Au vitriol ☾ Méridor

Le matin l'avait mené aux abords des frontières de sa vasque, dont iel se faisait partage du Raptor et des disciples. Partant quérir quelques livres, se donner baume au cœur par quelques poisons de vices et de nouveautés faits. Jusqu'aux terres Nakhus se voyait déjà aller, diantre froid et humidité gonfler son poil, et voir défiler chez les autres les couleurs de l'automne.
De fatigue alors fut-iel frappé. Étrange et soudaine ! Alourdissant ses pattes à les lui faire trainer. Un effort, la sueur à ses tempes et l'impression d'avoir couru des kilomètres alors qu'un mètre, un seul, eut été fait dans son dos. De faire demi-tour, s'en allant au repos ; souvent la maladie lea frappait et l'endurance n'était point.
De forme, de retrouver.
D'intellect, de comprendre qu'à sa vasque, iel serait alors coincé, par ce sort venu encore mettre à épreuve son existence.
Mais iel tiendrait bon.
Iel avait prit l'habitude, de survivre.
Une contrainte, parmi tant d'autres, que celle toujours d'être piégé dans un faible corps.
Ce fut le premier échec.
Le second touchait à ce faible corps, justement, ah! parlons en.

On aurait même pu le classifier comme premier, que de se retrouver là quand ailleurs était la famille. Ah, parti sans iel sur des terres hostiles, en conquête de gloire. Mais la santé ne suivait point, de ce fait c'est en position de membre inapte du groupe qu'iel se serait rapidement trouvé.
Et devant la famille, iel n'aurait pu accepter moindre échec. Pourtant savait, que d'autres brilleraient à sa place devant les yeux de Mère, et ça Isrâ guère ne pouvait le supporter.
Au moins iel se trouva une chance certaine (quoi que minime), qu'elle fut parti sa famille, quand...

Troisième échec.

Le piège se referma sur sa patte et iel décolla du sol.

De ce qu'iel avait installé aux abords de son chez-iel et de la tombe d'une enfant dont le deuil, jamais ô grand jamais, ne sera sans doute fait correctement, dans la discorde de sentiments et d'émotions déchainés autour d'elle. Son cri de surprise avait fait s'envoler les corneilles, et maintenant iel suspendu se trouvait être.
Ça n'avait été qu'un moment d’inattention, alors que les yeux d'ambres tantôt sur la chevalière offerte par un père disparu, tantôt sur le chrysanthème blanc et beau qu'iel tenait en gueule, s'étaient laissés égarés sur des pensées que son esprit affuté n'auraient dû perdre de tant à traiter, car de réponse iel n'y trouverait pas.

Maintenant la fleur est là, au sol et éclatée.

Le sang afflue et bat à ses tempes, le vertige lea saisit mais il n'est dû à cette prise de hauteur aussi surprenante qu'idiote. C'est chose qu'iel aurait pu éviter et iel le sait, pour être à l'origine de la mise en place du système. De sa pensée, de sa conception, de ce qui se retourne aujourd'hui contre iel.
Comme si son existence, une fois n'est pas coutume, lui rappelait à quel point iel tenait à peu de chose. Que là où iel aurait pensé trouver atout, diantre ! le perdait au profit d'un malheur nouveau.
La rage aussi, finalement, en venait à lea secouer, à faire naître ses larmes associées au coin de ses yeux d'or.
A lea rendre quelque peu honteux, de se trouver si inconfortable.

Pathétique.

A iel aussi, ce mot aurait pu être associé. Mais contrairement à ce frère approchant, s'y refusait obstinément.
Parce qu'iel ne voulait plus être lea faible de sa portée, mais subsistait à cette place.
Parce que chacune jour était une lutte, que de plaire à Mère, que de jalouser cette puterelle de bas étage qui accaparait bien trop de son attention et ne lui laissait que des miettes à se partager misérablement avec ses sœurs. Que de survivre, quand on ne possède ni force ni endurance ; seulement la magie d'un glowstick qui su s'adapter et l'intellect aussi aiguisé que des griffes de Raptor.
Que de vivre, quand subsiste une éternelle malchance qui n'est pourtant dû à un quelconque mauvais oeil, pour s'y être déjà penché.

