(clos) Devenir ✡ Tawana

Dans une heure commencerait le créneau de Tawana.
Dans une heure Désastre retrouverait son mentor pour parfaire sa technique et faire de lui ce panseur qu'il prétendait devenir.

Il frôlait de si peu sa première année, le jeune mâle, perdant sa carrure et son poil de louveteau pour prendre une juvénile allure. Il était encore haut sur patte, et sous son poil court roulaient les muscles acquis en ces mois de pratique, tant aux côtés de Pepper qu'avec ceux que l'ont pourraient le plus qualifier d'amis, leur rattachant cette définition dans son incertitude perpétuelle.
Il avait finit de grandir pour dépasser de quelques centimètres son mentor, restant encore un adolescent un peu freluquet, qui gagnerait en masse dans les mois à venir jusqu'à obtenir son corps d'adulte qui ferait fierté de Pepper.

Quand certains s'enthousiasmaient de leur premier anniversaire, il était chose que lui oublierait sans doute. Il ne comptait passer autrement sa journée qu'au travers d'une routine implacable, qu'on aurait su lui changer. Il préférait qu'on l'oublie, qu'on lui offre le silence et l'absence d'une attention qui l'effrayait tant cela ne lui était coutumier.
Il savait que Pepper

Ce silence qu'il trouve en entrant mi-clos dans les boyaux du Grand Castel, s'y laissant avaler jusqu'à atteindre la salle sienne.
Il ouvre les yeux.
Serpent s'enroule autour d'une patte, remonte en colimaçon. Il parcourt son échine et se glisse dans l'une de ses oreilles évidées, laissant sa queue s'y attacher quand il venait écraser la crête rouge de son corps longiligne, au plus près de son maître.
L'ombre d'un sourire s'esquisse sous la flamme vacillante du faible draginsecte qui volète vers lui, lent, et à qui il ne donna nom tant il s'attendait à ce qu'il s'éteigne et meurt.

Tant il n'avait d'imagination, aussi.

Pourtant... Pourtant il en faut un peu, pour s'occuper seul face à ses deux reptiles, dans ce moment qui ne peut appartenir qu'à lui et où il se préserve du regard des autres.
Il n'avoue qu'à demi-mot, qu'il aime s'occuper d'eux.
De ses familiers, ces deux êtres inutiles qu'il laisse être si dépendant de lui. L'un qui s'offusque encore un peu de la présence de l'autre, resté huit mois fils unique, et qui cherchait par son talent à exécuter des tours à impressionner davantage. Serpent sait faire frétiller le bout de sa queue comme une flamme qui frémit maintenant, imitant le second.
Celui qui sourit sans cesse et répand sa chaleur, œuf obtenu avec ses pairs et qui avait éclos sur l'animal le plus faible et le plus inutile. Pour lui. Il était un désastre à sa manière, inférieur à tous les autres, sien dans un hasard qu'il ne croyait qu'à peine.

Avec eux, il essaye de jouer.

Lui qui l'avait toujours fait se découvrait quelques élans avec eux, à l'écart de tous les autres avec qui, enfant, il aurait prétendu un jour s'amuser.
Il avait eu une fois l'espoir, de ne pas être tout seul. De découvrir ce que ça faisait, que de jouer à "cache-cache". C'était loin maintenant, il ne savait toujours pas et ne le saurait sans doute jamais. Il n'est pas déçu, il se dit que c'est comme ça, Désastre.
Que pouvait-on y changer ?

Ses pas se marquent, Serpent quitte sa tête et descend sur le sol. Il marche en un cercle parfait et lui vient en sens inverse, ondule entre ses pattes et repart pour à nouveau le recroiser. Lui positionne ses pattes, marche différemment, comme s'il ne tenait plus que sur un fil.
Et voilà.
Voilà que Serpent slalom ! Ah, qu'il est impressionnant ! Ah, qu'il espère que son petit maître le regarde et est fier de lui !
Désastre est toujours fier de Serpent. Il se dit qu'il est le plus intelligent des serpents.

C'est comme ça qu'il avait finit par apprendre à jouer, Désastre. Pas avec les autres enfants, avec qui il se battait, il escaladait ou il chassait. Mais avec lui. Lui apprendre des tours en étaient un, et chaque tour nouveau était un nouveau jeu.
Il lui fallait maintenant inclure la petite flamme qui sourit tout le temps.

