Si tu n'étais plus là - Méridor

Elle savait qu'il y revenait, sur ses terres désolées.
Méridor.

C'était quelque chose qu'elle pouvait comprendre. Après tout, il était né et avait grandi ici. Et lorsque tout avait été détruit, il s'était démené pour tout reconstruire. L'on ne pouvait oublier ses racines, l'endroit d'où l'on venait, et c'était ici que celles de Méridor étaient plantées.

Ce qu'elle ne comprenait pas, par contre, c'était le comportement qu'il adoptait avec elle, ces derniers temps. Il était devenu plus distant et elle avait presque l'impression... non, elle avait la certitude qu'il l'évitait. Et ça, elle ne pouvait l'accepter sans rien dire, sans que son cœur ne se serre douloureusement dans sa poitrine. Par ce qu'elle ne comprenait pas, qu'elle ne voyait pas ce qu'il y avait pu se passer entre leurs entraînements, leurs promenades sur les terres Etelkrus et leurs rire et... ça.

Holly était désormais partagée entre plusieurs sentiments : L'incompréhension, liée à cette distance mise, la colère, liée à ce silence, cette envie de le choper et de lui faire cracher le morceau qui faisait gonfler d'agacement son pelage bouclé...
Mais surtout la tristesse.
Il lui manquait, Méri.

Il lui manquait autant que ces bois semblaient lui manquer, à lui.

Alors cette fois ci, elle l'avait suivi, discrètement, silencieuse, prenant garde à ne pas marcher sur les branches sèche. Entre eux, toujours cette distance respectable pour ne pas le laisser percevoir sa fragrance.
Pour le moment.

Dans les bois, elle l'interpella, la voix plus tremblante que ce qu'elle aurait souhaité.

- Méri.

Dans un premier temps, Holly fut rassurée de cet arrêt, de ce sourire sur les babines du mâle à l'armure. Au moins, il ne semblait pas être en colère contre elle.
Dans un second temps, pourtant, cette attitude la perdit un peu plus : Pourquoi l'évitait-il, si entre eux il n'y avait pas de ressentiment ? Elle souffla et s'approcha de lui, le cœur serré.

- Tu m'évites.

Ce n'était pas une question.
Elle n'avait aucun doute, sur ce fait.

- Pourquoi tu m'évites ? Pourquoi je n'existe plus, tout à coup, alors que tout allait bien, qu'on est même pas engueulé ni rien... je... Je comprend pas. Qu'est ce qu'il se passe ?

Qu'est ce qu'il se passait, dans sa petite tête blonde ? Ouais, c'était ça la vraie question.
Que s'était-il passé, depuis les entraînements, depuis la cape qu'elle avait confectionné pour lui, depuis cette promesse qu'il lui avait faite, à l'aube de son admission chez les Etelkrus ? N'était-ce que poudre aux yeux ?

Elle souffrait.

Bien sûr que oui, elle s'en souvenait, de cette période.
Elle était encore si jeune, à ce moment là, c'était la toute première fois qu'elle quittait les terres Etelkrus et elle avait fait la rencontre de ce beau loup à l'armure dorée. Il n'avait pas fallu grand chose pour qu'elle se retrouve attirée par lui, une amourette adolescente, avant qu'il ne disparaisse, momentanément, de sa vie, et qu'elle ne se laisse aller à d'autres amours.
Et c'était très bien ainsi, se disait-elle. Elle aimait profondément celle qui était, aujourd'hui sa compagne et ne comptait pas la blesser.

Peut-être qu'elle risquait de le faire, pourtant, en continuant de chercher Méridor, dans cette forêt, en appréciant ces moments passés en compagnie. Par ce que ces choses là ne se décidaient pas.
Et pourtant, elle aimait Alex. Oh, par Dairo, ce qu'elle aimait Alex.

Hollyhock s'approcha de Méridor, l'échine gonflée, et les larmes alors retenues roulèrent sur ses joues. Elle aboya.

- C'est quoi cette excuse de merde. Tu penses vraiment que tu puisses prendre des décisions comme ça avec des prétextes aussi pourris et juste me balancer que tu es désolé ? Et Pepper, et Anette qui t'ont fait confiance au point de t'accepter parmi les nôtres, tu vas aussi leur dire que tu es désolé ?

Elle inspira profondément, reprenant son souffle pour mieux poursuivre.

- Tu savais déjà que j'aimais Alex, avant même de venir chez les Etelkrus. Et malgré ça, tu m'as promis, tu m'as promis, putain, que tu ferais tout pour me rejoindre. C'est quoi, pour toi, une promesse, Méridor ? C'est un truc que tu peux balayer comme ça, quand ça t'arrange ? On t'a intégré parmi les nôtres, bordel ! Tu veux vraiment retourner dans tes bois pourris, tout seul ? C'est ce que tu veux ?


Ses oreilles se plaquèrent sur l'arrière de son crâne.

- C'est quoi, la vraie raison de tout ça.

C'était trop facile.
Trop facile, de revenir, comme ça, un beau jour, de mettre les fautes sur les autres lorsque l'on assumait pas ses propres décisions... Ou plutôt sa propre indécision. Elle ne l'avait jamais connu sûr de lui, Méridor, sans cesse à hésiter, à remettre à plus tard ce qu'il pouvait faire le jour même, par peur ou par lâcheté, loin de l'air qu'il cherchait, parfois, à se donner.
Elle l'avait aimé. Peut-être l'aimait-elle, tout en aimant Alex, en venant le chercher dans ces bois.
Elle l'avait aimé. Mais l'amour n'était plus.

Elle le détestait. Il la dégoûtait.
Elle ne pleurait plus, fit quelques pas en arrière.

- Tu te cherches encore des excuses. Tu te cherches toujours des excuses.

Elle s'essuya les yeux du revers de la patte.

- Ta chère famille te manque, mais tu as bien descendu ta mère, lors de ton admission.

Elle s'approcha de lui, grondant, menaçante.

- Tu ferais mieux de t'en aller tout de suite, Méridor.

C'était clairement une menace.