Same, but different l P.V. Exxus

Elle était revenue sur les côtes de Nacres après sa petite excursion dans les terres. C'avait été intéressant, elle resterait bien quelques jours. Surtout qu'elle avait trouvé plein de nouvelles espèces d'araignée, et ça c'était plus que cool génial. D'ailleurs, elle en avait récupéré quelques unes.

En fait, elle en était entièrement parsemée. Mille araignées de toutes tailles qui couraient sur son corps, l'empêchant parfois de bien voir et la faisant trébucher dans le sable, et écraser quelques locataires au passage.

Oups - arrêtez de bouger !

Elle éclata de rire, amusée. Heureusement, elles ne lui en voulaient pas - et puis elle n'avait pas fait exprès. Elles étaient si petites, ces araignées ! Elle fit encore quelques pas, et se figea.

Il était là, sur la plage. Ce loup. Si grand ! Si haut sur patte, avec ses teintes violettes qu'elle n'aurait pu manquer pour rien au monde. Ses panaches, au bout des oreilles. Ses yeux vairons, semblables à ceux de ses adelphes. Si semblable, et si différent. Elle le reconnut instantanément, de la description que lui en avaient fait ses frères qui avaient eu la chance de le voir.

Les araignées quittèrent son corps pour s'enfuir sur le sable, l'abandonnant (semblait-il) seule face à lui.

Face à son père.

Papa !

Elle piailla joyeusement et bondit vers lui, sourire aux babines. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle faisait ça. Pour voir comment il allait réagir ? Qui il était ? Parce qu'elle avait lu que c'était ainsi, qu'il fallait se comporter ? Parce qu'elle n'était qu'un gamin, et qu'après un instant d'incertitude, c'était la seule réaction logique possible ?

Que pensait-elle, derrière ces yeux noirs d'araignées ?

Elle s'arrêta face à lui, dérapant dans le sable, minuscule petit puceron curieux, oreilles pointées en avant.

Qui était-il, alors ?

Parfois, ses pattes le menaient vers certains endroits sans qu'il ne comprenne vraiment pourquoi. Peut-être la faute à un sens de l'orientation pas si parfait que cela. Pourtant, il n'avait jamais aucun mal à retrouver les terres Nakhus, lorsqu'il souhaitait, parfois, y retourner.
Là, Exxus était arrivé à la mer, si détestable endroit. Lui, ne s'extasiait pas devant le paysage, il ne prenait pas de bouffée à la saveur saline, sourire aux babines, il pestait après le sable qui venait se nicher dans sa fourrure dense et impeccable.
Il soupira, las.

La vie de solitaire lui convenait, dans l'ensemble. Pourtant, parfois, il lui manquait la reconnaissance de ses pairs, la sécurité aussi. Comment s'assurer que personne n'attenterait à sa vie, pendant son sommeil ? Et puis, il devait chasser pour se nourrir, et ça... Et ça, c'était tout de même un peu usant. Il avait eu un peu d'espoir, en croisant cette louve dragon et ses histoires d'orgie ou il ne savait quoi. Moins, lorsqu'elle l'avait pourchassé. Maintenant, les Etelkrus le tentaient bien, pour le confort, la sécurité et les filles qu'il pourrait y trouver.
Pourtant, il craignait aussi de retomber sur cette bête immonde.

La vie était si compliquée.

Il pensa aux chaleurs, secondes qu'il connaissait. Peut-être qu'il trouverait, au moins, quelques femelles avec qui s'amuser.
Aujourd'hui, en tout cas, la seule chose qu'il trouverait, ce serait l'un de ses môme. Cela ne faisait aucun doute, vu son physique, vu sa ressemblance avec ceux qu'il avait déjà vu. Et si d'autres loups, bien plus censés et sensibles que lui, se serait attendris devant cette délicate louvette, Exxus, lui, hérissa le poil et gronda, menaçant.

Il ne voulait plus les voir.

- Qu'est-ce que tu me veux ?