Oh.
C'est Sourire qu'il le nommerait.
Pour ce qu'il ne faisait pas assez et ce qu'on lui faisait remarquer.
Il le ferait pour lui, maintenant, on le remarquerait et on oublierait l'absence du sien.

Désastre s'arrête, se tourne vers l'un et l'autre. Serpent se dresse, curieux.
Sa patte se lèvre et décrit un cercle, voilà qu'il fait maintenant la roue. Et il accompagne sourire, lui fait suivre une autre patte.
Sourire passe au travers de la roue, sa flamme étincelle comme dans un petit rire joyeux. Il s'amuse!
Serpent aussi. Il est de mauvaise foi, mais la chaleur de Sourire lui convient bien, le soir. Même s'il rêvait de le manger à la moindre occasion, réfrénant cette envie devant son jeune Maître.
Parce qu'il s'était brûlé la langue en essayant, aussi, quand Désastre les avait laissé seul tous les deux.
Heureusement que Sourire était candide, et n'avait dénoncé Serpent.

Le dos de l'apprenti se creuse et il soulève ses épaules, reprend les pas les yeux clos. Il dirige d'une patte ou d'un mouvement de sa queue, Serpent connaît et Sourire apprend cette chorégraphie qui se joue en huit-clos.
Leur danse à trois est un jeu.
Il s'amuse, il croit, à leur apprendre ainsi des tours.

Ensemble, ils forment quelque chose de nouveau.
Il y a sur ses babines l'ombre d'un sourire.

Sourire s'enthousiasme pourtant un peu trop, et Désastre ne sait gérer cela, dans le calme coutumier de Serpent.
Quand celui-ci bondit en faisant la roue, petite chose s'y jette à toute vitesse. Et voilà que c'est contre lui qu'elle se frappe !
Et que la petite flamme, aussi petite soit-elle, embrase le bout de ses cheveux.

Ah.

Sans céder à la panique, l'air morne ne se quittant que par sa gueule qui s'entrouvre, il tapote ses mèches d'une patte, éteint la combustion légère pour ne laisser qu'une odeur de brûlée dans sa crête.
Sourire semble s'en vouloir quand Serpent se moque et se gausse, fier de n'avoir jamais blessé Désastre !
Lui ne lui en veut pas, pourtant.
Il ne peut en vouloir à personne, il prononce ses mots qu'on ne lui a jamais dit mais qu'il a déjà entendu chez d'autres.

« Ce n'est pas grave. Tu feras mieux une prochaine fois. »

Il lui fallait juste apprendre de ses erreurs. Il progresserait, Sourire, comme Serpent avant lui.

Le jeu s'achève sur ça, Désastre laisse les deux reptiles.
Il ne devait être en retard pour le mentorat attendu, il craignait déjà de l'être. Ses sourcils se froncent, légèrement, donne un peu de vie au visage adolescent.

Et c'est porteur de l'odeur du feu qu'il vint à Tawana, un peu moins morose que d'habitude sans afficher pour autant l'ombre d'un amusement sur son visage.

« Bonjour, Tawana. Je m'excuse de mon retard. »

Une minute, et la routine s'égrainait déjà.

Une minute, mais le mentor était toujours occupé.
Désastre dévia son regard du seul pour qui il était venu ici, scrutant silencieusement l'individu qui lui faisait face. Il le détaille sans s'y attarder. Il n'est pas physionomiste, demain il l'aura déjà oublié dans ce succinct intérêt qu'il lui porte.
Il retient son allure de démon, car cela le marque.
Mais surtout, il espère qu'il ne lui volera pas son créneau. C'était ça, le plus important. Celui pour lequel il était venu, celui pour lequel il avait perdu une heure dans son attente, à s’embarrasser inutilement de choses inutiles. Celles que Pepper, sans doute, lui reprocherait si elle en avait connaissance.
L'idée de se retrouver soudain dépourvu le dérange, les commissures de ses babines tiques et ses yeux se plissent.
Allait-il restait avec eux ? Est-ce sur lui qu'il exercerait sa pratique ? Cette dernière hypothèse ne le dérangeait pas.
Il voulait apprendre, Désastre. Il voulait achever ce mentorat commencé il y a huit mois déjà.
C'était nécessaire.

