Sujet: Le rapatrié | Ajani & Horus Lun 01 Juin 2020, 00:19
Richard
Allongé dans la prairie aux côtés de son conjoint, il observe leurs filles jouer ensembles sous un soleil éternel. Leurs éclats de rire sonnent à ses oreilles comme une douce musique. Le mâle glisse son museau avec tendresse dans la fourrure carmin de son binôme. Même si son odorat n’est plus aussi sensible qu’avant, il sent son parfum, unique. La lumière à leur cou se mêle pour ne former qu’un seul et même éclat.
Au galop, les deux louves reviennent voir leurs papas. Leur pelage est parsemé d’herbe. Leurs yeux brillent. Pleins de malice, de gaieté et d’innocence. Elles viennent se lover contre leurs parents. Ils sont ensemble. Ce moment est parfait. Un sourire béat étire ses babines. Il souhaite que cet instant paisible dure pour toujours.
Puis la réalité rattrape le rêve.
Une profonde inspiration. Comme au moment où l’on sort la tête de l'eau alors que l'on se noie. Comme l'air qui remplit les poumons d'un nouveau né pour la première fois. Une profonde inspiration, pour revivre.
***
Les rayons du soleil de midi réchauffent la terre et les pierres tombales. Ici et là, des bouquets de fleurs pour honorer la mémoire de ceux qui nous ont quittés. Un chemin, tracé par le passage régulier des vivants, permet de traverser le cimetière. L’endroit est calme. Loin de l’agitation du continent. Hors du temps.
Allongé sur le sol, le vent glisse sur sa fourrure fauve et la fait danser comme danse l’herbe autour. Les insectes s’approchent, sans crainte, de ce corps inerte. Un petit papillon aux ailes cuivrées, plus curieux que les autres, se pose sur le loup. Ça n’était pas là hier. Le lépidoptère escalade, de sa démarche pataude, le géant.
Entre les feuilles des arbres, les oiseaux observent d’un œil suspicieux l’animal étendu au milieu les sépultures. Ça n’était pas là hier. Un jeune coucou gris, perché sur la branche d’un peuplier, porte tout son intérêt sur la tache orange qui se meut entre les poils. Il hésite.
Soudain, troublant la paix qui règne en ce lieu, la bête est secouée par un soubresaut. Il inspire une grande goulée d’air bruyamment. Tous ses muscles se crispent et ses yeux s’ouvrent. Apeuré, le papillon prend son envol maladroitement. Le coucou déploie ses ailes et fond sur l’insecte. Il le saisi en plein vol. Une vie, pour une vie.
Le loup peine à calmer sa respiration. Ses yeux bleus clairs tentent de voir, mais tout est flou. Il est en état de choc. Son esprit est perdu dans la brume. Cet environnement lui est inconnu. Ces bruits, ces odeurs, ces couleurs et ces sensations font écho à quelque chose au fond de lui, mais il ne parvient pas à savoir quoi. Il a du mal à appréhender son propre corps. Tout cela l’agresse si brutalement. Le mâle tente de se redresser. Mais ce corps qu’il ne maîtrise pas ne le soutient pas plus d’une seconde. Il s’écroule.
Le loup tente de comprendre ce qu’il se passe. Il se concentre sur ce qu’il entend, sent et ressent. Le soleil qui réchauffe son poil, l’air qui rempli ses poumons, le sang qui coule dans ses veines. Il connaît tout cela.
Richard prend alors conscience de ce qui vient de lui arriver. Ses émotions se mélangent pour former un tourbillon indescriptible. Des larmes perlent sur ses joues. Une grande tristesse noue sa gorge et une profonde joie fait battre son cœur.
Le voilà vivant alors qu’il était mort. Le voilà devenu un rapatrié.
