First step | Anette

Lymphalème

Il était assis au milieu du camp, entrain de s’entraîner à attacher des bandages sur sa patte avant. Il se faisait vraiment chier. Il n'avait plus de place ici, il n'avait plus de métier, plus de travail, plus rien à faire pour les autres. Il n'était qu'une ombre chez les Etelkrus. Alors il attendait, il attendait que Anette ou Pepper pointe son museau en dehors de la salle des trônes, pour leur demander un travail dans la meute.
Il avait presque l'impression qu'elles l'avaient évité. Il avait été si heureux de revenir ici, de retrouver les personnes qui lui avaient manqué, comme si revenir ici allait résoudre tous ses problèmes, ressouder son cœur en morceaux, remettre un sourire sur ses babines, le faire redevenir ce jeune loup optimiste qu'il avait été ici. Mais il n'en avait pas été ainsi. Il avait été oublié par ceux qui avaient creusé ses pensées jour et nuit durant son exil.

Il attacha son bandage d'un coup de griffe et le regarda avec agacement.
Il n'y avait qu'à le refaire. Soudain, il vit un mouvement du coin de l'oeil, un mouvement beige.
Il se redressa et vit Anette. Ah. Son visage s'éclaircit d'un sourire. Il était ravi de la revoir, cela faisait quelques lunes qu'il avait rencontré Alexandrine, sa fille, mais il n'avait pu croiser les mères avant aujourd'hui.

Il s'approcha puis s'inclina légèrement de respect, ne sachant pas trop quoi faire pour se présenter à présent. Ils ne s'étaient pas vus depuis très longtemps.

"Anette, Alpha, ravie de te revoir" dit-il avec un léger sourire, en pointant ses oreilles vers elle.
De quoi devait-il avoir l'air, avec ses cordes de cheveux autour du cou, avec son pelage tacheté de blanc, délavé, presque, son corps affiné par le froid et la faim. Certainement pas le loup d'antan, même si il commençait à bien se remettre.

Elle posa une patte, vers une silhouette tachetée.
Il était revenu ainsi, l'ami d'enfance, essoré de sa couleur et rempli d'un patchwork d'endroits plus clairs. Comme s'il avait été éclaboussé de neige, de cendres. Plus de ces immense chevelure qui rebiquait avant, avait toujours recouvert au moins un œil sur deux. Dans ses iris orangés, il manquait un éclat de chaleur qu'elle avait longtemps vu subsister.
Différent.

Elle s'approcha, le pas souple et la queue se courbant derrière elle. Sa voix retentit en même temps que son avancée pour se placer à distance proche de lui. Ce n'était pas le même écart qu'avec d'autre. Son visage se fendit d'un sourire calme, démontrant une certaine chaleur.

"Lymphalème."

Ses traits se changèrent brièvement pour une expression contrite.

"J'aurais voulu t'adresser un tête à tête plus tôt. La vie se complique beaucoup entre les annonces, la parentalité et la perte d'un proche." Elle soupira.
"Mais j'ai réussit à te dégager du temps."

À lui, le loup revenu d'on ne savait où. Réintégré, qui faisait à nouveau ses preuves désormais pour se voir restituer sa place précédente ; pour tailler une route vers l'unicité nouvelle.

Lymphalème

"Je comprends. Mes sincères condoléances pour ta perte. Boite a Clou était une lumière pour tous, surtout dans les moments les plus sombres. Il continuera a illuminer nos vies par son souvenir. " dit-il en hochant la tête, ses longues oreilles suivant le mouvement en restant tournées vers la louve beige.

Puis il se redressa.
"Mais je vois que tu as d'autres lumières dans votre vie. Ta fille Alexandrine est exactement comme toi à son âge, mais peut être un peu plus impétueuse. J'imagine bien qu'ils doivent grignoter ton emploi du temps déjà chargé."
Ses yeux se remplirent d'une petite lumière au souvenir de sa rencontre avec la jeune louve ailée, qui fut doucement chassé, comme un rayon de soleil obscurcit par un nuage d'orage. Il s'assit en face de la beige, en enroulant sa queue autour de ses pattes tachetés. Il laissa un instant de silence passer, un sujet le démangeant de toute évidence sans qu'il ait le courage de le mettre sur la table. Il passa un moment de silence, puis mastiqua un instant, avant de déballer sa pensée.

