(clos) Deux oeufs et une soupe ✩ Raison

Il y avait eu un rêve. Un rêve formidable, de poule et de lapin. Un rêve qui m'avait transporté loin, dans un pays qu'on aurait pu pensé réel. Je me souviens de mes ailes, à ce moment. De celles que je pouvais étendre. De mon petit bec de coq, du toupet tout doux qui s'agitait sur ma tête. De mon plumage de rose et d'étoiles, aussi.
Et puis...
Je me souvenais de toi, Raison.

Dans ce rêve extra-lucide, où nous avions tant accompli ensemble !
C'est trente œufs que nous avions conquis.

Et à mon réveil, je trouva l'un d'entre eux, celui qui m'avait couté pour de faux la vie, lorsque j'avais glissé et était tombé d'une hauteur si impressionnante ! Tu m'y avais envoyé plein de fois, sur ces plateformes qui abritaient des œufs... Voilà que j'en avais un en souvenir, maintenant, accompagné d'une boite à musique. D'une particularité nouvelle, aussi, mais je ne l'avais pas encore découverte. Bientôt.

Je n'avais eu à m'occuper que d'un soir de deux œufs, car l'un d'entre eux avaient éclos. Et Keemun était né, mon petit thé noir mangeur de charbon !
...Tu serais sans doute le premier, après ma sœur, à me découvrir désormais anoure. Kee' aimait les choses cramées, comme les buches calcinées dans la cheminée de la bibliothèque..ou ma queue, ayant un jour subit le feu. Il avait même croqué Famine !! Les choses mortes, ça lui plaisaient aussi, c'était un vrai ptit glouton !
Il me regarde, assis là, encore petit. Il fait un broah en guise de gazouillis-grognement, je me décide à le prendre avec moi.
Ce n'était qu'un bébé !
Tu m'en voudras pas trop, si je le prends avec moi ! Oh, je sais que non.

Enfin, ça...
C'est si ce rêve avait été réel.

Ça fait une semaine, maintenant, que tout ça est passé.
Une semaine, et je saurais bientôt si tout cela était vrai, si tu te souvenais toi aussi de ce moment passé ensemble.

Je quitte la bibliothèque, ma cape anthracite sur le dos, Keemun s'accrochant entre mes deux épaules. J'ai pris l’œuf, aussi. Blanc, une fleur gravée dessus. Et des madeleines toute fraiche, pour manger après la soupe promise ! Et je viens jusque dans ta cabane, dont la fenêtre émet le seul point lumineux dans la nuit noire et brumeuse.
Je toque à ta porte.
Je retiens mon souffle.

« Salut, Raison ! »

Est-ce que tout cela était vraiment arrivé ? Te souvenais-tu de tout ?
Ou venais-je te voir sans réelle raison...

Tu arrives pile à l'heure.
Ce rêve n'en était donc pas un. Tu avais attendu une semaine ma venue, comme j'avais attendu ces mêmes sept jours pour venir te voir. Maintenant je suis là, devant un toi si chaleureux que mon coeur bat un peu plus fort, alors que se ravive en mon corps tous ses bons sentiments.
Que ça fait du bien, Raison, d'entendre une voix comme ça !

Je soulève mes madeleines, tout fier à ta réflexion.

« Oui ! J'en fais si souvent que je pense pouvoir dire que se sont les meilleures de toutes ces terres huehue ! »

Je les faisais tantôt nature, tantôt chargé de myrtilles ou de groseilles, tantôt fourré de saumon et d'aneth ou bien de quelques miettes de thon (recettes élaborées en prévision de mon voyage avec Ajani chez les Raeders, ne souhaitant pas arriver les pattes vides et me disant qu'ils devaient aimer les produits de la mer, où se joindrait quelques plantes du continent !). Tu me demandes si je vais bien et je hoche la tête, tout sourire, alors que je me permets de rentrer.

