Gamins [feat.Cendres]

 Motivée, Pierre avait fuit la cacophonie du troupeau de Judas et Raison pour s’échapper dans les ombres du dédale. Son seul désir était un peu de tranquillité, moins de monde, et pas trop de bruit non plus. Elle s’était arrêtée au pied des grands escaliers. Et avait commencé à les escalader. Elle lançait parfois des regards aux grands qui passaient, l’évitaient, et la regardaient l’air curieux. Où était donc Raison qui comptait sans cesse les petites boules de poils pour qu’il n’en manque pas une, et qui paniquait quand une disparaissait ? Où était passé Judas qui détestait les voir salis par la poussière ? Pierre vérifiait régulièrement qu’ils n’étaient pas là.

Mais c’était l’heure de la sieste normalement. Alors elle avait le champ libre. Elle s’arrêta au milieu des escaliers. S’asseyant, la petite boule rabattit sa queue sur ses pattes et observa son avancée. Elle avait bien progressée. Le tout était de ne pas tomber pour éviter de finir en bas et de ne pas pouvoir remonter par manque de courage, ou parce qu’elle se sera faite mal. La jeune louve retourna sa truffe vers les marches qui montaient, et se remit à les gravir avant de s’arrêter en voyant la pie, elle la connaissait, la grande louve, elle était parfois vers Raison et Judas. Elle lui fit un sourire, battant de ses ailes sombres avant de s’asseoir. Pouah que ça avait fait mal aux pattes de gravir tout ça. Comment les grands faisaient-ils pour ne pas s’arrêter un peu après ?

La présence de l’oiseau loup à ses côtés voulait dire autre chose. Il y a Ruine, Cendres, et Momon dans le coin. Et ça, c’est fort intéressant. Pierre les aimes bien, de loin, alors pourquoi pas faire l’effort de les rencontrer ? Après tout, elle n’a rien à perdre. La petite louve se releva et s’avança sur le territoire extérieur, remuant sa longue queue qui ondulait sur son dos, apercevant finalement Cendres, elle s’approcha de lui et tendit la truffe vers son oreille.

« Bonjour »

La petite ailée observait celui là qui n’était pas de la fratrie. Mais qui était un frère comme les autres, dans cette vaste famille qu’est la meute Nakhus. Pierre n’avait pas vraiment la notion d’individu. Elle ne pensait pas qu’à elle quand elle agissait, mais aussi aux autres. Est-ce que ça dérange ? Est-ce qu’elle fait correctement ? Est-ce que ça peut aider ? Trop de question avant de faire les choses. C’était pourtant devenu tellement naturelle qu’elle n’y réfléchissait plus vraiment, c’était devenue instinctif en fait.

Assise dans son petit coin, elle rabattit ses ailes sur son corps presque masculin tant elle était pâteuse et rondelette. Elle agitait lentement sa queue dans son dos, observant les grands qui passaient. Un jour elle les accompagnerait à la chasse, ou dans leur travail. Parce qu’elle le voulait bien, parce qu’ils le méritaient en sommes. Elle observa Cendres, pour une fois qu’il était sans Ruine. Elle était craquante, mais légèrement trop bruyante pour les oreilles de la louvette. Elle était allée le voir, sans trop y réfléchir, juste par instinct comme ça. Et l’avait salué, pourquoi, qu’est ce qu’elle en savait… Elle l’avait fait, maintenant c’était trop tard pour revenir en arrière. A sa salutation, elle étira un sourire. Mais elle n’eut rien à lui dire. A qu’elle se sentit stupide. Elle roula des yeux en soufflant sur une des mèches qui tombaient sur sa truffe.

« Tu veux jouer à la chasse avec moi ? »

Demanda-t-elle, puisqu’il n’avait pas d’ailes, il était incapable de s’envoler. Et ça c’était dommage. Mais bon tant pis. Peut être qu’un jour elle le porterait pour qu’il sente le vent dans son pelage et voit le monde de haut ? Oh ça pourrait être sympa. S’il est partant bien sûr.

L’ondulation de sa queue lui permettait d’être stable sur ses quatre pattes. Et quand elle sentait le sol se rapprocher dangereusement de sa truffe, elle avait l’habitude de battre furieusement des ailes pour se redresser et esquiver le choque. Souffrir inutilement ou se blesser sans raison était superflu, indigne, et en plus c’était salissant. Pierre n’aime pas être trop sale. Un petit peu ça va. Mais trop c’est trop. Elle lança un regarde à Cendres qui semblait réfléchir.

