un tourbillon blanc et félicite sa partenaire.

— On l'a eue, Atsu' !

Elle n'attend pas pour se lancer de nouveau à la conquête du royaume onirique. Elle sent que bien d'autres mystères les attendent et qu'il ne faut pas perdre une seconde - les voix qui semblent chuchoter dans le ciel grondent doucement, et leur intime de se dépêcher pour avancer leur quête.
Alors la petite louve devenue lapin bondit et bondit, de plus en plus vite, parcourant la plaine en fouillant l'horizon du regard - et là, un buisson ! Il est touffu et dans ses branches est posé un joli oeuf, tout blanc et marqué d'un motif bleuté. Elle pencha la tête sur le côté, réfléchit quelques secondes, hésite et danse d'une patte à l'autre : puis tourne sur elle-même pour héler son amie poule.


— Viens vite ! Un oeuf, là !

Elle le désigne d'une patte impatiente et frétille de sa queue touffue : elle attend que la belle poule vert et bleue s'approche pour lui chuchoter son plan à l'oreille : Anita allait se recroqueviller près du buisson et la poule pourrait prendre appui sur son dos pour aller récupérer l’œuf.

Il ne faut jamais oublier que toute chose a une fin; comme ce crocodile effrayant mais fragile qui explose en une pluie de morceaux sucrés foncés. Tu ne peux t’empêcher de le ressentir, les voix dans ton petit crâne de poule qui te martèle de l’intérieur, insistantes. Il faut vous dépêcher, car ce rêve n’est pas comme les autres, et bientôt, il sera trop tard. Il vous faut absolument ramasser les derniers œufs avant que tout ne s’écroule. Une impression bien sombre pour un rêve aussi léger, et tu ne peux t’empêcher de secouer ton bec un petit peu. Il est facile de l’ignorer quand on trotte sur une île flottante à la recherche d’œufs de pâques et en battant des prédateurs en chocolat, mais quelque chose n’est pas normal au sein de ce rêve comateux en collaboration. Tu frissonnes, espérant recevoir un conseil nébuleux du Renard comme tu en as l’habitude, mais le Renard n’a point de pouvoir ici. Il reste, une fois de plus, silencieux comme une tombe.

Tu suis en trottinant tant bien que mal lapine Anita, à moitié inquiète de la suite des choses. Elle file vite, avec ses pattes puissantes, et tu as du mal à suivre le rythme en courant sur tes deux maigres pattes aviaires, battant des ailes en espérant planer pour aller plus vite. Sans succès. Avec un peu de retard, tu finis par rattraper le petit mammifère près d’un buisson, à bout de souffle. Il y en a un tout près, caché dedans, blanc comme l’ivoire et marqué d’un symbole bleu que tu n’as jamais vu avant. Anita te chuchote son plan et tu acquiesces, confiante, montant sur le dos fluffy de ton amie en t’étirant une aile pour le récupérer. Ce dernier roule dans ton plumage sans se briser. Tu fais un grand sourire à la lapine, battant doucement des ailes de joie.

Ils l’avaient presque ! Les voix cesseraient bientôt d’être aussi pressantes.

Atsuko la poule acquiesce à son plan - et bien vite le binôme s'exécute, la lapine fait le dos rond et fait de son mieux pour rester stable et bander les muscles pour soutenir le poids de sa partenaire. De là où elle est elle ne voit rien, mais elle sent Atsuko s'étirer et toucher le buisson dont les feuilles frémissent doucement. La poule descend alors de son dos et lui adresse un sourire : le joli oeuf tout lisse et tout blanc est tombé des branches pour rejoindre ses belles plumes bleutées, alors Anita lâcha un bref cri de joie. Chaque récupération les emplit d'un sentiment d'accomplissement - elles sentent qu'elles sont sur la bonne voie, il ne faut rien lâcher !
La lapine tourne les talons et se remet à courir vers l'horizon, emplie de la même énergie débordante qu'elle possédait en tant que loup. Elle voit un oeuf rouge dans un drôle de nid, fait de pierres et de brindilles : comme il semble abandonné elle y court et se précipite, mais du coin de l'oeil elle voit une forme tomber du ciel et fondre vers elle quand elle s'apprête à le toucher.
Son instinct de lapin la fige : c'est un aigle qui veut sa peau et cherche à défendre son oeuf !

