Prête à revenir ♦ libre

Queen • 5 ans
F A E I

Son souffle rauque s'atténua alors qu'elle sortait les hautes montagnes. Ici l’oxygéne était moins rare et le terrain moins escarpé. Ses pattes fines et délicates bondir encore une fois avec agilité en avant pour descendre en bas du piémont des Monts Célestes. Queen avait passé ces dernières semaines entre les cols et les flancs rocheux et froids des sommets. C'était là l'ultime étape avant la dernière ligne droite pour retourner à ce qui avait été son chez elle. Son foyer d'enfance, ses frères. Il y avait tellement longtemps qu'elle avait fuit cette partie du continent pour courir le monde qu'elle n'y avait pour l'instant plus aucun repère. En avait-elle déjà eu hors du Dôme de Mido ? Pas vraiment. A chaque pas que la blanche faisait pour s'approcher du territoire des Lazulis, des réminiscences de sa vie passée lui revenaient. Des images de plus en plus nettes d'une autre époque qu'elle avait voulu oublier au travers de son long voyage devenu initiatique. Un périple durant lequel elle s'était rencontrée, durant lequel elle avait trouvé son chemin au détour de routes inexplorées, durant lequel elle avait appris à être en paix avec elle-même et ses croyances. Finalement, malgré la culpabilité d'avoir abandonné ses frères, il avait été nécessaire de partir au plus loin. Il avait été vital de quitter tout ce qui représentait sa jeunesse emprisonnée par des Dieux mécontents.

Elle avait tant couru après l'enterrement de son géniteur. Elle avait traversé beaucoup de contrées sans franchement s'arrêter, sans accepter de prendre du repos, en avalant la distance à défaut de pouvoir digérer la mort de Sly qu'elle vénérait tant. Plus encore que ce qu'elle avait aimé sa mère qui pourtant l'avait élevée. Elle avait été tellement en colère contre les Dieux de ce monde et contre les Etelkrus qui avaient laissé mourir le guerrier gris sans rien faire. Elle savait maintenant que personne, si ce n'est Dairo la Renarde, n'aurait rien pu faire pour soulager les maux de son père. Il lui avait fallu rencontrer de nombreux autres loups, d'autres meutes, d'autres modes de vie, d'autres histoires pour parvenir à apprendre de ses expériences. Pour savoir prendre du recul et grandir enfin. Tout au long de cette évolution mentale, Queen n'avait pas laissé en reste son corps qu'elle avait entrainé avec férocité jusqu'à épuisement. Jusqu'à dépassé ses limites encore et encore. Vivre en solitaire, parfois méfiée, parfois chassée par ses congénères, oscillant entre prédatrice et proie était une excellente façon de s'entretenir physiquement. Elle avait apprit à être constamment sur le qui-vive, toujours prête à réagir. Et a toujours chercher l'excellence pour ne pas finir victime, pour ne jamais être celle qui subissait.

Il avait fallu devenir plus endurante d'abord, et à force de vivre dans des conditions précaires, en mangeant peu et en se reposant d'un oeil, elle avait prit l’habitude de se contenter de peu pour être en forme et ainsi ne pas être trop lésée par un repas manqué ou quelques nuits blanches. C'était, après tout, une simple question de survie. De manière générale ensuite, il avait fallu devenir plus forte, plus agile, plus rapide bien sûr. Parce que chasser un daim sans être trop essoufflée ou gravir une montagne sans être courbaturée de partout ne suffisait pas pour se défendre des potentiels agresseurs. Cela ne suffisait pas non plus pour s'imposer face aux autres. Queen était donc devenue une louve accomplie et équilibrée pour se préserver d'une part, des difficultés rencontrées, mais aussi pour rester maître d'elle-même et de sa destinée, pour pouvoir garder la tête haute et ne jamais s'abaisser devant quiconque. Bien sûr, elle avait parfois fait profil bas. Souvent face à des meutes nombreuses qui n'aimaient pas beaucoups les loups vivants en ermite. Il n'y avait pas que les Etelkrus qui considéraient les solitaires comme des rebuts ou des parias visiblement. Il lui avait fallu apprendre quelques mots dans plusieurs autres langues aussi, pour éviter quelques déboires. Ça n'avait pas été facile, loin de là. Mais cela l'avait forgée.

