› Saqqarah › Mâle › 2 ans›Panseur Etelkrus
La dent de Roc s’étirait au loin comme une flèche au cœur de la plaine qui tente vainement de percer le ciel. Une fine couche de nuage entourant les sommets couverts de sapin. Les oreilles du jeune mâle s’agitèrent lentement, dans un mouvement calme et serein, alors que sa queue reptilienne se mouvait avec lenteur. Le borgne reposa son œil sur la liste de plante, depuis son retour, il n’avait pas arrêté une seule seconde. Il avait passé ses journées à marcher, les pattes dans les hautes herbes de la Rougelande, dans les cailloux de la crête, dans le sable épais des bords de mers. Il cherchait à ravitailler le camp, mais aussi à préparer de quoi partir. Il fallait emmener suffisamment de choses pour tenir plusieurs jours. Il devait aussi penser à se faire une cape, nécessaire pour sa propre survie et son état de santé. Il se rabibocha d’énergie en secouant son pelage gris bleu avant de s’engager en direction de la Dent.
Son souffle chaud libérant une brume blanchâtre devant lui, il laissa sa truffe traversée ce nuage léger alors que les températures avait déjà grandement chutées. Le froid était partout, il dévorait chaque parcelle de terre, et continuerait de s’étendre comme un fléau. Il le savait l’hiver cet année serait long et sans doute désagréable. Peut être même… sanglant. Le fils de Reaper mit les oreilles en arrière à cette vague pensée. L’idée même de voir à nouveau des quantités diluviennes de sang lui donnait la nausée. Le Panseur n’était pas sûr d’être prêt à affronter cela. Mais il le ferait, c’était son avenir, l’avenir de sa meute, l’avenir même de la vie. Il fallait avancer, se battre, et continuer. Ces terres leur appartenaient, et les Etelkrus n’en céderont pas la moindre parcelle à des vestiges du passé reprenant vie.
Le Mosasaure, rien que le mot entre les babines du jeune mâle avait un goût acre et amer, quelque chose de ferreux revenant vivement dans sa truffe lui brûler les yeux comme quand il épluche des oignons. Il était sur le point de pleurer. Mais il renifla, secoua la tête, cracha comme un vaux rien avant de reprendre la route. S’arrêtant au pied d’un grand hêtre pour récolter de la mousse. La prenant délicatement, faisant attention à ne pas en arracher trop, avant de la ranger dans sa sacoche. Méticuleux comme à son habitude, il espérait que les récoltes qu’il faisait présentement ne lui seraient pas utiles trop tôt. Il ne voulait pas revoir tant de blesser d’un coup. Il se fichait d’être secouer par la douleur d’autrui, mais entendre la peur des autres, voir le sang de sa patrie gicler et retomber comme la pluie… Il en avait encore des cauchemars quand il essayait de fermer les yeux.
Il se souvenait de la cohue, de la perte des sens, il avait eut la sensation de voir trop de choses, et d’entendre trop de cri. Il avait eu le sentiment de perdre la patte, d’être noyée dans une mer en furie où il ne verrait pas la côte. C’était angoissant. Il ne voulait pas revivre cela, et pourtant il se préparer déjà à la vague de froid, de danger, et de problèmes qui arrivaient avec. L’inquiétude lancinante l’empêchant de dormir. Quand il se souvenait, il sentait son souffle s’arrêter, et son cœur s’emballer, ses pattes tremblantes sous un souvenir fantôme dont la gueule sans fond se refermait toujours sur lui avant le réveiller. Saqqarah déglutit, avant de s’enfoncer dans le bois, percevant les odeurs de bois mouillé, d’herbe fraîche, d’humus, et de l’automne qui court dans entre les grands arbres.
Avant que le vent glacé le soulève les feuilles mortes qui vinrent caresser son poil. Une caresse désagréable qui le fit se dresser comme un soldat et dévoiler les crocs. Aux aguets, l’œil fatigué, Saqqarah ne dormait plus, et ce n’était pas parce qu’il oubliait, mais parce qu’il n’en était pas capable. Il y avait deux raisons à cela, tout d’abord il se réveillait en pleine nuit, suant sous l’horreur l’œil écarquiller, et ne se rendormait pas avant le soleil alors il se levait et finissait l’œil cerné. Ensuite, quand il arrivait à dormir un peu, c’était Meshret qui venait se coucher contre lui en tremblant parce qu’elle n’arrivait pas non plus à faire passer la peur qu’elle avait eut. Elle avait certes eus la force de se battre, et le courage. Mais c’était sous l’adrénaline, et elle parlait de choses qui n’étaient pas arrivées, le traumatisme sur elle avait eut pour effet de déformer la réalité.
