Un. Deux. Trois. Plus là. ★ libre

EPINE
★ 2 mois ★
F A E I

Voilà quelques jours que ses pattes étaient capable de la porter sur une courte distance. A chaque tentative, elle gagnait en assurance, en stabilité. Chaque pas l'a menait plus loin que le précédent, chaque avancé l'emportait dans un nouveau monde de découverte : couleurs, lumières, sons, odeurs ! Tout était nouveau et tout l’intéressait ! Epine jeta un regard en arrière, sa mère dormait, épuisée encore d'une nuit à devoir s'éveiller trop de fois pour nourrir des enfants qui avaient chacun leur propre rythme, comme s'ils faisaient exprès de réclamer à manger lorsqu'elle se rendormait après en avoir nourri un. La tanière empestait la nervosité de maman, elle sentait aussi, la loupiote, que ça n'allait pas. L'instinct la mena à s'éloigner, à laisser tranquille cette louve si aimante qui donnait tout pour eux, jusqu'à tombé de fatigue. Elle avait faim pourtant, mais elle ne voulait pas être cause de plus de mauvaise chose pour Joy. Alors elle s'éloigna encore, espérant ainsi offrir à maman ce qu’elle voulait : pas de bébés dans les pattes. Oh elle aurait aimer se blottir contre son ventre, mordiller les mamelles pleines et tièdes et ensuite lui lécher la babine avec sa moustache de lait.

Mais il ne fallait pas. Alors elle fit quelques pas de plus, et les bruits du dehors de la tanière l'interpellèrent. Des martèlements plus ou moins réguliers, des éclats de voix, des rires et quelques cris. C'était beaucoup d'un coup, presque trop, et Epine voulu courir chercher réconfort. Mais Maman dormait, il fallait la laisser. Il ne fallait pas l'embêter. Elle soupira l'enfant, son coeur battant la chamade, ses pattes tremblotantes. Et pourtant elle avança, parce qu'il fallait du calme pour sa mère, et que son petit coeur faisait tant de bruits à ses oreilles, que forcément, il allait réveiller la louve épuisée ! La louvette au pelage sable et forêt prit son courage entre ses pattes et décida de s'en aller avec. Maman serait contente de ne pas avoir été réveillée ! Elle serait fière de voir Epine se débrouiller comme une plus grande ! Oh quelle bonne idée ! Elle allait chercher à manger, du lait ou quelques lambeaux de viandes comme maman leur donnait parfois ! Elle allait les trouver toute seule pour ne pas donner plus de travail à maman. C'est donc débordant d'espoir et de ce besoin viscéral de ne pas être un poids pour sa génitrice, que la boule de poil dépassa la limite invisible de l'entrée de la tanière et s'élança dans le grand bain.

Oh elle avait peur ! Oh son coeur tambourinait si fort dans son poitrail ! Mais il fallait le faire ! Elle avait faim, et il fallait laisser maman dormir ! Alors elle se débrouillerait, et pour ça, elle serait courageuse ! Alors elle fit quelques pas de plus, petit à petit, s’aplatissant contre le mur de pierre, longeant la roche comme si elle était une ombre, elle s'en alla, loin de sa mère pour qu'elle se repose, loin de son monde sécuritaire, loin de ses repères... A quelques longueurs de queue à peine de la tanière en fait ! Mais cette distance lui paraissait déjà si importante ! Et il y avait tant de bruits ! Tant d'agitations et de couleurs qui voyageaient en tout sens ! Très vite, la loupiote se sentie submergée, l'angoisse la terrassa et des larmes vinrent picoter ses grands yeux couleur de braise ardente. Elle voulait tant rentrer, elle voulait tant Maman... Mais elle devait la laisser dormir. Le coeur déchiré, Epine fût forcée de revenir sur ses pas, c'était tellement trop ! Et elle avait si peur ! Sauf que dans sa confusion, l'enfant désorientée partit en courant dans une toute autre direction et se retrouva en plein milieu de la Grande Salle, non loin d'immenses rochers que maman décrivait comme les assises des Reines.

Les larmes débordant finalement, le poil tout ébouriffé et le corps tremblant comme jamais, la louvette se blottit aux pattes d'un des deux trônes, trop perdue pour faire autre chose qu'attendre qu'on vienne l'aide, même si elle refusa catégoriquement de japper. Pour ne pas réveiller maman...

Holly rentrait de patrouille et aller se reposer un peu, lorsqu'elle la vit, cette toute petite louve, toute seule et toute déboussolée, qui se rendait vers la salle des trônes.
Curieuse, elle devait bien l'avouer, la louve bleue décida de la suivre discrètement. Elle la reconnut bien vite, il s'agissait là de l'un des enfants de Joy, sa collègue conseillère, et de Kalashnikov. Que faisait-elle donc, si loin de ses parents ? Peut-être était-elle une petite chipie qui savait s'y prendre, lorsqu'il s'agissait d'échapper à la vigilance des adultes.

Pourtant, lorsqu'elle la vit pleurer contre l'un des trônes, Holly sentit son cœur se serrer dans sa poitrine.
La Conseillère s'approcha doucement, pour ne pas l'effrayer, s'abaissant pour paraître moins grande, moins imposante, plus proche de l'enfant, aussi.

- Coucou Épine.

Elle pencha la tête sur le côté.

- Boh alors p'tite puce, qu'est-ce qui te rend triste comme ça ?

Ses oreilles orientées vers elle, elle était toute attentive et prête à l'écouter. Il n'était pas question de minimiser son chagrin par ce qu'elle était encore une enfant.

EPINE
★ 2 mois ★
F A E I

Le long lui paru si long, et elle était si seule ! Une infinité d'heures plus tard -ou plutôt quelques minutes à peine !-, un museau se pointa. Une louve bleue comme la chef, mais moins bleue quand même, vint à sa rencontre. L'adulte se baissa, se tassa jusqu'à elle, et Epine se sentit tout de suite rassurée parce que la grande se faisait petite. Et qu'elle était chaleur et douceur dans le regard et la voix. L'enfant renifla à peu près, pas du tout, discrètement et passa une patte sur son museau comme pour en chasser un insecte. Elle planta ses prunelles flamboyante dans les yeux calmes de la louve.

« Maman dodo. Pep-sss pas 'éveiller maman qui dorrrt. »

Répondit-elle à la gentille bleue moins bleue en fronçant le museau à chaque mot, comme en pleine réflexion pour faire une phrase décente. Epine apprenait plutôt vite de manière générale, mais le langage restait une lacune. Etna, par exemple, était bien plus à l'aise et bavarde ! Enfin, elle était jeune bien sûr, et avait tout le temps de s'améliorer, maman le disait souvent, quand elle ne dormait pas ou qu'elle ne boudait pas dans le coin de la tanière. Doucement, un sourire fleurit sur les babines de la loupiote. Mimique qui s'élargit quand elle vit apparaître dans son court champ de vision, sa grande soeur.

« Messsshhhheet ! »

La louve déposa une proie qui fleurait bon la viande fraîche. L'estomac de la petite, affamé, se rappela à elle et elle saliva en reniflant le gibier. La soeur Aînée se mit également au niveau de l'enfant, qui se sentit enfin en parfaite confiance. Presque parfaitement rassurée, elle pu réfléchir à nouveau et penser avec fierté que Maman serait contente de la voir se débrouiller seule ! Enfin presque, seule !

« Checher manger, pas trouvé... »

Avoua t-elle à Meshret, toute penaude et les oreilles collées contre son crâne. C'était un échec, encore un...