Le fléau - Barthélémy

Il lui arrivait parfois de passer les frontières de la Rougelande pour glisser dans les Plaines Savanes, en terres libres.
Quitter la nation Etelkrus ne lui posait pas plus de problèmes que cela : Holly ne se sentait pas particulièrement en danger, ici, si proche de la frontière. En cas de rencontre avec un solitaire hostile, plus fort qu'elle, elle n'aurait qu'à faire demi-tour pour retourner chez les siens. Ensuite, si l'on voulait l'y suivre... C'était aux risques et périls du concerné.

Il fallait être fou, pour s'en prendre aux Etelkrus.
Cette phrase, pensée pour la première fois quelques jours plus tôt, lors de la Chasse qui fut, aussi, l'exécution du traître Shinkaku, lui revint sans qu'elle ne sache réellement pourquoi. C'était pourtant une évidence, quiconque porterait préjudice au clan ne pourrait s'en sortir indemme.
Elle l'avait vu de ses yeux et aussi participé à la sentence. Ce serait encore le cas, à l'avenir, puisqu'elle était conseillère.

Cessant de rêvasser, elle partit à la recherche de gibier.
Mais ce fut tout autre chose, qu'elle trouva, dans la savane...

A peine eut-il poser les pattes sur l'herbe sèche et coupante des Plaines Savanes que Marianne l'abandonna lâchement non sans le mordre pour exprimer son mécontentement. Barthélémy ne lui en voulait pas, ce n'était pas un lieu fait pour les perroquets, ça s'était confirmé depuis la mésaventure avec le chacal. Le jeune mâle se retrouvait donc seul, c'était la première fois depuis... depuis presque toujours, l'ara ne le quittait jamais habituellement. Il hésita un instant à faire demi-tour, assez peu à l'aise avec l'idée qu'il n'ait vraiment personne avec lui mais finalement le jeune Raeders décida de continuer son chemin. Hé, même si c'était rare, il n'aurait pas toujours Marianne à ses côtés, d'autant plus que rien n'empêchait à l'oiseau de partir un jour pour ne jamais revenir.

L'inconfort finit par passer de lui même au fil de la promenade, notamment lorsque Barth se laissa tenté par la poursuite d'un lièvre. Il n'avait rien avalé en quittant l'île ce matin et l'idée de changer un peu du menu marin habituel avait été drôlement tentante. Une erreur dans l'approche avait fait fuir la petite troupe de lièvre choisie, obligeant le loup à en choisir un pour lui courir après, mauvaise idée certes sous le soleil de plomb de la savane, pour l'avoir déjà expérimenté, il aurait du le savoir mais pour le moment ce n'était pas le problème actuel de Barthélémy. Au fil de la course, sa masse de cheveux noirs et sa longue queue touffue ramassaient toutes les branches et les herbes épineuses de la savane, ça allait être chouette pour enlever tout ça mais ça n'arrêta pas le jeune mâle, il était si proche, encore, une ou deux foulées et ses crocs se planteraient dans l'arrière train du lièvre... enfin c'était quelque chose de supposé, car la proie bifurqua d'un seul coup, laissant son poursuivant tenir la même ligne droite, en pleine lancée sur une silhouette claire canine également.
Barthélémy pila, utilisant sa patte de métal comme d'un frein sans douleur qui grinça sur le sol avant qu'un claquement sec d'une lanière se cassant ne se fasse entendre et que la prothèse ne tombe  sur le sol laissant Barth avec trois pattes un moignon dégarni par le temps et les frottements face à une louve inconnue. S'il manqua de lui tomber dessus à quelques centimètres près, le Raeders se laissa tomber sur son arrière-train pour éviter ne serait-ce qu'érafler les moustaches de la louve... surtout qu'à l'odeur, elle était Etelkru, Ortie portait la même.

Barthélémy ne jugeait pas hâtivement, il n'avait rien contre les Etelkru et encore moins contre les Continentaux mais... Disons qu'il y avait deux sortes de loups dans cette meute, ceux qui étaient sympa comme son amie à la queue crocodilienne et ceux qui se donnerait à cœur joie de lui taper dessus -il paraissait que les Etelkrus étaient si strict dans leurs valeurs guerrières qu'ils tuaient leurs petits trop faibles, à coup sûr, lui y serait passé-
Relevant son regard bleuté au travers de ses mèches noires, les oreilles à l'horizontale, il eut un sourire crispé et un rire nerveux.

«On a eu chaud hein ? Héhé... »

Par toutes les créatures de l'Océan, faites, que l'inconnue soit des sympas comme Ortie. Barth n'avait rien d'un combattant et était bien loin de représenter la fierté Raeders.

C'était un Raeder.
Un jeune mâle Raeder, plus précisément. Il devait avoir son âge... A quelques mois près. La femelle fronça le museau et les sourcils. Que venait-il faire ici, si loin de son île de dégénérés ? Avait-il l'espoir de s'introduire chez eux pour, par exemple, enlever un enfant ou leur voler du gibier ?
Pourquoi faisait-il l'innocent, lui déjà si coupable à ses yeux ?

- Il n'y a rien à voler, ici. Tu peux rentrer chez toi.

Son regard était sévère.
Elle n'avait que faire de son rire nerveux et du fait que sa présence et son air peu sympathique... Ne soit pas vraiment fait pour le mettre en confiance.
Tant mieux, d'ailleurs, si cela pouvait lui permettre de le faire détaler plus loin. Elle ne supportait déjà plus son odeur iodée.
Allez, ouste.