Le loup-démon finit par s'en aller, sans que Désastre ne se décale ni ne le suive du regard. Il y a son éternel air morne, sur le visage, alors que les iris rouges retrouvent Tawana.
Est-ce que cela voulait dire qu'ils allaient commencer ?
Ses oreilles évidées frémissent aux mots de l'inconnu. Il ne les comprend, cherche vaguement de quoi il aurait eu le mode d'emploi. Il n'y avait rien à faire fonctionner, ici.
Seulement des choses à comprendre.

L'autre s'envole et déjà il s'en fou.
Désastre rentrait dans l'âge adolescent, et avec lui l'oubli sélectif.

Il ne reste plus que le sourire du mentor en unique pensée, et son timbre de voix douce.

« Oui. C'est parce que mes cheveux ont pris feu.»

Dit-il sans plus de tonalité dans sa voix, dans une normalité qui ne semblait concerner que lui. Il avait vu trop de choses, déjà, pour s'en étonner encore. A pas même un an, c'est l'état de lassitude qui semblait prendre le dessus sur toutes les choses palpitantes dans la vie, tant il en avait trop vécu.
Il souffle par le nez quand Tawana exprime l'amusement dans sa joie. Enfin, il croit que c'est ça.

« C'est vrai.»

C'est vrai, qu'il soignait Shinkaku, nom qui serait oublié aussi vite que son possesseur puisqu'il n'avait pu clairement associer celui-ci à son visage. Il se souvient des ailes, uniquement. C'est un détail qui marque.
C'est vrai aussi, qu'il faisait autre chose avant de lui venir, aussi.
Passons à autre chose maintenant.
A la leçon, la véritable. Ils peuvent parler, oui, mais il a besoin d'apprendre, et son heure tourne, et il craint de ne pas en voir assez.
C'est important, aujourd'hui.

Sans doute la leçon qui aboutirait sur le jeune mâle qu'il deviendrait demain.
Celui qui part au front, médecin de guerre. Celui qui se bat pour protéger. Celui qui panse, les plaies et les fractures.
La voix devenue grave, loin de celle fluette du louveteau qu'il fut, termina dans un souffle cette prise de parole.

« Je veux savoir panser, aujourd'hui.
...
S'il te plait.»

Je veux devenir panseur.

La demande faite, le mentor répond d'un mouvement. Il hoche la tête, bondit, s'allonge sur le lit.
Les ordres fusent, ses pupilles se font petites quand la tâche se détermine. Désastre est concentré, comme un loup face à une proie. Il est focalisé sur son objectif, ressasse tous ses acquis.

A son tour, d'esquisser ce même mouvement du museau, de haut en bas. Et un mot, qu'on lui entendait si souvent.

« D'accord.»

Il prend donc tout ce dont il a besoin. Des bandages. Des plantes, où l'on trouve arnica, écorce de saule blanc, pavot médicinale et consoude. De la mousse, imbibée de miel. De fines branches.
Mmh.
Il estime que c'est tout ce dont il aurait besoin. Il ne peut pas trop s'encombrer, il doit se satisfaire de ces choses aisées à trouver et peu encombrante. Il doit penser à sa pratique.
Le terrain.
Les combats, où il n'aurait le temps de chercher parmi tout un stock ce dont il aurait besoin. Ces plantes là se différencie rien qu'au contact, il n'a pas à perdre du temps à les comparer. Visuellement, tout les opposaient.

Ainsi équipé, Désastre revint près de Tawana.

La mise en scène commence. Désastre se dit que ce jeune loup n'a pas assez pratiqué la chasse, que l’orgueil l'a rattrapé et mené là où il n'aurait dû être : à porté de sabot d'une proie qui l'a vaincu. C'est une chose que Pepper n'aurait toléré, de lui.
Mais tout le monde n'était pas comme toi.

Ses yeux se lèvent un peu au ciel, en même temps qu'il annote dans une carte mentale les détails du récits, se laissant parasiter par ce qu'il sait de la chasse et du combat avant de revenir sur la nécessité d'un soin.
Mécaniquement, l'adolescent répond.

