Candeur - Izykia

Elle avait si mal dormi, Holly.
Pas à cause des angoisses, cependant. Elle se sentait mieux, de ce côté là.
Mais par ce qu'une mouette minuscule n'avait cessé de piailler, lui marcher dessus, lui donner de petits coups de bec et encore piailler, de préférence dans les oreilles puisque c'était, visiblement, bien plus rigolo. La conseillère bleue n'avait donc pas traîné au lit, ce matin là... Ou plutôt, encore moins que d'habitude. A quoi bon ? Son petit tyran domestique ne semblait désirer que deux choses : Manger, et son attention.

Il l'amusait pourtant, cet oisillon, et elle s'y attachait beaucoup, prenant soin de lui depuis le jour où elle l'avait trouvé abandonné sur la plage. Et il le lui rendait bien, se lovant à chaque occasion contre elle. Elle était devenue sa maman de substitution et lui... Son fils adoptif ? Holly eut un sourire amusé, à cette idée.

- Allez viens, petit merdeux, on va manger.

Poisson et œufs pour lui. Lapin pour elle. De quoi bien commencer la journée.
Il était important d'avoir un régime alimentaire équilibré. Par ce que l'oisillon devait grandir et par ce qu'elle, louve, avait du poids à reprendre après avoir malmené son corps. C'était important, alors elle faisait davantage attention.
Le repas avalé, ils purent gagner l'extérieur. Avant cela, elle noua ses cheveux en une rapide queue de cheval. Il ne servait rien de faire plus élaboré, de toutes manières : Grandes-Ailes aurait vite fait d'y foutre son bordel.
Un sourire serein vint étirer les coins de ses babines.
Il faisait beau et elle se sentait bien.

Elle passa par la réserve, là où les siens accumulaient du matériel en tout genre et s'empara de quelques éléments : Un peu de fil, de cuir souple, des boucles... Car aujourd'hui, Holly comptait bien s'atteler à la confection d'un petit sac pour accueillir son bébé mouette, lorsqu'elle partait en vadrouille. Ce serait bien plus simple et confortable pour eux deux.

La femelle s'installa ensuite à l'ombre d'un arbre, son petit animal sur sa tête, comme elle l'avait anticipé, déjà affairé à prendre ses mèches bouclées dans son bec.

- Quel ingrat.

Pourtant, c'était comme si rien ne saurait faire disparaître son sourire.
Le coeur léger, elle se mit à la tâche, assemblant les morceaux pour construire ce fameux sac de transport.

Elle était concentrée, Holly.
De ses pattes, elle découpait le cuir et le cousait du mieux qu'elle pouvait. C'était un travail minutieux dont elle n'avait pas vraiment l'habitude, passant, d'ordinaire, plus de temps à se battre qu'à effectuer des travaux manuels. Mais soit ! C'était toujours agréable, de s'essayer à d'autres activités. Grandes-Ailes serait bien content, aussi, une fois ce petit sac terminé.
Un raclement de gorge la fit redresser la tête et poser ses yeux de glace sur l'individu.
Elle lui sourit, polie.

- Bonjour Izykia.

Puis baissa les yeux vers le cuir qu'elle avait rapporté, avant de le regarder à nouveau.

- Il n'y en a plus dans la réserve ? Il en restait pas mal, lorsque j'en ai pris.

Bizarre, ça.
Holly n'était pas stupide et savait bien que certains de ses congénères se servaient des matériaux pour confectionner des objets autrement plus utiles qu'un sac pour oisillon. Alors, jamais elle ne se serait permise de vider le stock pour cela. Elle avait d'ailleurs récupéré les quantités nécessaires à la confection de son ouvrage... Pas plus.
Mais soit. La femelle se leva, laissant la petite mouette descendre au niveau de ses épaules.

- Tu veux que je t'aide à en trouver ? Il a peut-être été mélangé au reste des matériaux.

Elle ne voyait que cela.
A moins que quelqu'un du clan, tout aussi matinal qu'eux, se soit levé pour construire un gros truc nécessitant beaucoup de cuir souple.

Ils se dirigèrent ensemble dans la remise. Comme elle l'avait pensé, Izykia n'avait juste pas regardé au bon endroit : le cuir était bien là. Elle le laissa prendre ce dont il avait besoin et revenir vers elle. Sa proposition ne la vexa nullement, au contraire. Holly lui sourit.

- Oh, merci pour cette proposition ! Il est vrai que je ne suis pas une très bonne couturière... C'est une activité que je pratique bien peu.

L'on ne pouvait pas être bon partout.

- Tu peux me tutoyer, si tu veux.

Elle n'était pas des plus formelles, Holly, tutoyant aisément ceux qui avaient un âge proche du sien, réservant les vouvoiement à ceux plus âgés ou qui possédaient une grande expérience dans leurs rangs respectifs. Mais lui, il était Épée, comme elle l'avait été. Comme elle l'était toujours, en partie, puisque son rang de Conseillère ne l'occupait pas à plein temps.
Bref, elle était tranquille, là dessus.

Elle s'exécuta, lorsqu'il lui fit signe d'approcher. Toute attentive, elle bu chacune de ses paroles. Ce qu'elle ne savait pas encore, Holly, c'est que cet apprentissage lui serait bien utile lorsque, plus qu'un sac, elle devrait s'atteler à la confection de capes pour son excursion au Grand Nord. Élève studieuse, elle se prêta au jeu et tenta de coudre à son tour, avec application, jetant parfois de rapides coups d'oeil à ce qu'avait fait Izykia. Ça ne lui semblait pas trop mal. Du moins, pour une première tentative.

- Il s'appelle Grandes-Ailes ! Bon, j'admet que ce n'est pas original, comme prénom... Et oui, je l'élève, il était tout seul, sur la plage et était menacé par un prédateur. Alors je l'ai ramené au Castel et, maintenant, je veille sur lui.

Elle était peut-être un peu naïve.
Elle avait peut-être des loisirs un peu étranges, comme l'avait souligné Joy, mais c'était comme ça et elle le vivait bien.
Sourire.

- Merci pour ton enseignement ! Ça fait longtemps, que tu couds ?

Elle pencha la tête sur le côté.

- Ça lui arrive de pincer un peu, plus par jeu qu'autre chose. Par ce que c'est un bébé... Mais je lui apprend. C'est une très gentille petite mouette.

Enfin, très honnêtement, il était même plus du genre à lui bouffer les cheveux qu'à, vraiment, lui faire mal. Rien de bien problématique à ses yeux, donc.

Sa question sembla éveiller, chez son camarade, quelques souvenirs douloureux. Si elle n'avait jamais connu l'amour de sa propre mère et le chagrin violent associé à sa perte... Elle pouvait cependant bien comprendre que les choses ne se passaient pas comme cela pour tout le monde. Certains loups étaient aimés, dès leur naissance et aimaient tendrement leurs parents en retour. Comme Izykia. Comme Alex, Anita.
Ce devait être merveilleux, mais aussi douloureux. Elle, au moins, n'avait pas pleuré lorsque Mère s'était éteinte.
Elle n'avait connu que le vide. L'impression d'être seule, elle, avait toujours été là.

- C'est un bon apprentissage.

Peut-être était elle un peu maladroite.

- Oh, c'est juste pour faire quelques bricoles bien pratiques... C'est tout ! Je compte emmener Grandes-Ailes le plus souvent possible avec moi, et puisqu'il ne sait pas encore voler, il sera bien mieux, dans ce petit sac.