Que faisait-elle ici toute seule, d'ailleurs ? Où diable se trouvaient donc son horrible mère et ses frères qui, à ses yeux, ne valaient pas mieux.

Le ton était peu amène. Elle garda ses yeux rivés sur le mâle au pelage si épais et si doux d'apparence. Elle voulait planquer sa truffe dedans, voir s'il était aussi doux que ses cheveux. Elle voulait savoir, aussi. Plein de choses ! Il n'était pas un poisson, il était du continent. Il devait connaître plein plein d'araignées !

Elle piailla, bondissant sur place.

Papa !

Elle bondit, un peu plus haut, tendit une patte pour toucher du bout de ses griffes les mèches noires qui tombaient en cascade de chaque côté de son visage. Puis recommença, s'amusant tel un petit chaton facétieux.

Au fond de son regard la curiosité brûlait, cachée sous une épaisse couche de jovialité infantile.

Un long frisson parcourut son dos et il ne que lorsqu'elle tendit la patte pour lui toucher les cheveux. Nouveau grondement, dévoilant ses crocs immaculés, cette fois.
Il ne comprenait pas, il ne la comprenait pas, il ne savait pas comment agir. Il savait qu'il ne pourrait pas lui faire du mal mais en même temps... Elle le mettait réellement mal à l'aise et il n'avait qu'une envie : Partir loin d'elle, très loin d'elle, ne plus jamais revoir ces petits êtres qu'il avait engendré.

- Pas touche.

Leurs attitudes étaient on ne peut plus opposées.

- Je ne suis pas ton papa. Va-t'en.

Il avait promis de faire des efforts, quelques semaines ou quelques mois plus tôt. Il avait promis, et pourtant, il n'y parvenait plus, depuis cette visite sur Morne-Oeil. Par ce qu'ils n'avaient été que déception.
Pour elle, il ne s'attendait pas à mieux.

Elle rit, à son grondement, mais s'arrêta de bondir après ses mèches. Un rire étrange, aigu et polisson, mais en même temps on se demandait ce à quoi elle pouvait bien rire. La louvette violette pencha la tête en avant et ses longs cheveux blancs lui glissèrent devant les yeux. Elle les repoussa d'un mouvement de patte, avant de redresser la tête et parler d'une voix flûtée.

Si douce.

Si innocente.

Tu n'es pas très gentil, comme papa. Peut-être qu'il aurait mieux valu avoir un papa mort. Plutôt qu'un papa pas gentil.

Elle recule d'un pas, trace des lignes dans le sable, sans arrêter de fixer Exxus de ses yeux si sombres.

Et toi ? Tu penses qu'il vaut mieux avoir un papa mort ?

Intime pause.

Ou un papa méchant ?

Les paroles de la petite ne l'aidèrent pas à redescendre en pression. Mais à réfléchir, un peu, si, peut-être. Il ne savait toujours pas quoi en penser. Une chose était certaine : Les paroles de l'enfant ne suffisaient pas pour l'attendrir, il était comme hermétique, à tout cela, ne ressentant qu'agacement.
Pas la moindre once d'empathie, pour cette petite louve curieuse.

- Tu n'as qu'à faire comme si j'étais mort, si je suis méchant.

Il la quitta des yeux, s'en désintéressant.

- Vous n'auriez jamais du exister. Jamais.

Exxus bougea, prêt à partir.

Elle sourit. Rien ne semble l'atteindre, alors que son panache blanc s'agite dans le vent apporté par la marée. Elle l'écoute, de ses énormes oreilles si semblables aux siennes, touffues et délicates. Elle piaille, joyeuse :

D'accord ! C'est ce que je faisais jusque là, de toute façon.

Assise sur la plage, elle le laisse s'éloigner, devenir silhouette dans le soleil couchant. Alors, les araignées qui s'étaient éloignées reviennent à elle. L'entourent, elle tend les pattes vers elles et leur sourit.

Comme si rien ne s'était passé.

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