Elle avait proposer de jouer à la chasse, mais ça pouvait être n’importe quoi en fait. Elle ne voulait que jouer pour le moment. Dommage que Nath ne soit pas là, il aurait été ravi de jouer aussi. Mais bon elle s’en passera. Il n’est qu’une ombre, qui prend forme quand elle s’y intéresse. Pierre avait posé son fessier sur le sol, observant son comparse. Attendant une réponse, quelque chose, n’importe quoi, même l’ignorance ou le rejet lui convenait. Elle n’était pas difficile. Sa réflexion ne lui avait pas paru longue, parce qu’elle c’était perdue dans la contemplation du ciel. Alors quand il lui parla elle secoua la tête et reposa ses yeux sur lui.

« Pluto c’est le chien de Mikey. Mais va pour le cache cache. »

Ah encore une réponse qui lui était venue sans réfléchir. D’où lui venait ce genre de réponse, ces : jeux de mots. Comme Judas disait. Elle observa son camarade, espérant qu’il ne s’offusquerait pas de ses jeux, ou qu’il ne poserait pas de question, car elle n’avait aucune explication.

A ses paroles suivantes la jeune louve plissa les yeux, les oreilles à l’horizontal. Dix… Disss… Dix loquets ? Disloquer ! Elle remua la queue, elle l’avait. Elle étira un sourire avant de capter qu’il lui avait dit qu’il pouvait compter, et qu’il savait compter jusqu’à dix et pouvait le faire deux fois pour lui permettre de se cacher plus longtemps. Mais Pierre s’enfonça dans le sol en détournant la truffe, traçant un cercle devant elle avec une griffe, légèrement mal à l’aise.

« Moi je… sais pas compter… tu hum… » Elle prit une inspiration « Tu pourrais m’apprendre ? »

Elle releva sa petite truffe vers lui, souriante, lui faisant les yeux de biches. Les yeux doux comme disait Raison. Ceux auxquels son père ne savait d’ailleurs pas résister. Elle remuait la queue, souriante, espérant qu’il accepterait. Agitant doucement ses ailes.

« Et après on fera cache cache ! S’il te plaaaaaiiiiis »

Insista la loupiote. Elle ne voulait pas dormir idiote, incapable de compter jusqu’à dix. Elle aurait l’air de quoi tien ? Raison était intelligent, il n’y avait pas de raison qu’elle soit stupide et incapable d’apprendre quelques chiffres, ou qu’elle soit trop en retard vis-à-vis de Cendres. Et ce retard là, elle voulait le rattraper !

Pierre disait beaucoup de choses, mais au fond, elle disait peu, car elle ne disait jamais tout. Elle jouait avec les mots, avec les phrases, et les images qu’elle donnait d’elle. Tantôt sérieuse, tantôt idiote. Elle s’adaptait à son publique à celui qui regardait et admirait à la fois ce qu’elle était. Elle avait bien vu la truffe du petit se plisser de curiosité à ses paroles. Mickey et Pluto, elle avait entendu ça où déjà ? L’histoire de cette souris et de ce grand chien aux oreilles tombantes, elle ne savait plus, et en fait ça n’avait pas d’importance. Maintenant elle savait, et c’est tout ce qui comptait.

Mais il accepta sa demande de lui apprendre les chiffres. Un sourire étira ses babines alors que son regard brillait d’intérêt. Il avait piqué sa curiosité, il ne pourrait pas débarrasser d’elle avait qu’elle ai fini de le presser comme un citron, de lui faire vomir les informations qu’elle voulait. Elle était contente, satisfaite, tout à fait satisfaite, c’était parfait comme ça. Elle était satisfaite, sa sortie était fructueuse, elle ne rentrerait pas idiote. Elle rabattit sa queue sur ses pattes, avant de le voir hésiter. Elle haussa un sourcil, avant d’entendre sa demande et détirer un sourire qui dévoila ses crocs de lait blancs.

« Pleinement d’accord pour te raconter cette histoire. »

S’il te plait, pleinement… La syllabe de fin de phrase lui avait donné sa réponse. Elle agita les oreilles avant de se coucher en sphinx devant lui. Les oreilles pointées vers le jeune loup.

