La Chasse ✠✡ Narcisse & Holly

Loin de se douter de ce qui allait se passer, Holly profitait de sa journée.
Ça lui avait manqué, le travail. Ou du moins, le fait de pouvoir faire autre chose que dormir, lire, et encore dormir car trop fatiguée pour faire autre chose. Ses blessures guérissaient bien et étaient, désormais, des lignes sombres, bordées de croûtes peu ragoutantes qui la démangeaient plus ou moins.
Le choc, lui, était toujours présent, glissant dans son sommeil les images de ce dernier assaut. Mais elle finirait par passer outre, elle le savait : Elle était forte et, en tant qu'Épée, serait sûrement amenée à essuyer d'autres défaites douloureuses.

Ce n'était pas aujourd'hui que cela arriverait, en tout cas, songeait-elle en patrouillant en compagnie de Narcisse.
Les terres étaient calmes et, malgré toute sa concentration, elle ne sentait pas la moindre odeur de solitaire. Ce serait donc un jour tranquille, sans combat ni menace. Une journée comme elle en avait beaucoup connu, mine de rien, puisque rares étaient les fous qui se mettaient à dos les Etelkrus.
Ah, l’insouciance, l'ignorance, la naïveté.

Lorsque Pepper vint vers eux, elle sut immédiatement que quelque chose n'allait pas, sans même que l'Alpha ait besoin de prononcer le moindre mot. Chose qu'elle fit pourtant, quand bien même son expression en disait déjà long sur la situation.
Il s'était passé quelque chose de grave.

Sans un regard pour Narcisse, qu'elle ne voyait pas se dérober, Holly suivit son Alpha. Celle ci semblait remonter une piste.
Dans la tête de la jeune épée, les choses commençaient à se bousculer. Que s'était-il passé ? Avait-on fait du mal à l'un des leurs ? Un solitaire qui était passé à travers les mailles du filet ? La solitaire folle s'était-elle échappée ?

Non.
C'était bien pire que tout cela.
Un traître était dans leurs rang.

Une Épée qui avait violé un panseur.
Une Épée avec qui elle avait peut-être patrouillé, un jour, avec qui elle avait peut-être échangé quelques mots, sur le travail. Un être abominable qui, durant des nuits, avaient dormi au castel, non loin des plus vulnérables, sans que personne ne se méfie de lui ou ne se pose de questions sur ses intentions.
Avant qu'il ne se fasse grenade et explose, blessant tout sur son passage.

Elle gronda, Holly.
Son visage se para d'une expression dure et son regard étincelaient : Elle était tellement en colère qu'elle savait, d'avance, que la mort prochaine du traître ne l'atteindrait pas.
Il paierait pour ce qu'il avait fait, pour cette confiance violée en même temps que la panseur.

Les autres paroles de l'Alpha l'achevèrent : Ils n'étaient pas les seuls sur les traces du violeur. Désastre les avait devancées. Le sang de Holly se glaça dans ses veines. Pas qu'elle doute des capacités du jeune loup mais... Que se passerait-il, en cas d'altercation avec une Épée entraînée ? Une Épée qui était déjà venu à bout d'un autre loup, Saqqarah, qui plus était.
Elle était terriblement inquiète pour lui, pour Désastre.

Elle hocha la tête, brève dans ses paroles, comme à son habitude lorsqu'elle travaillait.

- Compris.

Ses yeux seront aussi ceux de l'Alpha.
Elle oublia tout le reste, sentiments, états d'âmes, pensées parasites : Holly n'était plus qu'animal en plaine traque, son (regard bleu balayant les paysages, ne manquant aucun détail.
Là, près du ruisseau, des traces de pattes posées mouillées sur la roche. C'était récent. Était-ce leur cible, qui était passée là ? Désastre ? Un solitaire ?

- Quelqu'un vient de passer par là. Il y a des traces de pattes mouillées. Et du sang.

Il y avait l'odeur du sang.

Quoi de plus banal qu’une patrouille ? Il n’y avait aucun enjeu au travers de cette tâche, la menace que représentait les Etelkrus suffisait à tenir à distancer solitaires et pirates. Quelle dommage… Narcisse n’aurait pas dit non à un petit combat avec une de ces énergumènes. Ne serais-ce que pour vérifier si leur sang était aussi pourri que leur odeur. Mais ce ne serait pas aujourd’hui qu’il pourrait vérifier cela, peut-être un autre jour…

La compagnie d’Hollyock n’était pas désagréable. Elle savait apprécier la valeur du silence, ne s’encombrant pas de paroles inutiles. Pourtant, même si elle ne parlait pas, un regard vers elle suffisait pour voir que la louve était pensive. Les yeux mauves du loup s’attardèrent un instant sur elle, essayant de deviner ce qui pouvait tant la rendre pensive. Alex aurait sûrement compris au premier coup d’oeil, vu qu’elles étaient toujours fourrées ensemble. Un tel lien était admirable.

