Physique et aérobics · Alexandrine

Un recoin dans les roches autour du Castel.
Où elle a croisé Pepper jadis, discuté alimentation et couleurs avant d'aller boire et de chasser un met de choix. Un endroit où peu se sont arrêtés et viennent désormais, un renfoncement circulaire chauffé par le soleil, similaire à une arène. Pour d'autres, il est sans doutes oubliable pour lui valoir cette circulation inexistante, mais à ses yeux il est parfait. Des rondins, des planches, des bûches et des rochers y ont été installés. Une partie s'élève au-dessus du sol, parfaite pour sauter et rejoindre différents perchoirs, avant de tomber dans une bassine d'eau creusée par le temps, d'où part un torrent rafraîchissant.
Son petit terrain d'entraînement.

C'est là qu'elle traîne Alexandrine et Léo, pour des séances dédiées.
Anette a exposé la théorie, l'art de la stratégie, elle distillera l'histoire entre ces scéances ; aujourd'hui seul le physique compte. Elle a la viande sur les os qu'il faut, il est grand temps de l'affiner. De tresser ces muscles prometteurs, de tailler dans sa silhouettes pour qu'elle s'envole puissamment, qu'elle se batte avec force, qu'elle morde avec efficacité. Qu'elle sue, comme jamais elle n'a suée.

Dans le petit matin, elle lape une gorgée d'eau après leur tour, leur footing.
Puis elle se tourne vers Alexandrine et débutes les hostilités à l'image de l'entrainement qui a repris dès le lendemain de son retour. Elle se sont réparées, elle veut la préparer maintenant. Elle l'incite à s'approcher d'un geste pour la placer au centre, se saisit de ses pattes et les aligne parfaitement. Un carré.
Elle ajuste aussi ses ailes, petit détail que d'autres n'ont pas.

"On va muscler tes abdominaux et ton dos, pour le vol et te donner plus de puissance. Le moyen le plus efficace de les muscler est de maintenir un debout carré. Les pattes alignées et... gainer."

Elle adopte la même position qu'elle et lui lance un sourire amusé.

"Maintenant, tiens le plus longtemps possible."

Physique et aérobics · Alexandrine Alex_2

Est-il des coins et des recoins qu'elles n'ont pas visité dans le Castel avec Tita ? C'est avec surprise qu'elle avait découvert, lors de leurs premiers entraînements, cette enclave dans la roche qui donnait furieusement envie de se battre et se dépenser. Les yeux remplis d'étoile, elle était revenue, seule, après cette découverte. Pour faire le guignole, bien entendu, attitude qu'elle ne pouvait avoir devant son mentor après que ce dernier l'eut tant mis en garde. Un peu de patience vaut mieux que mille fautes.

Et elles étaient revenues, encore et encore, après de longs footings, pour d'autres leçons. Encore, et encore.

Ca lui semblait si lointain, après cette pause de plus d'un mois. Mais elle n'avait jamais cessé de s'entraîner. Seule, elle avait marché et couru de longs kilomètres, pour ne rien perdre de l'enseignement qu'on lui avait jusque là dispensé. Elle ne pouvait pas se permettre. C'était une promesse qu'elle s'astreignait à ne pas briser.

Un sourire incroyable fleurit sur son visage lorsqu'elle pénétra dans l'enceinte à la suite de sa mère, dont son corps copiait sans vergogne la morphologie. Elle s'abreuva à son tour, s'ébrouant pour chasser la sueur qui perlait son corps. Se laissant manipuler, elle se plaça comme demandé au centre, tirant sur ses ailes et ses muscles.

Elle ne répondait rien, se contentant de s'exécuter.

Face à face.

Ah ! Elle rit, sa mère, sa mentor, elle sait. Et Alexandrine le sait aussi, qu'elle ne peut lui rendre cette puissance, cette endurance forgée d'années d'expérience.

Mais bien surprise elle serait de la voir abandonner avant d'avoir livré bataille, fut-elle rude et épuisante.

Alex se redressa et ses crocs se dévoilèrent légèrement.

Tenant position. Ressentant au plus profond de ses muscles la tension s'installer, faire son nid et gonfler peu à peu, avec presque une volonté d'éclater.

De confortable, la position devint astreinte, puis douleur.

Peu à peu, ses membres se mirent à trembler. Doucement, puis de plus en plus fort.

Anette chronomètre en interne le temps.
Elle compte silencieusement et juge de la performance. Quand les pattes d'Alexandrine commencent à trembler, elle repousse un peu l'échéance. Fait durer ce qui doit commencer à être une petite torture pour Alex.
Égraine encore quelques chiffres dans sa tête.
Des secondes de rien du tout.
Qui veulent pourtant tout dire et...

"Très bien, relâche."

Elle libère, pour laisser reprendre son souffle et se détends elle-même. Mais ce n'est pas finit ! C'est ce qu'elle lui révèle, aussi simplement qu'on annonce le levé du jour ; une évidence à laquelle il faudra se faire.

"C'était l'introduction de l'exercice. Car il faut le faire sur un support instable."

Elle s'approche de demi-bûches, placée face plate vers le ciel, prêtes à tanguer comme un navire. Elle l'invite à s'y placer d'un son court, ne le fait pas pour elle pour vérifier qu'elle a engrangé ce qu'elle a dit plus tôt sur la position à adopter. Elle ne redonne pas l'ordre de maintenir le plus longtemps possible, cette partie ayant été la plus claire de toutes.

Elle ne voulait pas lâcher prise, un pli soucieux sur le front, les crocs à demi découverts alors que ses pattes lui hurlaient d'arrêter de faire l'imbécile. Mais Anette ne bougeait pas, se contentait de l'observer. Un instant, Alexandrine se demandait si elle n'était pas en train d'attendre d'elle qu'elle connaisse ses limites, qu'elle n'attende le mouvement pour s'arrêter, mais soudain quelques paroles la délivrèrent.

Avec un soupir de soulagement, la louve dragon se fit sac à patates. Elle passa son poids d'un côté à l'autre de son corps, pour reposer tour à tour babor et tribord.

Lorsque sa mère saisit les rondins, elle fit la grimace. Oh la la ! Ca n'allait pas être de la tarte ! Mais docile et curieuse aussi de si elle y arriverait et combien de temps elle y arriverait, elle bondit devant la machinerie mise en place.

