Bon Voyage | Libre.

Ca f'sait longtemps, Teddy.
Ca s'fait longtemps que t'avais pas amené ta vieille carcasse sur l'île de ta déesse.

Il t'avait fallu croiser Asclepia pour qu'tu t'en rappelles, te souvenant par la compagnie de ton ancien apprenti que tu n'avais pas été dire "Hey, salut beauté" à ta déesse depuis un bon moment. Qu'elle t'en excuse ! C'que t'avais été bien occupé, et sans doute te pardonnerait-elle sans peine ton absence à ses côtés après tout c'que tu avais bien pu faire pour elle.
Toi, ô grand Teddy ! Refleurisseur de ses terres, par bien des graines semées là en bonne compagnie ; concepteur de jarres et d'un système de récupération d'flotte de pluie, encore et toujours en bonne compagnie (parce que tu ne méritais que ça, eh!). Architecte de jardin, innovateur de première classe ! C'que t'avais pu bosser, ici.
T'épuisant à la tâche sous le soleil de l'été, laissant tes muscles saillir sous tes longs poils collés de transpiration comme tout digne mâle viril.
C'était avant qu'tu deviennes daron, tout ça.
Et que tes journées ne soient occupés plus qu'par les trois merveilleuses petites filles (les plus belles, les plus formidables, les plus parfaites des enfants, en toute objectivité. Bref, tes petites chéries.) que ta Licorne avait mise au monde, remplissant votre foyer d'amour et de rires d'enfants.

Mais ce temps était révolu, hein.
Bien qu'à c'jour, tu t'occupais encore d'un p'tit gars, fils adopté qu'tu chérissais tout autant qu'tes autres enfants, n'ayant jamais fait de différences entre eux. C'que t'avais assez d'bon cœur pour tout l'monde, et une paternité de compétition !

Y a un grand sourire, qui étire tout le coin d'une de tes babines, soulignant les rides au coin de tes yeux alors que tu cesses ton vol pour te poser au sol, repliant les ailes roses et spectrales contre tes flancs musclés. Ca t'donne un air ravageur, t'le sais bien et c'pour ça que tu le fais.
Quand on parcourait les terres de la déesse de la beauté, fallait s'donner l'air d'un beau gosse absolu.
Tu t'étais même bien apprêté, brossant ton pelage et peignant tes cheveux violets et sel.

On te lisait un certain âge, mais la jeunesse de ton esprit te faisait rester aussi frais et pimpant qu'au début de ta life.

D'un pas rapide, tu trottes parmi les rosiers. T'enivres de leur odeur, comme tu cherches celle de la prêtresse de cette île. Elle te semble être tenue ; t'la sais aussi pleine de jeunesse que toi et espère qu'il ne lui ait rien arrivé. Te doute que non, cependant : au fond tu penses que tu le saurais, que Moiro au travers de ton glowstick rose te l'aurais fais comprendre.
Ouais. T'allais pas assombrir tes pensées pour si peu, quand même. Elle allait bien, Anianka, elle était juste partie t'sais pas où.
Puis ça voulait pas dire être seul sur l'île, en plus.

R'garde, devant toi.
Y a quelqu'un qu'tu connais pas.

Et ça fait longtemps, que t'as pas vu d'autres têtes que celles que tu connaissais déjà ! Il est rentré dans le temple et s'était approché de la fontaine ; tu y pénétras à ton tour et t'en approchas sans trop faire de bruit.
'fin.
Jusqu'à ce que ta voix éclate, du moins.

« On vient vénérer plus douce et plus charmante déesse de ces terres, l'ami ? »

Tu t'es stoppé quelques mètres en arrière. Plus sympathique qu'hostile (on retenait souvent de toi que t'étais un bon gars), lui adressant un sourire et des sourcils haussés en guise de questionnement.
C'qu'il portait pas les couleurs de ta déesse.
P't'être était-il venu aujourd'hui y prétendre, qui sait.