Heureusement la panique n'est que temporaire : elle sait que ce n'est qu'un rêve, que ces serres cruelles ne peuvent la tuer, et comme elle est rapide, elle va plutôt jouer un petit tour à ce furieux rapace. Alors elle bondit et elle va faire la course avec lui, lui donner du fil à retordre ; mais surtout l'éloigner du nid pour que la poule puisse s'en approcher et récupérer cet oeuf-là.

— Vas-y Atsuko, je le distrais !

Décidément, des œufs, il y en avait partout ici, et il ne suffisait que de tourner la tête pour en voir apparaitre de nouveaux. Ou alors vous étiez particulièrement fortes et aviez toujours un 20 naturel à votre dé de perception. Tu gloussas en réponse à l’une ou l’autre de ces possibilités, ce qui comptait c’est que vous réussissiez toujours à les chopper. Tu te dis que tu aurais voulu que Désastre soit là pour vous voir complètement défoncer des crocos en chocolat et attraper des œufs cachés dans des buissons. Tu te demandes d’ailleurs s’il n’est pas lui aussi quelque part, à chasser des œufs. Le doux goût de la victoire ne reste cependant pas longtemps sur ta minuscule langue, et l’œuf solitaire que semblait avoir débusqué Anita n’appartient à personne d’autre qu’à un aigle géant, qui fonce d’ailleurs droit sur vous. Terrorisée, tu bats nerveusement des ailes, envoyant des plumes noires et vertes un peu partout, mais heureusement la lapine semble se reprendre en patte et cours pour éloigner le prédateur !! Elle te crie de foncer, d’y aller pendant que le gros oiseau a la tête ailleurs (c’est-à-dire, tout droit visée sur ta coéquipière), et tu n’hésite pas, courant de toutes tes forces jusqu’au nid pierreux.

« Je l’ai !! Tiens bon ! »

Tu le ramasses et le cache tant bien que mal dans ton plumage, faisant de grands signes à l’oiseau de proie qui change de trajectoire et fonce directement vers toi… au dernier moment, tu roules sur le côté, laissant le monstre emplumé aller s’éclater le crâne sur un arbre qu’il y avait juste derrière toi. L’aigle assommé, tu galopes de tes petites pattes maigres vers ton amie, t’exclamant de joie en brandissant l’œuf brun au-dessus de ta tête.

Cette fois, garder les yeux sur le sol ne vous servira à rien. Anita ne trouve qu’un reste d’œuf éclaté, étendu bien tranquille sur les branches d’un arbre. Ton cerveau de poule est horrifié à cette vision de cauchemar, et tu traîne ton amie un peu plus loin. Oui, cette fois, jeune duo, votre œuf se trouve… dans les airs. Une plateforme flottante ! Tu ne vois pas très bien, tout en bas, mais en plissant des yeux bien fort tu vois quelque chose ressembler à une coquille blanche brillant au soleil, sur le dessus de ce morceau de terre défiant la gravité.

« Je crois que j’en aperçois un, tout là-haut ! », lances-tu à la lapine.

Tu réfléchis un instant. Comment allez-vous vous rendre ? C’était beaucoup trop haut pour sauter, autant toi qu’Anita. Il fallait trouver un moyen de se catapulter. Tu te rappelle avoir entendu quelque part que des arbres à caoutchouc existaient, et comme les pensées sont puissantes dans des univers comme celui des rêves, il ne te suffit que de te retourner pour en apercevoir deux très bien placés l’un de l’autre. Tu cries, excitée, à Ani’ de te suivre, que tu avais un plan. D’un grand coup de bec, tu éventre les deux arbres duquel coule un épais mélange ressemblant à de la mélasse, et colle les deux mélanges ensembles de façon à former un grand élastique collant, à la Tintin. Après quelques minutes d’attente, l’élastique improvisait était assez sec pour que vous vous y placiez, et tu fis signe à la lapine de te rejoindre, poussant de toutes tes forces entre les deux arbres pour gagner un maximum de force de lancer.