Dernière édition par Eperviere le Lun 01 Juin 2020, 14:52, édité 1 fois
Ehnala » Coriace
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Sujet: Re: Le rapatrié | Ajani & Horus Lun 01 Juin 2020, 09:52
[Se passe avant le départ d'Ajani en ambassade]
Ses pas l'avaient conduit jusqu'au coeur de l'Île désormais nommée Chuchotante maintenant que les brumes qui y avaient régné pendant des années s'étaient dissipées. Elles revenaient parfois lorsque le temps était au brouillard un peu partout sur les terres, mais il n'y avait plus cette aura fantomatique qui l'entourait et la cachait aux yeux des promeneurs derrière un épais nuage. Ce matin-là, un soleil timide lançait même quelques rayons de lumière sur le Cimetière, le rendant bien moins lugubre qu'il ne l'était d'ordinaire. L'Oracle était venu jusqu'à la mer pour satisfaire son étrange soif, et en avait profité pour avancer jusqu'au coeur de l'île. Il s'y rendait de temps à autre, silhouette massive et silencieuse venant contempler les stèles sous lesquelles reposaient ses ancêtres. Tout particulièrement celle de Volstein, puis que l'ancien Oracle était le seul qu'il avait réellement connu. Les autres étaient des noms dont il avait appris l'histoire, mais avec qui il n'avait jamais eu d'autre rapport. Après avoir marché un moment, il finit par trouver la belle pierre qui avait été élevée pour lui. Personne ne se trouvait en-dessous, car Yurai avait rappelé à elle son disciple le plus fidèle lorsqu'il avait terminé son chemin auprès des vivants. Mais Ajani avait tenu à ce qu'il se trouve ici également, au moins symboliquement, parmi tous ces loups pour qui il avait été si important, à qui il avait consacré tant d'années de sa vie. Et l'ambiance y était plus intimiste que celle de l'Eglise, où les loups venaient prier pour bien d'autres choses.
Il s'assit devant la stèle, et y resta un long moment. La dernière conversation qu'ils avaient eue lui revenait souvent en tête ces derniers temps, alors qu'il s'apprêtait à se rendre sur les terres de son enfance. Ils étaient sa famille, ils n'étaient pas les monstres que tous décrivaient. Il avait fait de l'idée de briser cet espèce de mythe l'un de ses chevaux de bataille pour le temps qu'il serait Oracle. Que chacun porte sur le monde un regard moins chargé de haine était son ambition, et il espérait pouvoir utiliser son rôle et le don que lui avait fait Yurai en ce sens. Il avait mis du temps à comprendre ce en quoi il consistait, et n'était pas encore certain d'en saisir toutes les subtilités. Il avait constaté que lorsqu'il était en compagnie de ses congénères, son glowstick pulsait plus fort, et son état d'esprit était... contagieux. C'était un pouvoir difficile à utiliser de manière volontaire, car il lui fallait maîtriser ce qu'il ressentait - c'était même impossible de le faire à tout instant. Mais il aimait le défi qu'il présentait, et les possibilités qu'il offrait.
Un bruit inattendu le tira de ses pensées. Le bruit d'une respiration soudaine, comme si quelqu'un non loin venait de sortir de l'eau. Intrigué, il se redressa et chercha des yeux d'où cela pouvait provenir. La mer était trop loin pour qu'il l'aie entendu à cette distance, et à sa connaissance il n'y avait pas de bassin dans les environs. Il lui fallut peu de temps pour identifier l'effluve d'un congénère et qu'entre dans son champ de vision une silhouette prostrée au sol. L'odeur de ce loup lui était inconnu, et il ne portait l'effluve d'aucune des meutes du continent. Un parfum de terre l'entourait, bien que son pelage en fut dépourvu. Il paraissait plutôt mal en moins, et le blanc le rejoignit en quelques lourdes foulées, sans chercher à se faire discret.
"Tout va bien ?" Lança-t-il en s'approchant à pas plus mesurés.
Il voyait que l'autre était conscient, ses yeux ouverts laissant échapper des perles salées, sa respiration soulevant son poitrail. Enfin, au moins vivant.