Iel souffle par ses narines un soupir exaspéré, alors que la vue brouillée voit apparaître une silhouette qui dans un pincement iel prend d'abord pour Père.
Père, dont le souvenir subsiste dans cette bague autour de son doigt, et rien de plus.
Père, qui n'est plus car voilà Frère.

La déception est aussi immense que la colère lui revient plus forte encore.
Et presque aurait-iel lancé sur lui le stylet, pour le transpercer.
Là, aussi gratuitement que d'aide il lui portait pourtant.

La lèvre inférieure tremble et iel serre un peu plus ses pattes contre son poitrail. Tenant encore un instant à sa survie, se sait dépendre des autres pour celle-ci.
Quelques minutes à s'engorger du tumultes de ses émotions, de tout ce qu'iel contient et fait bombe dans son torse. Un cri contenu entre ses crocs quand sa tête fuse vers le sol, avant qu'il ne lea rattrape.
Lea fait descendre.
Jusqu'à ce que le sol soit retrouvé.

Et maintenant ?
Maintenant, Isrâ reste un instant allongé, la tête tournée de façon à ce qu'il ne voit l'expression qui contorsionne ses traits. Reprend ses esprits, c'est nécessaire pour mieux briller.
Devant ce belître qui lui revint, diantre il n'était point trop tôt.
Se fait butor dans sa question, quelle inspiration pleine de violence qu'iel prend alors et que presque l'on confondrait à un sanglot. Et il s'approche !
Ne lui manquait plus que ça.

Isrâ se relève et s'époussette, plisse ses yeux. Reprend son souffle et ses couleurs, reprend surtout contenance et orgueil.
S'iel allait bien...
Le sourire se distend, va grand sur ses lèvres. Traverse son visage, là, jusqu'aux pommettes !
S'iel allait bien...

« Pardi ! Pourquoi cela n'irait donc point, Méridor. »

La gueule se tourne, emporte avec lui le visage dans son cou qui se tord. Jette un regard, là, derrière son épaule. Le pose sur lui.
Et le dévoile.
Son sourire. Ravissant, du bout des crocs.

« Cela fait si longtemps, après tout ! Mon cher..mon tendre ! Petit faquin de frère. Qu'aurais-je fais sans toi, en cet instant ! »

Et les mots se soufflent avec dureté, sont crachés entre ses crocs. Le ton s'embrun de mesquinerie profonde, de haine palpable qui suinte sous sa langue et qu'iel fait claquer contre son palais.
Iel se retourne, exécute un pas vers lui en avançant davantage une épaule. Dégage de son visage aux traits fins quelques mèches rouges épaisses, échappées du chignon ne tenant plus à grand chose.

« C'est après tout journée merveilleuse qui accompagne ta venue, elle y trouve toute place ! En trouvant suspension dans les airs, en ayant plus de chrysanthème pour fleurir ma petite tombe -oh, mais quel malappris fais-je ! Que de ne t'avoir annoncé que tu étais devenu oncle mais en fait non. Ahahah ! »

Le rire forcé l'égosille presque. Place une patte sur son torse pour marquer à quel point ô s'était amusant, à quel point ô iel le vivait bien. Et se faufile l'instant suivant, plus proche du frère.
Pour gueule contre gueule, presque, se retrouver.

« Allons, je cesse mes facéties. Que t'amène-t-il ici ? M'apportes-tu tes adieux oubliés ? »

Qu'iel se gausse, maintenant !
Qu'iel se gausse.

Je-
Ses babines frémissent et se décortiquent en un sourire cruel, de celui qui s'ouvre pour dévoiler ses dents du fond dans une expression féroce de bête en éveil. Ses sourcils se lèvent et iel penche un peu la tête sur le côté, de ses yeux réduits à des fentes jauge le frère en face de lui.
Regarde son bleu regard, si pâle, quand il bout dans le sien un or en fusion qui palpite et explose.
Et parce qu'il est faible, parce qu'iel dérange, il n'est capable de soutenir ce face à face. Détourne la tête, pauvre petite tâche.
Gougnafier que voilà.