« Mmh.
En priorité, je peux lui donner un peu de pavot, mais pas beaucoup, pour soulager son mal.
Le sabot a frappé la patte avant, on peut soupçonner une fracture et un hématome à cet endroit là. Il faut donc l'immobiliser, à l'aide d'une attelle et d'un bandage. Avant de poser ce dernier, j'y appliquerais des plantes, de l'arnica et de la consoude, pour soulager l’hématome et la tension subite par les muscles.
Puisque le loup est tombé, le flanc est douloureux, mais non préoccupant. Il se plaint mais ce n'est rien, ça ne doit être qu'un hématome, je peux le palper pour vérifier.
Il ne sait pas serrer les dents. »

Il est faible, il pense.
Désastre est implacable.
Proche de son mentor, il s'appliqua alors à exécuter ses mots.

[Après la théorie, la mise en pratique : Désastre exécute ses soins - PC ING : 1]

Il s'applique, dans cette tâche. Ses mouvements sont doux, malgré les muscles qui s'élargissent.
Il fait attention.

Même si ce loup a été mauvais chasseur, il méritait meilleurs soins pour se rétablir et repartir à l'entrainement, partant vaincre ce qui l'avait vaincu.

Horrible, oui. C'était le cas de le dire.
Il ne soulignerait ce comportement que devant son mentor, garderait sans doute le silence ou... Ou parlerait de cette franchise éternelle, de cette seule vérité qu'il semblait en mesure de prononcer. En maintenant le fait que ce n'était rien, et qu'il fallait apprendre à supporter la douleur.
En était un désastre, en compassion.

Tawana observe son travail et il retient son souffle.

Le jugement tombe.

Le mentor est satisfait, plus rien d'autre ne lui importe maintenant.

Il s'ensuit sans battement le second cas de figure, Désastre braque en avant son oreille valide et boit les mots ici prononcés. Il a le souvenir du goût du sang dans la bouche, quand Tawana parle des plaies. Il pense à Holly, de ses plaies si maladroitement pansées, avant que Dairo ne vienne prendre bien plus efficacement sa relève.
Il s'agissait donc d'un adulte, suffisamment en forme pour s'entrainer, assez idiot pour ignorer une plaie profonde et son infection. La plaie est purulente, l'os se fragilise et se romps.
Il tombe et se fracasse le crâne, le sang est abandon.

Désastre retient son souffle.
Il doit faire vite, son ton morne le devient un peu moins par la rapidité plus vivace qui passe alors dans sa voix.

« Dans cet ordre : la plaie du crâne puis le traumatisme crânien qu'il s'est causé en tombant. La patte a déjà attendue et si elle doit être traitée elle peut attendre encore un peu puisqu'il ne peut plus se relever.
Je colmate avec de la mousse la plaie, j'éponge le sang. La tête saigne toujours beaucoup. Je contiens hémorragie, je cautérise la plaie, la bande ensuite en laissant dessus de la mousse imbibé de miel.
Ensuite.
Il a perdu connaissance, je peux tester par des pincements le tonus de ses muscles, le réflexe de sa pupille, son pouls. Je sais sa température élevée, à cause de l'infection, je ne la prends pas pour gagner du temps.
J'attelle sa nuque, immobilise la tête.

Enfin...

Je profite de l'inconscience pour amputer sa patte, je cautérise et bande de la même façon le moignon.»

La solution est radicale, Désastre n'a pas cillé face à une telle décision.

« On peut le déplacer.
Revenu chez les panseurs, il faudra surveiller ses réactions à son réveil, pour estimer le choc reçu sur le crâne.
Lui donner du propolis en traitement pour la septicémie potentielle. »

Voilà. C'est tout ce qu'il ferait, sur lui.
Revenons sur l'amputation, maintenant. Elle s'inscrivait chez l'adolescent comme une solution rapide et efficace. Il y avait pour lui trop à faire, trop de séquelles et de complications possibles. Une grande plaie, une infection purulente qui aurait pu nécroser les tissus, un os fragilité par cela au point de se briser. Il n'y avait pour lui aucun espoir, rien à garder.
L'amputation éviterait toutes complications, chez ce loup qui n'aurait fait plus attention.

Sans doute y aurait-il réfléchit, avec quelqu'un de précautionneux, dont il aurait été certains de l'application des soins.
Mais telle personne, jamais n'en serait rendu là.