Il suffisait souvent d'entendre ta voix suave et si agréable à l'égard des tympans pour qu'on ait envie de valser sur soit-même en un parfait demi-tour, ce que le jeune mâle ne manqua pas de faire. Et le voilà déjà subjugué, cet éphèbe égaré en ce temple, à te détailler sans un mot. Un instant, de quoi laisser ses yeux s'imprégner de la beauté de ta carrure.
Puis déjà il se ressaisit, laisse son corps s'habituer au sex-appeal que tu dégages pour venir jusqu'à toi. Sa queue bat sans doute au même tempo de son cœur, rapidement, et le sourire vient prendre place sur ses babines, en miroir du tien. Empli de joie, ah, qu'elle était bonne à voir !
Allez Teddy, ça suffit le théâtre, on s'concentre.

Tu l'écoutas parler, visiblement curieux quant à ton superbe glowstick que tu chérissais chaque jour un peu plus. Il était bel et bien solitaire, désireux d'en apprendre un peu plus sur les divins. Qui de mieux pour le comprendre que toi, Teddy ?
Toi, qui fut si longtemps solitaire. Toi, qui naquit dans une meute où les dieux étaient mal vus et où il te fallu les découvrir auprès d'autres ; multipliant les rencontres et les discussions à leur sujet, assistant à quelques représentations divines en des combats menés pour eux.
Ça remontait à un temps si ancien, tout ça, et ça n'était pas qu'une impression.
Tu hoches la tête, juste avant qu'il ne décline son identité, t'incite à parler un peu plus de ton allégeance à Moiro.

« Teddy, solitaire des plaines désertes, et ayant ma foi donné celle-ci à la Tigresse il y a bien huit ou neuf ans de ça. »

Déjà, ouais. Tu te mets assis, laisse ta queue tomber droite derrière toi. Ton museau se redresse, vers la représentation de cette déesse tienne.

« Et comme toi, c'est la curiosité qui me poussa auprès d'elle. Sa prêtresse, aussi, qui m'apprit à devenir bon disciple de la déesse rose. Avant de pouvoir prétendre à l'un des dieux, il faut après tout saisir leurs valeurs.
On a déjà eu occasion de toutes te les apprendre, Sésame du bord du mer ? »

V'là que tu te plaçais un peu comme un professeur des dieux, Teddy. Prêt à user de tes expériences et de ta vie passée pour offrir réponses à ce mâle en quête de renseignements.

C'est en ça, que tu faisais si bon disciple de la Tigresse, Teddy.
En ta capacité à rendre important les autres, parce que l'espace d'un instant...Bah ouais, ils l'étaient vraiment. Tu posais sur eux un regard aussi entier que désintéressé, ne cherchant qu'à voir à quel point ils étaient formidables -ce reflet, que tu renvoyais dans tes yeux-, que tu savourais ce temps en leur compagnie sans chercher à fuir la conversation. Une certaine forme de séduction, qui au mieux flatté un peu le cœur, mais jamais ne laissé trace d'une moindre séquelle.
Ouais.
Par ta simple présence, tu aimais obtenir attention et satisfaction d'un échange bien tenu, d'un bon moment passé ensemble, aussi succinct soit-il. Plus que ta façon de t'entretenir si merveilleusement bien -regardez moi ce poil et ces cheveux brillants, vraiment-, c'est ça qu'avait vu en toi ta déesse, t'en étais certain.

V'là en tout cas que tu l'écoutes, prêt à tendre une patte forte à ce jeune homme solitaire, pour lui inculquer tout c'qu'il était nécessaire de savoir quand on trainait sur ces terres. Avec cette même patience, dont tu avais fait preuve tant avec tes apprentis que tes enfants.

« Il est vrai que les Etelkrus sont peu ouverts à ceux qui ne naissent dans leurs rangs, il est donc difficile de s'approcher de leurs dieux. Laisse-moi t'apprendre qui il sont ! D'abord, Aka, le Grizzli. De rouge, représentant la force du corps. Puis Kiro, le jaune anaconda, entretenant la vitesse et l'agilité. Les vertus les plus physiques se trouvent chez eux.
Envient vient Dairo, la renarde d'orange. La ruse et la manipulation, pour aller avec leur stratégie militaire. »

Tu n'juges pas. Si ton amie, Anianka, n'avait jamais porté cette meute dans son cœur... Tu avais eu l'occasion de te nouer avec Sir (rien qu'ça !) Athelstan, durant une quête particulière ayant uni loups de toutes meutes.
De ce fait, tu n'avais jamais rien eu contre eux. Ni ami, ni ennemi. Parfaite neutralité que voilà.
Tu hoches la tête, devant ce qu'il sait de Mido et de Moiro. Partage un peu son avis, sur le dieu vert.
Par son inaction, il t'avait retiré une fille. C'est dur, d'oublier qu'il ne faut pas le détester.