Au moins a-t-il de cesse que de bafouiller, ce frère revenu.
Lui, qui sait s'y mal y faire ! Il avive dans un éclat trop de haine et trop de colère, qui sur le bout des lèvres revient éclore. Si longtemps Isrâ avait entretenu les bourgeons de sa rancœur à son égard, iel ne pensait pourtant que telles fleurs viendraient à éclater.
Elles s'ouvrent comme des explosifs.
Iel parle comme une vipère.
Ne me fuis pas plus longtemps, frère imbécile.
Regarde moi...

« Oui, Méridor, et tu as déjà obtenu cette réponse, quand tu ne m'offres tienne en échange. Ton échappé chez les marauds t'aura-t-elle rendu sot en plus de faible ? »

Exquis sourire. Gueule toujours plus proche de la sienne, frotte son flanc contre son torse pour mieux faire le tour de son corps.
Cherche à planter ses paillettes dans le ciel.

Regarde moi dans les yeux...

« ...Oh, qu'importe, qu'importe ! Je te laisse autre question à ignorer, puisque telle est raison de ta venue ! »

Tu le sens, le venin, tu le sens ?
REGARDE MOI DANS LES YEUX.
Iel lui crache à la gueule sans lui laisser temps pour en placer une, allons, perd ses manières de noblesse pour s'abaisser à ce niveau où se trouvait cette honte à son sang. Peut-être comprendrait-il mieux ainsi !

« Tu dois après tout être bien occupé, à te lamenter encore et encore, égocentrant tes pensées sur le fait que de pathétisme tu ne dois qu'évoquer, au point de ne plus savoir m'écouter. C'est vrai ! Je comprends. Être une petite merde, c'est tout un art, et je vois que tu en deviens grand maître. »

Quel est-ce rire sincère qui franchit les barrières de ses babines ? Quand, la dernière fois qu'iel ne s'était autant vu saisir par l'amusement ? Allons, ne soyons trop de mesquinerie faite.
Ce n'était que poursuite de cette scène qu'iel lui déroulait, alors qu'iel déversait toute la déception qui transperçait son cœur.

Avait-iel eu un espoir, pour ce frère ?
Isrâ n'avait souhaité sa mort, mais n'avait pleinement espéré son retour. Isrâ lui en avait voulu, beaucoup, d'être parti sans un mot à son égard, quand de paroles (iel estimait) puissantes iel pourtant lui avait offerte au jour de leur entrainement. Quand il s'était encore plaint, encore une fois.
Il aurait pu lui revenir un peu plus fort, lui montrant qu'au moins, AU MOINS, son départ avait eu effet sur son corps et son esprit. S'élever, lui aussi.
Iel les avait longtemps pensé pareil. Des faibles, dont la force se trouvait dans le fait de vouloir devenir meilleurs.
Désormais n'estimait que cette fosse entre eux, celle dans laquelle il jetait inlassablement ce qu'iel aurait encore pu lui porter.
De la considération. Du respect. De l'amour. Trop d'amour, à sa manière.

L'ivresse de l'ire lea gagne.
Et trouve en ponctuation ce cri de rage, ce cri du cœur.
Et voit la lame du stylet, dans son emportement, fondre sur lui.

C'est sans doute pour ça, qu'il était venu à iel. Pour ça, qu'il se comportait comme un con devant iel.
Pour trouver de quoi entretenir un peu plus la pitié évoqué, ou se mourir en martyr.


Son pelage est gonflé en même temps que se lève sa queue, haute, arborant le vert qui brillait si malsainement.
Parce que la lame a filée, habile et précise. Elle a filé entre ses cuisses, celles masculines que tant il déteste, et d'une partie à demi...

« Ce n'est pas comme si tu en avais un jour eu. Des couilles. »

..Lui retire.
Sa lèvre inférieure tremble, les yeux sont écartés. Minuscules pupilles qui tremblent. Des mèches qui retombent sur eux, un air de folie qui lea guette. Iel cherche encore la confrontation, cherche à le brusquer.
A l'entendre hurler, PUTAIN, plutôt que de se plaindre.