Il s'approche maintenant pour mimer les soins, Désastre.

[Désastre va pour cautériser pour de faux les plaies, faire une minerve et mimer l'amputation et la cautérisation - PC ING : 1 ]

Oh.
Une erreur, quand à cette prise de décision. Il avait choisi la facilité d'une amputation, Désastre. Les paroles de Tawana ne sont pas un reproche, mais pour celui qui ne veut que satisfaire... C'est comme lui souligner une faute. Il doit penser à toutes éventualités, ne pas rester focaliser sur une seule. Il doit envisager, plus que de suivre un chemin qui lui semble tout tracé.
Et c'est dur, ça, pour Désastre.

« D'accord. »

Il obtempère pourtant, et maintenant ils passent à la suite de l'exercice. Les situations montent graduellement en difficultés. Après une simple plaie, après la blessure infectée et la contusion cérébrale...
Il lui parle de la guerre.
Là où peut-être un jour... Il finirait.

On l'a fait naître pour qu'il la vive, on l'a formé, on l'a modelé, pour que cette situation soit la sienne.
Comme si son entier épanouissement ne se révèlerait qu'une fois au front, petit soldat de fils.
Comme si le reste de son existence ne pouvait que lui donner lassitude, lui dans l'attente de ce jour.
Tawana lui dit qu'il doit être dépassé.
C'est pourtant le combattant qu'il a réveillé là.

La situation est gravée dans son esprit.

Il repense à ses rares jeux d'enfants, quand il se peignait le visage de traits rouges, glissaient des plumes dans ses cheveux et devenaient guerrier.
Il a tellement joué à ça. Il ne sait que jouer à ça, vraiment.

Le jeune mâle se met en mouvement. Ses muscles puissants roulent sous son pelage de gris et de blanc, il tourne autour de Tawana allongé là. Les épaules roulent, le dos se creuse... Ses pupilles sont minuscules et se font prédatrices.
A cet instant présent il dévoile ce qu'il est, la vie semble le prendre quand scintille dans ses yeux une lueur inhabituelle. Il décrit un cercle. Il tient éloigné l'ennemi.

« Je tuerais quiconque s'approche. »

Avant les soins, une menace qui n'en est pas une. Car il l'appliquerait, il la mettrait à exécution sans moindre hésitation. Sa voix est glaçante, porte l'intonation grave de sa voix d'adolescent qui devient adulte.
Il montre les crocs sans un grognement, puis se détourne pour s'approcher.

« Si les ennemis sont trop nombreux, s'ils s'approchent, j'offrirais à ce loup la mort qu'il mérite, ne laissant l'adversaire lui voler son dernier souffle. »

Mais il doit penser à toutes les possibilités. Non à une seule.

« Sinon, je peux essayer de le sauver. Je ne peux pas prendre le temps de vérifier s'il a une hémorragie interne, je ne peux pas être équipé pour, sauf si mon glowstick m'offre cette possibilité. De même pour ses côtes cassées.
Je tente de le sauver, avec ce que je peux faire de plus rapide.
J'endigue les hémorragies, je les suture. J'y laisse de la mousse imbibée de miel, je bande en serrant bien.
Je n'essaye pas de lui donner du pavot, il est inconscient, et s'il ne l'était pas le traumatisme crânien pourrait impacter sa déglutition.
Tout le reste ne pourra être vu qu'une fois mis en sécurité au Castel.
Je ne peux lui donner que les premiers secours. »

Il semble vivre, à cet instant présent, quand bouge dans son dos sa queue en un si lent mouvement de balancier, elle qui si rarement s'anime.

[Endiguons les hémorragies externes - PC ING : 1 ]

Alors ses pattes trouvent le corps de Tawana, il appuie sur les plaies imaginaires. Il le bande.
Et placé au-dessus de lui, debout et droit...

Il le protègera.