« On commence par quoi, l’histoire ou les chiffres ? »

Demanda-t-elle les oreilles pointées vers lui, lui offrant le choix de commencer par l’un ou l’autre. Elle avait ce qu’elle voulait, elle lui offrirait ce qu’il désirait. L’ordre n’avait plus d’importance du moment que chacun faisait sa part. Que chacun offrait à l’autre ce que l’autre lui avait demandé…

  Couchée en sphinx, la queue plaquée contre son corps fin, la femelle observait son comparse. Avant de le voir lui montrer son argot, et lui dire que c’était UN. Elle haussa un vague sourcil. Non ça c’est son argot… Elle était con mais fallait pas non plus lui dire n’importe quoi. Puis elle comprit, il n’était pas entrain de lui dire n’importe quoi, mais de lui offrir un moyen mémo technique pour retenir les dix premiers chiffres. Elle posa sa tête entre ses pattes avant, observant le petit loup.

Cendres semblait très à l’aise dans ses explications, et surtout il ne semblait plus gêné par sa présence. Cela la fit sourire alors qu’elle l’écoutait. Les oreilles pointées vers l’avant. Ainsi donc quand il n’y a rien c’est Zéro. Soit soit. Elle retiendrait, quand elle n’a rien, elle a zéro. Elle étira un sourire, donc elle a quand même quelque chose, la connaissance de ce qu’elle n’a pas, et de ce qu’elle pourrait obtenir.

Elle suivit les mots, les chiffres. En l’observant faire. Avant de le voir finir. Elle releva alors la tête, et tendis ses pattes avant devant elle. Elle agita les oreilles avec un petit sourire.

« J’essaie d’abord les cinq premiers »

Et aussitôt fait, aussitôt dit. Elle colla ses pattes avant et commença.

« Zéro. Un. Deux. Trois… Heu… Heu… Quatre ? Et cinq ! »

Dit-elle en remuant sa queue parce qu’elle était sûr d’avoir eut tout juste. Mais elle posa son regard tendre et amicale sur le loup en face en remuant la queue. Ravie de passer du temps avec lui alors qu’elle apprenait en même temps.

« J’ai juste cher professeur ? »

Demanda-t-elle doucement, dévoilant ses jolis petits crocs blancs. Elle espérait réussir, retenir ça correctement. Et pouvoir ainsi jouer à cache cache avec ses frères et sœur. Au moins elle aura une activité non violente à proposer à son frère adoré. Et pourra aussi montrer à papa Raison qu’elle est aussi intelligente que lui.

 La petite bête n’attendait pas particulièrement de félicitation, elle voulait juste retenir tout ça pour ne plus avoir à se sentir idiote quand d’autres savent compter, mais pas elle. Le petit hochement de tête de son comparse lui affirma avec joie qu’elle avait au moins retenue les premiers chiffres même si cela restait hésitant pour certains. Les connaître par cœur, parce que c’est important. Si c’était important, elle se ferait un devoir de l’apprendre par cœur.

L’exigence ne la dérangeait pas, ça lui donnait un cadre, des règles à suivre. Une base. Et c’était sécurisant. Elle attendit qu’il remontre l’exemple, répétant dans sa tête ce qu’il disait. Quand il eut terminé elle observant ses pattes, et recommença son manège.

« Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. »

Elle prit une pause, agitant les oreilles, levant un sourcil en observant un point imaginaire dans le vide, vérifiant mentalement que c’était bien ça. Elle opina de la truffe avant de continuer.

« Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. »

Continua-t-elle avant de sourire.

« Dix harmonie »

Elle ria à ses propres mots, un rire doux et agréable, un rire enfantin et calme à la fois. Elle posa ses beaux yeux sur Cendres en remuant sa longue queue.

« Pardon, c’est un jeu de mots, Dix plus Harmonie forment Disharmonie, ça veut dire que les notes ne sont pas agréables à entendre, qu’il y a un désaccord ou une absence d’harmonie »

Expliqua-t-elle à son partenaire d’apprentissage. N’acceptant pas de le laisser dans l’incompréhension s’il ne connaissait pas ces mots. Elle ne voulait pas lui parler de manière à ce qu’il ne comprenne rien. Au contraire, elle voulait partager ses connaissances avec lui, comme il le faisait avec elle.

A priori, elle ne s'était pas trompée, elle pouvait donc en conclure avec joie, qu'elle savait compter. Ce n'était pas plus mal au fond elle se sentait très fière de savoir compter sur ses bouts de pattes. Elle pourrait apprendre cela à ses frères et soeurs, peut être que Nathaniel serait content, Raison serait sans doute fier d'elle. Elle pourrait aussi se venter auprès de maman Judas, sa mère était un casse tête, mais elle restait gentille malgré tout. Sa mère avec des couilles, y penser était assez drôle. Elle opina de la truffe, contente de son travail.

A la question du jeune loup elle remua lentement sa queue, un petit sourire malicieux sur les babines. L'histoire de Mickey et Pluto c'est pas grand chose. Juste une petit histoire comme ça qu'elle avait entendu.