"Pepper va bien ? Et son fils ? " demanda-il.
Il les avait vus à l'occasion de son arrivée, mais la bleue était restée distante après cela, son fils encore plus, comme un pantin ficelé à des espérances invisibles de plaire.

La louve hocha la tête, courbant son cou si épais pour saluer les paroles du gris.

Bien évidemment, la mention d'Alexandrine souleva un sourire sur ses babines, un qui se charge d'un peu de tristesse au souvenir des lycaons, ainsi qu'à son explosion au décès de Piclou. Aussi vite qu'il vint, il fut déjà reparti, et son visage se gorgea de l'impassibilité habituelle. Bien que l'on put y entrevoir cette parcelle de détente qui se réservait aux gens qu'elle connaissait un peu plus.

Même si avec Lymphalème, elle devait réapprendre.
Elle n'avait jamais eu peur d'un challenge.

Vint le sujet de Blue et Anette tenta de résumer tout ce qui avait pu se passer. Tant de souvenirs, anciens et récents qui agitèrent son esprit avec milles images. La mort, un pacte, un enfant, d'autres attaques... Elle n'aurait pu condenser tant d’événements en peu de mot autrement qu'en disant...

"Elle est complète à nouveau, nous avons pu surmonter des problèmes similaires."

Collaboration face aux Raeders, et leur promesse avait été renouvelée, plus puissante que jamais dans leur lien mental. Anne agita une oreille, car au sujet du fils...

"Il s'en sort bien." Elle leva les yeux vers le ciel. "Elle est plus sa mentor que sa mère, mais il a bien grandit. Il est fort comme elle."

Il était fort, oui, Astre.
Elle était persuadée qu'il le serait encore plus. Comme sa mère, comme elle, il serait un Etelkru remarquable et pourrait peut-être étendre ses ailes à nouveau. Des ailes... En face d'elle se tient celui qui a disparu en même temps qu'un jeune loup. Celui qui aurait du être son apprenti.
Godric.

Elle pointe les oreilles et ne perd pas de temps.
La perte du jeune et de l'ami lui ont toujours un peu brûlé le cœur.

"Que t'es-t-il arrivé, Lymphalème ? Qu'est-il advenu de Godric ?"

Elle voulait savoir.
Même maintenant, restait-il un moyen d'aller le sauver ?

Lymphalème

Il hocha la tête en écoutant la louve beige et verte, ses pensées s'enfuyant avec lui dans son propre esprit. Plus mentor que mère. C'était donc de là qu'il avait eu cette impression de pion lorsqu'il l'avait rencontré. Il se conforta avec l'idée que la bleue était à nouveau complète, et que Anette avait été à ses cotés, tout ce temps où lui ne l'était pas. Sans doute le fossé qu'il avait creusé, simplement par son absence, pourrait difficilement être comblé. Il y avait encore un soupçon d'espoir en son coeur, mais plus les jours passaient, plus il était terni, et moins sa motivation le portait.

"Il ... est vivant" dit-il, après un moment de réflexion, semblant choisir ses mots avec précision.

"Il était parti, je pense, prévenir un ami, le jour de l'attaque sur les Raeders. J'ai voulu le suivre... Je l'ai appelé lorsqu'il traversait les monts célestes, et il a cru à un Solitaire. Son attaque nous a déstabilises, nous sommes tombés dans le ravin du fleuve qui longe en aval la rougelande et les plaines savanes. Je ne sais comment nous avons survécu, mais je me suis retrouvé en mer avec lui, accrochés à un tronc d'arbre. Nous avons été récupérés par des éclaireurs, qui appartenaient à une meute du Nord. Ils nous ont ramenés chez eux. Il étaient agréables, leur camp était majestueux, fait des loups les plus forts, courageux, beaux et intelligents que je n'avais jamais vus. Ils nous ont proposé des places dans leur camp, une place prestigieuse pour Godric, au nom de sa taille imposante. Une place de bibliothécaire pour moi, dans une bâtisse plus imposante que celles qu'ont les Nakhus... Mais devant notre refus, et notre demande de nous laisser repartir au sud, ils se sont devenus acerbes. Ils nous ont enfermés dans des grottes, ils ont attendu... longtemps, que nous leur donnions la réponse qu'ils désiraient. Alors nous avons comploté, j'ai proposé à Godric qu'il fasse semblant d'accepter leur proposition, pour qu'il puisse sortir, et il trouverait un moyen, avec sa force, pour me sortir de là, et pour rentrer.

