Du sang & des larmes [Ft Noé & Alexandrine + Fratrie de Tawana ]

Du sang & des larmes [Ft Noé & Alexandrine + Fratrie de Tawana ] Alex

Alexandrine regardait dans le vide. Elle attendait, patiemment, qu'ils reviennent. Noé, le premier panseur qu'elle avait trouvé, lui semblait être parti avec quelques autres loups depuis des heures maintenant. Mais peut-être cela ne faisait-il que quelques minutes ? L'énervement et le stress l'empêchaient encore d'avoir mal, ses blessures l'irritant légèrement. Elle se levait, marchait en rond, puis se rasseyait. Se couchait. Se relevait. Son petit corps bouillait de mille sentiments différents. Elle voulait... Elle voulait...

Elle frissonna.

Elle ne voulait pas y penser.

Lorsqu'un doux tapage se propagea de l'entrée du camp, Alex se redressa et bondit en direction du bruit. Ils revenaient ! Ils étaient là ! Son poil se hérissa lorsqu'elle aperçut Tawana, fermement tenu par les autres loups. Son était faisait peine à voir, et c'est discrète et l'oreille basse qu'Alexandrine les suivit jusqu'à la tanière qui l'attendait. Silencieuse, elle attendit dans un coin, sage et discrète. Tawana s'était réveillé, et elle sentait sa détresse, comme elle l'avait sentie dans la Rougelande. Elle ouvrit légèrement la gueule, pour mieux évacuer cette force qui la prenait et menaçait de l'envoyer par le fond.

C'était vraiment ce qu'il détestait le plus dans son travail de panseur, d'avoir à ramener au Castel des blessés sérieux.
Oh, évidemment, au fil des années, il avait appris à faire abstraction des blessures, du sang. Le plus dur à gérer, en fait, c'était les proches, éplorés, leurs regards rougies et gonflés par les larmes posé sur ce patient pour qui ils avaient si peur, pour qui ils ressentaient tant de peine. On comptait alors sur lui pour prendre le relais, atténuer les souffrances et soigner les plaies. Il n'avait pas le droit à l'erreur, là, devant ces loups dans l'attente du verdict.
Il hocha la tête lorsque l'une des sœurs de Tawana le remercia. Il était poli, semblait calme mais son corps ne savait mentir : Sa queue remuait nerveusement.

Son patient finit par ouvrir les yeux, encore groggy. Au moins, il reprenait conscience, ce qui était quand même une très bonne chose. Noé lui offrit un sourire un peu crispé.

- Ne bouge pas. Je vais m'occuper de ta patte.

A l'aide d'une bande épaisse et de tiges de bois, il réalisa une attelle afin de garder le membre cassé immobile. Le loup aurait sûrement un peu mal, sur le coup, puisqu'il n'avait pas d'autres choix que de le manipuler pour mettre tout cela en place... Mais ça devrait aller. Il guérirait vite, si il se ménageait. Au moins, Tawana était panseur. Noé pouvait donc se dire qu'il s'abstiendrai d'aller faire le fou avec une patte dans ces état, pour les quelques mois à suivre. Il devait tout de même être conscient des enjeux, pas besoin de lui faire un topo comme ça pouvait être le cas avec d'autres patients.

N'ayant pas d'autres soins à lui apporter, il se détourna de lui, le laissant continuer d'émerger tranquillement. De toutes manières, il ne restait pas loin et au moindre problème, Saqqarah n'aurait qu'à l'avertir. Tout devrait s'arranger, le lycaon se retrouvait affaibli mais ses jours n'étaient pas en danger. Il ne devrait d'ailleurs pas garder la moindre séquelle de l'accident.
Noé posa ses yeux sur la petite louve silencieuse, tapie dans un coin de la sale. Visiblement un peu chamboulée par ce qu'il s'était passé. Il marcha vers elle, s'abaissant à sa hauteur.

- Ça va ? Tu peux me dire où tu as mal, s'il te plait ?

Il eut un sourire qui se voulait rassurant. Mais lui se sentait si gauche, ne sachant trop comment s'y prendre avec une enfant dans cet état. Peut-être pourrait-il lui donner quelque chose pour l'aider à dormir un peu, après avoir soigné ses blessures ? Il verrait un peu plus tard, selon ce qu'elle lui disait.