Queen avait retrouvé confiance en elle. Elle avait gagné en humilité aussi et auto-dérision, forcément, à force de se retrouver dans des situations délicates où faire la forte tête ne l'aurait menée à rien. Elle avait apprit à mettre de côté sa fierté le temps qu'on ne se méfie plus d'elle et surtout, grâce à tous ça, elle appréhendait mieux ses forces et ses faiblesses. Il lui était arrivée de tomber dans une crevasse, de glisser d'un arbre haut dans lequel elle avait grimpé, de se battre aussi contre des bêtes aussi affamées qu'elle. Elle avait été blessée, forcément, avait dû ruser parfois pour ne pas aggraver son état en croisant un autre adversaire potentiel. Elle savait qu'elle avait quand même eu pas mal de chance pour n'avoir jamais eu à défendre sa vie sans échappatoire. Toujours, lorsqu'elle se retrouvait face à un ennemi plus puissant dont elle ne pourrait se défaire seule, elle avait eu soit l'occasion de trouver un moyen de repli en sécurité, ou avait su s'entourer passablement de quelques têtes sympathiques. Jamais trop longtemps les mêmes compagnons de route toutefois, ne voulant pas d'attache quelle regretterait une fois rentrée. Car elle avait toujours eu en tête de revenir sur Punk-Wolf, elle avait juste mis le temps à savoir quand ce serait le bon moment.

Elle s'était levée comme ça un matin, prête à retrouver ses terres natales. Et il avait fallu faire le chemin inverse alors. Le retour avait été presque aussi long que l'aller, puisqu’elle n'avait jamais cesser d'aller de l'avant. Elle avait revu des museaux connus, avait appréciés saluer une nouvelle fois des têtes rencontrées, en suivant son bonhomme de chemin. La seule différence était, cette fois, qu'elle avait une destination et un but : retrouver ses frangins. La solitude lui avait soudain paru exécrable, pesante. Et le manque évident de confort d'un foyer creusait un vide dans son être qu'il lui fallait combler. Nyoka et Vanhir seraient les fondations de cette nouvelle maison, battie sur les ruines de la première. C'est ainsi qu'avait prit fin l'école de la vie et que sa quête avait atteint sa dernière étape. Forte de son développement personnel, de ses compétences acquise en vivant à la dure, et de cette volonté retrouvée de faire face à son passé, il était donc l'heure de revenir aux sources. De la nostalgie la gagnait parfois en revoyant des lieux appréciés, des endroits où elle avait vécu quelque chose d'important pour son évolution, des points de chutes où elle avait rencontré de nouveaux visages et avait appris à respecter les modes de vie et croyances des autres. Voilà qu'un sourire barrait ses babines au souvenir d'un combat dont elle portait encore les stigmates ou d'une discussion qui l'avait marquée.

Tant de jours, tant de leçons. Finalement, la vie en meute n'avait rien à apporter à un loup, pour peu qu'il veuille bien se débrouiller seul. Au final, et plus que jamais, les tensions entre différentes ethnies ou groupes lui paraissait bien fades d’intérêt et stupides lorsqu'il ne s'agissait pas de conquérir un meilleur terrain de chasse ou de contrôler des ressources. Hors nul confrontations de ce genre n'avaient animés les Etelkrus et Lazulis, alors pourquoi ses parents n'avaient pas pu simplement vivre heureux, ensemble ? Queen soupira. Cette histoire était terminée depuis longtemps et elle avait cesser de se torturer avec ça, bien qu'un certain regret de n'avoir agit différemment ne l'assaillait encore parfois. Enfin. On ne pouvait pas refaire le monde, on pouvait simplement tenter de l'améliorer parfois. Enfin, si les autres méritaient cet effort... Parce que si une chose s'était encore bien plus ancrée dans son esprit c'était qu'on n'était jamais mieux servie que par soi-même, et aussi qu'en tant que solitaire, sa propre survie comptait avant celles des autres. En fonction des affinités bien sûr... M'enfin il était clair qu'elle ne lèverait pas un coussinet pour n'importe qui. Vanhir et Nyoka bien entendu, elle comptait bien leur offrir tout ce qu'elle avait, mais s'il lui venait à recroiser certaines têtes de catins... Un sourire narquois fleurit sur ses babines alors que ses pattes, enfin, atteignait de grands champs fleuries.