Bon ben. Go le support instable hein !

Elle rit doucement et posa une première patte sur le rondin et le testa. Puis une deuxième. Oof. L'équilibre n'était visiblement pas son fort. Alexandrine se stabilisa et fit bondir son arrière train sur la demi-buche. Par réflexe, elle ouvrit ses ailes pour se stabiliser, usant de ces dernières comme d'un bâton d'équilibriste. Mais peut-être trichait-elle ?

Elle questionna sa mère du regard. Ailes sorties, rentrées ?

Elle tremblait un peu, alors qu'elle commençait à se gainer, regardant droit devant elle pour faciliter l'exercice.

Elle ne dit rien d'abord, jauge simplement de son regard noir sa fille et apprentie qui viens de se stabiliser. Un ange passe où elle laisse l'opportunité de d'appliquer ce qui a été dit ; rien ne vient. Elle désigne alors du museau ce dont elle parle.

"N'oublie pas d'aligner tes pattes à ton corps. Ailes repliées et alignées à ton dos."

Les instructions rappelées, elle monte à son tour sur les bûches, les fait s'agiter d'abord d'avant en arrière, avant que ne se dessinent ses muscles sous le pelage ras. Les oscillations diminuent et par contrôle elle trouve un équilibre, la position ajustée par l'habitude.

"On va maintenir encore une fois mais ne va pas jusqu'à trembler, cela signale ta limite. Quand ce sera le cas, relâche, laisse-toi choir, et remonte ensuite pour reprendre. Veille à conserver ta position en priorité, c'est ce qui compte."

Oups, sans les ailes donc. Alexandrine rabattit les membranes de cuir le long de son corps et se stabilisa de nouveau. C'était plus difficile... Et donc plus utile. Elle copia la position de son mentor, raidissant ses pattes, l'écoutant d'une oreille attentive. Elle inspira une large goulée d'air, et prit enfin la position demandée.

C'était plus difficile aussi que sur le sol.

Lorsque ses pattes commencèrent à trembler, elle compta jusqu'à cinq et se laissa tomber au sol, comme demandé. Enfin, un peu plus violemment que demandé : elle trébucha et roula sur la pierre. Elle attendit quelques instants que les raideurs dans ses pattes se calment, redressant la tête en souriant, et finit par se relever avant de reprendre place en face du demi-rondin.

Et remonta dessus.

Reprit la position.

Et, sans un mot, attendit les tremblements, sourcils froncés.

Elle ne faisait plus attention à ce qu'il y avait autour d'elle, concentrée sur ses pattes qui peinaient et tout son corps qui grondait sous l'effort.

Anette copie l'exercice d'abord, avant d'à nouveau embrasser un rôle relativement passif, de celle qui chaperonne plus qu'elle ne participe. Elle commence à se glisser dans cette peau, elle sait que le futur le lui imposera bientôt. C'est un habit encore raide, qu'elle doit plier encore et encore pour l'adapter. Le temps le lui permettra, elle s'y fera.

Comme sa fille, elle attends que viennent les soubresauts des muscles. Ces tremblements, beaux dans leur témoignage. Un effort, une lutte contre soi-même, chaque fois un peu plus longue mais un peu plus victorieuse. Son cœur bat au même rythme que les secondes, elle porte une pointe de fierté de voir Alex essayer avec soin.
Elle a réellement eu tort de l'aborder comme elle l'a fait au tout départ.
La satisfaction d'avoir suffisamment changer pour avoir cet instant est entière.

Elle en profite, encore un peu.
Toujours, toujours, étirer le temps facétieux qui se taille subjectivement.

Quand enfin les pattes se mettent à trembler, Anette se plie en avant et émet son grognement positif, qui aurait pu être inchangé, mais bouffi de fierté en plus pour le coup.

"Parfait !" claironne-t-elle.

Elle la laisse de désengager des demi-rondins et tourne autour d'elle.

"Un exercice rondement mené. On va faire quelque chose de similaire pour muscler ton arrière-train. Tu gagnera en puissance dans tes sauts et tes attaques grâce à ça."

... Elle est fière, mais aucun relâchement n'est encore permis.
Une victoire, et on enchaîne.

Son corps protestait à nouveau, grondement qui s'amplifiait et gouvernait son corps avant de la prendre à la gorge. Elle se retint, encore un peu, avant d'appliquer les recommandations de son mentor. Ecoute ton corps, ne le malmène pas. Mais c'était si grisant pourtant de le pousser au delà de ses limites, au delà du possible, flirter avec cette frontière et la repousser à chaque pas.

Elle savait qu'elle ne lui en voudrait pas, parce qu'elle savait en relevant le museau et observant sa maternelle qu'à ce moment là elle en était la copie. Âmes entrecroisées à travers les générations.

Alex accueillit les commentaires de sa mentor d'une bouffée de chaleur qui lui compressa le coeur, puis le corps. C'était des petits frissons qui remplaçaient les tremblements et la plaçait sur un petit nuage, lui redonnant toute l'énergie dont elle avait besoin. Elle se redressa d'un coup, les oreilles pointées en avant. Elle gloussa :

Comme ça mes attaques surprises sur les habitants du Castel en seront encore plus redoutables !

Elle n'avait chassé cette habitude de bondir sur les personnes qu'elle connaissait au détour d'un boyau pierreux, même si maintenant sa masse envoyait souvent rouler les malheureux concernés.

Elle souffle un rire bref par la truffe.
Elle connait bien la réputation de joyeux-luron de ses enfants, pas que ça l'ai jamais dérangé. C'est cette vivacité et cette innocence qu'elle a souvent voulu maintenir, tout en les préparant à l'avenir. Mais garder sa capacité à s'amuser et à vivre pleinement les moments de paix lui paraissent essentiels.
La mère secoue doucement la tête, chasse l'amusement et reprends.

On est là pour souffrir, mais pour une bonne cause.
Ça n'empêche pas de rire un peu mais il faut rester concentré !

