Call your name - Floyd

Les paroles pleines de bon sens de Tawana n'étaient pas restées longtemps, dans son esprit.
Le regard vide, cerné, et le cœur palpitant désagréablement dans sa poitrine, Holly arpentait les terres Etelkrus en solitaire, comme une automate réglée sur une seule tâche : Celle de s'attarder sur chaque odeur, dans l'espoir de reconnaître celle d'Alexandrine.
Lorsque son chemin croisait celui d'un congénère, lorsque l'on l'interpellait, elle faisait la sourde oreille et traçait sa route. Pas le temps. Elle n'avait pas le temps de parler, pas le temps de s'arrêter, même quelques secondes, pour esquisser un mouvement poli de la tête, en guise de bonjour, pas le temps de se reposer, à peine le temps de se nourrir.
Elle devait chercher, encore et encore. Jusqu'à tomber sur quelque chose qui lui indiquerait que son amie allait bien. Elle serait alors tranquille jusqu'au jour suivant.

Ses pattes endolories la menèrent jusqu'à la Moere. Ses coussinets abîmés aussi, la faisaient souffrir.
Mais ce n'était rien, hélas, comparé aux autres maux, à ceux qui la rongeaient bien trop rapidement. Elle n'était plus que douleur et stress, perdant pattes au milieu de toutes ces choses qu'elle ne comprenait pas. Qu'elle ne comprenait plus.

Pourquoi ne reviens-tu pas ?

Les larmes roulèrent encore sur ses joues bleues. Ça fait si mal, là dedans. Pourquoi, ça fait si mal, dis ?
Elle sanglota doucement tout en continuant sa route, ses pattes s'enfonçant dans le sol spongieux de la Moere sans qu'elle ne s'en soucie. Elle, si coquette, n'en avait plus rien à foutre de la blancheur de son pelage, de l'image qu'elle renvoyait.
Plus rien n'avait d'importance.

Plus rien, sauf elle.

L'angoisse finit par la saisir plus fermement, l'emprisonnant comme un étau de fer. La conseillère hoqueta, cherchant son souffle en même temps qu'elle continuait de la chercher, elle.
Mais dans la Moere, elle ne trouva que Floyd.

Tu déchires la douleur, tu ne sens plus ton corps, ton coeur a déjà explosé dans ta poitrine tu es nuage de fureur qui s’élance s’étire hurle se tord dans un grognement tu reprends ton souffle. Tu fais une pause. Une pause. Et tu continues encore plus vite, cette fois tu ne t’arrêteras plus. Tu vois devant tes yeux ta famille, précieuse fragile précaire, tu la vois se briser sous les pattes de certains. Des visages égoïstes, sourire qui déchire leur lèvres. Ces visages tu les connais, ils sont si proches. Tu la vois, la louve bleue, immense serpent s’enrouler autour du cou de ta soeur, la guider vers le danger et lui briser ses sentiments. Tu la vois, ta mère, s’affaiblir devant l’inquiétude. Tu le vois, ton frère, tanguer vers le danger. Tu vois tout ça et tu ne peux plus rester le bruyant et inutile Floyd. L’adopté. Non.

Tu es prédateur. Tu traques une odeur, comme elle qui cherche son amour ridicule, toi tu cherches son odeur. Celle de son sang qui coule le long de ton pelage, le frémissement de son coeur qui s’éteint lentement dans quelques sursauts de papillon. Tu es prédateur et tu es arrivé. Elle est là. A chialer. Pathétique petit insecte qui s’agite dans sa propre merde.

-Oh Holly… et moi qui ait tant essayé d’être tolérant. J’ai vraiment essayé tu sais.

Tu sors de l’ombre, tu t’approches, tout ton pelage est hérissé de colère. Colère ? Non. Fureur.

-Tu me rend malade Holly. Regarde toi. REGARDE TOI.

Tu grognes, c’est un tigre, un immense félin qui éclate dans ta gorge, ce n’est pas un loup.

-ah ah.. ah.. Quel était le mot déjà ? L’idée qui rongeait ton petit cerveau ? Oh oui. La maturité. Tu inspires une grande bouffée d’air. Maintenant imagine. Imagine un loup qui fait les yeux doux à des Alphas, des louves qui se battent jour et nuit pour protéger ton petit cul des ennuies, imagine un loup qui parvient à les amadouer et à voler leur confiance. Maintenant imagine un loup qui agite son cul plein de désire, ton coeur plein de sentiments, sur absolument tout le monde. Et cette fois imagine … un petit oiseau … qui a peine vient de sortir du nid se fait dévorer par cet énorme loup plein de désire, mensonge, sentiments puériles.

A ces mots tu frappe le sol avec ta patte.

