Encore un matin l P.V. Littie

Il ne trouvera pas la réponse à son pourquoi, qui restera en suspend. Ou peut-être l'avait-elle formulée, mais il ne l'avait pas comprit.
Ah. Si, finalement, peut-être bien que si... C'est le sourire qui lui manquait. Il devrait s'entrainer, il a peur d'essayer et de trop montrer les crocs. Qu'on pense qu'il était dangereux...ou justement, en colère.

Elle ouvre la bouche et la referme, et lui se sent embourbé d'un mètre de plus à chaque fois que quelque chose passe sur son visage. Ce n'est pas une bonne discussion, il se dit. Cela devient compliqué, il n'a jamais réfléchit à tout ça. La situation est nouvelle, et son cerveau s'échauffe.

Et ça te rend heureux, de t'entrainer tout le temps comme ça ?

« Oui. »

Dans sa voix elle hésite, mais pas lui. Une évidence. Il aime, s'entrainer. Il s'entraine depuis qu'il est capable de marcher sans tomber. C'est comme ça qu'il échange le plus facilement, avec ces autres. C'est comme ça qu'il a l'impression de créer des liens.
Puis finalement, elle lui demande si avec elle, il aime s'entrainer... Cela ne revenait pas au même point qu'avant ? Si il aimait s'entrainer, il aimait aussi le faire avec elle. Pourquoi cela ne serait-il pas le cas non plus ?
Désastre a du mal à comprendre, il répond du même timbre de voix :

« Oui... »

On dirait un disque rayée, maintenant. Mais cette réponse lui semble évidente, il n'en a pas d'autre à lui donner... Ah ! Si :

« ...Bien sûr. On arrête pas, les entrainements, parce que je n'ai pas besoin de plus de temps libre. Je n'ai pas besoin de dormir plus, je ne suis pas fatigué.
...
Ce n'est pas rigolo, de s'entrainer ? »

Il a de plus en plus de mal à tenir, c'est bon. On entrait dans un échange social qu'il ne maîtrisait plus et il se voyait acculer dans des limites où on ne l'avait poussé jusqu'à présent. Elle défie sa normalité, à lui, et il ne peut pas comprendre que la sienne est si différente, justement. Qu'il n'est pas normal. Comme tous les autres mais...un peu plus.
Les interactions sociales et la communication sont des choses difficiles, qu'il a longtemps observé avant de pouvoir imiter.
Il souffre d'un trouble évident, mais lui comme elle sont des enfants, oui.
On ne peut pas le savoir, aussi reste-t-il marqué.

Et puis, il ne sourit pas assez. Il ne doit pas se forcer, mais si il ne se force pas il ne sourira pas, il le sait.
C'est compliqué...
Vraiment trop compliqué.
Il ne sait même pas quoi penser, du fait d'être un enfant qui pensait s'amuser à sa façon, pour qu'on lui apprenne finalement que non.

« ...Je m'amuse avec Serpent... »

Je crois.
C'est pour ça qu'il aime les entrainements, en y repensant maintenant.
Oui ! Voilà pourquoi ! Parce qu'il sait quoi faire, comme il sait ce que l'on attend de lui. Parce que tout est millimétré. Il y a un début et une fin précise, quand il s'agit d'un combat ou bien d'une leçon.

« Est-ce que tout ce que je fais est incorrect ? »

Percutant. Il n'y a pas une erreur, mais des erreurs.
Il frise l'arrêt système, à ce niveau, en se tenant si figé.

Et si tout était faux, dans sa manière de répondre, de ne pas entamer les discussions ? Et si toutes ses observations se révélaient biaisées par le fait qu'il estimait les expressions et les tons de la voix plus qu'il ne les comprenait réellement ? Ca faisait que des interactions étudiées, il aurait dû en conclure tout autre chose, avant de les ranger dans ses situations où il pensait pouvoir faire face si c'est à lui et non à ces loups qu'elles se présentaient alors.
Désastre est socialement inadapté, et il le sait. Il fait des efforts et progresse comme il progresserait en combat, mais ce n'est pas suffisant.

Un échec critique en jet de socialisation, voilà ce qu'il semblait faire en permanence.

Parce que maintenant, il se rend compte qu'il n'a jamais rigolé. Au plus, il a sourit, dans ces situations exceptionnelles qui sont si lointaines que leur souvenir est flouté. Et que c'est quand il souriait, que lui apparaissait les ailes.
Il a l'impression de faire ce qu'il a envie, pourtant. Il est panseur, c'est son choix. Pourquoi n'est-il pas plus heureux que ça, alors ? Qu'est-ce qui cloche, chez toi ?
Les moments qu'il a envie de reproduire forme sa routine. Il les refait tout les jours, et c'est rassurant ; ce qui la modifie amène un fond d'angoisse inexpliqué.
Oui, c'est ça.
Il a envie de faire sa routine, si bien rodée.

« Mmh. »

Elle lève sa patte et touche son cœur, et le contact le surprend dans un léger mouvement de recul.
Elle le touche droit au cœur, il pense que c'est ainsi que s'applique l'expression.
Et puis, elle dit surtout. Cette phrase qui fait sens. C'est ça, qui lui manque : une réponse à cette question.

C'est à toi de choisir ce que tu aimes bien faire.

Il s'accroche au sourire, ses yeux s'y pose et ne regarde plus rien d'autre. Et même quand il murmure à demi-voix, tout bas, une réponse autre qu'un d'accord qui aurait pu trouver toute place...

« Il faut que j'y réfléchisse. »

...Les yeux carmins bougent enfin de position et cessent de se focaliser sur les lèvres pour remonter aux iris aussi chaudes que les siennes.
Il tente de relever un peu ses commissures, avec sa tête un peu baissée. Un tout, tout petit peu.

Puis l'effort est fait, il cesse et se relève. Serpent file dans une brèche, les pupilles sont minuscules maintenant qu'il s'est vocalisé sur autre chose.
L'heure est terminée.
Il lui faut se rendre auprès de Tawana.

« A demain Alexandrine. »

Il ne peut pas arriver en retard, c'est chose impensable, donc il va sans un dernier regard.