Queen arrivait finalement, exténuée mais ravie, au terme de son voyage. Il n'y avait plus grand chose entre les terres Lazulis et elle.

Queen • 5 ans
F A E I

Son regard pâle observa les champs aux lignes organisées, aux tracés volontaires et compris qu'il ne s'agissait pas de simple clairière sauvages. Quelqu'un avait décidé de planter de cette manière nombre de fleurs, arbustes odorants et... Légumes ? Étonnée et le pas tranquille, la femelle s'avança aux travers de ces rangées ordonnées. Il y avait une forme de beauté dans paysage, elle se laissa un peu distraire par sa surprise, découvrant des senteurs nouvelles et fort agréables. Elle en oublia un court instant la base de la sécurité : écouter. Ainsi Queen se redressa vivement au son d'une voix qui l'interpellait. Qui connaissait même son nom. Qui donc ici pouvait la connaître ? Qui donc pouvait se rappeler d'elle ?! Sous ses yeux se découvrit une louve grise et noire, aux oreilles qui n'avaient toujours pas poussées. La solitaire dressa hautes oreilles et queue, accompagnant le geste d'un grand sourire en guise de salutation. Certaines têtes vaguement connus étaient donc encore de ce monde. Ça avait quelque chose d'un peu rassurant, au moins. Bien que le monde ai dû beaucoup évoluer depuis son départ précipité.

« Ah oui ! L'Oracle de Yurai ! »

Répondit-elle en guise d'aveux de souvenirs. Elle aussi pouvait remettre sur ce visage une belle après-midi de jeux heureux. C'était il y a bien longtemps. Quand son existence n'était faite que d'innocence. Elle regarda l'enfant devenue belle femelle, au regard aussi doux que son sourire était avenant. Cela n'était pas étonnant, il y avait, déjà petite, quelque chose de solaire chez Kerguelen. Le nom venait de lui revenir, en même temps que leur affiliation génétique. Dire qu'en quelque sorte, la disciple de la Corneille -au vu du brillant violet à son épaule- aurait pu être sa tante et agrandir le cercle restreint de sa famille. Cela dit, peut-être bien qu'un lien de cousinade aurait pu se former si ce fichu Dôme n'avait pas gâché son enfance. A mesure qu'elle jaugeait par habitude, face à elle, la Nakhu, elle n'eut qu'une impression de sérénité et de jovialité qui émanait de la grise.

« Tu es devenue si belle ! »

Lâcha t-elle sans vraiment y faire attention.

« Pardon ! Comment vas-tu ? Que deviens tu ? Oracle peut-être ? »

Un sourire complice, clin d’œil à leur rencontre et jeux de louvettes.

Queen • 5 ans
F A E I

Kerguelen semblait être la gentillesse incarnée. Comme un point stable dans une vie morcelée, la retrouver si égale à ce qu'elle avait connue d'elle était un heureux hasard. Queen sourit, touchée par tant de franchise naturelle alors pourtant qu'elles ne s'étaient pas vu depuis des lustres. En écho à la grise, un rire chatouilla la gorge de la solitaire. C'était un peu surprenant d'ainsi baisser sa garde avec aisance face à la Nakhu, elle qui toujours était aux aguets par crainte et nécessité de survie. Ses orbes pâles restaient agrippées au museau de l'autre femelle et à son sourire, ravie et étonnée à la fois que ce soit comme si rien n'avait changé entre elles.