Elle pousse sa fille pour aller sélectionner un rondin. Elle en essaye un, place les pattes d'Alexandrine dessus et fronce les sourcils. Elle agite à nouveau le museau, car ça ne convient pas. Un second est pris sur la pile et elle recommence son manège, avant de claquer légèrement de la langue et murmurer un 'presque' un peu frustré. Elle n'a pas tout à fait le compas dans l’œil pour évaluer les hauteurs, c'est fort dommage, elle perd un peu de temps. Ça laisse un peu de repos à son apprentie, se dit-elle, mais soit.

Le dernier est le bon, et elle sourit enfin.
Le dos reste aligné, et un peu plus de poids et de pression est mis sur l'arrière-main. Elle bascule même les ailes pour accentuer l'effet.

"Même chose, on tient le plus longtemps possible, garde ton poids le plus possible sur l'arrière."

Pareil, mais différent.
Subtil changement, pour que tout soit le plus o p t i m a l possible.

Elle se laissa manipuler, ses muscles pliant souplement sous les mouvements doux mais fermes de sa mentor. Une simple pression suffisait à réajuster son placement, et elle subissait sans broncher les multiples remplacements. Sa mère après tout ne pouvait pas tout trouver du premier coup d'oeil, et l'adaptation était nécessaire. Alexandrine observe toutefois et apprend. Comment elle les choisit. Lesquels elle rejette, essaye de deviner pourquoi que ce soit à cause de l'assiette, du côté plat ou du rond, bref. Tout est bon à prendre.

Et finalement elle se stabilise. Alex offre un sourire à Anette satisfaite et agite sa longue queue vipérine, sans faire montre d'indiscipline.

Elle hoche délicatement la tête et grimpe sur les rondins, écarte légèrement les ailes selon la position voulue et jette un regard interrogateur à sa mentor. Le top départ obtenu.

Elle gaine.

Et c'est parti pour une nouvelle série de concentration, de tremblements et de sueur, cette sueur qui dégouline le long de son corps et de ses muscles. Une sensation désagréable et si agréable à la fois, qu'elle chérit, cristallisation de ses efforts.

Il n'y a pas d'amélioration sans douleur.

Même si le redire serait redondant, dorénavant.

Tant de descriptions des fibres musculaire au labeur, tant d'évocations de perles de sueur, un tableau inchangé, renouvelé, admiré pourtant. La thématique a été abordée proprement, même si elle ne fait qu'effleurer un panel de possibilités illimitées ! La profondeur et les tâches plus fantasques viendraient entre les lignes, dans la pratique et les futurs à écrire.

Anette ne doute pas qu'Alex lui demandera toutes ces activités pour se concentrer sur un muscle en particulier. Chose qu'elle se fera malin plaisir de lui montrer... Mais qui seront au-delà de tout cet apprentissage. Des exercices d'un niveau confirmé, qu'elle pourra appliquer toute sa vie durant.

Pour aujourd'hui, elles continueront là-dessus.

Et pour le reste de leur semaine aussi sans doutes. Un jour un peu spécial se glissera aussi, même si Anette ne le sait pas encore. Une petite séance spéciale avec Hollyock, bien que mentionné ne comptera qu'en partie. Mais qui lui permettra à elle, Mentor et Mère, de savoir qu'il est temps.

Elle l'encourage encore une fois, pour ce jour ci.

"Pause, et on repart pour la même chose."

Qu'elle lui délivre un dernier moment de gainage... Et l'ellipse scénaristique prendra place.

Elle n'a la tête qu'à ses muscles, Alexandrine, et la ténacité qu'il lui faut pour ne pas abandonner sa position. Une demi-minute... Une minute... Le temps passe et bien vite elle arrête de compter les secondes pour se concentrer sur sa respiration. Elle ajuste sa position qui a tendance à se décaler sur la gauche, puis sur la droite sous le coup de la fatigue. Elle gaine encore...

Et relâche, lorsque le tremblement se fait trop fort. Inspire, une large goulée d'air alors qu'un courant d'eau froide lave ses muscles d'une onde satisfaisante. Elle halète quelques instants avant de se reprendre, hochant doucement la tête en direction de sa mè- de sa mentor. Bien. Elle fait quelques pas de ses pattes engourdies, avant de se laisser rouler au sol. Là. Qu'on est bien, la tête et le corps sur la pierre froide, un ciel au dessus de sa tête où filent quelques blanc moutons sauvages...

Mais déjà il faut reprendre.

Et elle soupire et se redresse, tend ses muscles à nouveau, avant de reprendre place sur l'oeil avisé et acéré de son modèle.

Ainsi se fera aujourd'hui ; demain est un autre jour.

Ainsi s'est fait hier ; aujourd'hui est un nouveau jour.

Aujourd'hui est excitant, et Anette est prudente.
Elle s'est préparée scrupuleusement ! Une bonne nuit de sommeil, plus que d'habitude. Un repas correct, protéiné mais assez frugal pour ne pas peser sur l'estomac. Une hydratation optimale, en se lançant des rappels pour aller puiser dans l'eau de la montagne. Sur conseil, une dose de plante un peu plus élevée.
De la prévention, à son paroxysme.

Elle a exigé la même chose de la part d'Alex, pour ce matin.

Mais en plus de dormir suffisamment, équilibrer son repas et sa quantité, et boire à grandes gorgées avant d'arriver... Elle a demandé d'autres choses. En premier, de s'échauffer seule, une première sans doutes depuis le début de cette transmission de savoir. En second, de dégager l'arène, faire place nette des différents types de bois et de pierres qui l'habitent. Alors, seul reste la roche réduite en sable et le bruit de la source claire.

Anette s'est mise en condition de son côté, dans le silence de la forêt.
Parmi les pins, mettre en condition son esprit. Comme un rêve, visualiser ce qu'elle va faire, une répétition seulement imaginaire qui a déjà fait se tendre un peu ses muscles pourtant. Scénario factice mais probable, pour être certaine de transmuter toute trace d'anxiété, de réduire à néant quelconque trace de stress. Faire monter calmement la pression pour que rien ne soit trop intense pour sa pauvre encéphale.

Elle a pu écarté sa peur, et sait qu'elle peut se lancer dans cette dernière ligne droite.

Quand elle arrive dans l'arène, seul le bruit du sol piétiné s'élève.
Noir de suie contre orange sanguin, encore une fois, bien qu'elle n'y plonge pas simplement. Aujourd'hui... aujourd'hui elle déchire l'espace avec ses yeux. Elle accroche leurs âmes, les fusionne et les noue.