Leur mission suivante parait, de prime abord, bien complexe à aborder ! C'est une île flottante qui trône paresseusement dans les yeux, étrange tâche dans le ciel pur, morceau de terre qui n'aurait jamais du se trouver là. Pourtant elles vont devoir s'en soucier, de cette étrange plateforme, car toutes deux voient le doux halo créé par le reflet du soleil sur la coquille toute blanche et éclatante. D'une manière ou d'une autre il leur faudra aller récupérer cet oeuf, mais pour le moment Anita ne sait pas du tout comment faire !
Elle tourne la tête de droit à gauche, observe les plumes de sa camarade - mais même avec ces ailes, leur objectif semble bien trop haut pour qu'elle ne puisse voleter jusque là...
Mais Atsuko a une idée, elle lui crie de la suivre, et Anita s'exécute sans poser de question, survoltée à l'idée qu'ils allaient finalement -peut-être !- y parvenir malgré tout.

Elle est très curieuse et attentive quand elle observe son amie éventrer les troncs d'arbre et en faire couler la sève. Elle ne comprend pas tout de suite mais ne dit rien, seul son nez de lapin remuant légèrement, quand tout s'accélère - Atsuko l'invite à se joindre à elle, et toutes deux se retrouvent alors à faire de la résistance contre ce drôle d'élastique. Sur un signal commun quand elles n'en peuvent plus de le retenir, elles lâchent toute la tension dans leurs corps - et elles se retrouvent propulsées à grande vitesse sur la plateforme !
Anita rit aux éclats et se tient le ventre. Mais l'oeuf est juste là, et elles ont réussi à le récupérer.

Ton plan fonctionna à merveille. Qui eût cru que les loups allaient un jour voler ? En propulsion dans les airs sous le ciel étrange du monde des Rêves, la poule en toi se ravit d’avoir enfin pût conquérir les cieux comme un vrai oiseau et contempler le monde de haut, et tu étendis tes ailes aussi gracieusement que ton corps maladroit te le permettait pour un atterrissage en douceur dont Anita la lapine ne pût bénéficier. Malgré tout, vous semblez toutes les deux en un morceau, ce qui t’es rapidement confirmé par le rire hystérique de ton amie qui semble bien avoir apprécié l’expérience. Oh, comme tu aurais aimé que ton ami Désastre soit là ! Vous vous seriez gravement amusé tous les trois. Après l’œuf blanc aux motifs azur sécurisé, il aurait été bien embêtant de redescendre, mais heureusement la plateforme terreuse, dénudée de son but premier qui était de soutenir l’œuf, fit le travail à votre place et descendit tout en douceur vers le véritable sol tel un fidèle taxi gratuit. Tu sautas à deux pattes hors du morceau de planète flottant, trébuchant un tout petit peu. Tu lissas rapidement tes plumes de quelques coups de becs en attendant qu’Ani te rejoigne, prête à retourner à la chasse. Il fallu chercher un peu plus longtemps cette fois avant d’apercevoir un nouveau candidat à votre collection. Vous étiez arrivées dans un autre biome après avoir traversé un pont lumineux étrange, et contrairement à votre précédent qui était plutôt garni de végétal, celui-ci était tout sec et cassant, rempli de sable et de pierres. Tu grattas le sol dubitativement d’une patte comme une poule cherchant des grains dans un poulailler, secouant ta tête plumée dans un élan négatif.