-Ce loup. Ce monstre. C’est toi. C’EST TOI HOLLYOCK. POUR QUI TE PRENDS-TU, PENSES TU VRAIMENT QUE PEPPER A DU TEMPS A PERDRE ? QU’ELLE A QUE CA A FOUTRE, DE VOIR SES SOLDATS SE MORFONDRE PARCE QUE KYLE A PAS REPONDU AUX AVANCES DE JENNYFER ? TU PENSES QUE ANETTE, MA MERE, EN BAVE PAS ASSEZ ? DEVOIR GARDER EN SECURITE UNE PORTEE DE VIRTUOSE TOUS ELECTRONS LIBRES, TU PENSES PAS QUE TU AS FAIT ASSEZ DE DEGATS COMME CA ?

Nouvelle respiration, tu peux sentir ton propre sang dans le fond de ta gueule.

-Alors maintenant tu as deux choix. Tu te reprends en main, tu arrêtes de vouloir voler le titre de Moiro et détruire le coeurs des idiots qui osent te faire confiance ou tu continues. Tu continues d’avoir la mentalité d’une petite CONNE inconsciente. Mais si tu continues Holly. Je te tuerais. Je te jure, Holly, ta voix tremble, je te jure que je planterai tes crocs dans ton cou et te tirerais hors de ces meutes, te plongerai la gueule dans l’eau et t’arracherai ton dernier souffle. Si je dois y perdre la vie moi aussi, un oeil, une oreille, j’en ai absolument rien à foutre. Oh et … bien sûr, tu peux me sortir les “ je suis plus âgé que toi, plus forte, plus mâture “ si j’échoues à te tuer, quelqu’un d’autre le fera. Car ce chemin ne te mènera qu’à la mort Holly.

De la gueule de Floyd, jaillit un flot de parole qu'elle pensait intarissable.
Les mots s’enchaînèrent, tous plus violents les un que les autres. Pourtant, aucun d'entre eux ne parvint à amplifier sa douleur.
Les larmes cessèrent de couler. Elle redevint calme. Bien trop calme.

- C'est bon, tu as fini ?

Elle inspira.

- Pour qui tu te prend, toi qui penses savoir ce qu'il se passe dans la tête de Pepper ? Elle n'a pas besoin de porte parole. Tu me vois comme un monstre, Floyd. Mais putain, toi qui pense tant à préserver ta pauvre maman, as-tu seulement songé à elle quand tu es retourné voir ce foutu lion ? Une fille blessée, ce n'était pas suffisant, il fallait en plus que le fils se la joue héros de pacotille ? Si je suis un monstre, qu'es-tu, toi, Floyd ?

Anette n'allait donc pas bien. C'était quelque chose qu'elle avait cru comprendre dans les paroles de Pepper, inquiète. Ce qu'elle aurait pu deviner dans le mal-être d'Alexandrine.
Une goutte d'eau de plus dans le vase des problèmes actuels.

- Tu peux me tuer si tu veux, Floyd. Maintenant, si tu le désire. Mais toi qui sait si bien lire dans la tête des gens, peux-tu anticiper ce que penseront Pepper et Anette de cela ? Après une Épée qui viole une Panseur, un... Tu es quoi, déjà ? Qui assassine une Conseillère. Allez viens, je t'attend. Ce ne sera qu'un accident de plus. Et puis, si je meurs, je n'aurai qu'à t'emmener avec moi. Ici, les traîtres ne sont pas épargnés.

Elle remua la queue, agacée.

- Maintenant... Je me morfonds si je veux. Je ne reste pas à rien faire dans mon coin. Je cherche ta sœur. Tu sais, cette toute jeune louve d'à peine un an, sans glowstick, qui ère toute seule l'on ne sait-où ? Tu ferais mieux te mettre ton énergie dans ces recherches, toi aussi, si tu veux sauver Anette.

Tu n’hésites pas.

-LA FAUTE A QUI PAUVRE CONNE. Non tu sais quoi, je suis pas ma mère, je suis pas dans la tête de reloupper, je suis pas tout ces loups qui te lèchent le cul à grand coup de langue, alors me sors pas ton dialogue de robot sentimentale, tu m’auras pas comme ça Hollycock.

Tu t’avances, un peu plus, toujours un peu, cette fois c’est un sourire qui traverse ton visage, un sourire plein de colère, un sourire nerveux que tu ne contrôles pas. T’as vraiment envie de lui coller un bon coup de patte dans la tronche, qu’elle arrête un peu de se prendre pour une sage de 100 piges alors qu’elle est la cause de tout ce merdier.