Sa babine se retrousse, sourire, elle dit assurance.
Sa queue se dresse, elle dit dominance.

Puis aussi vite que l'éclair, elle pousse sur ses pattes arrières et projette le sable derrière, pour partir d'abord sur le côté. Elle saute et rejoint les pierres sur lesquelles elles ont déjà fait la course, choisit un promontoire et s'y place. À moitié aplatie, ses oreilles se couchent soudain, et son son museau se plisse. La queue est placée encore plus haute.
Elle dit... menace.

Et elle saute droit sur Alexandrine pour attaquer.
Avec un grognement gloussé.

Qui dit surprise.
Et défi.

C'était des conseils étranges, qu'elle avait pourtant suivi à la lettre. Ils étaient toutefois annonciateurs d'une chose : Aujourd'hui serait différent d'hier. Elle avait la veille au soir réfléchi longuement à ce qu'il allait arriver aujourd'hui, avant de jeter l'éponge. Quel que serait le défi, elle le relèverait. Quel que serait l'obstacle se dressant devant elle, elle le franchirait. Sur cette détermination sans faille, les yeux brillant au défi prochain, elle alla dormir.

Seule.

A la brune elle étira ses pattes, bailla longuement avant de se redresser, l'adrénaline courant déjà dans son corps. Aujourd'hui serait différent. Elle sourit à la ligne incandescente qui marquait l'arrivée prochaine du soleil, se nourrit et s'en alla au petit trot pour s'échauffer. Elle évita soigneusement le Castel comme les Dents de Roc, choisissant la Rougelande pour n'y croiser personne en cette heure matinale, pour revenir. Ses flancs suintaient déjà perlée de sueur, mais elle ne ressentait aucune fatigue. Elle était, au contraire, galvanisée par cette première étape. Elle se désaltéra d'une première gorgée avant de se diriger vers l'arène.

Cette dernière était prête. Mais prête à quoi ?

Alexandrine se mit à marcher lentement le long des roches terre-de-Sienne, patiente, ses muscles roulant sous sa peau pour ne pas se refroidir. La pierre qu'on effleure, et voilà qu'apparaît la Reine. Silencieuse, maîtresse en son domaine. Elle emplit l'espace de sa présence, de son âme plus que de son corps, de son regard plus que de ses muscles. Agressive, propriétaire.

C'est dans son silence qu'Alexandrine comprend.

Qu'aujourd'hui est différent.

Sa tension monte d'un cran, son coeur bat en rythme dans ses oreilles et résonne dans son corps tout entier alors qu'Anette bondit sur les rochers, s'arroge la place qui lui revient. Celle qu'elle devra aujourd'hui lui arracher. Elle scintille, statue massive et déterminée, image et reflet de leur clan. Des Etelkrus. Eux, la meute dominante. Alexandrine sent ses muscles se tendre et se décale légèrement pour se tenir face à elle.

Alors que ce sourire la contemple, elle met à profit les quelques instants de réflexion qu'il lui reste pour faire le point. Elle est plus forte, plus expérimentée, plus entrainée.

La voix de sa mentor résonne à ses oreilles.

Réfléchis, Alexandrine !

Et toute la puissance concentrée de la louve sa mentor lui tombe sur le râble, concentrée de rage et de puissance.

Sa fierté et sa stature lui demandent de l'accueillir contre elle, contre sa poitrine, de la rencontrer dans un bienvenue violent et à la mesure du combat qui allait suivre. Son adrénaline, qui atteint déjà un pic qui assourdit les bruits et affine sa vue, lui intime de répondre aux crocs avec ses crocs, aux griffes avec ses griffes.

Et pourtant ce bond est sa chance. En quittant le sol et choisissant les airs, Anette s'est élevée sûre d'elle. Mais cet instant où elle vole dans les airs pour se jeter sur sa fille elle ne peut varier sa trajectoire. Elle a choisi de la surplomber, plutôt que de garder contact avec le sol ce maître de ses déplacements.

S'arrachant à l'emprise de ses émotions, la plus jeune des deux louves bondit sur la diagonale, se rapprochant d'Anette et cherchant à esquiver le coup qui arrive. Ses ailes s'ouvrent légèrement pour venir protéger ses flancs et gêner la visibilité d'Anette sur ses mouvements.

Si ce n'est un combat à mort, elle devra saisir toute opportunité à sa portée si elle souhaite le remporter.

C'est de la queue d'Anette dont elle se saisit, tirant dessus pour chercher à la déséquilibrer, poussant son flanc d'une de ses pattes, solidement ancrée au sol.

Le sol, son allier.

Parades.
Elle voit les ailes qui s'étendent pour protéger et boucher la vue. La pensée qui la traverse est celle que c'est une tentative honnête. La gueule qui se referme sur sa longue queue balancier, elle, lui inspire un peu plus de sentiments. Elle attise la flamme de l'excitation, embrase son regard. Le mouvement est fait pour corrompre son équilibre, quand elle y ajoute ses pattes.

Qu'à cela ne tienne.
La douleur ne lui a jamais fait peur.

Dans ce tango violent, Anette ne cherche pas à libérer sa queue. Ce n'est pas la priorité et il est préférable de laisser Alexandrine se concentrer dessus et pousser son flanc. Elle utilise même plutôt l'impulsion qui est donnée par cette patte forte. Qui le sera plus que la sienne un jour même. Avec l'énergie reçue, elle se tord autant que sa musculature le lui permet. Un pli en croissant de lune.

Elle peut se permettre avec cette position, de chercher une des ailes qui se sont pliées pour cacher, de ses crocs. Sentir et effleurer pour tenter, au mieux, de se saisir de l'articulation. Cet héritage de son autre mère est un véritable avantage. Un qu'il est bon d'éliminer en priorité car elles l'emmènent vers des contrées inatteignables. Une fois qu'elle l'a de bien sécurisé dans la gueule, elle relâche le reste de ses muscles.

Car l’inertie, si elle se mêle à sa masse importante, peut dévoiler une petite surprise. Elle a pu pivoter. Pivoter pour placer Alexandrine sous elle. Qui vole doit déjà savoir, on ne saute ni plus avant de savoir faire une chose essentielle.

