Ely était en bas de l’escalier qui menait à la crypte de Dairo. Il était assis dans le sable, mais sous ses pattes, sous ses griffes, il sentait la roche. Contractant ses pattes, le crissement de la corne sur la roche parvint à ses oreilles, diffus. Il se mariait avec le chatouillis délicat du sable coulant entre ses doigts, avant de dévaler vers la mer sur son promontoire en pente. Les yeux fermés, il ressentait le vent tiré ici par les vagues qui venait frapper son col de poils épais, emmêlé aujourd’hui. Lui venait de la côte les fragrances salées et piquantes de la mer. L’Océan. Il lui tournait le dos.

Ca n’était pas une symbolique née du raid contre les Raeders, pas plus qu’il ne louait de cette façon son clan.

Simplement parce que son visage, lui, était tourné vers la Crypte. Vers Dairo. Vers la Déesse Renarde, comme en tout ce qu’il entreprenait toujours. S’il n’y avait qu’une personne à retenir, ce serait elle, entre tous.

La Renarde.

Elle était si différente. Elle l’acceptait tel qu’il était, disciple dévoué, mais il savait. Il savait qu’il ne correspondait pas au disciple idéal. Il n’avait pas l’envie de la chasse. La dévotion à la meute. Il n’avait pas cette prestance qui caractérisait les belles âmes, il n’avait pas les mots qui sortaient naturellement de sa gueule, armes acérées. Il n’avait pas les muscles, la carrure. Il n’avait pas l’agilité, la viscosité du chat qui galope à sa proie. Il avait l’esprit.

L’esprit bizarrement fait.

Tordu. Cassé. Différent. Il est différent. Il l’a toujours su. Depuis son plus jeune âge, alors que ses parents tentaient de l’aimer - malgré eux. Quand ils tentaient de s’occuper de lui, de la meilleure façon possible. Quand ils ont essayé de lui inculquer les bases et les valeurs propres au clan. Le Grand clan Etelkru. Mais ce moule dans lequel tous les gamins devaient rentrer. Ce moule. Il ne lui convenait pas. Ne lui avait jamais convenu. On ne fait pas rentrer un loup comme lui dans un moule comme ça.

Un loup qui ne veut pas chasser. Un loup qui ne veut pas soigner. Un loup qui ne veut pas se battre. Un loup qui ne veut pas vivre avec les autres. Un loup que rien n’intéresse, d’autre que sa Déesse. Que ses couleurs, dans lesquelles il peut se noyer à loisir. Se noyer pour toujours. Le vert, signe de vie, berceau des âmes. Le bleu de la force et de la tranquillité. Le violet mystique et enjôleur, dans lequel se glissent les ombres de l’au-delà. Le rose doux et charmeur. Le jaune, si énergique et vivant, éclatant de vie.

Le Orange.

Le Orange.

Le Orange.

Le Orange resplendissait, couleur majoritaire, sur l’ensemble de la falaise. Cette dernière, six mois, un an auparavant, n’affichait rien. Une surface nue, offerte au monde, prête à recevoir. Ely n’avait pas besoin de plus, pour se savoir invité, pour se sentir appelé. Cette surface plate, qui l’appelait. Alors pendant des heures. Des jours. Des mois entiers, toutes la journée, du soir au matin, du matin au soir, en oubliant de manger, en oubliant de vivre…

Il avait peint. Centimètre après centimètres, coup de pinceau imaginaire après coup de pinceau imaginaire. De jour, de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Avec une dominante, évidemment, orange.

Orange.

Orange.

Et cette nuit. cette nuit, ce serait pire encore. Mieux encore. Il avait trouvé des couleurs qui, éclairées par la lune, ressortaient en milliers de fragments colorés et fluorescents, brillant joyeusement. Cette forme, de nuit, donnait un renard qui se glissait silencieusement le long des marches, vivait une aventure tout le long de la rambarde, démontrant sa vivacité, ses compétences et surtout sa manière de rouler son monde gentiment - et toujours en sortir vainqueur, grandi. Plus coloré, et chatoyant.