Elle tirait grise mine, assise sans rien dire dans son coin, se faisant toute petite pour ne pas gêner. Elle se contentait de jeter des coups d'oeil à droite et à gauche pour s'informer de la situation, sans bouger. Elle n'était pas la plus atteinte, habituée à encaisser les chocs et n'ayant reçu que des griffures superficielles. Profondes, certes, mais rien qu'elle n'ait déjà surmonté... Peut-être pas en aussi grande quantité, ceci dit. Mais s'en rendait-elle vraiment compte ? Son corps, ses plaies la piquaient, mais elle ne voyait même pas le sang goutter des lacérations, rien que le mouvement des pattes du panseur au dessus du corps de Tawana.

Lorsque Noé se tourna vers elle, elle sursauta et se recroquevilla, jusqu'à ce qu'il lui demande où elle avait mal. Alors, seulement, elle y réfléchit. Pas longtemps. Elle piqua de la truffe vers le sol.

Juste... Les griffures.

Elle étendit ses pattes et baissa ses ailes au maximum, les rangeant contre ses flancs, pour lui laisser un accès simple et rapide auxdites plaies. Droite. Efficace. Sans un mot ou un mouvement de trop, docile et appliquée.

A ses paroles, l'enfant se recroqueville. Elle va mal, elle est choquée. Sa gestuelle à elle aussi, ne sait pas mentir.
Alexandrine lui laisse tout de même un accès à ses blessures, des griffures selon elle. Noé voit pourtant des traces de crocs sur sa peau. Les animaux ne l'ont pas loupée, le sang coule par endroits. Il faut nettoyer pour que cela ne s'infecte pas.
En tout cas, sa détresse le touche, alors il essaye de faire au mieux pour la rassurer, quand bien même il n'est jamais très à l'aise lorsqu'il s'agit d'échanger avec ses congénères.

- T'es super forte pour avoir affronté tout ça et être venue chercher de l'aide, une vraie petite guerrière.

Mh, ce n'est peut-être pas une bonne idée de lui dire cela. Il est gêné, d'un coup.

- Pardon.

Tais toi, arrête de parler, tu t'enfonces là.
Il détourne le regard et prend de quoi s'occuper de ses plaies après les avoir nettoyées à l'eau et y applique des cataplasmes de miel et de plantes. Voilà qui devrait la calmer et aider à la cicatrisation.

- Voilà. Je te donnerai quelque chose tout à l'heure, pour t'aider à dormir un peu.

En attendant, il lui prépare cela, plongeant des plantes dans un petit bol d'eau pour les y laisser infuser.

« _ Comment il va Dash... ? »

« _ De ce que dit Noé il est hors de danger, bien que je m'inquiète quand même. »

« _ Je vois.. »

« _ Et Maman ? Comment va t-elle ? »

« _ En état de choc tu t'en doute bien. Papa la console pour le moment. Il vaux mieux qu'elle ne le voit pas comme ça maintenant. »

« _ Tu vas lui demander ? »

« _ Oui. J'attends juste qu'elle se remettent de ses émotions. »

Elle ne répondit rien aux mots qui se voulaient réconfortants du panseur. Qu'avait-elle à répondre ? Elle avait fait tout ce qu'elle avait pu. Et ça n'avait pas suffi. Ca avait été loin, bien loin de suffire. Sa bouche se tordit d'un rictus amer, aussi équivoque que son silence. Elle se force tout de même à parler, à répondre d'un vouvoiement inhabituel poussé par la situation et la différence d'âge :

Merci. C'est très gentil de votre part.

Après tout, le loup n'y est pour rien, lui. Au contraire. Il a été là, quand elle a eu besoin de lui. Il est allé chercher Tawana, pendant qu'elle se morfondait au Castel, interdite d'y retourner. Elle avait été tellement soulagée, de les voir revenir ! Tellement effrayée, aussi, par la mise du panseur en détresse. Le lycaon souffrait, c'était évident, et ça n'était pas anodin.