Tomber.

Anette, au contact de sa fille, la queue saisit mais l'aile empruntée en retour, emporte tout simplement Alexandrine avec elle vers le plancher des vaches. Favorablement, sous son corps pour s'en servir comme d'un coussin d’atterrissage.

Un retournement de situation... littéral.

Les crocs se referment sur son aile et Anette cède.

Et les voilà qui roulent, bien plus qu'elle ne l'aurait voulu. Rien ne sert de résister, elle le sait. Elle ne ferait que perdre du temps, perdre de la force inutilement. Ce combat ne sera pas fulgurant, il sera une lutte dans le temps et l'effort. Elle doit s'économiser, prendre sur elle.

Les dents de sa mère pourraient aisément lui briser l'articulation - elle en a conscience. C'est une menace qu'elle doit supprimer, et vite. Elle doit y faire plus attention, à ses ailes, elles sont si fragiles. Ou il faut les protéger. Elle y pensera, Alexandrine, à les protéger. De pics de métal, pour qu'aucune gueule ne puisse jamais s'y planter.

Mais c'est l'affaire d'un autre jour, car aujourd'hui est différent.

Alexandrine choit sur le dos et profite de sa position pour envoyer le plus violemment qu'elle le peut ses pattes arrière claquer la gueule de sa mère par en dessous, tirant sur son aile et subissant la douleur pour l'amener là où elle voulait qu'elle soit. Que le cuir se déchire, que les chairs saignent.

Que coule le sang et qu'il nourrisse la terre.

Elle lâche la queue, car bien plus intéressant se présente à sa portée.

Une patte, dans laquelle elle enfonce profondément ses crocs. Gêner ses mouvements. Réduire ses possibilités d'action.

L'amener à terre.

Le sol les accueille.

Sur le tapis de poussière, elles roulent.

Pauvre figure métaphorique de soutient qu'il est, il est indulgent et absorbe une partie des chocs. Il laisse le reste à leurs corps qui se parent déjà de ses grains. Ils seront désagréables peut-être quand le repos viendra, mais il n’inquiéteront aucune des deux combattantes pour le moment.

Le sol donne une partie de lui, bon et prévenant, et dans un cycle infini et ~~immortel~~ les deux louve lui rendent. Alexandrine arrache quelques tâches vermeilles qui viendront le décorer, quand elle réclame l'aile qui lui appartient. Quand elle frappe la tête de ses pattes. Quand elle perce de ses crocs la peau d'une patte et arrache au même passage un grognement.

La mentor gronde, elle tonne comme un orage.

Son apprentie, se défends bien. Elle est à la fois fière, galvanisée par l'adrénaline, et prise dans la fureur de la lutte. Cocktail étrange, goût métallique, amer et sucré à la fois ; elle s'en délecte.

Anette enserre le visage de ses pattes, tant qu'il est planté dans l'une des deux. Elle les croise derrière la nuque pour s'allonge et emprisonner le cou et le visage. Elle met à contribution une nouvelle fois tout son poids. Elle ne lève son corps dans ce corps à corps que pour l'étaler de tout son long sur le reste d'Alex. Elle veille à tourner la tête de sa progéniture loin de son poitrail.

Un peu suffoquant.

Elle aussi, cherche à mettre à terre, et fait tout pour y parvenir. Usage de son corps surtout, car c'est le but de ce choc entre elles. Deux titans par leurs physiques similaires qui dansent.
Valsent.
Mordent.

Et apprennent.

Elle n'est pas en bonne posture.

Elle le sait, quand la panique la gagne et que son souffle devient court, la trachée compressée par ces pattes et ce corps qui la plaquent au sol dans une étreinte mortelle. Un instant ses réflexes s'activent et de ses pattes arrière elle pédale dans le vide et de ses antérieurs griffe les flancs à sa portée - mais pour le genre canin il s'agit d'une attaque bien dérisoire. Ses ailes jusque là reposant sur le sol s'agitent frénétiquement et cherchent une prise quelconque. Elle n'a pas la force dans ses grands doigts déjà douloureux, mais une agilité qui peut lui être utile - elle pousse inutilement sur le flanc d'Anette avant de nouveau trouver sa queue et la diriger habilement entre les crocs ouverts.

Il n'y a pas de petites victoires. Elle doute que la douleur fasse lâcher prise à sa mère mais son cerveau englué de panique n'est pas à l'origine de ce mouvement.

Réfléchis, Alexandrine !

Le motto qui l'accompagne à chaque fois que la situation se fait critique résonne à ses oreilles et nourrie d'adrénaline se développe. Elle ne doit pas laisser la panique prendre l'ascendant. Elle doit réfléchir, vite et bien, même si l'air vient à manquer, même si ses poumons suffoquent.

Elle aboie, de rage et de haine, une haine pure et sauvage dirigée contre le monde et l'échec, une colère aussi vieille que le monde, tous les mondes confondus.

Si Anette enserre son cou, elle n'a pas sécurisé son corps, elle a lâché cette aile, tout son poids vient sur Alexandrine à la verticale. Et, dans son dos, le sable gratte et roule et pique son cuir - elle se concentre sur ses muscles dorsaux, ses abdominaux, et pousse à l'horizontal et se tord pour sortir de l'emprise de la louve crème, se désaxe pour gagner un peu en mobilité.

Son souffle se fait court et elle halète, cherche une goulée d'air qui vient de plus en plus difficilement, elle économise ses forces alors que ses pensées s'obscurcissent.

Mais de son ventre désaxé de celui d'Anette elle gagne en mobilité au niveau de ses pattes et de ses postérieurs vient taper frénétiquement dans son flanc et ses pattes avant, perpendiculairement à la force appliquée par la louve. Elle cherchait à déséquilibrer assez leur position pour pouvoir se dégager de son étreinte, s'arracher à ses griffes, retrouver sa liberté.

Se dégager pour, si elle y parvenait, bondir sur le mur de roche d'un coup d'aile, prendre de la hauteur, et reprendre son souffle.

Un interlude.

Comme dans les exercice, elle tiens autant qu'elle peut.
Elle gaine, Anette.