C'est ce qu'il exécute le mieux.
C'est ce qu'il exécute le mieux, parce qu'il n'est que préparé à ça depuis sa naissance. Dans ses émotions qu'on éteignit avant même qu'elles ne puissent se développer, ne laissant qu'un champ stérile et brûlé à leur place. Dans ses sentiments étriqués, ces ressentis incompréhensible qui agitait parfois son corps, en de rares spasmes venus le rendre, l'espace d'un instant, un tout petit peu vivant.
On lui avait appris à ne rien ressentir, pour ne pas céder à la peur de la guerre.
Ce sont d'autres peurs, pourtant, qui étaient parvenus à le gagner.
D'autres maux, qui faisait de lui un individu privé de sourire et d'éclat de rire.

Tawana ajoute une précision, et Désastre hocha la tête.

« D'accord. »

Même s'il ne la saisissait pas, même s'il notait l'erreur que d'avoir compté sur sa force, là où il pensait avoir été dissuasif. Il n'avait pas attaqué, ni même claqué des crocs ; il devait réfléchir et se souvenir de cette situation pour voir où il aurait pu laisser cette force primer sur sa réflexion et son calme.

Un bref silence.

Une dernière situation, qu'il n'attendait pas. De ça, Désastre n'a l'habitude. Il était né des dernières chaleurs, et les actuelles n'avaient encore apportées les naissances associées.
Il sait d'avance qu'il n'est pas en capacité de répondre aux exigences, ici l'échec serait plus tolérable que précédemment.
Une louve pleine, oscillant entre sa propre mort aux suites d'une complication de mise-bas, ou la mort du nouveau-né pour sauver celle-ci.
Il n'a pas besoin de réfléchir, il n'a pas besoin de laps de temps. C'est froidement que la décision tombe, parce qu'il ne peut en être autrement.  

« Je sauve la mère. Au delà de deux heures de travail, on ne peut plus rien espérer du fœtus, il est sans doute déjà mort. Je ne prend pas le risque de sauver ce qui ne peut pas l'être, et perdre ce qui peut l'être. »

Il ne pense pas, à la mère qui peut souhaiter donner vie malgré tout. Il se dit qu'il aurait été mieux pour cette meute de garder Pepper plutôt que lui, dans la calamité de sa naissance. Il se dit qu'un enfant sans parent commence tristement sa vie, aussi.
Mieux valait donc sacrifier l'enfant.
Et garder membre utile à cette meute.

[ Pratique factice de l'avortement - PC ING : 1 ]

Cette situation qu'il ne maîtrise pas devient théâtre de ses lacunes.
Il ne maîtrise ce moment, il sait qu'il comment une erreur, dans ce qu'il mime près du mentor...

Dans ce travail, il n'est pas question d'être bon. Il faut être le meilleur.
Il pèse sur les épaules des panseurs la responsabilité des vies, le poids des familles, la survie de la meute. Sauver un élément, c'était maintenir la force du clan. En perdre un, c'était voir l'unité perturbé par le deuil porté par tous, chacun à leur façon.
Désastre n'avait pas été suffisamment rigoureux, sur ce soin.

Il sait qu'il ne devait être celui qui porterait la charge des mises-bas. Il connait désormais un peu plus ses limites, celles où ses connaissances se limitent.
Il resterait à sa place, là où on l'attendrait. Sur le chemin des blessures et des plaies, un jour sur le front.

Malgré l'échec, Tawana lui sourit et il ne sait interpréter ça.

Il sait du moins que l'entrainement touche à sa fin, quand le rouge des iris observe le mentor qui se relève. Désastre était satisfait, malgré qu'il pensait pouvoir mieux faire. Raison qui faisait qu'il poursuivrait ses efforts, encore, encore...

Dans ce même sourire qui nimbe son visage de toute la lumière divulguée par le soleil... Tawana lui offrit alors la permission. Il lui semble que son souffle se coupe, à cet instant présent, qu'il a un peu plus de mal à respirer.
C'est... C'est un sentiment qui prend un peu son corps, hérisse son échine.

Il ne sait pas ce que c'est, Désastre.
Que l'enthousiasme qui le saisit alors.

Il était désormais en droit de passer son glowstick.

L'adolescent hocha la tête, dans un mot prononcé rapidement.

« J'y vais de ce pas.
...
Merci, Tawana. »

Et il part s'entrainer, comme il le lui a dit. Il s'en va courir et maîtriser une ultime fois ses peurs, il va repousser ses limites.
Il va se rendre prêt.

C'est devant Kiro, qu'il le retrouverait.