La vie et son amertume [Libre]

Sujet: La vie et son amertume [Libre] 13/10/20, 07:16 pm

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La vie et son amertume

Si le rêve était permis, le cauchemar l’était. Cruel, oh putain de cruel, que la vie lui rongeait la gueule comme si la mort n’était pas la pire des choses. Elle ne l’était pas, Momon regardait son reflet dans la flaque. Son regard sombre, cet expression crispée ne le quittait plus depuis que son père avait daigné les voir. Lui, Cendres, Ruine, les enfants que tout le monde n’espérait jamais voir. La rage et la colère lui serrait la gorge, ça lui empoignait le coeur, contraignant chaque battement à forcé sous ses côtes. Les larmes de colères ne le quittait pas et d’une patte tendue, son reflet disparu dans un jet de boue. Il le haïssait, il détaillait encore et encore les similitudes entre eux, l’image de sa propre gueule. Ses babines se tiraient et se crispaient un peu plus, laissant les crocs à l’air libre. Personne avec qui il pouvait cracher tout, tout ce qui le rongeait, toute cette haine, qui était il en fin de compte ? Le fils d’un foutu peureux, d’une solitaire et d’une nakhu ? Le fils de personne, tout se mêlait et les larmes redoublaient de son œil.

D’un battement puissant, il décolla de la terre. La pluie glacée lui fouettait la tronche, une de plus, une autre cruauté. Et dans le flou des nuages grisâtres, le sombre commença à cracher des insultes, à ressortir sa douleur en hurlant loin de tout le monde, le plus loin possible. Les membres de sa meute n’avaient pas besoin de le voir ainsi, le disciple désirait clairement la paix. Son amertume se voyait déjà bien assez tous les jours depuis sa rencontre. Sa triste colère, il ne souhaitait pas la faire vivre à sa famille, pourtant il était perdu. Perdu au point de ne plus savoir où s’échapper, comment le faire ? Et il ressassait un peu plus tout en hurlant et en grimpant le plus haut possible dans les cieux. Au diable les autres, au diable sa meute, au diable tout ce monde. Si l’agilité n’était pas son fort, la force la compensait allègrement mais un point de non retour s’approchait. Le froid et la fatigue dans ses muscles, même ça, même cet instant de liberté se transformait en chaînes qui le renvoyaient au sol. Telle une masse, la silhouette massive se replia sur elle même, couvert des plumes blanches tel un manteau neigeux. La tête vers le sol, les yeux clos, Momon se laissa choir. Il n’aspirait plus qu’au calme de sa chute.

Le vent sifflait dans ses oreilles et l’eau lui cinglait le visage alors qu’il traversait la couche nuageuse. La terre humide semblait s’approcher, il ne voulait plus faire l’effort d’ouvrir les ailes, leur confort le berçait. Mais un murmure dans la pluie lui ordonna de les déployer. Ce qu’il fit dans un fracas assourdissant et la douleur du changement d’état sembla lui arracher le dos. La grimace se mua en soulagement lorsqu’il posa enfin patte au sol. La roche humide semblait un bien piètre repos mais cela lui suffirait. Momon profiterait de l’eau sur son visage pour masquer ses larmes. Il s’assit alors, contemplant la brume tout autour de lui.

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Et toi tu volais. Tu volais à travers la pluie, tu es son ombre. Tu le vois au loin, explosion de douleur, foudre qui déchire le ciel. Tu le vois sombrer, piquer dans le vide. Tu peux sentir ton cœur s’effondrer en même temps que lui. Le plus vite possible tu replies tes ailes pour glisser vers le sol. Dans un dérapage contrôlé, éclaboussant ton pelage tu accours. Ton souffle est court et ton corps tremble, tu ignores pourquoi, mais tu trembles. Pas de peur de cette pluie menaçante, non.

-Momon !

Tu hausse la voix. Même quand tu étais en face d’un monstre gigantesque à devoir penser les plaies d’un loup presque mort tu as gardé ton sang froid. Mais pas là. Pas maintenant.
Tu t’approches rapidement Narancia, te postant devant lui alors que le vent hurle dans vos oreilles.