Elle serre ces muscles tressés, joue de ses tendons accordés. Elle use et abuse de son habitude, encaisse de son mieux la pression mise par les mouvements en face. Anette se sent comme une bouée, elle est ballottée par les ondes du corps d'Alexandrine ; elle suit le mouvement un temps. Ce n'est pas sa qualité, la souplesse. La sueur perle et ses articulations protestent avec quelques sons de bulles.

Ses oreilles se plaquent pour intimer un peu de menace inutile.

Elle sert les dents pour demander un peu plus de temps. Elle vole encore un peu d'air en exhalant pour sa part avec un sifflement. Elle va même jusqu'à cambrer le dos pour dérober toujours quelques secondes. Minutes précieuses pour épuiser, peut-être faire capituler. Mais au combat elle n'est pas bouée, elle est un poteau fait pour être immobile, ancré dans la terre. Un poteau qui résiste autant qu'il peut à l'assaut des vagues...

Mais c'est la mer qui toujours gagne la guerre d'usure. Elle ronge les roches, consume les constructions.
Alexandrine parvient à assez les entraîner dans son courant et faire levier. Ainsi alors, à se dégager de la prise ferme.

Viens la pause.
La mentor inhale de profondes quantités d'air et reste allongée un moment sur le sol. Son apprentie s'est sortie de cette manche, s'est placé même en hauteur... Anne lèche la patte abîmée, pour calmer le sang qui coule encore. Elle étudie les possibilités, se dit qu'il lui reste encore une carte à jouer.

L'Alpha se tourne, et se roule. Avec quelques tonneaux, elle s'enduit de sable.
Elle se relève uniquement pour chuter plus loin et s'enduire de terre, de mousse et d'herbe.
Elle se dresse comme un golem de terre, et relance la machine. Avec la même accroche à l'âme d'Alexandrine qu'à son arrivée, un roulement d'épaule confiant frisant l'arrogance, elle rit.

Et file droit dans la végétation.
Les pins l'entourent, sont son nouveau ciel. Elle zig-zag et se griffe dans les fourrés qui font sa taille, minuscule elle-même dans la forêt d'Aka. Elle part à gauche, puis à droite, casse des branches dans un coin pour mieux virer de bord et veiller à ne rien abîmer par là.
Elle lance une roche vers l'est, file vers le Nord.

La traque a commencé.

Elle arrache une aspiration, une autre, délivrance alors que l'oxygène alimente ses poumons et ramène la vie dans son corps meurtri. L'une de ses aile pend, abimée. Elle peut encore lui servir, mais il va falloir se montrer parcimonieuse si elle ne veut pas la voir se déchirer complètement ou ployer sous la charge.

Les règles du jeu changent.

Elle s'en rend compte bien trop tard, Alexandrine. Elle observe Anette s'enduire de sable - pour mieux échapper à son étreinte, rendre son corps glissant comme celui d'une anguille ? Mais alors pourquoi la terre, pourquoi- L'évidence s'impose. Mais trop tard : la louve crème la dévisage fièrement et déjà s'enfuit dans les fourrés. Alexandrine frémit et bondit au sol, rassemblant ses ailes contre son corps, et commence cette fuite en avant.

Réfléchis, Alexandrine !

Plus elle s'éloigne, moins elle disposera d'indications, de ça elle est certaine. Alors elle s'élance sur ses traces et court, même si l'ensemble lui hurle embuscade aux oreilles. Elle n'a pas d'autre choix, que de lui courir après, car c'est ce qu'elle attend d'elle. Qu'elle la cherche et la trouve, qu'elle la chasse et la mange. Elle tourna à gauche, à droite, là les branches indications claires -

L'odeur déjà ténue disparait et le poil ras d'Alexandrine se hérisse elle a été stupide. Elle bifurque et revient sur ses pas, reprendre la trace et bondit.

Aller trop vite, c'est la perdre.

Aller trop lentement, c'est la perdre.

C'est l'alliance de ses cinq sens qu'elle doit utiliser, le moindre d'entre eux s'éloignant de la trace n'étant que leurre.

Elle s'arrête.

Elle va trop vite. Elle observe le sol autour d'elle et à son tour se roule dedans, frictionne ses ailes malgré les plaies sur les arbres et les couvre de terre, elle bifurque pour trouver le filet d'eau qui toujours cours à proximité.

Ca n'est pas une course.

Elle plonge et ressort, de boue se pare, copie son mentor pour se rendre à son tour indétectable. Le loup n'est pas un prédateur qui course ainsi ses proies, ça n'est pas un sprinteur. c'est un traqueur. Et puis de toute façon...

Anette n'était pas une proie.

C'était son prédateur personnel.

Alexandrine reprit sa traque, mais cette fois-ci elle ne passerait pas par le chemin le plus évident. Elle ne remonterait pas la piste comme un cours d'eau dans lequel on marche, mais comme une rive que l'on aperçoit au loin et dont on observe les méandres. Elle se trouvait à plusieurs mètres sur la droite du passage de la louve océan, et se fondait parmi les ombres. Elle se privait de son odorat, mais Anette allait vite. Si elle disséminait de nombreuses contre-indications, la piste restait clair pour qui y prêtait vraiment attention.

Et si Anette revenait au Castel ?

Et si elle vaquait à ses occupations ?

Si elle s'éloignait, si elle était appelée à d'autres obligations, si elle se désintéressait de leur combat en le jugeant perdue ?

Alors elle serait surprise, lorsqu'Alexandrine surgirait au détour du chemin.

Elle continua sa traque, l'appuyant parfois sur l'odeur, surtout sur la vue : même si Anette s'était glissée avec délicatesse entre les branches, elle ne pouvait empêcher ses pattes de briser branches et toiles d'araignée, surtout à cette vitesse. Son ouïe était sa plus mauvaise alliée, celle qui devait la prévenir d'un danger immédiat : ses oreilles tournaient en tout sens. Et si Anette l'avait contournée et l'observait à ce moment même ? Si son maquillage ne servait à rien ? Alors elle comptait sur ses réflexes.

Lentement mais sûrement, avec la délicatesse et le respect d'un trappeur du grand nord, elle remontait sa piste.

Pas un jeu de chat et de souris, mais de mère et apprentie.

Perdre, veiller à ne pas égrainer.
Indices à discerner.
Il faut zigzaguer.