Ely laissa une bribe de sourire étirer ses babines.

Il était… Content. C’était un lourd travail qu’il avait effectué, il le savait. Tout ceci pour Dairo. Pour la déesse. Il savait qu’il était différent des autres loups. Il y avait beaucoup de choses qu’il ne comprenait pas, beaucoup de choses importantes pour la meute, pour les gens…

Normaux ?

Son sourire disparut, éclipsé par ses pensées sombres. Reprenant sa stoïcité improbable qu’il offrait au monde en permanence.

Demain, Dairo prendrait sûrement quelqu’un de normal pour prêtre. Quelqu’un qui l’aimait autant que lui. Mais qui l’aimait différemment. Qui l’aimait mieux. Dans les véritables normes de la meute, dans ce qu’attendaient les autres - oui, les autres - d’un prêtre. Ou d’une prêtresse. Sly, le grand loup taiseux et taciturne ? Ou Holly, peut-être, avec son doux pelage bleu qui chassait dans la Rougelande. Reaper, peut-être, avec son masque qui effrayait les enfants. Perrine, peut-être, avec ses manières douces et délicates et ses fruits si utiles à la meute. Il connaissait leurs noms, aux disciples de la Renarde, ils n’étaient pas nombreux. C’était les seuls qu’il faisait un effort de retenir. Et Pepper, bien entendu. Pepper, l’alpha. Qui n’était plus orange. Il préférait ne pas en parler. Ne pas y penser. Qu’y avait-il de plus important de son dieu ? Que pouvait bien mener à briser son attache ? Ely préférait penser qu’il ne pouvait pas comprendre, plutôt qu’il y eut une autre explication.

Peut-être, bientôt, avec tous les jeunes qui passaient ici ces derniers temps, ces rangs allaient-ils se remplir. Il y aurait bientôt de nombreux autres prétendants au titre de prêtre.

C’était une bonne chose, que la déesse ait beaucoup de choix. Ainsi, elle pourrait plus aisément prendre la bonne décision, trouver l’âme qui lui conviendrait.

N’est-ce pas ?

Le coeur d’Ely se serra un peu. Il reconnut les prémices d’un sentiment qu’il ne connaissait pas. Il savait qu’il ressentait quelque chose, qu’il y avait quelque chose, mais. Quoi ? Son coeur se serrait, il avait chaud, une boule lui serrait l’estomac et il avait l’indéniable envie de serrer les dents, voir de montrer les crocs.

Il se laissa aller, laissant son corps s'exprimer. Il ne savait pas faire autrement, de toute façon. Il se leva, se pencha en avant, fronça les sourcils et un grondement rauque s’éleva des tréfonds de sa cage thoracique. Il grimaça et ouvrit plus grand la gueule, le grondement s’intensifia et se transforma en hurlement cassé. Qui perdura. Qui perdurait.

Le sentiment ne partait pas. Pas comme la peur ou la colère dont il parvenait à chasser les désagréables manifestations physiques de cette façon. Il était toujours là, logé au fond de lui, une bille de plomb qui s’imposait à lui. Il ne pouvait pas l’ignorer. Il ne pouvait plus l’ignorer.

S’en fichait-il, finalement ? Acceptait-il, d’être différent ? Acceptait-il, que Dairo ne fasse jamais de lui son prêtre - non, qu'il en choisisse un ou une autre ? S'était-il vraiment résigné à cette idée qu’il cultivait depuis des mois, depuis qu’il avait pris la couleur orange ?

Il était égoïste.

Il voulait. Oui, il voulait. Ca lui faisait mal, là, dans le coeur. Mais il n’avait aucun droit. Il n’avait aucun droit. Aucun aucun aucun aucun. Il n’était qu’un disciple. Il faisait tout ce qu’il pouvait. Parce qu’il le voulait. Parce que c’était sa motivation première. Mais qui satisfaisait-il ainsi ? Satisfaisait-il la déesse ? Ou son besoin à lui de l’aimer ?