Son observation fut interrompue par l’intervention d’une Pepper plus qu’énervée. Holly fut la première à lui emboîter le pas à la suite des explications de l’alpha. Ce n’était pas un solitaire. Ni un pirate. Mais un traître portant le titre d’Etelkrus qui avait osé s’en prendre à un Panseur. Saqqarah avait également disparut… Hum, au vu de ses compétences de combattant, il ne devait pas être en bon état.

Sans plus attendre, Narcisse suivit le duo de louves.

S’il fallait mettre à genoux un traître, il ne raterait cela pour rien au monde.

Il n’était pas encore né lorsque le premier viol Etelkrus avait eu lieu, il avait juste trouvé les informations dans les livres. Du temps où Cassandre et Alys étaient alphas. Du temps où les solitaires et pirates jouissaient d’une plus grande liberté, les Eteltrus n’étant à l’époque pas aussi sévère que maintenant.

Le loup qu’ils traquaient n’était pas malin. Là où l’eau aurait pu effacer ses traces, il avait choisi de traverser. Traître et idiot. Sûrement pas une grande perte pour le clan. Agile traversa le ruisseau, sa truffe à l’affut de l’odeur du sang, parce que c’était elle qui dominait, plus que l’odeur du traître elle-même. Sa truffe pointue s’arrêta au-dessus d’une branche cassée, imbibée de l’odeur du sang. Cet imbécile avait dû se laisser dans sa fuite ! Plus intéressant encore, l’odeur de Désastre était là, elle aussi. Lui aussi avait trouvé cette piste.

Le fils d’Anette et Sheina se tourna vers les louves.

« — Par ici. Il se laisse guider par la peur. »

Et ne prend plus aucune précautions…

Sentait-il le souffle de la mort sur sa nuque ?

Holly hocha la tête à la remarque faite par sa mentor.
Elle en avait encore, des choses à apprendre, étant encore jeune et, elle devait bien l'avouer, inexpérimentée dans certains domaines. Alors, elle se concentra, cherchant à faire le tri entre les différentes pistes qui pouvaient s'entremêler, éloignant les lointaines odeurs des solitaires qui avaient pu emprunter les sentiers des monts célestes pour se focaliser sur les fragrances plus importantes, celle qu'elle peinait à discerner, couvertes par l'odeur métallique du sang.
Le sang, c'était celui du violeur mais aussi celui de Désastre.

Son regard se posa immédiatement sur son Alpha. Que pouvait-elle ressentir, en cet instant ? Son cœur de mère s'emplissait-il d'inquiétude en imaginant son enfant blessé ? Marcherait-elle aussi vite, avec la même détermination, si c'était la vie d'un autre qui était en jeu, actuellement ?
Il fallait les retrouver, tous les deux. Il fallait châtier le traître et venir en aide à Désastre.
Elle accéléra, toujours plus, cet objectif en tête.

Jusqu'à ce qu'il apparaisse aux côtés de l'Alpha, Désastre.
Il était fatigué, blessé, mais bien vivant. Et quand bien même c'était sûrement absurde, voir même peut-être déplacé, étant donné la situation, Holly ne put s'empêcher de lui offrir un tout petit sourire, rassurée de le voir là. Ses yeux le détaillèrent rapidement et, dans sa gueule, ses crocs se serrèrent.
Comment allait-il, à l'intérieur, maintenant, Désastre ?


Elle n'avait pas le temps de se préoccuper de ce genre de choses. Pas maintenant. Le travail n'était pas terminé.
En vérité, il venait même tout juste de commencer.

A l'ordre donné par Pepper, les oreilles de Holly se dressèrent sur son crâne et son corps se retrouve poussé en avant, par ses pattes qu'elle ne sent même plus. Par ce qu'elle savait, maintenant, comment cette traque allait se terminer. Par ce que visiblement, dans ces circonstances, son esprit préférait s'entourer d'un étaux qui ne la laissait rien voir d'autre que son objectif.
Dans sa poitrine, pourtant, son cœur battait si fort.
La fin approchait.

L'odeur du sang se fit plus présente alors que son regard bleu se posait sur lui, être pathétique. Désastre l'avait déjà privé de ses deux ailes et il se mouvait comme il pouvait, dans une traînée sanglante.
Il grognait, aussi, dévoilant ses crocs rougis. Un jour, peut-être, avait-il été une fière Épée Etelkrus imposant le respect, Shinkaku.
Aujourd'hui, il n'était plus rien.
Aujourd'hui, il était traître, luttant pour sa vie lorsqu'il n'y avait rien d'autre à sauver.

