S'enterrer vivant ○ libre

- Le Monde Rouge ? Qu'est-ce-que c'est ?

Elle pencha la tête sur le côté.
Personne ne lui avait parlé de cet endroit. Peut-être était-ce quelque chose qui datait de quelques années, dont seuls les loups d'âge moyen, ou âgés, avaient conscience. Chez les jeunes, en tout cas, loups qu'elle cotoyait le plus, jamais il n'était mentionné.
Sans savoir, elle ne pouvait émettre aucun jugement... Etait-ce d'ailleurs le but, d'ailleurs ?

• 5 ans et demi •
F A E I

Oh. Bien sûr. Comment pourrait-elle savoir ? Comment pourrait-elle connaître ? Il se trouva comme un con soudain, sa rage refluant comme on vidait une bassine. Comment la jeune louve -cela dit avec ses nouvelles responsabilités, elle aurait sans doute dû se renseigner sur les événements tragiques passés dans la meute avant elle-, aurait-elle pu deviner l'horreur sur laquelle on n'avait pas posé de mot ? Ils étaient trop peu à l'évoir vu, encore moins à l'avoir vécu vraiment. Les cauchemar qui hantaient ses nuits, les rires déments qu'il entendait parfois quand il se trouvait trop seul au cimetière et que son esprits vagabondaient entre ses souvenirs et son imagination. Il était comme un soldat revenu d'une guerre lointaine dont personne ne connaissait trop grand chose au pays. Il était un survivant de l'horreur, et personne ne le comprenait. Son mentor n'était plus là, celui qui avait vu droit dans les yeux la bête aux mains nues et aux claques monumentales. Il ne se remémorait pas chaque présents ce jour là au cimetière, seulement ceux qui avaient traversé les landes de cendres et de caoutchouc couleur sang de là-bas.
Et ce manque, cette peur, ce besoin d'adrénaline et de frisson... Tout venait de là-bas. Et il réalisa doucement pourquoi il s'était tant attaché à l'autre loup. Il compris pourquoi, alors, le voir devenir mauvais avec lui l'avait tant ébranlé, à lui en faire perdre la tête, pourquoi il s'était senti tellement trahi en voyant qu'il ne comptait pas pour le solitaire, en sentant qu'il n'y avait pas même une once de confiance et d'amitié entre eux. Horus s'était fourvoyé sur toute la ligne. Le Croquemort avait été naïf, trop plein d'espoir, trop... Candide. C'était comme un nouveau coup de couteau dans sa poitrine de le ressentir.

« C'est l'enfer où j'ai, je crois, laissé mon âme... »

Murmura t-il, ses prunelles vert d'eau perdues dans le vague, à milles lieux de l'obscurité du tombeau.

« Il y avait des monstres grands comme... trois ou quatre loups de haut ? Ils nous on avalé. Et on s'est réveillé là-bas, pourchassés par ces choses hideuses qui voulaient nous dévorer pour de bon... »

Ses yeux revinrent se focaliser sur le museau de la Conseillère qu'il distinguait mal.

« Tu trouveras sûrement tout ça à la bibliothèque, chez les Nakhus. Crystal y était aussi, elle m'a... »

Une nouvelle fois il se tut trop subitement pour que ça n'éveille aucun soupçon, il se détourna encore, fuyant la Conseillère, dans la pénombre plus grande encore de la pièce suivante. Dans la précipitation il buta contre un objet qui se révéla être un joli bracelet doré, représentant un serpent mordant sa propre queue. C'était finement ouvragé, cela aussi pourrait plaire à sa petite amie, si elle aimait les serpents... Il ne le savait même pas ! Quel piètre compagnon de vie il était...

Elle l'écouta attentivement, parler de ce monde rouge qu'elle ne connaissait pas.
Qu'elle était bien contente de ne pas connaître, finalement, étant donné les dires du mâle beige à son sujet. Il avait du être terrible d'être plongé dans un tel endroit. Elle remua doucement les oreilles.

- Crystal ?

Ce nom lui disait vaguement quelque chose. Elle fronça les sourcils, tentant de se remémorer... Avant de se souvenir que, en tant que croque-mort, traînait davantage sur les terres Nakhus que sur les leurs, il était donc normal qu'il en vienne à côtoyer, voir à se lier, aux locaux. Elle se souvint de cette petite louve qui, tout comme elle, portait des fleurs dans les cheveux, venue à la frontière pour prendre des nouvelles de Tawana et qui, au fil de la conversation, en était venue à poser bien des questions sur la Rougelande.
C'était-elle, Crystal, ça lui revenait, maintenant.

- C'est ton amie ?

...

- Pas que je cherche à te reprocher quoi que ce soit, hein ! Je comprend qu'en travaillant chez eux, tu en viennes à créer des liens. Ça ne me pose pas de soucis !

C'était juste un peu de curiosité, il n'y avait aucune mauvaise intention là dedans. Qui était-elle pour juger ? Elle qui, dans sa toute jeunesse, s'était entichée d'un ancien Lazuli fort mignon. Elle n'en était pas très fière, avec le recul, mais était bien placée que l'on ne choisissait pas vraiment de ressentir, ou non, de l'affection pour certaines personnes, même si elles n'étaient pas Etelkrus.

- Pourquoi vouloir retourner dans le Monde Rouge ?

• 5 ans et demi •
F A E I

Etait-elle... Sincère ? Ou Holly s'empresserait d'aller raconter aux Alphas ces bribes d'aveux ? Le Croquemort ne voyait plus très clair. La ruse connus des porteurs d'orange ne le rassurait pas. Dansant d'une patte sur l'autre, essayant retrouver une échappatoire à cette conversation qu'i ne voulait pas avoir, alors que sa loyauté lui défendait de mentir à une Conseillère, il émit un grondement bas, ami chemin entre frustration et agacement.

« Non. Oui... »

Lâcha t-il finalement. Après tout, amie n'était pas un aveu complet pour petite-amie. Répondre par l'affirmative à cette question ne précisait pas la nature de cette amitié, ni la réelle proximité entre Crystal et lui. Affection particulière et qui pourtant se voyait assombrir par un noir individu.

« Là-bas, j'étais quelqu'un. »

Il était devenu quelqu'un. Il s'était trouvé. Il s'était battu pour défendre, il s'était battu pour vivre. Maintenant, il n'y avait plus rien qui le retenait, rien qui lui donnait envie de se battre pour, tous les jours. Et ça, ça le foutait en rogne.