Ne faisait-il pas tout cela pour lui, plus que pour elle ? Pour combler un vide que seules ses peintures réussissaient à adoucir ? Par extension, s’accrochant à cette déesse qui, devant ses intentions et attentions amicales ne se pouvait pas de le refuser ?

Ely ouvrait plus largement la gueule, haletant légèrement.

Il ne voulait pas réfléchir à ça. Il ne voulait pas y penser. Il voulait simplement… Etre là. Pour Dairo. Pour la servir. Pour son temple. Pour elle. C’est tout ce qui lui importait. Il voulait être auprès d’elle - au plus proche. Toujours.

Il n’avait pas de réponses.

Il n’avait pas de réponses à ses questions. Il ne les trouvait pas. Pas encore.

Son regard s'éleva vers le temple, et son coeur rata un battement. Un renard l’observait du haut des marches. Comment était-il arrivé là haut ? Seuls les escaliers permettaient d’y accéder. Avait-il fait tout ce chemin guidé par l’appel de la déesse, comme Ely était guidé chaque matin par son appel ? Ou s’était-il perdu, tout simplement, et avait pris les marches pour se retrouver bloqué en haut ?

Avec les dieux, tout était possible, mais il n’y croyait pas vraiment.

Ely commença à monter les marches quatre à quatre, bien plus vite qu’il ne le faisait habituellement. Il ne prit pas la peine de remonter, ici un trait, là un autre, pour parfaire son oeuvre et l’image du renard bondissant en haut des marches, comme celui vivant qui l’appelait. L’attendait patiemment. Assis, le feu éclatant de son pelage contrastant avec la pierre. Lorsqu’il eut parcouru les trois-quarts du chemin, Ely s’arrêta. Le renard l’observait et semblait l’attendre, c’était intriguant.

Il resta un long moment immobile. Le renard essayait-il de lui dire quelque chose ? Avait-il une signification quelconque, qu’il n’arrivait pas à comprendre, qui lui échappait… Parce qu’il était différent, peut-être ? Il n’arrivait pas à… Lire ? Son comportement ? Est-ce que sa patte bougeait ? Son corps ? Sa queue ? Ses oreilles ? Non. Il était statue, autant que lui, miroir de son âme qui l’observait avec attention.

S’il avait été un loup porté sur ce genre de manifestations, il aurait probablement soupiré.

Mais non. Ely se contenta simplement de recommencer à monter les marches. Son coeur battait plus vite, dans sa poitrine. Il inspirait par à-coups, difficilement. Allait-il rester ? Jusqu’à ce qu’il arrive en haut ? Son coeur cognait si fort. Pouvait-il exploser ? Allait-il mourir, là, sur les marches ?

Mais dès qu’il posa les pattes sur les dernières marches, le renard s’enfuit d’un mouvement souple, disparaissant dans un trou sur le côté de la grotte caché par des buissons. Ah ! C’était donc de là qu’il venait ! C’était beaucoup plus cohérent. Mais qu’avait-il attendu, pendant qu’il montait les marches ?

Contemplait-il le paysage ?

Ely se retourna. D’ici, c’était bien plus beau que d’en bas. Il prit le temps de se reposer, laisser les battements de son coeur reprendre un rythme plus normal. Il savait que ça n’était pas l’effort - depuis le temps qu’il montait cette pente raide à longueur de journée, voilà bien longtemps qu’il ne souffrait plus du voyage. C’était le renard, évidemment. Seul Dairo avait le pouvoir de faire naître en lui de tels émois. Mais cette mer en contrebas, la végétation aride et la plage de sable fin au loin l’apaisèrent rapidement. La force de l’habitude. Alors, il se leva, et de son pas égal et trainant se rendit devant la statue de la déesse.

Il s’inclina profondément.

Déesse Dairo.

Il avait fini par s’habituer à parler à cette statue resplendissante, en lieu et place de la déesse. Il sentait, en permanence, sa présence chaleureuse. Ou était-ce simplement l’émoi que provoquait en lui le fait de l’interpeler ?