Saqqarah lui se souvenait de tout… De son voyage avec Elvazio, des hurlements à leur arriver. De Sobieski et Serket… D’Anita… Pauvres tous… Il avait vu leur corps mutilés, sentit la douleur irradier en eux et en lui. Il ne pouvait pas dire à quel moment il avait eut le plus peur… Mais c’était sans doute quand il avait percuté que la douleur dans son œil était celle de Désastre, lui aussi grandement blessé… Ce monstre avait fait des dégats, et il n’était sans doute pas le seul de son espèce difforme qui allait venir sur les terres. Et si il y en avait des terrestres ? Ou des volants ? Saqqarah repensa à l’étrange moustique qu’il avait vu avec Léo, frissonant à cette pensée.
« Les bestioles ailées ce sont des plaies… »
Pensa-t-il à voix haute en serrant les crocs, pensant aussi à une autre bestiole ailée, mais qui avait quatre pattes, des poils, et une queue de loup… Bref Shinkaku. Oh certes il adorait Hari. Mais elle devait être une vraie plaie à combattre aussi. C’est de la triche d’avoir des ailes, tout le monde n’en a pas ! Et alors si ils tombaient sur un prédateur volant, ils allaient tomber comme des mouches.
La blessure du Mosasaure dans l’âme de Saqqarah était interne. La bête était morte, et pourtant elle avait fait souffrir toute une génération de loup. Il était une de ces créatures dont on parlera encore longtemps, et qui aura laissé des marques dans la chair mais aussi des les têtes. On s’en souviendra sans doute longtemps. Lui en tout cas se souvient, il n’oubliera pas. Il s’était même employé à dessiner la bête dans son calepin, à la dessiner entrain de mordre Serket et Sobieski, il l’avait dessiné blessant Anita. Il s’était aussi mit à dessiner des croquis de pattes de loups. Depuis qu’il était allé voir Kiro, depuis qu’il avait eut ce glowstick qu’il pouvait perdre, Saqqarah arrivait parfois à voir les muscles, les os, les vaisseaux sanguins des autres loups. Alors il s’était employé à dessiner cela sur son bouquin, se demandant s’il était possible de recréer une patte de loup… Une prothèse en quelques sortes. Ou une aile. Il s’interrogeait sur la façon dont elles se mouvaient grâce aux muscles de leur détenteur. Le disciple de Kiro s’arrêta devant des champignons qu’il cueillit avant d’aller attraper en hauteur des plantes médicinales.
Il était arrivé bien loin sur les flancs de la dent de roc, voyant au loin la forêt où il avait passé son épreuve. Avant de trouver une autre plante bien utile, parfaitement nécessaire. Il s’approcha avant d’entendre des cailloux rouler à flanc de montagne et de lancer un regard au vide. Il voulait quand même la plante là bas de l’autre côté… La petite vicieuse qui avait poussé de l’autre côté d’une faille. Il longea cette derrière. Ne pouvant atteindre se côté de la falaise à moins de redescendre toute la montagne et de la gravir par l’autre versant. Il recula, avant de s’élancer vers la faille, sautant dans le vide avant de se rattraper à l’autre bord. Remontant sur le bord, sentant ses pattes le faire souffrir, avant qu’il ne remonte sur l’autre versant de la falaise et ne voit l’objet de ses désirs, la plante. Alors qu’il allait la cueillir il vit une truffe sortir d’un buisson sur sa gauche, un pas sur le côté, et Saqqarah vit correctement le mâle. Un sourire effleura ses babines.
«
Si c’est pas mon sauveur ça »
Remarqua-t-il calmement. L’apprenti Panseur, ou le Panseur, il ne savait pas, Saqqarah ignorait si son collègue avait finit sa formation, devait sans doute comme lui avoir repérer le parfum de l’amaryllis et était donc tout comme lui venu la cueillir. Il recula calmement, remuant lentement sa queue. Méridor avait connu la famine, l’horreur sous le dôme, et la mort. Saqqarah avait vu la mort à cause du Mosasaure, il l’avait entendu sur le champ de bataille, attendant qu’un loup décède car ces frères n’auraient pas su le défendre ou le soigner… Il savait très bien, dans le fond de son cœur, que ce genre de chose, il allait devoir y faire face. Il n’était pas sûr d’y être préparer, il n’était pas convaincu d’être capable de sauver des vie ou de se battre comme il se doit. Mais il ne perdait pas espoir, il n’y avait pas d’autre chemin, pas de demi tour possible. Il allait devoir subir et avancer dans l’adversité, comme avait sans doute dû le faire Méridor lorsque le dôme c’était abattu sur les Lazulis.
Cette fois, c’était des géants du froids qui s’abattait sur le monde de Punk Wolf, et qu’il fallait affronter là tête haute. Il fallait se battre, ou mourir. La deuxième option n’était pas envisageable pour Saqqarah. Il allait donc se battre, comme le ferait Joy, comme le ferait son père aussi… Comme le ferait n’importe quel loup qui désir vivre, et qui espère que demain sera meilleur. Parce qu’il avait foi en l’avenir. Ils avaient réussi, ensembles, à tuer le mosasaure, il était sûr, qu’ensembles, ils arriveraient à tuer les jours sombres, pour que les jours clairs et paisibles reviennent dans la vie de chacun.