« Ajani ? Tu parles bien de notre cousin commun ? N'était-il pas... Pirate ? »

Les enfants de Bree étaient nés en terres Lazulis, mais avaient été immédiatement offerts à l'Océan, enfin, à leur père du coup. Si elle se rappelait bien l'histoire racontée par sa génitrice... C'était il y a longtemps, peut-être avait-elle oubliée des détails... Et puis, entre le Dôme et la mort de son père, la femelle ne s'était pas vraiment intéressée aux interactions entre meute depuis un baille. Depuis toujours d'ailleurs.

« Les plumes te vont mieux en effet ! »

Aquiesça la voyageuse en riant. Elle au contraire, avait plutôt eu tendance à se débarrasser d'accessoires inutiles, au profit d'une discrétion accrue.

« Tu as l'air heureuse, je suis contente pour toi. »

Un éclair de nostalgie passa dans son regard blanc, cela ne lui rappelait que plus sa départ, sa fuite, et l'absence totale de liens solides, de cohésion avec quiconque et d'épanouissement personnel. Son sourire revint vite, alors qu'elle répondait à la question, en bon échange de courtoisie.

« J'ai effectivement beaucoup bougé, toujours vers l'avant. J'ai découvert de belles régions, de merveilleuses contrées avec des climats parfois plus cléments, parfois moins ! J'ai rencontré beaucoup d'autres groupes de loups. J'y ai beaucoup appris. Surtout sur moi-même. Je te raconterais tout si tu acceptes de m'apprendre à tirer à l'arc ! »

Queen s'ébroua, le regard pétillant de malice. Jamais elle n'aurait cru la toute petite louvette joyeuse être devenue quelqu'un d'aussi impressionnant. Pas qu'elle ne lui aurait vu aucun avenir, loin de là, elle n'avait juste jamais eu l'occasion de se poser la question et rencontrer Kergulen ici et maintenant était réellement une très bonne surprise.

Queen • 5 ans
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La surprise se lue dans les prunelles dorées si franches de Kerguelen. Ainsi Volstein n'avait jamais parlé d'Heever, de Roy et de Spleen. La blanche ne connaissait pas tout de l'histoire, seulement les grandes lignes racontées par sa génitrice. Juste assez pour comprendre qu'il y avait eu une forme de triangle amoureux et que sa mère était issue de ça. Aux questions de la Nakhu, elle supposa qu'elle était en train de chercher mentalement des possibles preuves à ses dires dans ses souvenirs. La solitaire sourit simplement, penchant la tête sur le côté avant de répondre le regard plissé :

« Eh bien, mon grand-père était le frère de Volstein, Roy, et était également celui d'Ajani et de Limule, une des pirates. Mais ma mère aurait presque pu être la fille de ton père... Et je serais ravie de te partager ce qu'on m'a appris ! »

Enfin, ses informations dataient un peu car elle n'avait croisé Creek que très brièvement il y avait de ça de très nombreuses lunes plus tôt sur une plage avant son départ et qu'il y avait longtemps que sa mère n'était plus de ce monde. En attendant le-dit Oracle avait donc bien su tirer son épine du jeu. Ainsi les Raeders avaient infestés la meute la plus pacifique et opposée à eux en terme de distance sur le continent et en didéaux... L'existence et le destin étaient fait de bien étonnantes situations ! La réaction de la grise fit rire Queen avec tant de spontanéité qu'elle réalisa soudain à quel point cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été aussi détendue auprès de quelqu'un.

« Au lance pierre seulement ! »

Elle répondit en riant, mais son attention était focalisé par l'ouvrage réalisé sur le bois. D'un oeil pétillant, elle observa chaque détail gravé, puis releva ses orbes pâles vers Kerguelen.