Du sang et du sel ♥ Lewis

Qu’ils te paressent bien naïfs, tout ces loups abordant la corneille comme blason, le mauve comme couleur fétiche. Ils pensent que rien ne peut leur arriver, que leur déesse veillera à jamais sur eux, mais qu’ils sont stupides, parce que rien ne les protège, rien ne leur permet d’échapper au gong du destin.

Parce que ce n’était qu’une question de temps avant que le sang ne se mêle de nouveau à la terre.

Parce que la violence était la seule chose qui régissait ce bas-monde et qu’il fallait se tenir debout ou périr.

Mais dans leur esprit, tout n’était que doux rêves.

Monde de paix.

Pour des esprits si naïfs.

La queue recourbée de Lewis remue doucement en entendant cri, un appel que rien n’aurait pu lui faire oublier. Un appel qui l’oblige à quitter l’étude de ses grenouilles, celles qui sont dangereusement colorés et qui menacent la vie de par leur venin. Celles qui amusent temps la louve, car à tout moment elles pourraient lui ôter la vie, parce que cela ne lui faisait pas peur de mourir, car la mort avait bien d’autre formes et que l’esprit de la pirate n’avait jamais vraiment cessé d’agoniser.

Une agonie longue.

Qui durait depuis la naissance, depuis la mort d’Alys, l’abandon d’Angelica, son enfance emplie de solitude, l’arrivée d’un frère paricide… Oui, c’était une agonie longue, mais pour autant, Lewis n’en souffrait nullement, parce que la souffrance n’était désormais plus qu’une option, cela ne représentait désormais plus rien, les sentiments, la confiance, l’amour tout cela n’était que chose imbécile dont les autres s’encombraient pour se rendre plus faibles.

C’est sans crainte que Lewis pencha sa tête au-dessus de la louve qui roule dans le sable, crocs dévoilés en un sourire, parce qu’elle n’avait nulle crainte en présence de cette louve qui en terrifiaient certains.

« — Tu en as mis du temps à revenir, Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort. »

Mais qu’il est bon de te revoir, alors que les pétales commencent à tomber, alors que tout semble s’écrouler. Alors que d’autres prônent la paix, quel doux parfum que celui du sang qui menace de couler.

Peut-être aurais-tu dû avoir peur, Lewis, de cette louve rongée par la folie, une folie bien plus grande que celle à laquelle tu avais été confronté durant ton enfance. Tout semblait danser chez elle, la raison, partie loin. Pourtant, tu restais là, à quelques centimètres, à la merci de ses crocs. Dis-moi Lewis, n’as-tu donc aucune crainte de la mort ?

Tu pues encore le sang de sel.

Oh oui. Parce que le moment fatidique approchait. Ce sang maudit qui bientôt la brûlerait si elle se trouvait sur le continent. Déjà les démangeaisons commençaient à se faire sentir, quand bien même Lewis faisait tout pour les ignorer. Ironiques n’est-ce pas ? De savoir que tout comme Alys, son sang était maudit et menaçait de la consommer à tout moment. Devrait-elle faire des saignées tout comme lui ? Au point de ne pas se relever ? Serait-elle, elle aussi consumée par le feu du sel ? Ou lui suffisait-il le salut que représentait les crocs de son frère dans sa chair ? C’était une idée tentante. À la remarque, la mauve sourit.

« — Mon sang est de sel, quand bien même je ne suis plus de l’océan. »

Elle qui avait quitté les Raeders, pour fuir Céto la maudite entité, voilà qu’elle mourrait en tant que traître sur les terres des continentaux.

Mais voilà, que Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort offrait un échappatoire, une chance de salut à la fatalité du destin. Une purification, contre un morceau de son pelage. À cette demande, Lewis éclate de rire, à en passer les pattes sur ses côtés, tant cela était drôle à ses yeux, de devoir payer le prix de par son pelage.

« — Avec quoi comptes-tu tout nettoyer, Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort ? »

Son sang ? Elle qui semblait épargnée la malédiction qui coulait également dans ses veines. Le même sang que Lewis. Du moins en parti. Illidan était le frère d’Angelica, donc son oncle, ce qui faisait d’elle des cousines. Ironiques non ? De savoir que la seule famille qui restait à la pirate, était Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort. Lewis avait toutefois de l’amour pour sa personne, un semblant de respect. La gueule de la pirate vint chatouiller l’oreille de la louve, venant  y murmurer.

« — Je ne suis comme Tavie ou Tamort, on ne me porte pas. »

Elle n’était pas un trophée.

Quand bien même cela était pour son amie.