C'est à ce moment là que les chuchotis lui parvinrent, si bas qu'elle les déchiffrait à peine. Elle se retourna d'un bond vers celles qui les proféraient et étaient, de toute évidence, les soeurs de Tawana.

Je vous entend !

Elle n'était pas très polie, mais elle savait que ça ça l'était encore moins ! La louvette fit la moue et répondit d'un air agressif :

Qu'est-ce que vous voulez savoir ! Y'a rien à savoir ! Y'avait une meute de lycaons et une tempête, c'est tout !

Elle grondait, Alexandrine, déjà prête à mordre de nouveau, tendant ses muscles et tirant sur ses plaies badigeonnées de crème. Mais elle était à cran, encore emplie de la frustration de son inutilité et de sa peur, de ses démons qui en elle grondaient.

Dans son dos, il entend les sœurs du blessé chuchoter. Il lui suffit d'un petit regard en arrière pour se rendre compte que l'enfant dont il s'occupe est observée. On parle d'elle, aussi. Ça le rend encore un peu plus nerveux, quand bien même il n'est même pas concerné.
Puis le ton monte : La petite louve ne se laisse pas faire et communique à son tour, leur balance le résumé de ce qu'il s'est passé ce soir.
Noé se racle la gorge.

- Hey, ça va aller.

Sa voix reste douce, il parle à l'enfant sans la moindre once d'agacement. Il préfère tenter de calmer les choses plutôt que de laisser la situation s'envenimer.
Alors il se tourne vers les louves, un peu gêné.

- Bon ben... Voilà... Tout le monde est un peu à cran et fatigué ce soir, donc il vaut mieux arrêter là et que chacun aille se coucher ? Ça va aller, on se relayera entre panseurs pour veiller sur lui.

Il donne à la jeune louve l'infusion de plantes.

- Tiens, bois ça, c'est pour toi.

Et puis après, dodo !

louve

savait

celle qui protège

« _ Nous sommes désolée.. »

C'est pas qu'elle ne les aime pas, Alexandrine, ces louves qui ressemblent tant à Tawana. Ni qu'elle a voulu leur faire de mal. Eh, elle devrait savoir pourtant, qu'une des ascendance de la fratrie doit bien être lycaon, d'une belle part au moins pour créer toutes ces mouchetures ! Mais elle ne prend pas de gants. Parce qu'elle s'en fiche. Parce que pour elle, Tawana, ses soeurs et leurs parents n'ont rien à voir avec les lycaons qui les ont attaqué. De la même façon que les dragons qui ont attaqué Bamboo, Mint et Daisy ne peuvent pas être de vrais dragons. C'est impossible.

Elle ne comprend pas, Alexandrine, quand la louve s'excuse. De quoi peut-elle bien s'excuser ? Mais elle part, et les chuchotis cessent, les petites paroles dans le dos qui blessent simplement par le fait de n'être pas proférées tout haut.

Alex observa l'infusion que lui tendait le panseur et ouvrit légèrement la gueule.

La referma.

Je suis désolée.

Elle ne pouvait pas boire ça. Elle ne pouvait pas dormir, se reposer, avant qu'Anette ne revienne.

D'un bond que rien ne présageait, elle s'échappa par l'entrée de la caverne, louvoyant dans les couloirs du Castel pour aller se faire oublier dans un recoin connu d'elle seule, où personne ne viendrait la chercher, jusqu'à ce que sa mère montre sa haute stature dans l'entrée.

Ensuite, elle irait s'excuser de nouveau. Demain.

Bon, voilà, tout finissait bien. Les sœurs s'excusaient et l'enfant, elle, semblait un peu plus calme... Ouais bon, ok, c'était pas vraiment hyper la joie non plus, puisque tout le monde s'excusait. Alexandrine refusa même de boire l'infusion qu'il lui tendait, le faisant hausser un sourcil...
Soit, si elle n'en voulait pas, il ne pourrait la forcer. C'était juste un peu dommage pour les plantes gâchées.

Il la regarda quitter la tanière. Lui, comme promis, resterait près du blessé durant quelques heures encore avant que quelqu'un d'autre ne lui succède.

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