« Reste donc Ao, la dragonne bleue, ayant pour valeurs la vivacité d'esprit et de détermination ! Et v'là la collection complète. Ah, si ! Yurai, d'sagesse et de tempérance, la déesse des Nakhus. Violette.
C'est un glowstick auquel j'n'aurais pu prétendre que maint'nant, ahah ! »

Dixit celui qui avait su, pourtant, toujours se montrer sage dans les moments opportuns.
La question, et le compliment qui s'ensuivent dans la gueule du solitaire, te font plisser les yeux. Voilà que se souligne davantage les coins de pattes d'oies discrètes, te donnant l'air un peu plus de Yurai, tiens. Un sourire s'étire, quant à lui, aux coins de tes babines.
T'voilà bien réjoui, mon bon Teddy.

« C'est exact ! Et c'est preeesque si avec de tels mots, tu n'saurais pas déjà digne de la Tigresse. »

Il sait flatter et son phrasé est beau.
Ton museau se fronce et ton air se fait taquin.

Aah, il ne savait à quel point il se trompait, ce minot ! Bien sûr, que Moiro l'aurait écouté, aussi solitaire soit-il. Elle n'avait d'appartenance aucune à une meute, libre de faire siens tous les loups à son goût qui serait venu à elle. Lui servir quelques beaux mots, venir bien apprêté, porter comme appartenance celle à la gente masculine, et la déesse comblée s'ferait alors. Tu la connaissais bien, à force ! C'est pas comme si tu venais régulièrement la voir pour la vénérer de quelques flatterie, de manière toujours impeccable.
Ta présence, ici-même, était loin d'être un hasard.
Qui sait si Moiro elle-même, n'avait pas espéré te voir ici pour guider vers elle ce jeune mâle. Nan, allons, n'fabulons pas trop !

Il n'avait pas l'air prêt, à rejoindre les rangs de la Tigresse. Mais qui sait, Teddy, il pourrait bien te surprendre.
Preuve étant, n'était-il pas des plus intéressés, en ce moment présent ?
Tu l'écoutes, un air paisible sur ton visage (de beau gosse viril).

« Si la Tigresse apprécie que l'on prenne soin de soit, du moins qu'on lui vienne avec une tenue impeccable, elle n'attend par chance de ses disciples le bagout. Ma dame est mon unique, il n'aurait pu en être autrement ! Et sans doute m'aurait-elle éconduit, si ça l'avait été, ahah ! »

Ton rire est fort et ta patte portée à ton poitrail se soulève vivement, tapotant ton épais pelage lustré. Il est évident que si tu avais été un couard queutard, ta Licorne sans doute t'aurait empalé bien tôt, voir n'aurait laissé entrevoir la moindre chance de relation autre qu'amicale. Mais tu n'avais jamais été de ce genre, mâle contrôlé qui s'voulait loyal et fidèle, amoureux unique et transis de sa femelle.
Dans une étincelle voilà ensuite que ton regard s'avive, à la façon dont il se décrit avec une objectivité que tu veux bien lui accorder. Te pose une question, quant à l'intelligence sociale.
Tu souris, un smile charismatique comme on t'en connait tant.

« On peut dire ça. De toutes les épreuves, elle est la seule qui demande une prestation de celle-ci. »

Tu t'es levé, cesse de te tenir sur ton séant. Tu fais un pas, vers la fontaine, jette par dessus ton épaule un œil qui brille.
Et avant que Sésame ne te demande en quoi constituait cette épreuve, tu te permis de le prendre d'avance.

« De mots, d'un chant, d'une attention ou d'un récit bien mené, il faut charmer la déesse même. L'on pourrait penser frivole telle épreuve, et pourtant tu le dis si bien !
Il faut posséder cette intelligence.
Celle qui permet l'empathie et la compréhension d'autrui, amenant une adaptabilité de sa personne. Sous leurs airs superficiels, les disciples de roses sont à même de reconnaitre l'état mental de leur orateur et de s'y adapter. Certes, de manipuler ou de jouer la comédie, mais aussi d'être capable un instant d'offrir le meilleur d'eux même pour offrir à quiconque les mots dont il a besoin. »

Tes babines se froncent et ta langue se tire. A nouveau, te voilà plein de malice, Teddy.