Il y a beaucoup de louveteaux. Dans la meute.

Ely, tes paroles et tes accroches sont nulles. Et tu le sais.

Beaucoup, viendront briguer ta couleur. C’est une bonne chose.

Il fit une pause. Un peu trop longue, comme à son habitude. Il ne savait pas doser ces choses là. Ou peut-être était-ce juste qu’il était parti dans ses pensées, dans une autre idée ? Mais sa voix, de nouveau s’éleva.

Je suis sûre qu’ils te feront honneur. Nos voix manquent, mais sont hautes et claires.

Combien d’orange y avait-il dans la meute ? Si peu. Aka et Kiro se taillaient la part du lion, dans les disciples. Ely ne pouvait comprendre pourquoi, mais avait cessé de se questionner à ce sujet depuis bien longtemps.

J’ai fini. La fresque.

Depuis combien de temps y travaillait-il ? Des mois. Depuis qu’il vivait à proximité du temple. Nuits et jours. Qu’allait-il faire, maintenant ? Il chassa cette question. Puis la caressa doucement du bout des pattes. Peut-être…

Si vous avez une quête, Déesse Renarde. Des besoins. Je m’efforcerai d’y répondre.

Cela ne coutait rien de demander, n’est-ce pas ? Lui, qui ne savait que faire de son corps. Lui, qui ne savait que faire de sa vie. Lui, qui n’avait rien pour la remplir que son amour de la renarde et sa recherche du beau, recherche perpétuelle et infinie.

Il n’avait rien d’autre à dire. La déesse, de toute façon, avait vu les disciples. Certains, même, avaient déjà prié, maladroitement, mais le coeur franc. C’était bon signe, pour Dairo. Oui.


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Rps où est évoquée la peinture du mur :
- https://punk-wolf.forums-actifs.com/t21446-at-home-l-cro - déjà évoqué dans ce post : https://punk-wolf.forums-actifs.com/t21818-pour-toi-l-dairo-libre
- https://punk-wolf.forums-actifs.com/t21641-never-far-from-home-l-nala - détails
- https://punk-wolf.forums-actifs.com/t21860-le-maitre-du-beau-feat-ely - premier post notamment
+ ce post

Pour le défi : 2242 mots

C'est avec une bouffée de chaleur, de joie et un frisson d'excitation qu'il recueillit la manifestation de la déesse, pendu à ses paroles comme un enfant à celles de sa mère. Son souffle chaud qui l'entourait lui donnait l'impression de redevenir un petit louveteau, quand la vie était encore si simple... Pas de proies à chasser, pas de but à avoir, juste la joie de s'étaler sur le sol de pierre et laisser le soleil réchauffer son poil et le garnir de vitamines.

Il était incapable de déceler toutes ces nuances dont se parait la voix de la déesse, ou ses paroles. Il ne faisait que boire comme un assoiffé à cette source qui jamais ne se tarissait, et l'emplissait. Lui, coquille vide sans aspirations autres que...

Que ?

Les derniers mots de la déesse firent bondir son coeur dans sa poitrine, et balayèrent toutes les réflexions qu'il avait eu sur le rôle de prêtre jusque là. Prêtre. Prêtre. Prêtre. Ce mot résonnait dans son crâne comme une litanie incessante. Alors... Alors il pouvait vraiment... Espérer briguer ce rôle ? Cette place ? La valeur que devrait avoir tout bon prêtre... Ca ne voulait pas dire devenir prêtre, bien entendu, mais pourquoi finir par cette phrase si ça n'était pas une opportunité qu'elle lui glissait sous le museau ?

Les

Guider vers Dairo ?

Il gémit.

Comment les guider pour trouver leur chemin vers Dairo, lui qui ne comprenaient pas les autres, que ce soit leurs buts, leurs aspirations ou leurs logiques, leurs attentes, leurs craintes et leurs espoirs ? Comme les amener à fouler bien et durablement les pas de la Renarde, quand lui les suivait de façon erratique en se plantant la moitié du temps, il le sentait ?

