Miom miom l P.V. Prudence

Il pouvait se montrer agaçant par moment. Ce petit reptile sauvé de la moquerie des siens. Car lorsqu’il avait quelque chose en tête, il n’en démordait pas.

Prudence fronça les sourcils, avant de lever le museau pour observer de haut son petit serpent qui sifflota de mécontentement.

Lui voulait manger, quand elle voulait observer les fleurs de l’île.

« — Si tu n’es pas content, c’est la même chose Peter ! »

P’tit serpent qui se prenait pour un prince. La Licorne continua d’avancer, laissant libre choix à son familier de la suivre ou pas. Qu’importe. Il trouverait bien de coin se faire un repas ici, en espérant qu’il ne serve pas d’amuse gueule au gardien de la déesse… Mais la louve avait d’autres soucis en tête.

En entendant un autre loup la héler, elle fit volte-face, pour observer l’oiseau bleu. OH ! P’pa il en avait parlé, de son disciple paon, un ami. Il en avait tellement des amis Teddy ! Prudence était bien trop contente de rencontrer un autre loup pour remarquer que son interlocuteur était un poil grognon… La Licorne s’avança vers le solitaire, sautillant presque, arrêtant sa truffe à quelques centimètres de la gueule du bleu (parce que bon la notion de distance et d’espace vital… on repassera avec Prudy).

« — Oh, vous devez être Asclepia ! Mon père m’a parlé de vous, j’espérais pouvoir vous rencontrer lorsque nous étions encore à la savane… mais je suis enchantée que nous nous rencontrions ici ! »

Et Prudy ne mentait pas.

« — J’envisage de devenir disciple de la Tigresse, mais je pense manquer encore d’entraînement… »

La jeune louve était heureuse de voir autant d’énergie chez un autre loup. Un éclat de rire lui échappa, alors qu’elle faisait des petits mouvements sur place, prête à faire tout ce lui dirait le loup-paon.

« — Bien sûr ! Dans la savane ou ici, ce n’est pas très grave au final ahah, peut-être mieux pour vous, mes soeurs et moi aurions tiré vos plumes… »

Les vilaines chipies qu’elles étaient…
Des monstres ? Dans le grand nord ? Prudence pencha sa tête sur le côté. Oh, c’était pour cela que maman ne voulait pas approcher du grand froid ? À cause des monstres là-bas ?

Mais Prudence n’a pas le temps de poser davantage de questions, car une révélation est faite.

« — Papa… a eu… une liaison avant maman ? »

Ah. D’accord. Vraiment su-per papa.
Mais après tout, c’était un disciple de Moiro, du charme et de la grâce. C’était peut-être normal chez les disciples de la tigresse d’avoir plusieurs aventures avant de finalement fonder une famille ? D’accord, Prudence se prêterait au jeu, comme l’avait fait son frère.

Un babine vint étirer ses babines, alors qu’elle bat doucement des cils.

« — Vous semblez très doué en effet, m’apprendriez-vous à être tout comme vous, digne de la Tigresse ? »

Flatter l’égo, ça avait toujours marché jusque-là.

Il est doué le loup-paon, Prudence doit reconnaître son talent.

« — Maman elle laisse pas n’importe qui l’approcher, t’as intérêt à être vraiment très très doué pour la convaincre ! »

Vraiment très doué.
Parce que des fois Prudy, elle se demandait comment papa il était parvenu à la dompter sa maman Licorne…
Hypnotisée par les gestes du loup bleue, la louve sent ses babines s’étirer en un sourire au contact, alors que sa queue tressée remue doucement. Oui, il était incroyablement doué, ça là-dessus, ils étaient biens d’accord !

« — Prudence. Mais tu peux m’appeler Prudy, c’est plus mignon après tout. »

Les cils battent doucement, alors que Prudence s’exprime d’une voix douce. Oui, Prudy c’était tout mignon et bien plus simple à prononcer. À la question sur ses motivations, la louve se rapproche.

« — Parce que je suis la louve la plus mignonne que tu aies rencontré jusqu’ici… n’ai-je pas raison ? »

Un petit sourire, alors que son museau n’ait qu’à quelques centimètres de la truffe du loup-paon.
Il y avait tant de raisons en réalité. Peut-être étais-ce parce qu’elle voulait être comme son papa le lui avait dit si souvent, la plus jolie ? Ou parce que Moiro lui avait bien dit qu’elle attendait son épreuve lorsqu’enfant elle était venue la voir ? Ou prouver que les Licornes étaient les plus belles créatures qui peuplaient ces terres ? Que la beauté ne s’arrêtait pas uniquement au physique, mais qu’il était incroyablement beau de voir la volonté chez les autres ? Tant de raisons, qui faisaient que Prudence ne se destinait ni à Ao, ni à Mido, ni à aucun dieu Etelkrus qui peuplait ces terres.

Oups.

« — Peut-être bien… »

Ce n’était peut-être pas une bonne chose de lancer de tels défis au loup-paon qui semblait vraiment capable de tout… La Licorne aurait peut-être le temps de prévenir ses parents du projet du solitaire avant que ce dernier ne mettent ses plans à exécution... ou peut-être pas...