Ah, par ce qu'en plus il jouait les innocents !
Bon, d'accord, Holly lui accordait le bénéfice du doute. Après tout, elle était au courant des rumeurs qui entouraient sa propre meute, grâce à ces solitaires croisés ça et là qui les voyaient comme de grosses brutes. Elle était pourtant bien placée pour savoir qu'ils n'étaient pas comme cela. Ou plutôt, pas tous comme cela. C'était peut-être la même chose avec ces Raeders. La femelle fronça les sourcils, dubitative.

- Ta meute a commis de bien mauvaises actions, par le passé. Certains d'entre vous ne partagent peut-être pas cette façon de voir les choses mais je ne peux pas lire dans vos pensées pour en être certaine. Dans le doute, je préfère rester méfiante.

Voilà pour la petite explication. Elle n'était pas non plus une sauvage... Pas trop.
Il ne semblait d'ailleurs pas bien dangereux, cet individu, à reculer devant elle, à perdre sa patte de bois. Holly haussa un sourcil.

- Ca m'a pas l'air pratique, ton truc. C'est trop fatiguant, de marcher sur trois pattes, sur le long terme ?

C'était une vraie question.
Grâce, ou à cause de son pouvoir, elle se retrouvait régulièrement à devoir évoluer sur trois pattes sans que cela ne lui pose plus de problèmes que cela... A part un équilibre qu'elle devait retrouver. Oui, mais voilà, elle retrouvait son quatrième membre dès lorsqu'elle récupérait les perles éparpillées.

Oh oui, toujours la même rengaine. Il était évident que par les actes passés de son père et ses oncles, la vie de Barthélémy allait avoir un peu de mal à être ce long fleuve tranquille mais il était Raeders, par définition, cette aspiration était de base trop demandée. S'il ne leva pas les yeux au ciel, il ne put s'empêcher de souffler de la truffe.

« Oui évidemment, chaque acte et chacun a ses raisons que l'autre préfère de toute façon ignorer et il est préférable de mordre en cas de doute »

ça  lui échappa un peu, il ne jetait pas non plus la pierre uniquement sur l'Etelkru, bien que par favoritisme, il pensait sa famille quand même un meilleur, elle ne valait pas forcément beaucoup plus. Mais le jeune mâle se rendit compte un peu trop tard qu'il aurait sans doute mieux fait de garder son sarcasme pour lui. Baissant les oreilles en arrière, il les repointa direct en avant pour rebondir sur la question que posa la louve, ne lui laissant pas l'occasion de s'attarder plus sur l'avis personnel qu'il avait lâché. Il saisit sa patte de métal dans un équilibre relatif, la maintenant avec sa patte avant unique et sa gueule pour lui présenter.

« Alors, voyez-ça ma p'tite dame, chez nous c'est pas petite prairie d'herbe verte, parterre de feuilles forêt et petits cailloux. On a le sable qui adsorbe une bonne partie du mouvement, des pierres complètement détrempées glissantes d'algues, des falaises escarpées et un océan à traverser. Avoir de l'équilibre c'est important si tu veux pas finir avec le cou rompu -surtout que ça ne suffit pas forcement d'avoir quatre pattes-. Mais ça, c'est un petit bijou de mécanisme, selon les mouvements de l'épaule... et du moignon restant, ça fait un petit socle là qui par réaction va plier ou tendre la prothèse comme une vrai patte » Pour appuyer ce qu'il disait, il montrait ça et là de quoi il parlait tout en provoquant le mécanisme pour montrer. « Bien sûr ça fait un peu rigide mais ça fait plutôt bien le taff. Juste... y'a encore des faiblesses sur les lanières parfois, j'ai pas encore réussi à trouver de solution, le problème c'est qu'il me reste plus grand chose du côte gauche haha. »

Le rang de médecin commençait à être pas mal occupé, notamment à cause de ses sœurs et si Barth était chapardeur un peu en attendant, il réfléchissait de plus en plus pour le rang de cannonier... ceci dit peut-être qu'il ne serait pas mauvais non plus dans celui de baratineur, enfin si ça avait pu exister. ; est-ce qu'il avait suffisamment saouler et endormi la louve pour qu'elle décide de ne pas lui mordre la truffe ?

Bah, ce n'était par comme si elle lui avait foncé dessus, prête à mordre... Ce qui n'avait, ou ne serait, selon la place de ce rp dans la timeline, pas le cas pour cette pauvre Limule. Non, avec lui, et malgré ses doutes, elle ne se montrait même pas si antipathique.
Elle l'écouta lui présenter sa prothèse, bien complexe et perfectionnée, attentive. Un sourire goguenard vint étirer ses babines à la première remarque du mâle.

- Nous n'avons pas que de la petite prairie verte. Nous avons aussi des falaises abruptes et glissantes, mais aussi des montagnes et des marécages. Il y a même une île, l'île Abysse.

Mais là n'était pas le sujet... Juste, qu'il ne pense pas qu'ils vivaient dans un milieu paisible, tout plat, tout tranquille, juste par ce qu'ils étaient continentaux. Dans la montagne où se trouvait le Castel, la vie n'était pas des plus simples, surtout en période froides.

- Il te faut peut-être un cuir plus solide ? La savane est l'endroit rêvé, pour s'approvisionner en ce genre de matériaux.

Elle pencha la tête sur le côté.

- Pour peu qu'on sache chasser. C'est ton cas ?

Après tout, ils devaient davantage pêcher que chasser, chez les Raeders...