« Porter le rose, ça veut dire être capable de montrer la beauté, tant par le corps que par l'esprit. »

Et par certains mots, tu sais...
On sauve des vies.

Un instant, Sésame emprunte le visage de tes filles, celui qui leur parvenait à la fin d'un récit dont elles n'avaient compris toutes les notions. Un brin de confusion, un ersatz de doute, une effusion de questions. Venait ensuite la prolifération orale de celles-ci...et c'est ici que se stopperait cette ressemblance.
Le jeune mâle resta dans sa tempérance et toi dans ta patience, accueillant d'cette même oreille attentive tous les mots qui lui vinrent. Tu le sens, qu'il te fait confiance. A cœur ouvert il te dévoile ce qu'il ne sait pas, sans l’orgueil de celui qui préfère se taire et rester sot plutôt que de chercher lumière prêt d'un autre. Il sait, que sans jugement tu intercepterais ceux-ci, et lui offrirait un peu d'une sagesse apportée par l'âge (plus encore, par l'expérience).
Et à la fin...
T'as encore un de tes rires bref, pour soulever tes épaules et les abaisser dans un soupir, ne laissant derrière lui qu'un grand sourire et ta gueule ouverte.

La tête penchée sur le côté, le museau dirigé en direction du visage divin, tes iris améthystes glissent sur lui.

« Non, Sésame du bord de mer. La déesse n'a pas de critères, seulement un concept. Et comme tout concept, celui-ci est à notre libre interprétation. Surtout... A notre libre représentation.
Si je demande à cinq loups de me décrire la beauté, j'obtiendrais cinq réponses différentes, j'en met ma patte à couper. Et toutes seront bonnes, bien sûr ! A leur façon, ils seront capable de me montrer ce qui est beau -une louve, l’œuvre d'un peintre ou d'une toile d'araignée sous la rosée du matin ?-, tout comme ils pourront me montrer ce qui fait la beauté de chacun.
Et la déesse, elle...
Elle acceptera toute ces idées, tant que toi, ouais, même plein d'imperfections, tu sais que c'que tu lui présentes est beau. »

Tu aurais pu te perdre dans un plus grand discours encore, Teddy. On sent dans tes mots, dans la façon dont tu gagnes parfois en tonalité, à quel point tu te passionnes pour ta déesse. Tu lui dois beaucoup et tu lui rends bien, la prêche dans toute ton honnêteté et ta spontanéité qui fait de toi le gaillard que voilà.
Tu reposes tes pattes au sol, toi qui t'étais même redressé pour appuyer tes mots avec celle-ci. Ta reprise de parole se veut plus calme, allant à la frontière de la sérénité.

« Quant à faillir à notre mission...Faudrait-il que nous en ayons une, eh. Elle ne nous demande même pas de la prêcher auprès d'autres, bien qu'elle est toujours heureuse des louanges faites au pied de sa fontaine et des cadeaux qu'on lui offre.
Nous devons juste garder la foi à son égard, et la remercier à notre façon de l'aide qu'elle nous apporte.
De ce fait, ou plutôt d'mon point de vue... Il est en notre devoir de veiller sur son temple et d'embellir ces terres, et ne pas lui porter préjudice aux travers de nos actions. Porter un glowstick, c'est après tout r'présenter un dieu et tous ses disciples. »

Ton immobilité cesse et tu finis par lever une patte, celle située du même côté que ton interlocuteur.
Les coussinets vers la voute du temple, les doigts en direction de la fontaine.
Il te reste une dernière chose à dire, et il te faut l'accompagner de tel geste.

« En bref, de tout c'beau discours!, retiens que pour savoir si l'on mérite un glowstick... Il suffit de se présenter au dieu, avec l'assurance d'être accordée à ses valeurs et la volonté d'écrire une page de son histoire à ses côtés. »

C'est quelque chose qui s'tente, tu l'sais que trop bien.
Quand Yurai resta silence dans ta jeunesse. Quand Moiro se fit paroles, même quand tu fus loin de ses rangs.
On finit par comprendre, auprès de qui est sa place. Tout comme on peut aussi comprendre, qu'elle n'est pas auprès d'aucun dieu.

Ainsi se voulait la liberté de votre continent.