-Redescend de ton nuage et réalise ta médiocrité, tu penses vraiment que ma soeur, tu sais, ma soeur, avec ses immenses aiLES DE DRAGON VA VENIR PATAUGER ICI ? T’ES JUSTE VENU ICI CHIALER TES MORTS COMME LA PAUVRE FAIBLE QUE TU ES, MAIS MEURS HOLLY, TU SERS A RIEN PAUVRE TACHE

Un grognement fait trembler ta gorge, encore une fois ton pelage semble électrique. Sous le regard de Kiro tu hurles, sous le regard d’Aka tu grondes.

-Tu détruis tout sur ton passage, t’es pas une bonne personne, derrière ce masque que tu t’efforces de porter, t’es pas une bonne personne Holly. Tu penses qu’à toi.

Tes pattes tremblent, bon sang cette colère t’éclate au visage, tu sais pas comment te calmer, c’est comme si un orage résidait présentement dans ta tête. Ton sang est en ébullition, ton corps émane cette chaleur irréelle, cette envie de te défouler physiquement mais non. Non. Car tu sais que tu perdras toute crédibilité si tu te jettes sur elle, tu veux qu’elle réalise avant et qu’elle arrête de te prendre de haut.

- Je sais. Je le sais, ça, Floyd, qu'elle ne viendra pas ici.

Elle n'était plus agacée contre lui. Elle comprenait. Elle le comprenait.
Lui, qui comme elle, possédait ce fardeau lié à ce passé peu heureux et qui, maintenant, se retrouvait à gérer des choses qui le dépassaient. Elle savait aussi qu'il ne servirait à rien de rentrer dans son jeu ni de chercher à l'enfoncer. Les paroles de Pepper lui revinrent en mémoire, celles prononcées le jour de sa nomination de conseillère.
Ils étaient de la même meute.

Ses oreilles se couchèrent sur l'arrière de son crâne.

- Ça rime à quoi, tout ça.

Son regard se posa dans le sien.

- Floyd... Je veux pas détruire ta famille. Ta mère, Anette, est mon Alpha respectée et elle me fait confiance. Alex est ma meilleure amie et j'apprécie beaucoup Anita. Narcisse est mon collègue et nous patrouillons souvent ensemble...

Elle soupira.

- On est tous dans un sacré merdier, en ce moment. Il se passe... tellement de trucs moches et on est tous un peu à cran. Restons soudés. C'est ce que Pepper souhaitait, le jour ou je suis devenue Conseillère. Je ne suis pas ton ennemie, Floyd. Je sais que j'ai eu des mots durs, parfois, je suis désolée si tu as été blessé.... Bon sang, tu es le frère d'Alex et, plus encore, tu es Etelkrus. J'ai tellement pas envie de me prendre la tête avec toi pour le reste de ma vie.

Sincère, elle avait décidé de faire un pas vers lui.
Après tout, qu'avait-elle à y perdre ?

Animal blessé tu écoutes ces mots et baisse la tête, lentement. Puis tu te recroquevilles, laissant la boue remonter jusqu’à ton torse, la vase venant salire ton joli jaune. Quelque chose d’immense gronde en toi, c’est trop fort pour toi, tu as l’impression de craquer, que chaques muscles de ton corps se fissure, laissant cette énergie néfaste se dégager partout, remontant bien vite à tes yeux. Tu te mords la langue, goûtant à ce liquide chaud tandis que d’énormes larmes vinrent brouiller ta vision.

-PUTAIN

Tu yeet cette larmes away. Tu as déjà pleuré devant elle une fois, mais merde, tu es trop jeune pour garder en toi tout ça. C’est trop sauvage, c’est comme si on t’injectait de la lave dans les veines.

-Je suis un parfait grand frère. Je suis doué pour occuper les gens. Je suis talentueux pour faire rire et les distraire, je suis vraiment, vraiment bon dans mon rôle de grand frère. Je suis le plus fort, pas vrai ?

Tu relèves la gueule et observe le lointain, observant des scènes du passé. Car tu y es bloqué, Floyd, dans le passé.

-Mais maintenant, quel est mon rôle ? Je suis le plus fort ? Non, je meurs devant un lion. Je suis le meilleur des grand frère ? Non, elle a même fuit. Je suis talentueux pour faire rire ? Non, ma mère sombre. Quel est mon but, maintenant, hein ?

Car tu n’en as plus. Car tu ne sais pas qui être sans eux. Car tu n’as jamais eu d’identité.

-Aah… Holly Holly Holly…

Tu secoues la tête. Vraiment, jamais tu n’arriveras à la supporter.

-Je ne donne pas ma confiance comme ça et pas une seule fois tu n’as essayé de l’avoir alors tu crois que tu vas y arriver maintenant ? Je t’apprécierai peut-être si tu arrêtais de te prendre pour quelqu’un que tu n’es pas.