« Je ne suis pas sûre qu’on en trouve d’autres ici… »

Mais dès ces mots prononcés, un buisson désertique, communément appelé tumbleweed, roula en sautillant sur votre gauche, attirant ton œil de volaille orangé. Derrière lui se trouvait une vague forme ovale verte, et tu t’élanças avec Anita à sa rencontre, ravie de voir un œuf simplement posé là, dans le sable. Tu aurais peut-être dû apprendre après le crocodile en chocolat et l’aigle et la poule coureuse et la plateforme que rares sont les œufs sans surprises, et tu couru sans réfléchir directement sur l’ovale vert, bec et plumes devant. Un cri de douleur ne tarda pas à arriver, suivit de petits sauts frustrés alors que tu essayais de te débarrasser de quelques épines logées dans ton visage. Retenant tant bien que mal les larmes qui essayait de se frayer un chemin dans tes yeux – il ne fallait jamais montrer sa faiblesse -, tu te tournas vers ta coéquipière de chasse pour lui demander de t’aider à t’en débarrasser. Comment allaient-elles pouvoir le ramasser, celui-là ? C’était encore pire que les porc-épic, elle se souvenait avoir déjà vu un loup de la meute revenir le museau poivré de longues aiguilles brunes, mais ça, ÇA, ça faisait un mal de chien. Vraiment :((

Anita s'était à peine posée la question de la descente, trop occupée à se laisser aller à sa bonne humeur, cet éclat de rire qui l'avait gagnée après leur voyage éclair dans les airs. La petite Anita adorait voler, même si ni en ce monde, ni dans le réel elle ne possédait d'ailes : elle n'en avait pas besoin pour passer de branche en branche et de rocher en rocher en se donnant l'impression de planer comme un rapace, fidèle à ses airs de chauve souris ! Habituellement, sa grande queue lui servait de gouvernail dans les pirouettes complexes, mais ici elle devait se contenter d'un simple pompon touffu.
Elle a à peine le temps de se relever une fois la crise de rire passée et de se pencher par-dessus bord pour se demander comment regagner la terre ferme que déjà la plateforme s'abaisse et semble perdre en altitude - tout doucement. Elle navigue paisiblement vers le sol, tanguant de-ci de là au gré des vents, et finit par les déposer en toute sécurité parmi les hautes herbes.
Toutes deux quittent leur navire volant de fortune, Atsuko lisse son plumage, Anita étire ses longues pattes. Les deux compères avaient traversé un portail magique et se retrouvaient dans un paysage bien différent. Les yeux émerveillés d'Anita étaient occupés à en parcourir les moindres détails quand la poule lui parla et confia ses doutes - mais elle n'eut ni le temps d'acquiescer ou de protester puisqu'un mouvement avait attiré leur attention.

Et dévoilé par cette boule sèche de poussière et de branches mortes, un bel oeuf vert ! Mais... Ce sont des épines, tout le long de sa coquille ?
Anita prend une inspiration mais n'a pas le temps de s'exclamer pour avertir Atsuko qui filait déjà vers leur nouvel objectif -outch, trop tard ! Elle la voit entrer en collision puis reculer en plusieurs bonds.
Anita la rejoint au plus vite pour aider cette amie qui se débat, et à la vue de sa tête de poule toute hérissée de longues pointes vertes elle hésite un instant entre le rire et l'horreur - mais elle voit bien que pauvre Atsuko est en peine et que ces vilaines griffes de cactus doivent la faire souffrir, alors elle ne peut que compatir et s'empêcher de trouver ça drôle, malgré la scène plutôt comique.
Anita demande à la poule verte de se tenir tranquille, et très délicatement, à l'aide de ses quatre dents rapprochées, elle se saisit des vicieuses épines et d'un coup sec les arrache.
Cela n'a rien d'agréable et il faut à chaque fois recommencer, et à chaque fois ne pas bouger puis être très attentif à ne pas soi-même se faire piquer par ces choses qui semblent vouloir à tout prix se coller à elles.
Mais c'est fini au bout d'un moment, et il faut désormais trouver un moyen de le récupérer...

Anita a peut-être une idée : délivrer l'oeuf de toutes ses épines avant de pouvoir le toucher !
Alors elle rassemble les petites pierres autour d'elle, ces roches sèches et désertiques, et se saisit de la plus belle de ses petites pattes avant pour ensuite l'abattre sur la forêt d'épines qui dépasse encore de l'oeuf.
Quelques secondes plus tard, la voie est libre, et Anita peut prendre leur nouvelle trouvaille entre ses pattes, une lueur fière dans le regard.