Il a accepté mon plan... Mais je ne l'ai plus jamais revu. Je l'ai attendu longtemps, mais il n'est jamais revenu. Alors j'ai pris part a ce plan moi aussi, j'ai finalement accepté leur proposition, leur fanatisme était grand. Ils avaient leurs propres valeurs, et leurs valeurs prônaient des belles choses, comme l'ensemble commun, l'avancée technologique et militaire... Leurs beaux camps, leurs belles grottes se construisaient à la sueur d'esclaves, qui étaient dits loups libres de la nation, et qui travaillaient pour rien, mourraient pour rien. J'ai été... choisi, pour un travail. Mais avant d'être envoyé hors de leurs terres, travailler pour d'autres meutes, et voir notre paie, notre nourriture renvoyés à leur beaux camps, il fallait s'assurer que nous ne voudrions pas fuir. Alors j'ai eu un enfant, avant la naissance duquel je suis parti travailler au sud de leurs terres. "

Il baissa ses oreilles. C'était dur à racconter, son histoire, car il en refoulait les moment les plus durs, qu'il n'évoquait que à demi-mots.

"J'ai feint ma mort, mieux qu'ils auraient pu croire et en m'échappant j'ai libéré ma compagne d'une union qu'elle ne désirait pas, surement pour une autre qu'elle désirera encore moins... Je suis revenu au Sud, chez nous. Je n'ai pas revu Godric, mais il m'as fait parvenir message lorsque je travaillais dans le camp de travail. Le message me fais croire qu'il s'est échappé mais qu'ils ont essayé de me faire penser qu'il était toujours avec eux et qu'il adhérait complètement à leurs idées. Ce n'était en tout cas pas de lui, car il écrivait très mal. Je le pense échappé et vivant, mais je ne saurais dire ou il est"

Il baissa les oreilles.
Il avait aggravé ce qui aurait pu être "qu'une" trahison en la disparation d'un jeune Etelkrus prometteur.

"Je n'ai pas pu le ramener. Je vais présenter mes excuses à sire Athelstan, mais je vous en doit aussi. Il était très fort, même dans l'adversité. J'espère qu'il s'en est sorti."

Il laissa un instant de silence, ses oreilles penchés en arrière.

"Je suis ravi de voir que la meute va bien, mais je ne puis plus l'assister militairement. J'ai perdu toutes les capacités qui m'ont été enseignés par Bamboo. J'espère pouvoir, avec le temps, prouver que mes capacités de soignant n'ont pas été altérés, et qu'elles sont au service des Etelkrus."

Le récit fut compté.
Anette ne put cacher l'horreur qui se glissa sur son visage, ni même la flamme de vengeance que son cœur réclama. Leurs talents, extorqués, leur quotidien arrachés... Godric. Une vie gâchée. Paupières closes et froncées, elle tâcha de ne pas grogner aux excuses, et de calmer la peine pour l'enfant brillant et pour l'ami du passé.

Une, deux respirations.

Et elle reposa son regard sombre sur lui, le tacheté. Le survivant.
Le fantôme réapparu.

"Peut-être un jour, pourra-t-on aller le retrouver. Et exterminer ce peuple. C'est impossible présentement, il y a trop d'autres choses à voir mais..."

Sa tête tournait, il y avait la menace du Nord, oui.
Les enfants à s'occuper, l'avenir à préparer.
Cependant une chose restait possible pour essayer de poser une pierre pour reconstruire un pont entre eux, pour édifier l'avenir.

"Je peux t’entraîner."

C'était une proposition, peut-être dû à un peu d’apitoiement, mais aussi pour les souvenirs.
Elle avait déjà relevé l'âme-sœur, elle était capable de transformer son corps amaigri en une nouvelle machine, prête à les servir et à montrer qu'il voulait faire ses preuves. Restaurer la confiance.

"Retrouve-moi demain, à l'aube. Mange léger, hydrate-toi, et dors suffisamment."

Elle fit volte-face sur cela, avec un hochement de tête pour le saluer.

[conclut pour moi, on pourra faire les mentorats comme ça (y)

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