La vague de la réalisation le frappa de plein fouet.

L'intention ne faisait pas tout.

L'envie n'était pas suffisant.

Le but à atteindre était une donnée scientifique et mesurable qui n'a que faire des plaintes et des difficultés. Ely avait beau faire ce qu'il pouvait, et surtout ce qu'il voulait, il n'arriverait à rien ainsi. Il se dépensait. Il donnait de son temps. Oui, c'était vrai. Mais était-ce important ?

Qui était intéressé par la fresque au dehors ?

Lui.

Et uniquement lui.

Dairo même ne s'intéressait probablement pas à tout ça. Que cela pouvait-il bien lui apporter ?

Il regarda ses pattes, toujours planté devant la statue de la Déesse.

Pensif.

Salazar

Un dernier regard.
Il devait s'assurer qu'il ne faisait pas d'erreur en refusant de porter la couleur de l'un des dieux Etelkrus. La Renarde était à la fois celle qui lui correspondait le mieux dans cette meute, mais elle était aussi si différente. Quel choix ?
Son frère lui apparut un instant, si fort, si parfait.
Lui n'était qu'un serpent, et malgré tous les efforts il ne serait jamais aussi remarqué que le lion.

Ses pattes le menaient jusqu'au temple, et il s'assurer de ne pas baisser le regard. Il y avait le vide autour de lui, et si le vent décidait de se lever, il risquait la chute.
Il finit cependant par rejoindre le temple sans encombre, et il s'arrêta un instant à l'entrée, comme pour se préparer à voir la fontaine.

Salazar fit un pas à l'intérieur, et ce fut suffisant pour qu'il comprenne qu'il n'était pas seul en ces lieux. Il fronça les sourcils, cherchant à déterminer l'identité de celui qui se présentait à la déesse. Après quelques secondes de réflexion le nom de l'individu lui revint. Ely.
Il ne lui avait jamais adressé la parole, et il semblait être quelque peu ... spécial, selon les dires.
Le porteur du glowstick orange semblait plongé dans ses pensées, et après avoir attendu quelques instants, Salazar se décida à s'approcher, non pas pour lui parler mais pour observer la statue de plus près. Après tout, ce "Ely" n'était pas en droit de le faire attendre.

Une fois assez près de la statue, il s'assit, observant son camarade du coin de l’œil. La déesse lui était-elle apparue ?

Salazar

Salazar agita une oreille lorsqu'il sentit le regard perçant de son congénère sur lui. C'était donc lui, l'énergumène des Etelkrus, et il comprit rapidement pourquoi. Il fallait dire qu'il n'avait jamais pris la peine d'entrer en contact avec.
Que pensait l'Alpha Pepper de cette chose ? Le trouvait-elle utile ? Tout ce qu'il voyait était la lumière qui s'échappait de sa gueule. Un adepte de la Renarde, qui visiblement se sentait concerné par sa présence en ces lieux.

Une question qui ne semblait pas en être une, cela était-il dû à un manque de sociabilisation ? Après tout, il ne l'avait jamais vu, lorsqu'il le voyait, en compagnie d'un autre individu, et cela était peut-être révélateur. Il semblait un poil agressif dans son ton, et son regard semblait osciller entre curiosité, agressivité et douceur. Un individu complexe, isolé, ne connaissant l'effet de meute qu'en théorie.
Que pensait ses parents de lui ? Enfin, s'ils étaient encore en vie.
Était-ce une bonne idée de conserver un individu pareil ? Etait-il fiable ?

Toute cette réflexion se fit en quelques secondes, puisque Salazar, après la question, qui ne semblait pas en être une d'Ely, prit la parole.

« Soit la déesse a bien changé, soit ma présence ici ne te regarde pas. »

Il lui jeta un regard hautain, presque dégoûté par le personnage, chose qui put se remarquer avec son expression, et posa de nouveau les yeux sur la statue.

Il devait faire un choix.