Quand bien même cela pourrait la sauver.

La solitaire est fière. Fière de savoir danser comme son peuple le lui a appris. Un si long voyage pour apprendre une danse ? N’étais-ce pas un peu léger ? Les yeux mauves de la louve observent TaVie et Tamort, maintenant accompagnés de nouvelles couleurs. Qui donc avait bien pu être dévoré ? Qui d’autres avait eu le malheur de déplaire à Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort ? La queue recourbée de la louve remue doucement.

« — Danseras-tu pour moi, Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort ? »

Peut-être aurais-tu dû te passer de cette demande Lewis, toi qui ne sait à quoi correspondait une telle danse chez Méluciole. Pourtant cette dernière s’exécuta.

Soudain, les crocs de la louve furent sous le capuchon de la pirate qui resta impassible, ne se doutant pas que les crocs viendraient s’enfoncer dans sa peau pour venir en arracher un lambeau. La mauve laissa échapper un grognement de douleur, alors que ses yeux se fixaient sur la plaie ouverte. Une sensation de brûlure se fit sentir à l’endroit d’où s’écoulait du sang.

Au lieu du cri, de la protestation, c’est un sourire qui apparaît sur les lèvres de la mauve.

Lewis passa sa patte sur la blessure, qui se recouvre de sang, avant de la porter à sa gueule, laissant le liquide rougeâtre éveiller son palais.

« — C’est empoisonné par le sel. »

Ce maudit sel était donc partout !

Le corps de la pirate fut secoué de spasmes, alors qu’un fou rire montait en elle. N’étais-ce pas si drôle de se dire que c’était dans le sel qu’elle était née, et que c’était dans celui-ci qu’elle y perdrait la vie ? Parce que Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort n’allait peut-être pas la laisser partir aussi intacte. Étirant sa blessure, dont un peu plus de sang s’échappa, Lewis bondit son corps si près de celui de sa cousine, partageant un peu de son sang avec elle, alors que ses yeux brillent d’un soupçon de folie.

« — M’offriras-tu un bout de ta peau aussi ? »

Qu’est-ce qui reboucherait ce trou sinon si ce n’était un autre pelage ?

Poe remua dans le capuchon, visiblement intrigué par toute cette agitation.

« — Ou… »
« — Le boiras-tu… »
« — Jusqu’à… »
« — La… »
« — Dernière… »
« — Goutte ? »

Lewis paierait-elle cette rencontre de son sang ?

Le feu.

Lewis le sens ce feu, qui par moment brûle son sang. Étais-ce le sel en ses veines qui le provoquait ? Pourtant, les crocs de Méluciole s’enfoncent de nouveau, ils pénètrent un peu plus sa chair, la vide un peu plus de son sang. Ce dernier s’écoule, bien que sur son dos, Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort parvint à en boire une partie.

La pirate ne lutte pas, ses pattes tremblent, mais pas à cause de la peur, non. À cause de la faiblesse qui commence à l’engourdir. Tout semble tourner. Tout tourne. Lewis tourne aussi, dans le vide, alors que ses yeux peines à demeurer ouverts. Ses pattes se dérobent sous elle, alors que Méluciole la domine.

Mais ce n’était pas vraiment la domination le but recherché, n’est-ce pas ? Simplement une délivrance, pour te permettre d’échapper au destin, celui qui pourtant était inscrit dans ton sang.

Les cicatrices brûlent à l’intérieur.
C’est pour ça que tu manques d’hurler.
Mais tu ne fuiras pas.
Elle pouvait te faire saigner.
Te faire hurler.
Mais elle ne te ferait pas fuir.

Un doux sourire vint étirer les babines de Lewis, alors que le sable s’imbibe de son sang sous ses pattes.

« — Elles dansent… » La mauve a du mal à faire une phrase complète. « … les ombres… »

Elles sont si belles. Si libres. Le corps de Lewis tremble doucement. Pourquoi faisait-il si froid maintenant hein ? N’étaient-ils pas censés être au printemps ?

Dis Méluciole, pourquoi ai-je froid ?

Tout semble s’arrêter.
Le temps.
La vie.

C’était comme si, il n’y avait plus rien autour d’elle.

Ses paupières battent faiblement, chaque mouvement demande un effort considérable, chaque respiration lui donnait un peu plus froid. Mais pourquoi faisait-il si froid, hein ? Même Poe ne remue plus. Trop apeuré, terré au fond du capuchon imbibé de sang, tout comme le sable.

Non loin, Lewis pense entendre le son d’une déglutition, mais rien n’est sûr.