Mais toujours il y a du bois pour ployer, de la boue pour dessiner, des bruits pour signaler. Des témoignages par centaines de la nature, alliée comme traîtresse dans le grand tableau de la vie. Accueillante comme les bras d'une mère, mais faillible dans sa tendance à toujours créer un chemin autour de ses habitants, à jamais changée par leur route. Parmi les feuilles, refuge au moins l'on peut trouver.

Perdre, courser ou égrainer.
Temps à évaluer.
Il faut sprinter, s'arrêter.

Acteur capricieux, le temps ne dévoile jamais tout ses secrets ; le calculer est une plaie. Il garde à jamais une part de hasard, mais se dévoile un peu à qui se tait suffisamment pour le contempler avec le soleil comme allié. Projection au sol qui comme une entité propre se déplace. Inlassables, les secondes passent et l'attente se distord.

Perdre, mais être retrouvé.
S'attendre à échouer.
Anticiper est la clé.

Elle passe, sa fille, son joyau, son apprentie. Elle glisse à côté d'elle en une opportunité ; Anne est du genre à les saisir. Tracer un chemin factice, user de patience, telle est la chasse pour mener quelqu'un entre ses griffes.

L'interlude est terminée.

Elle arrive sur le côté et reviens danser avec son sang. Ce n'est pas virevolter, que de foncer directement dans les corps à pleine vitesse, à pleine puissance. On appellerait ça bousculer, une technique dont Anne est friande. Déstabilisante, figurativement comme littéralement ! Que demander de plus ?

Au fond cependant, L'Alpha espère qu'elle esquivera.
Qu'elles pourront danser un peu encore.

Sur ses gardes, électrifiée d'anticipation du combat à venir, ses oreilles tournent en girouette. Son corps se tend, ses muscles frissonnent. Elle avance d'un pas doux et sûr, son museau s'oriente du nord au sud, de l'est à l'ouest. Elle connaît cette forêt de pins comme personne pour l'avoir parcourue des mois durant, au pas au trot ou au galop ; en volant et en coursant Tita parmi les géants. Mais Anette la parcourt depuis plus longtemps encore.

Elle n'est pas là où elle l'attendait.

C'est une évidence, elle n'a pas remporté cette traque, elle n'a pas réussi à se départir de son rôle de proie. Elle a eu beau se faire minuscule, se rouler dans l'eau et dans la boue, serrer les dents lorsque la gangue de saleté avait entouré son poignet meurtri... Elle n'avait pas l'avantage de la surprise. Mais heureusement, elle n'était pas démunie pour autant. Quel corps aussi massif lancé à pleine vitesse pouvait cacher le bruissement des feuilles et des branches écrasées sur son passage ?

Sûrement pas celui d'Anette.

A l'instant où elle jaillit des fourrés Alexandrine redressa la tête, ses flancs palpitèrent et elle n'eut que le réflexe de bondir en avant pour ne pas rester sur la trajectoire mortelle de la louve sable. Ce ne fut pas assez, sa mère et mentor percuta l'arrière de son flanc et voilà qu'elle effectuait de force un demi-tour pour se retrouver face à son prédateur. Alexandrine ne se fait pas prier et accompagne le mouvement pour se ruer sur elle.

Nouveau déchaînement de sauvagerie.

Les crocs côtoient les crocs, les griffes les flancs exposés, les ailes fouettent et les museaux claquent et les corps se confondent dans une danse nouvelle qu'aucune mélodie ne peut accompagner mieux qu'un tempo de basses assourdissantes. La dragonne oublie un instant la réflexion et les grands schémas pour répondre à l'appel de la forêt et de la sauvagerie. La boue séchée et les feuilles maintenant inutiles volent en poussières macroscopiques autour d'elles, reflets de leurs corps en mouvement. Le sang et la bave cristallisent à leurs babines, les grondements et heurts des troncs s'ajoutent aux claquement et soubresauts des âmes en colère.

Les corps se séparent.

Alexandrine baisse la tête, protège son cou d'un futur assaut et gronde. Un grondement doux, délicat, qu'elle ne maîtrise pas. Elle ploie légèrement, ouvre à demi ses ailes et fait face. Le sang inonde son corps de multiples plaies et son esprit est tout entier tourné vers le combat. Elle adopte la position que Daisy lui avait appris, la première fois qu'ils s'étaient rencontrés.

"Il ne faut jamais tourner le dos à ton ennemi, tu ne dois jamais le quitter des yeux.
Il ne faut pas non plus se coucher devant lui, ni devant personne, car c'est un signe de faiblesse. On pourrait...te mordre le ventre.
Si tu te mets en mouvement..comme ça...autour de ton ennemi, tu es prête à attaquer ou à esquiver son attaque, être en mouvement fait qu'on te touche moins facilement."

MamAnette est un mentor formidable, mais elle n'est pas le premier.

Elle commence à décrire un lent cercle autour de sa génitrice, sa queue fouettant l'air derrière elle. Elle cherche l'opportunité, le ralentissement, l'ouverture. Elle change de sens, elle avance une patte après l'autre. Au plus près du sol.

Prête à bondir, à saisir l'opportunité.

Le combat prend une tournure plus sauvage, plus entière, plus cataclysmique.

Entrechocs, ou entrechats.
Dans leur monde, ils ne sont séparés que d'un pas.

Elles agitent la végétation, soulèvent les vers, poussent la poussière.
Mieux que d'esquiver, la fille a répliqué. Ce qui est reçu est rendu. Anette se repaie de leurs râles et soupirs, mord comme elle respire ; ce n'est pas une seconde, mais une nature première qui les mènent à se malmener. Elle absorbe ce que son adversaire lui brandit, ses yeux sautillent quand elle retire la conclusion et l'action qui suit. À la vitesse d'une bougie soufflée les mouvement sont alignés. C'est l'instinct qui porte, c'est l'expérience qui dicte, c'est le corps qui se conforme.

Elles se taillent dans l'espace accueillant, auprès de l'acteur capricieux, un moment brut.
Mère et fille, qui déclenchent les bruissements d'aile des oiseaux effarouchés, les complaintes de branches brisées. Elles transcendent au-delà de la danse et de la violence. Derrière l'instant présent il y a l'addition de tous ceux qu'elles ont passés à deux. Si, elle, ne possède pas d'ailes, elle s'en sent pousser. Anne goûte du bout des babines à un adversaire digne d'elle. Le labeur qui n'était qu'un pousse s'est changé en arbre au fil des jours, a étendu des racines qui ont rejoint son jardin.