« Mickey c’est une souris, et un jour il a adopté un petit chien, avec des oreilles tombantes assez longues des babines aussi tombantes et qui produit pas mal de bave, et une queue toute fine. Et Mickey a décidé de l’appeler Pluto, et ils vivent pleins d’aventures différentes ! »

Fin, il n'y en a pas plus à raconter, c'est juste ça, c'est pas extraordinaire, juste un peu amusant, un chien adopté par une souris. Elle aurait surtout penser l'inverse dans son cas. C'était à ses yeux l'ordre des choses que ça soit le chien qui adopte la souris. Mais selon l'histoire les deux sont possibles.

Trop de monde dans la famille de la boule de poils. Neuf frères et sœurs, sans compté Crystal, Hayndriel, et Lestat qu’elle n’avait jamais vu. Maman Judas adoré, et Papa Raison trop sérieux. La jeune louve adorait sa très grande famille, même si des fois sa présence assourdissante lui donnait mal à la tête. A la question du louveteau, elle haussa un sourcil.

Pierre ne savait pas encore bien lire, elle apprenait encore avec Papa Raison. Alors elle ne pouvait pas parler de ce qu’elle lisait, parce qu’elle n’était pas toujours sur d’elle. Elle agita les oreilles en souriant au jeune mâle.

« C’est Driel qui me l’a raconté, elle va souvent à la Bibliothèque pour écouter les loups qui lisent à voix hautes, et après, elle nous raconte toutes les histoires qu’elle a entendu ! »

Expliqua-t-elle. Pierre était proche de Driel, Hayndriel, sa grande sœur. Elle s’occupait toujours énormément d’eux elle disait tout le temps qu’un jour ils seraient tous grands et forts. Mais Pierre était toujours très intriguée par l’avenir, elle se demandait toujours ce que demain lui réservait comme merveille.

« Tu sais déjà bien lire toi ? »

Demanda-t-elle au jeune loup en face. Elle voulait bien un camarade de lecture, ça pourrait être sympa de lire chacun un livre et d’ensuite se raconter l’histoire.

La jeune femelle étira un sourire, un petit peu, c’était mieux que rien du tout. Et ça voulait dire qu’ils pouvaient apprendre ensembles. Ou peut être partager ce savoir là. Pierre aimait particulièrement le partage, l’échange, surtout dans le calme et la sérénité. De toute façon, quand on lui criait dans les oreilles, c’est comme si elle devenait sourde, il n’y avait plus personne.  

« ça te dirait qu’on lise chacun une histoire, et qu’on se la raconte ? Ou qu’on lise des livres ensembles pour apprendre ? »

Proposa-t-elle au petit loup en face. Elle voulait apprendre, avec les grands c’est bien oui. Mais avec les loups de son âge ça peut être encore plus chouette. Oui elle voulait tenter y avait pas à dire la dessus. Ça l’intéressait de pouvoir faire ça avec Cendres s’il était d’accord.

Parfois, c’est mieux que rien, c’est mieux que jamais et ça ne veux pas dire non. Alors Pierre étira un sourire vague sur ses babines. Contente d’avoir obtenue le droit de passer un peu plus de temps avec lui. La jeune louvette était contente de sa rencontre avec Cendres, c’était un louveteau qu’elle trouvait érudit et gentil, tout ce qu’il faut pour plaire à la petite marginale qu’elle était. Elle était aussi fière d’elle d’avoir su ce tenir, parce que ce n’était pas gagnée. Elle se releva en hochant la tête.

« ça me va ! »

Elle remuait la queue, signe de son contentement et de sa joie. La sensation de s’être fait un nouvel ami lui courant dans les veines. La petite louve au pelage sombre agita les oreilles entendant une voix connu et tourna la tête pour voir son frère un peu plus loin. Oula non non elle ne voulait pas recommencer à jouer dans la poussière comme une idiote.

« Je vais te laisser Cendres, avant que mon frère ne m’attrape »

Lui lança-t-elle joyeusement avant de s’éloigner d’un pas rapide, un petit bon en ouvrant ses ailes qui la propulsa plus loin. Elle esquivait souvent Thomas et Nathaniel. Elle les aimait beaucoup oui mais… Disons qu’ils étaient un peu casse pieds et qu’elle n’aimait pas être envahit de bêtises ou de jeux qui la barbent. Ainsi la petite louve choisissait précisément les moments où elle souhaitait passer du temps avec eux, et les moments où elle n’en avait pas la moindre envie.