Ses yeux ne voient plus, car ses paupières se ferment.

Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort semble être partie. Lewis ne sent plus sa chaleur contre elle. Pourquoi ne l’avait-elle pas réchauffé ? L’estomac de la louve se soulève, l’odeur du sang qui lui empoisonne les sens, lui fout la gerbe. pourtant, même ça, ça demande trop d’effort. Alors le dégoût reste. Le goût du sel remonté dans sa gueule aussi. Étais-ce là, la fin qu’avait connu Alys ? Lui qui devait quotidiennement effectué des saignées, avait-il ressenti ce qu’elle ressentait actuellement ? Avant que la fumée de la Renarde ne l’emporte. Avant que les crocs de Siam ne déchirent sa gorge. Ce sang contre lequel il avait toujours lutté, c’était pourtant avec lui qu’il avait fini son histoire.

Soudain.

Soudain, ce contact fait réagir la louve.

Un tremblement parcours son corps alors que quelque chose touche à ses blessures.

Non, pas quelque chose, mais quelqu’un.

Cendres.

La pirate ouvre à moitié ses paupières, cherchant les prunelles dorées.

« — Ce… n’est… que du… sang… Cendres. »

Les babines de Lewis s’étirent doucement en un faible sourire, alors qu’elle reste immobile, se contentant de respirer plus calmement.

Mourir n’est pas la fin.

C’est ce qu’apprête à répondre à Lewis, avant que Cendres ne prononce son nom. Pas Grenouille. Pas un titre. Son vrai nom. La queue recourbée de la Lewis balaie très faiblement le sable. Alors que ses suivent la silhouette du gamin qui s’en va.

Lewis.

Il l’avait appelé Lewis.

« — D’accord… Je resterais en vie… pour toi… »

Mais l’enfant est déjà parti, chercher sa mère. Personne ne devait savoir que c’était Méluciole qui l’avait saigné, parce qu’eux ne comprendraient pas que ce n’était qu’un sauvetage et pas une mise à mort. Eux ne verraient que la violence de l’acte et pas l’amour au travers de lui. Parce qu’ils craignaient la mort, plus encore qu’ils ne prenaient le temps de savourer la vie. N’étais-ce pas l’ordre naturel des choses ?

La mort n’est pas une fatalité.

La vie n’est acquise que si on se bat pour.

Doucement, Lewis tenta de coucher son corps de sorte à avoir la tête droite. Ce simple acte manqua de la faire plonger de nouveau dans les ténèbres. Pourtant il fallait tenir. Ses griffes tentent de défaire le bandage autour de sa patte avant.

(Lancé de dé)

La pirate ne savait par quel miracle, elle parvint à poser le bandage, bien que maladroitement, autour d'une de ses blessures. au moins se sentait-elle mieux. La tête de la louve se posa sur ses pattes.

Cendres avait dit qu'il reviendrait.

Il l'avait dit.

Il avait tenu parole, Cendres. Voilà qu’il revenait avec Oiseau-Qui-Échappa-À-L’-Océan. Lewis bougea un minimum pour aider Cendres à la hisser sur le dos de sa mère. Pourrait-elle les porter tous les deux ? Cela ne sembla pas poser problème.

Ils chercheraient à savoir qui avait fait ça. Parce que les loups aimaient les réponses, presque autant que les questions. Mais Lewis ne pouvait trahir Méluciole, parce que c’était son amie, et que trahit ses amis c’était une forme de lâcheté. C’était un secret que la louve était prête à porter, parce que c’était sur sa conscience que pèserait la vie de Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort si on venait y atteindre.

Sortant furtivement sa tête du capuchon, Poe croassa alors que ça bougeait pas mal sous eux. Lewis lança un regard à Cendres.

« — Tu t’occupes de Poe… hein ? »

Parce que lui seul le ferait aussi bien qu’elle.

Oiseau-Qui-Échappa-À-L’-Océan était bien rapide, tellement rapide que Lewis avait du mal à discerner le paysage qui défilait sous eux. Cendres protesta à la demande de la mauve, qui se contenta de remuait sa queue, conservant le silence un long moment avant de finalement répondre.

« — Ça… c’est une évidence… »

Car demeurait aussi faible, n’était même pas envisageable, les jeux ne seraient plus les mêmes sinon ! Lewis sourit doucement, se demandant bien ce que ferait Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort après tout ça. Se révéraient-elles ? Ou étais-ce là un ultime cadeau d’adieu ?

Parce que le sel ne brûlait plus dans le sang de Lewis.

Parce que Pontos était parti.

De même ce qui restait de pirate en elle.