-Momon… Parle moi.

Tu te sens maladroit. Tu sais que tu n’es peut-être pas la meilleure épaule sur qui pleurer, tu sais que tu n’es parfois pas habile avec les mots, les sentiments, mais pour lui tu essayeras de faire un effort. D’être le plus compréhensif possible, le plus rassurant.

-Je suis là.

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Sujet: Re: La vie et son amertume [Libre] 14/10/20, 03:57 pm

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La vie et son amertume

Si il n’y avait eu que ses échecs face au monstre de la grève, Momon serait passé outre, mais son monde ne cessait de s’effondrer. Son visage se fondait sous ses larmes salées, ses marques sous ses yeux se mêlaient amèrement bien aux gouttes de peine. Son regard se troubla et la paupière se ferma sur la scène devant lui. Il espérait peu de la vie, c’était devenu lourd. Et si il ne faisait aucun son, la voix douce et volatile qui lui fit frémir les oreilles, c’était comme si il rêvait. Mais non, la pluie qui lui battait le dos prouvait même que le sommeil était encore loin. Alors le sombre ouvrit son œil mordoré sur une silhouette bleue. Ce n’était qu’une vague floue dans laquelle il sentait une tentative d’aide. Sans réfléchir, il plongea le museau dans l’encolure trempée. C’était à peu près le seul geste qui lui vint, sa voix n’osait pas vraiment sortir de toute façon.

La truffe pointée vers le sol, le regard vide observait les pattes qui lui semblaient si fines. Narancia ne demandait certainement pas de contact mais Momon ne savait pas quoi dire et se montrer si fragile n’était pas franchement la chose qu’il aimait le plus. Se contentant de murmurer :

« Désolé... »

Puis se décrocha, détournant le côté visible pour passer un coup de patte sur les flots de tristesse. Ses cernes n’avaient fait que croître, le sommeil n’avait fait que l’abandonner lui aussi. Mais ses amis restaient encore là. La délicatesse dont ils faisaient preuve tous, par quelques mots, par des gestes anodins. Il se sentit soudain fortement gêné de se sentir si mal. C’était tant le bordel dans son esprit mais le courage de regarder les autres dans les yeux lui revint quand il posa un regard épuisé sur le loup bleuté.

« Je devrais pas me montrer comme ça… »

Il avait eu beau sécher une partie, la paupière semblait se remplir à nouveau. La douleur ne se maîtrisait pas forcément chez lui. Encore moins la culpabilité de le montrer, il lâcha un pouffement nerveux.

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Momon vint se blottir contre toi, étouffant ses sanglots dans son pelage. Si d’habitude tu repousses toute affection physique de qui que ce soit, là c’est différent. Tu le laisses faire et quand il se recule, visiblement gêné de son action tu lui offres ton poitrail à nouveau, laissant ta truffe glisser dans ses mèches de cheveux humides, lui faisant comprendre que ce n’était pas un problème, qu’il pouvait rester ici tout le temps qu’il voulait. Que le monde pouvait s’écrouler autour d’eux, iel serait toujours là pour lui.

Tu murmures alors d’une faible voix, comme si tu ne voulais pas déranger les pensées de ton ami.

-Ce n’est rien. Tu as le droit de pleurer. Tu as le droit d’être triste.

Tu lèves les yeux vers le ciel. Tu ne sais pas si tu dois demander, tu ne sais pas si tu dois t’incruster ainsi dans sa vie mais en même temps rester dans l’ignorance alors qu’il souffre te fait bien trop de mal. Après une longue hésitation tu oses alors.

-... Quelle est la cause de tes larmes ?