Salazar

Salazar ferma les yeux un instant, agacé en entendant la voix de son congénère. Il n'avait jamais appris à s'exprimer ? N'avait-il jamais eu accès à l'éducation ? Sa famille devait être tout en bas de la hiérarchie, il ne voyait que cela. Les Etelkrus avaient-ils des esclaves qui travaillaient dans l'ombre ? Ceci expliquerait cela. Dans tous les cas, le personnage le dégoûtait.
Il craignait même de devoir supporter son odeur, pourtant, aucun relent ne lui parvint.
C'était déjà ça de pris.

Le mâle s'apprêta à prendre la parole mais se retint, analysant du coin de l’œil le disciple de la Renarde.

« Es-tu capable d'obéir ? »

A ses yeux Ely n'était pas très intelligent malgré le glowstick, il se demandait même si la déesse n'avait pas eu pitié de lui, et peut-être que s'il se sentait utile, il obéirait avec joie.
Allons Ely, un grand avenir t'attend en suivant Salazar ...

Salazar

Quand il entendit la réponse du disciple de la Renarde, Salazar tiqua, détournant le regard, et ferma les yeux sous l'énervement. Ses crocs étaient serrés dans le but de l'empêcher de dire quelque chose indigne de son rang. Non seulement il semblait le prendre pour un abruti, mais en plus il venait de lui prouver qu'il n'y avait que le néant dans sa tête.

Il en était persuadé. La déesse avait simplement fait preuve de pitié. Il n'y avait pas d'autre explication possible. Il fallait dire que même un bovin était plus expressif qu'Ely.

Il prit donc quelques secondes pour se calmer, inspirant calmement avant de tourner de nouveau la tête vers l'étrange spécimen. Plus son regard croisait celui d'Ely, plus son glowstick orange lui paraissait absurde. Il était évident qu'il allait en parler avec l'alpha Pepper. A quoi servait-il au juste ? Il ne méritait même pas le rôle de bouffon.

« Non. »

Un seul mot. Peut-être était-ce enfin à sa hauteur ? 

Plus qu'agacé par la situation, à la fois de voir que le glowstick était octroyé à n'importe qui, mais aussi que l'on permettait à un être aussi inutile de vivre au sein des Etelkrus, il se redressa et se dirigea vers la sortie, la tête à hauteur des épaules, les oreilles en arrière. 

Moi pouvoir aider. Toi ?

Mais quel crétin. 

Salazar

Salazar, laisse donc ta langue fourchue derrière tes crocs.

Cette voix le fit s'arrêter. 

Cette voix puissante.

Dairo.

Elle connaissait ses plans ? Salazar était encore dos à la statue, dos à Ely, et ses yeux s'écarquillèrent quelques secondes sous la surprise. La Renarde avait pris le temps de le sonder, lui ?

Il sentit une force grandir en lui, il ne pouvait pas la définir mais cette force était pourtant présente. 

Petit serpent.

Il tourna alors la tête dans la direction de la statue, cherchant un mouvement, un souffle, voire même un simple regard de la déesse. Mais seule la statue était présente. Le conseil qu'elle donna à Ely lui sembla d'une telle évidence qu'il ne prit même pas la peine de l'écouter en intégralité. Non, ce regard était ancré dans celui de la statue, comme pour confirmer que ces paroles venaient bien de Dairo. 

Elle était apparue pour lui. 

Elle l'avait remarqué. 

Et quand il s'assura qu'elle en avait terminé avec le porteur de glowstick sans mérite, il s'inclina brièvement, un rapide mouvement d'oreille pour la remercier d'être apparue. 

Elle le soutenait dans ses plans, dans son ambition.

Après ce mouvement respectueux, il sortit du temple, inspirant une grande bouffée d'air une fois à l'extérieur. Salazar déplia son unique aile, laissant le vent s'engouffrer dans ses longues plumes.

Et dans tout cela, ce qui amusa le chevalier, c'était que la déesse n'avait même pas pris la peine de défendre le petit malheureux.

Tu es maître de ton destin, Salazar, ne déçois pas les dieux.