Iel n'en peut plus.
Iel n'en peut plus, de cette tristesse qui l'éclate.

Le morceau organique git au sol et le sang fait dégénérer tous ses sens. Iel l'entend couler tout comme iel le voit tout comme iel le sent. Le paysage se teinte de rouge et la colère ne désemplit pas.
Et sans doute, sans doute ! S'était-iel attendu à tel revers de cette attaque aussi sournoise que cruelle, aussi traître que le frère. L'avait même espéré.
Pour qu'il cesse de pleurer.
Pour qu'il commence à devenir fort.

Parce que tout était mieux, que de voir son sang ainsi bafoué au travers d'un pleureur ridicule.

C'est dans le cri d'une bête que l'on égorge que se fend alors sa gueule, quand sur son cou se referme la machoire.
Les yeux s'exorbitent un instant, ils regardent ce ciel trop bleu et la cime des arbres en feu tanguer au-dessus d'iel. Puis ils se plantent. Là. Restent figés sur lui alors que sa gorge se déploie, provoque l'envolé des corneilles. Iel s'agite et griffe, des antérieurs labourent le torse. Qu'est-ce ? En comparaison de la blessure du cou de l'un•e et de la couille de l'autre. Rien que des traces, qui s’emmêlent au même titre que ses poils autour de ses doigts.
C'est bon ?
Tu me regardes, maintenant.
Faible, faible Méridor, qui jamais ne pensa qu'à sa petite gueule de connard.
Le stylet est derrière, le stylet peut encore servir. Le stylet peut venir se planter entre les armures, au beau milieu de la distance qui sépare ses omoplates, dans un coup létal qui lui permettrait de retrouver son souffle et de faire taire tant le hurlement que la douleur. Car il ne regarde plus en arrière, celui qui se disait guerrier, préfère se noyer dans cette gerbe de sang qu'iel finit par glavioter sur les blonds cheveux d'un ange qui se voulut paraître démon à ce moment.

Sa gorge est en feu.
Ses poumons périssent. Sa tête explose et sa conscience tangue.
Il n'a plus concentration suffisante, pour le stylet.
Il a de la chance,
Ce faible, faible Méridor, qui se pensait digne quand il n'était que sombre merde.

Yeux d'or en amande, se plisse et se ferment. Ca fait mal, doit-iel bien l'admettre.

Mais iel a connu pire.

Une mise à bas raté. Des heures qui se transforment en jour, à pousser un corps au travers d'hanches trop étroites. A savoir qu'une vie s'étouffe au bas de ses entrailles, ne trouve le chemin dans le corps inadapté. Qu'elle périt, dans le trop plein de sang qu'iel perdait alors. Et ça ne cessait de couler, le rouge et d'autres opaques liquides. Ça lui collait les cuisses comme se collait présentement ses longs poils contre son torse.
Iel était resté•e dans la solitude.

Au moins aujourd'hui avait-iel compagnie d'un frère qui fut chéri.
Iel avait connu pire, oui.

Ça ne serait qu'une blessure à la gorge, et de ça iel s'en remettrait, et de ça iel n'en sera point hanté.
Ce serait court et bref.

Ça ne serait rien. Rien du tout.

Sa mâchoire claque dans le vide quand il l’envoie alors, lea repousse avec violence et lui fait trouver le sol. Là-bas lea voilà échoué, jonglant entre ses vertiges et l’orgueil qui le pousse à rester allongé, tarses sur le sol et postérieurs rejetés sur le côté.
Relève sa gueule, dont coule le sang. Sa gorge est défaite mais iel ne l'est point.

Sa voix devient gargouillis au cœur de son hémorragie, les mots se crachent comme les filets carmins en dehors de sa gueule.

Ses cris ne sont plus ceux de douleur.
La rage dominera...

« TU NE SERAS A JAMAIS QU'UN FAIBLE, MERIDOR, UN BON A RIEN SI CE N'EST A RÉCOLTER UN PEU PLUS DE PITIÉ !
MERIDOR..MERIDOR !! »

VIENS DONC, TU AS OUBLIE DE ME TUER.
MERIDOR, MERIDOR !!
...Et folie l'emportera.