Elle trouve les premiers fruits.
L'esprit d'Anne vole.

Elles se séparent.
Alexandrine tourne. Anette la copie.
Elle reflète son allure et glisse à la même vitesse dans l'air électrique, renvoie la même expression attentive. Sa queue seule tranche car elle ne remue pas ; son gouvernail l'équilibre parfaitement et se dédie à cette tâche. Son corps pleine de crampes continue de se contracter. Elle compte, les pas, les secondes. Elle calcule, l'attitude, les micro-mouvements.

Un, deux, trois...
Un muscle tressaute.

Quatre, cinq...
Sa queue remue.
Les yeux se dérobent vers un endroit.

C'est là qu'elle bouge.
La fille est proche du sol, alors la mentor part vers les cieux ; la copie d'un envol gracieux pour mieux fondre au-dessus de celle qui possède pourtant les ailes. Par-dessus veut-elle bondir, dans ce qui ressemble à sa première attaque. Ressemble est le mot. Elle diverse en ne s'en prenant pas aux ailes : elle prends parti cruel. Celui de retrouver une plaie sur une patte déjà formée. Comme une amante, comme une vieille amie, la retrouver.

Entourer des crocs comme on aurait câliner.
Mouvement sec du coup pour incapaciter.

Goûter le sang des crocs.

Promesse d'une fin potentielle, mais dans l'attente ce qui lui sera infligé.

Un regard, pour un mouvement. Des yeux qui fixent, des pupilles qui s'étrécissent un mouvement qui se met en place un corps qui suit,

un bond, vers le ciel, dans le ciel, des ailes qui s'écartent d'un claquement de cuir mais à qui sont-elles ? Plus personne ne le sait, car deux âmes qui se contemplent ne forment qu'une personne dont les limites sont floues et distendues. Tantôt l'une est l'autre, tantôt. Tantôt elles sont. Et l'esprit se tend là où le temps s'arrêtent, secondes malmenées d'un saut immense tant attendu et observé. Se distend et se dissout, revient dans la réalité d'une réception parfaite : là encore à l'endroit précis où elle devait être.

L'avantage d'un saut est que sa trajectoire se calcule facilement lorsqu'il n'y a pas d'ailes pour compliquer la tâche et infléchir un mouvement. Alexandrine se décale d'un pas sur la droite, une tentative d'esquive ratée, une rapproche maladroite et indélicate. C'est là que les mâchoires la saisissent, la verrouillent, l'empêchent de réaliser le moindre mouvement.

Elle gronde. C'est douloureux, cette plaie qui se rouvre, ces crocs qui fouissent et fouinent dans la chair pour en fourrager les tissus, déchirer, dévorer. Elle serre les dents elle se retourne, elle fouette les yeux d'Anette pour l'aveugler.

Elle est là où elle doit être.

Elle tire violemment sur sa patte pour la ramener sous elle, espérant ainsi emporter la tête de sa reine mère, se retourne à demi et la pousse, la bouscule, la heurte. Et, sur son autre flanc, un tronc.

Elle la heurte, encore.

Et encore.

Et encore, coups de butoir pour rendre au centuple la douleur à la patte manquée, prise verrouillée.

Par des assauts multiples, le sien est arrêté.

Les yeux sont assaillis jusqu'à ce qu'elle ne doive les fermer. Elle proteste déjà sous cet assaut, mais s'accroche. Maintes gens savent naviguer sans et Anette n'est pas étrangère à l'exercice ; sa consœur prouve chaque jour qu'il n'est pas un sens absolu pour triompher. Elle tord et tends le cou encore, laboure son corps comme le sol pour s'y appuyer... Mais c'est bientôt ce dernier qui lui est dérobé.

Son corps est emporté dans l'inertie. Alexandrine gagne à ramener sa patte et à faire comme Anette au début du combat, se servir de la force engendrée pour une pirouette. Mouvement de danse rigoureux, judicieux, furibond. La mentor en finit victime et tourne, vole, jusqu'à ce que contre un arbre elle finisse. C'est là, qu'elle sent tout lui échapper.
C'est la patte qui a naguère été brisée, qui s'y cogne.

Éclair de douleur qui remonte jusque dans son épaule.
Le vermeil et son goût métallique la quittent.

Entrechocs, ou entrechats.
Dans leur monde, ils ne sont séparés que d'un pas. D'un instant, et la victoire viens à qui s'en saisis, part au prochain tournant. Elle sait qu'elle la laisse s'échapper quand ses crocs se desserrent, et que ses paupières font l'inverse. Pendant que les premiers libèrent millimètre par millimètre la prise, les secondes hurlent la douleur à la place de la gueule. Une inspiration, un peu d'oxygène pur pour nettoyer l'élancement. Elle relève les sourcils et se recule.

Elle s'étale sur le sol.
Épuisée.

Le soleil filtre entre les feuilles et la gracie d'un peu de chaleur, dans son lit de terre.
Elle cligne des yeux, renoue avec la vision du monde calme, se reconnecte avec les bruits de souffles exténués, les siens comme ceux de l'apprentie. L'apprentie... Un rire pétille dans sa cage thoracique et s'échappe d'entre les crocs rougis. Après une seconde, il s'élève dans l'air par grands sons.
À gorge déployée, elle s'esclaffe.

"Magistral !"

Elle agite sa tête, enthousiaste.
Puis elle trouve un peu de sérieux, assez pour tourner sa tête et observer sa fille avec ses iris chargées de tendresse et de fierté. Elle déverse ces sentiments dans ses mots. Elle a tiré sa conclusion, elle a vu les fruits de leur moments conjoints. L'apprentie... Ne l'est plus.

"Tu es prête, Alex."

C'est ici, que s'achève le mentorat.
Elle l'a soulevé, et désormais elle l'observera s'élever pour la dépasser. Plus haut que le soleil qu'elles ont défié chaque matin. L'avenir est brillant, car elle en fait partie.

Elle est prête.

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