Si pathétique.
Et il allait mourir, là, comme une merde, sans jamais avoir brillé. Son nom sonnerait à l'avenir avec dégoût sur toutes les babines, lorsque les loups du clan parleraient de lui. Il n'existerait plus en tant qu'individu, simplement en tant que violeur et agresseur.

Sans l'ombre d'une hésitation, elle fondit sur lui. C'était un ordre de Pepper.
Ses crocs cherchèrent sa peau, ses points sensibles, sa jugulaire lorsqu'il l'exposait. Le sang coulait sur son pelage gris et sur le sien, bien plus clair. Il rouvrit certaines de ses plaies, encore en cicatrisation, lorsqu'elle lui en dessina de nouvelles, avec l'aide de Narcisse.
Aujourd'hui encore, le sang coulait et elle dansait encore avec la mort.
Ils étaient des soldats.

Au moins, ce n'était pas elle qui mourrait, aujourd'hui. Mais lui, être pathétique, lui qui continuait de se battre désespérément pour cette vie qui s'écoulait en longs filets sur la pierre. Et même lorsque ses paupières se firent lourdes, épais rideaux qui menaçaient de se refermer, signant la fin de ce spectacle sanglant, il lutta pour rester éveiller, pour leur faire face.
Par ce qu'en tant qu'Épée entraînée, il devait savoir qu'en fermant les yeux, il signerait son arrêt de mort, se livrant à la volonté de Pepper.

Pourtant, il n'avait pas été assez intelligent pour réfléchir avant, lorsqu'il était encore temps.
Il fallait être fou, pour s'en prendre aux Etelkrus.
Il fallait l'être encore plus, pour penser s'en sortir après de tels actes.

Pour les traîtres comme lui, il n'y aurait pas de pitié.

Lorsqu'il tomba au sol, inconscient, elle posa une patte avant sur son corps, se tournant vers Pepper.
C'était à elle, de sonner le jugement.

- Il est à vous.

Pepper savait se montrer exigeante, demandant toujours plus de précision. C’est ce qu’il aimait, savoir que rien n’était chose acquise facilement, qu’il fallait voir toujours plus loin. Rien n’était jamais terminé, car il y avait toujours chose à faire. Le travail ne cessait jamais. Du moins, pas pour ceux qui restaient dans le droit chemin, car pour les autres, cela ne se terminait pas de la meilleure manière, loin de là…

Parce que l’odeur de la peur était de plus en plus forte.

Souillant l’air de ceux qui n’avaient nulle raison de la craindre.

Et lorsqu’ils la trouvèrent enfin, leur proie, c’était pour voir un Désastre si différent.

Un instant, Narcisse s’arrêta pour l’observer. Lui qui semblait à bout, physiquement, mais tout aussi mentalement. Son mentor avait été agressé, se sentait-il responsable de n’avoir pu le protéger ? Se pensait-il coupable de n’avoir pu respecter cet infime devoir à son égard ? Car si le mentor lui enseignait, ne devait-il pas lui veiller sur sa vie ? Aux mots de Pepper, le disciple de Kiro se détourne du gris, les paroles seraient échangées plus tard si besoin est.

Le Phénix s’y intéressait, à la faiblesse du loup. Tenté de puiser dans ses dernières sources d’énergies. Parce que l’oiseau avait faim. Incroyablement faim. Mais Narcisse ne pouvait le laisser, pas sur Désastre, mais il y avait une autre proie qui l’attendait. Un repas que son maître ne le retiendrait de dévorer.

Maintenant que le paria était à genoux.

Maintenant qu’il allait mourir.

Parce que l’aura dorée vint entourait le traître Etelkrus. Alors que les yeux du disciple abandonnent le mauve pour devenir dorés.

Holly choisit de souiller ses crocs sur pareil déchet, lorsque lui choisit d’user des griffes. À deux, ils parvinrent à compléter le travail de Désastre, là où il l’avait mis à genoux, eux le mirent à terre.

Les paupières se ferment un instant, pour mieux se concentrer sur l’emprise du Phénix, afin de le contraindre à rentrer dans sa cage. Mécontent, l’entité accepte de laisser le traître tranquille, quand bien même il en aurait voulu plus de cette énergie qui bientôt serait gaspillé. Car il ne faisait aucun doute que Pepper l’achèverait.

C’était à elle qu’incombait cette tâche.

Porter le coup fatal.

Porter la justice pour mettre fin à l’insubordination.