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Sujet: Re: La vie et son amertume [Libre] 25/10/20, 05:51 pm

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Si il peinait à exprimer les choses, Narancia lui offrait à nouveau une épaule compatissante. Momon se laissa faire. Il évita de planter ses défenses dans le pelages changeant de son ami pour profiter de la douce chaleur qui se dégageait du poitrail. Sa surprise se mua en une expression à demie soulagée. La voix apaisante de l’océan le berçait et le réconfortait. C’était un brin mécanique mais à entendre le cœur battant, il ne mentait pas. Les percussions languissantes apaisait un peu celles du palpitant déchiré entre ses propres côtes. Il murmura un mot d’une voix à peine audible :

« Merci... »

Un murmure qui se perdrait sûrement au détour d’une goutte de pluie ou d’une goutte de sel. Car, même apaisé, la masse sombre ne cessait d’alimenter le sol d’humidité. Quand sa voix retentit à nouveau, Momon reste là, collé dans le pelage à réfléchir. Il ne savait pas si son histoire méritait d’être dite, si elle n’était pas qu’un stupide cauchemar de gosse apeuré par la solitude. Le flou envahissait son regard, ses propres pattes lui semblaient étrangères. D’un léger mouvement, il quitta le réconfort pour regarder Narancia. Si les larmes ne coulait plus, sa gorge se serra à la place. Néanmoins, il osa sans trop forcer sur sa voix :

« Mon père... »

Cet innommable con, mais cette partie resta dans la cage de ses crocs. Alors qu’il détaillait enfin le visage inquiet, le disciple se rendit compte de la météo au dessus d’eux. Tout en se rapprochant du loup bleu, il tendit une aile protectrice au dessus de sa tête. Narancia devait geler pensait-il, et c’était la seule chose qu’il pouvait offrir à cet instant de son côté.

« On devrait s’abriter, tu vas prendre froid par ma faute ! »

Le loup larmoyant chercha du regard si un abri providentiel ne pourrait lui apparaître mais rien.

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Encore une fois il te protège alors que son âme se déchire. Tu l’observes un long moment. Cette fois c’est toi qui va prendre soin de lui, cette fois il ne sera pas celui à moitié sous l’eau, il ne sera pas celui qui sacrifie quelque chose. Tu hoches alors la tête et d’un mouvement agile, tu descends les roches de cette montagne. Tu es cartographe, tu passes tes journées entières à découvrir, à chercher la faille, l’étrangeté qui te fera tout recommencer. Alors tu sais que par ici se trouve une fissure dans le flanc d’une montagne assez grande pour accueillir au moins 10 loups. Tu guides ton ami, gardant un oeil sur lui pour qu’à la moindre chute, à la moindre erreur tu puisses plonger et récupérer son âme.

Et après quelques minutes sous la pluie à glisser sur les pierres vous trouvez enfin refuge. Tu t’approches de ce grand loup et passe ton museau dans ton pelage trempé.

-Je suis désolé je n’ai rien pour faire un feu.

Alors tu lui offres ta chaleur corporelle, bien que toi aussi mouillé par l’eau vous finirez bien par vous réchauffer.

-Ton père t’a fait du mal ? Veux-tu me raconter ce qu’il s’est passé ? Si tu n’en as pas envie ce n’est pas grave, nous pouvons parler d’autre chose pour te changer les idées.

Tu fermes les yeux, écoutant les battements du coeur de Momon.

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Sujet: Re: La vie et son amertume [Libre] 31/12/20, 05:29 pm

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Se laissant guidé, il suivit le loup bleu comme un phare dans la nuit. En réalité, Momon n’était plus réellement en capacité de réfléchir clairement à la situation. Le malaise dans son coeur muait à mesure qu’il se sentait coupable de tant de choses, mais Narancia ne semblait pas le laisser tomber. Cette amitié réconfortante restait avec celle de Pierre, une des meilleurs choses qu’il ait pu trouver en ce bas monde. Enfin l’abri tant espéré se profile et le sombre canidé s’y engouffre après l’océan, un soulagement quant à la santé de sa comparse le détend un peu. Ses larmes ont eu le temps de se fondre dans la pluie battante.