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Sujet: Re: Le rapatrié | Ajani & Horus Mar 23 Juin 2020, 22:32
{Vu avec Cro : Horus arrive plus tard dans le RP}
Les yeux pleins de larmes, Richard laisse éclater ce trop plein d’émotion dans lequel il se noie. Ses sanglots sont entrecoupés par un hoquet incontrôlable et son cœur lui fait mal. Son esprit est pris dans un tourbillon de questions auxquelles il ne peut répondre. Incapable de se souvenir de quoi que se soit, le sentiment d’être incomplet le fait souffrir. Alors, puisse qu’il ne lui reste que ça, il laisse son corps à l’abandon dans l’herbe, là, au milieu des tombes. Ses sanglots durent ainsi un temps jusqu’à ce qu’à nouveau, sa respiration s’apaise. Le corps lourd, épuisé, il reste affalé sur le flanc. La brume de son esprit se dissipe tout comme le miroir de larme qui troublait sa vision. Il voit les brins d’herbes, les fourmis, la terre, les pierres et les fleurs. C’est si simple et si beau à la fois. Mais tout cela ne parvient pas à lui tirer une bribe de sourire. Richard, plongé avec attention dans ce nouveau monde, écoute, ressent et appréhende ce qui l’entoure. Chaque bruits et sensations semblent nouveaux tout en résonnant en lui comme tant de choses qu’il connaît d’ores et déjà. Étrange sentiment de déjà vu.
Ses oreilles se tournent quand un bruit différent passe au dessus des autres. Le sol vibre. Ça se rapproche. Puis soudain.
— Tout va bien ?
Il penche la tête pour observer un peu mieux. C’est une silhouette blanche et massive qui se dessine devant lui. Doucement, les détails apparaissent. Un loup. Comme lui. Sa gueule s’ouvre puis se ferme. Il n’est pas seul. Il n’est plus seul.
— Où … sui … je ?
Sa voix est rauque, les mots restent coincés dans sa gorge nouée. Ses yeux se perdent sur les bracelets à clous du mâle. Puis, il tend sa patte avant. Lui aussi porte l’un de ses accessoires. S’il te plaît. Dis moi que c’est ici. Dis moi que ces terres sont les mêmes que celles j’ai quitté. Dis moi que je n’ai pas tout perdu. Je t’en pris. Dis le moi. Richard plante son regard dans celui de l’inconnu dans l’attente d’une réponse. L’espoir fait briller ses iris bleus.
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Sujet: Re: Le rapatrié | Ajani & Horus Ven 17 Juil 2020, 10:54
Il vit le regard de l'inconnu s'accrocher à lui alors qu'il lui adressait ces quelques mots. Dans ses yeux dansait un maelstöm agité d'émotions en tout genre. Il était visiblement complètement perdu. Il s'écoula un long moment avant que les premiers mots ne s'échappent des babines de l'apparu, lui laissant le temps de le détailler rapidement. Il avait le pelage bicolore, et une crête épaisse ornait son cou, jusqu'au haut de son front. Il était vêtu d'une veste, et ses pattes étaient ornées de mitaines et de bracelets divers. En somme, une apparance comme on en croisait beaucoup sur ces terres, ce qui rendait un peu mystérieuse la question venant.
"Dans le Cimetière de l'Île Chuchotante. Sur les terres de la meute Nakhu." Répondit doucement l'Oracle en s'approchant un peu plus, la tête légèrement basse. "Vous êtes perdu ?"
Puisqu'il n'avait pas répondu à sa première question, le blanc n'insista pas. Il n'y avait nul besoin d'être formé aux arts de la médecine pour se rendre compte que ce loup ne se sentait pas très bien. Sa respiration était laborieuse, il se tenait prostré, comme s'il venait d'être jeté par les ideux eux-mêmes sur la terre - quoi que la lueur qui brillait dans ses iris azur fût encore signe qu'il n'était pas complètement groggy.