Les larmes roulèrent sur les joues du mâle jaune.
Holly ne dit rien, son expression ne changea pas. Elle ne pouvait pas le juger, s'étant elle même retrouvée entraînée par ce flot incontrôlable d'émotions. Il n'était pas forcément bon de tout retenir, de toutes manières.

- Pour ce que je ne suis pas ?

Inspiration.

- Adulte ? Mature ?

C'était des mots qui revenaient souvent, en reproche de la gueule du mâle.
Ses yeux bleus montèrent vers le ciel du même ton, elle était songeuse.

- J'ai voulu l'être, pour ne pas être un poids... Mais ça ne marche pas comme ça. Évidemment, je me casse la figure, j'apprend encore, j'échoue, j'en tire des leçons ou non, je me plante encore. J'essaye de grandir et d'être quelqu'un sur qui l'on peut compter. Une bonne Épée, une bonne Conseillère, une bonne amie.

Elle souffla.

- Mais, finalement... Je vois qu'il n'est pas possible de tout gérer. Qu'il y a des choses dramatiques qui se passent, autour de nous, sans que l'on ai d'emprise dessus. Ça ne nous empêchera pas d'essayer et ça fera toujours mal, en cas d'échec. C'est toujours si frustrant.

Son regard revint trouver celui du mâle.

- Ne soit pas trop dur avec toi-même, Floyd. Personne n'attend de toi d'être le sauveur de la situation, de tout gérer. Anette et Alex ne t'aimeront pas moins pour ça.

Pourtant, elle le comprenait, dans cette obsession qu'elle avait de tout contrôler, de tout faire bien, de vouloir mettre son nez partout pour, justement, sauver la situation lorsque les choses n'allaient pas. C'était des mots qu'elle aurait pu prononcer pour elle-même mais qu'il était, finalement, tellement plus simple, de tourner vers les autres.

- Je ne m'attend pas à avoir ta confiance aisément. Et ce n'est pas grave, j'ai dit ce que j'avais à dire sur le sujet. Je ne te vois pas comme un ennemi.

Tu fais un non de la tête, encore. Tout ce qu’elle dit t’insupporte. A quel moment la choisir de conseillère c’était une bonne idée. Avoir son horrible voix non-stop qui dit des trucs pareils dans les oreilles ? Un enfer. Floyd tu relèves la gueule et grogne.

-Eh bien nous sommes deux, à avoir dit ce qu’on voulait dire. Je penses que tu as compris maintenant. Met la romance en pause dans ta petite vie Holly, soit pas une déception pour la meute, pour Pepper. Tu trouveras l’amour quand tu auras du temps, quand y’aura pas des viols et des meurtres comme si on était retombé à l’âge de pierre, putain, faut pas déconner un moment y sont complètement con, la victime et le criminel.

Tu dérives du sujet principal car Floyd, comme dit encore et encore, tu n’es que flux d’émotions, de pensées, d'éclairs fougueux et indomptables. Mais cette fois tu parviens à retenir le fil rouge, tout du moins tu essaies.
Tu soupires longuement, tu te calmes un peu.

-En effet, je ne suis pas ton ennemi. Mais à l’instant même où tu feras un pas de travers je le deviendrai.

C’est un avertissement qu’elle a déjà dû entendre quelque part, dans la gueule d’autres. Maintenant que les choses sont mises à plat tu pourras enfin te reposer calmement. Car maintenant tu sais que si elle déconne, elle sera prévenue et ne viendra pas se plaindre si elle perd un oeil accidentellement ou qui sait, une patte.

Tu fini par te redresser, ébrouant ton pelage et lance un dernier regard à Holly.

-T’as rien à ajouter ? J’peux me barrer ?

- D'accord.

D'accord. Juste d'accord.
Et pourtant, elle ne voyait pas où il voulait en venir, Floyd en lui interdisant (?) de mener une romance (Laquelle ? Que savait-il ?) pour ne pas décevoir la meute et Pepper. En quoi ces choses étaient-elles liées ? En quoi le fait d'aimer quelqu'un l'empêcherait-il de faire son boulot d'Épée et de Conseillère ?
Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas la violence de ses paroles à son égard, et ce, depuis le premier jour où leurs chemins s'étaient croisés ? Que lui avait-elle fait ?

Jamais, elle ne parviendrait à apaiser les tensions entre eux. Elle devrait se contenter des liens, plus ou moins forts, qu'elle entretenait avec les membres dans sa fratrie sans espérer, ne serait-ce qu'une relation cordiale avec Floyd. C'était... Dommage. Tellement dommage.
Mais il l'avait décidé ainsi, préférant voir en elle un être perfide.

Ça lui faisait mal au cœur, quand même, un peu. Elle devait bien l'avouer.

- Oui.

Oui, tu peux te barrer.
Elle même ne se fit pas prier, disparaissant dans la Moere, retournant à ses odeurs.