Fear nothing ✡ Narcisse

Une araignée.

Narcisse l’observa un long moment, ses yeux dorés détaillant chacune des huit pattes de l’insecte. Les petits poils noirs qui recouvraient son corps. Les yeux noirs. Visiblement dénuée de toute intention hostile. Hum… elle restait un prédateur, qui faisait presque leur taille. Pas une alliée. Pas une ennemie cependant. Pour le moment du moins. Espérons que cela reste ainsi. La queue féline se tient bien droite, le disciple de Kiro nullement intimidé.

Il ne détestait pas les insectes.
Encore moins les araignées.
Après tout, elles et lui étaient semblables.
Ils se nourrissaient d’insectes et les détruisaient.

Oui, aujourd’hui, à toi, araignée qui n’es pas hostile. Voici un présent pour toi. Pour rendre hommage à la noble tâche qui t’incombe. Purifier ce monde des insectes.

Ses griffes viennent avec précaution, ôter le bracelet qui entourait sa patte arrière. Celui fait de coquillages qu’il avait ramassé jadis lors d’une expédition avec sa mère à la plage. Un accessoire auquel il tenait, dont-il ne s’était jamais séparé jusqu’à aujourd’hui.

Une forme d’hommage.
Pour la tâche accomplie quotidiennement.

Les yeux dorés scrutent l’araignée, alors que doucement il pousse le bracelet vers elle, écoutant les murmures de son ami à côté. Oui, mieux valait la petite bête que le spectre.

Peut-être qu'en effet, maman n'a pas complètement raison. Peut-être qu'elle a bien fait de venir vous voir, et de ne pas céder à la folie guerrière et vengeresse que sa mère apprend à tous ses frères et soeurs. Oui, elle en est convaincu lorsque le petit loup crème pousse vers elle un joli rond nacré. Méfiante mais bouffée de curiosité, elle vous observe de ses huit yeux, avant d'observer le bracelet de ses huit yeux.

C'est joli.

Elle s'approche d'un pas, méfiante. Elle n'oublie pas les récits de sa mamirignée qui a vaillamment combattu les loups et qui en garde des cicatrices incroyables, ou ceux de ses frères et soeurs tombés au combat dans une gerbe de chitine et de liquide vital verdâtre.

Elle n'oublie pas.

Elle plonge l'une de ses pattes vers l'avant et tire à elle le cadeau. Ca cliquète, c'est rigolo.

Elle le place délicatement sur sa tête.

Quelle belle couronne !

Elle sera vraiment la plus belle des araignées, ce soir. Ca lui plaît. Ses chélicères se frottent de joie l'un contre l'autre.

Ah ? Tu ne t’entends pas avec les trois-quarts des loups, mais par contre tu parviens à copiner avec une araignée ? Des fois, Narcisse, je ne te comprends pas.

Lui non plus.

Car l’araignée l’accepte se présent, elle qui, jusque-là s’était contentée de les observer dans l’ombre pour les étudier. Ce n’était pas un cadeau empoisonné. Ce n’était pas un piège. Simplement quelque chose à faire, selon Narcisse. Parce qu’elle était loin d’être stupide l’araignée, il fallait bien lui reconnaître ça. Bien plus intelligente même que certains loups. Les yeux dorés de l’assassin se détachent finalement de cette étrange connaissance, pour se poser sur Désastre.

Elle te plait ?

Oui.
Parce qu’elle n’est pas stupide.
Oui.
Parce qu’elle n’a pas peur.

Et la peur faisait d’eux des cibles faciles.

Désastre lui aussi, offre un présent. Une petite bille d’argile qui fait rouler à elle. Hum… L’araignée jugerait ainsi qu’ils n’étaient pas des ennemis. De toute façon, le disciple de Kiro n’avait aucune intention de l’affronter, elle ou ses semblables, parce qu’il n’avait pas de haine à leur égard. Seuls les solitaires et les Raeders étaient les cibles. Les babines frémissent, avant que finalement, il ne tourne la tête.  

Elle avait sa place ici.
Eux non.
Ils n’étaient que de passage.
Pourtant...

Le loup se détourna pour continuer à fouiller les décombres, tournant toutefois sa tête vers l’araignée.

« — Tu viens ? »

Une possibilité qui lui était offerte.
Venir à leurs côtés.
Pas pour sombrer.
Mais pour avancer.

(Lancé de dé)

Même si il n'y avait rien d'intéressant pour le moment. Des cravates. Des verres à vin. Un chandelier. Tout cela n'était qu'encombrement. Narcisse n'avait pas de place pour ces futilités.

Mais. Oh ! Voilà un autre cadeau qui arrive. Une bille d'argile, qui roule vers elle. Oh ! Elle comprend ! Elle sait ! Elle aussi crée des petites balles de toile qu'elle fait rouler au sol avec ses frères et soeurs ! Bon, ça ne sent pas aussi fort que celle là, mais c'est peut-être que les loups ne voient pas, qu'ils ont besoin de ça pour la repérer ?

En tout cas, elle sait ce qu'elle doit faire de cette petite bille. D'un coup de patte, elle la renvoie à son envoyeur, d'un pas se dévoilant un peu plus encore dans l'attente du retour.

C'est un jeu, n'est-ce pas ?

Du coin de ses huit yeux, elle aperçoit l'autre loup, le loup de la couronne, qui fouine et fouille et jette au sol dix objets pour en saisir un. Pourquoi fond met-il le bazar dans les biens de Mona Lisa ? C'est curieux. Tout ça pour un candélabre ! En plus, il fait du bruit. Il va attirer tout le monde. Ca n'est pas très malin, si ils voulaient être discrets.

Il l’observe du coin de l’oeil, l'araignée.

Aux mots de l’ami, lui hésite. Parce qu’ils auraient pu trouver bien plus en continuant, mais il y avait toutefois cette présence. Ils n’étaient pas seuls. L’araignée était un parfait exemple. Combien d’autres rôdaient dans l’ombre ? Combien d’autres étaient prêtes à leur tendre un piège ? Cet endroit ne représentait guère de danger à ses yeux, mais Désastre avait un oeil en moins, une chose à laquelle il devait encore s’habituer. L’Etelkrus soupira, quelque peu déçu de n’avoir rien trouvé d’utile.

« — Partons. »

Il emboite le pas à l’ami, veillant à ce que rien ne surgisse dans l’ombre. De sorte que rien ne vienne les surprendre. Le temps qu’il rejoigne la sortie.

L’assassin marque une dernière pause, ses yeux dorés se posant sur l’araignée qui portait encore son bracelet sur sa tête. Serais-ce un sourire qui vint étirer les babines du loup ? Eux qui étaient si rares, plus encore lorsqu’ils étaient sincères.

« — Au revoir. »

Pas un adieu, car qui sait de quoi sont faits les lendemains ?

La silhouette de l’hybride disparaît. Il était prêt à suivre son ami. D’autres missions les attendait, des missions qu’ils ne pouvaient se permettre d’ignorer, pour leur bien à tous.

Les protéger.
C’est là notre mission.

Mon pauvre Narcisse, c’est pour cela que tu préfères demeurer dans l’ombre, là où tes soeurs parviennent à briller ? Pour mieux les protéger ?
Oui.
Et lui, l’enfant de ta petite reine ?
Lui aussi.
Parce que vous vous ressemblez ?
Parce qu’il est mon ami.

Et on protège ses amis.
On protège ceux qui nous sont chers.
Au prix de notre vie si cela est nécessaire.