Les yeux mauves de la jeune louve suivent le non formé de la griffe du disciple de Moiro. Il voulait vraiment en savoir plus. Beaucoup plus. Très bien. Prudence lui adressa un petit sourire d’excuse.

« — D’accord alors- »

Prudence inspira à fond, prête à déverser toutes ses raisons de A à Z vu que visiblement c’était ce qu’attendait le loup-paon. Que les choses sérieuses commencent alors !

« — Je n’ai rien à prouver au monde, mis à part peut-être que les licornes sont les êtres les plus mignons de la terre - t’es pas d’accord ? -. Si je fais ça, c’est pour la grande et belle Moiro, pour lui montrer qu’on peut être belle tout en étant forte. Oui, je veux faire du rose une démonstration de force, pour prouver à la déesse que si la beauté n’est pas immortelle, la volonté, elle, ne ternie jamais. Je ne veux pas réussir en étant belle, mais parce que je le veux. »

La louve sourit gaiement à son interlocuteur.

« — Et pour cela, je suis prête à tout ! »

Absolument à tout.

Alors maintenant que lui réservait donc son interlocuteur ?

Qu’allait donc bien lui enseigner le loup-paon ? Pourrait-elle à son tour se mettre sur son arrière train et applaudir ? Ou exécuter d’autres petites pirouettes pour impressionner la déesse ? Prudence pencha la tête sur le côté tout en s’interrogeant sur ce qui allait l’attendre. La solitaire suivi le bleu parmi les roses, prenant garde à ne pas les abîmer en passant. Elles étaient si belles… Puis il serait bien dommage de nuire au travail de son père et de son amie.

Pour être fort, Prudence, sais-tu ce qui est important ?

Bien que son interlocuteur ne la regarde, la Licorne essaya de déchiffrer ses intentions. Si c’est mental, le plus important est…

« — La détermination ? »

Les yeux mauves se posent sur une abeille venue butiner, avant de compléter sa réponse.

« — L’on arrive à rien, si on n’a aucun désir d’atteindre son but. »

Être plus fort que les autres ? Prudence penche sa tête sur le côté cherchant à comprendre où voulait en venir le loup bleu. Être plus fort, cela voulait dire surpasser, sans user de la force, il fallait donc user de son esprit. La louve réfléchit à la problématique posée, alors qu’Asclepia lui donne une plume avec une nouvelle énigme. Que faire avec celle-là ? L’observer ? C’était une plume…Utile pour écrire si trempée dans l’encre… Mais cela pouvait également être un accessoire… Hum… Un sourire vint étirer les babines de la solitaire.

« — Je dois réfléchir au meilleur moyen de la mettre en valeur. Que ce ne soit pas trop flagrant pour que cela paraisse déplacé, mais pas invisible non plus, afin qu’elle se voit. Il faut trouver le juste équilibre, pour faire de cette plume un moyen d’accroître sa beauté. »

Prudence observe le loup. Avait-elle bien répondu ou continuait-il d’attendre une autre réponse ?

Oh… Elle n’avait pas vraiment compris l’exercice… Prudence adresse un sourire d’excuse à son mentor qui s’avère bien patient. Au moins hérite-t-elle quand même d’une jolie plume qui vient se glisser derrière ses cornes.
Tout le monde à un prix ?
Donc il suffit de les acheter ?
Les sourcils de la Licorne se froncent légèrement, lui donnant un air un peu plus sérieux.

« — Oui mais, Asclepia, ça veut dire que je devrais mentir des fois pour obtenir ce que je veux ? »

Le mensonge, ce n’était pas vraiment sa tasse de thé… son côté Licorne n’était jamais vraiment très pour et lui faisait regretter ses piètres tentatives.
Asclepia continue de développer son raisonnement, alors que la jeune louve l’écoute avec attention.

« — Oui, je pense comprendre. »

Alors très bien, avec une personne qu’elle connaissait et comprenait. Facile.

« — Par exemple ma soeur Agathe ne veut pas qu’on lui prenne des morceaux de cristaux, mais je sais qu’elle adore manger. Donc si je lui donne une sucrerie qui saura lui apporter satisfaction, je peux exiger en retour un de ses cristaux. »

Bien maintenant quelqu’un qu’elle connaissait, mais ne comprenait pas… Hum, plus difficile, elle avait l’impression de comprendre la plupart des loups qu’elle rencontrait. Toutefois, il n’y avait pas que des loups sur ces terres…

« — En revanche, j’ai souvent entendu parler d’Ao. Ma maman en est disciple, pour autant, je ne la comprends pas vraiment. Mais c’est une déesse non ? Donc j’imagine que ce qu’elle veut… c’est qu’on lui soit loyal ! Je pense qu’on peut espérer la rejoindre si l’on sait faire preuve de loyauté et de respect à son égard, non ? »

C’était compliqué de savoir ce que voulaient réellement les dieux après tout…