« Ce n’est rien… si… on reste proche on pourra se réchauffer je pense... »

Si le contact ne le rebutait pas, le disciple ne voulait en aucun cas forcé les choses auprès du cartographe. Mais visiblement l’idée était aussitôt adoptée, ce qui surprit un peu plus le mâle. Restant silencieux un temps, il s’allongea à côté de son ami, fixant ses pattes par peur de se remettre à pleurer si il croisait le regard doux du loup bleu. Cependant, il se voyait mal gardé cette plaie pour lui, ce n’était pas son genre de se laisser morfondre. Alors, d’un ton monocorde, il tenta de raconter ce qui n’allait pas :

« Et bien… Il n’a jamais été là… Du moins, jusque là, il n’a jamais donné signe de vie, à moi ou à ma famille. Enfin… Je crois que ma mère est allée le voir une fois... »

Il soupira, songeant à ce qu’elle avait pu lui dire, songeant à sa réaction aussi, et reprit :

« Il y a pas longtemps, il s’est pointé comme une fleur… il nous demandait pardon, parce qu’il avait eu peur de 3 louveteaux… Il nous a hais et maintenant, il veut rattraper ça comme si il voulait tout effacer… Je… Je n’aime pas le fait qu’il nie tout ça, tout ce qui a été, je ne sais pas si… si je veux lui pardonner... »

Ses larmes revinrent à la charge. Momon se sentait plus que stupide d’avoir si mal à cause d’un abruti. Peut-être l’avait-il mal jugé ? Ou bien avait-il peur de devenir comme lui. Son museau revient à Narancia, il ne détaillait pas bien son corps mais il cherchait une réponse quelconque de sa part. Même si il ne pouvait exiger grand-chose de cet océan.

Sujet: Re: La vie et son amertume [Libre] 11/01/21, 02:33 pm

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Tu écoutes ses mots avec attention. Ils te sont si précieux. Tu restes un moment silencieux puis tu laisse ton museau effleurer sa joue, enfouissant ton visage contre son cou, entourant son corps avec tes ailes, le réchauffant. Ta voix est tout aussi douce que ton ami, tu le laisses pleurer contre toi, tu fermes les yeux, il n’y à que vous deux maintenant. Et ses mots.

-Tu as le droit d’être en colère. Tu n’es pas obligé de pardonner. C’est un choix. Ses erreurs n’ont pas à vous affecter. S’il veut ton bonheur, il te laissera en paix si tu décides de ne pas le laisser entrer dans ta vie, et peut-être, qu’avec le temps, tu voudras revenir lui parler. Mais en attendant … c’est ton choix.

Tu te recules, levant ta patte pour essuyer doucement ses larmes, tu oses un léger sourire.

-Tu n’en restes pas moins bon. Quelqu’un de bien. Momon …

Tu ne veux plus jamais le voir pleurer, cela te fait bien trop de mal. Ça détruit ton coeur, le déchire en deux. Il ne mérite pas de souffrir. Tu penses maintenant à ta propre famille. Elle est si peu importante dans ton monde, elle est là, mais sans l’être. Ta mère t’a aimé petit, maintenant tu es un adulte, tu n’as pas besoin de protection et d’affection. Tes frères font leur vie de leur côté. Et toi, toi tu t’abandonnes dans les yeux du grand merle malheureux.

Sujet: Re: La vie et son amertume [Libre] 14/01/21, 11:47 am

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Iel le rassure, iel est là pour lui, cette amitié l’apaise un peu plus et l’aile réconfortante le berce dans un océan de mot. Quelque chose de doux se dégage de Narancia, et dans ses paroles et dans ses gestes, Momon appréciait ces instants. Le calme adoucissait son esprit, et pour une fois, il ne se sentait plus l’âme en peine en ce jour. Cela faisait des jours qu’il cherchait la paix. D’un murmure, il ferma l’oeil et plongea dans la fourrure claire.

« Merci. »

Relevant le museau, il lança il regard apaisé au loup bleu.

« Tu es quelqu’un de bien meilleur… merci de m’avoir aidé ! »

Sans trop de contrôle, le mâle asséna un coup de langue affectueux dans la crinière de Narancia. Son coeur battait plus fort et ses pleurs avaient cessés.

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