« Super bien et toi ?? Oh ! Mon œuf à même éclos, regarde je te présente Keemun ! »

Il était si mignon avec ses ptites cornes, son visage tout noir et ses dents pointus, cette mâchoire qu'il avançait aussi de manière si effrontée en avant ! Il ne mordait pas, ne t'inquiète pas. Sauf si tu tenais dans ta patte un charbon, dans ce cas... Oups ! Je lui donne d'ailleurs un morceau de bois brûlé, qu'il ronge sans tenir compte des autres animaux.
Il n'était pas dangereux du tout, et gentil comme un cœur ! C'était mon digne fils huehue, tu trouvais pas qu'il me ressemblait ?

Tu me montres alors tes présents. Un... Un chocodile !! Et un œuf, aussi !

« Oh j'espère c'est pas celui qu'on a tué dans le rêve quand même, 'y pourrait nous en vouloir sinon ! Moi, j'ai eu cet œuf...tu as bien deviné, c'est celui de la plateforme ahah!... ainsi qu'une boite à musique. Mais je sais pas trop à quoi elle sert, elle est un peu cassée je crois. »

Mais elle était jolie, alors...Passons ! Je me permets d'aller poser l’œuf à côté du tiens, puis me tourne vers toi pour te sourire.

« Et voilà les deux frères ensembles ! »

Je ris d'une façon claire et franche, fermant les yeux et restant gueule ouverte, dans ce bonheur mien que je propageais.
Les œufs entre eux cliquetèrent alors, comme en communion soudaine.

Keemun resta focalisé sur son bout de charbon, mâchonne dans de petits bruits. Ses dents font craquer le bois, il ne te portera un peu d'attention que lorsqu'il aura finit et s'en ira chercher autre chose à grignoter. Il ne savait pas encore parler, j'essayais de lui apprendre sans savoir si un jour, il y parviendrait ! Mais Kiki' n'avait qu'une semaine de vie, alors... Je ne pouvais pas lui en demander plus, c'était encore un bébé se déplaçant à quatre pattes !

Restant près de toi, je regarde les œufs trembler les un contre les autres. Ils ont comme réagis au contact l'un de l'autre ; le mien est le premier à avoir prit vie et culbute d'un côté puis de l'autre, revenant toujours à sa place sans basculer et tomber. Le spectacle était amusant, il était dans un équilibre stable.
Puis voilà que mon œuf se craquèle.
Il arrive... Il arrive !
Le petite nez est pointu, le moth en sort en forçant sur sa coquille. Il est de blanc et de bleu, il est...
Il est magnifique !
Ses ailes sont immenses, son vol se fait dans un silence parfait. Je le regarde avec attention. Soudain !
Il se pose sur mon museau.
Que je l'aime déjà, autant que Kee'.

Je ne sais pas encore comment je l’appellerais. Je pense à ma sœur qui appela pareil animal Étoile.
Alors...
Alors le mien sera Lune.
Oui. C'était un joli nom, qu'il sembla apprécier !

Le tien, Raison, mis bien plus de temps à sortir. J'en viens à m'inquiéter, quand tu en viens à l'aider à se débarrasser de sa coquille. Je savais aussi qu'il n'était pas mort, par la réaction désintéressée de Keemun.
Il repérait un peu trop facilement les cadavres, blehw.

Puis la voilà.

« On dirait une petite luciole, oh ! Elle sera bien, avec toi. »

Je sais que tu t'en occuperais bien, malgré sa faiblesse. Que tu lui donnerais lumière plus chatoyante.
Je te souris, Raison.

C'est accompagné de ces nouveaux amis que nous mangeâmes ensemble ta soupe puis mes madeleines, discutant de tout mais surtout de rien. De ce rêve fait ensemble, de ce qui s'y produisait. De toi, de moi. D'une nuit qu'on partage autour d'une table, jusqu'à ce que l'aube menace de se lever (il est déjà 3h40 !).
C'est un bon moment que nous passons ensemble, oui.
On est heureux, tous les deux.

C'est avec un sourire immense que je te quitta de bonne heure, te remerciant pour cette nuit partagée.
A bientôt.