Un froid de canard...sans canard ✡ Meshret

Il n'était plus endormi mais pas tout à fait réveiller, feignant encore le repos pour profiter un ersatz de temps supplémentaire de ce confort enfin trouvé. De la chaleur que lui procurait la multitude de couvertures et de couettes sous lesquelles il s'était glissé, bien tout au fond, ne faisant ressortir d'un pan que le bout de son museau. Le poids des tissus pesait sur son dos et ce leste lui offrait étrange réconfort, de celui qui toujours, encore (on ne le répètera jamais assez), n'appréciait pas les terres du Nord et leur froid trop présent.

Il était bien, là, Désastre.
Vraiment bien.

Il aurait pour une fois apprécié y rester toute une matinée, même si cela aurait voulu dire se reposer plus que nécessaire. Parce qu'il fait chaud, là dessous. Parce qu'on ne le dérange pas, le laisse à un repos qu'on estime qu'il mérite peut-être ; ou parce qu'il tend à ne pas avoir l'air commode, aussi.
Pas méchant, mais pas vraiment sympa non plus, hein.
Il n'en a pas grand chose à faire et ne s'y attarde même pas, au lieu de ça clos les yeux. Profite du fragment de moère qui lui vint quand dans un éclat le partage se fait avec Serpent.
C'est un don nouveau, qu'il incombe à Kiro lui-même.
Parce qu'il savait, son Dieu à qui il avait promit foi, dévotion et protection des siens...que d'amour il portait plus à Serpent qu'à ses semblables. Et qu'ici, Serpent lui manquait. Si la compagnie de Sourire, lui aussi sous les couettes (en ayant fait brûlé une, déjà, il devait faire plus attention), lui était agréable ; il manquait toutefois la compagnie de l'animal premier, celui âme sœur.
Alors quelque part, ça lui aurait presque décroché un de ces maigres sourires, ceux si ridicules qu'on ne les apercevait même pas lorsqu'on ne le connaissait pas, gagnant davantage de neutralité sur fond de morosité.
Que de se ressentir, une seconde, une pauvre seconde qui changeait pourtant tout...

A sa place, à Serpent.
Loin d'ici, là où tout était encore agréable et où il n'avait ni froid ni mal.

Le contact d'un museau avec le sien le surprend, le faisant brusquement se redresser en position assise ; faisant tomber en arrière tout ce qui le couvrait.
Devant lui, Pepper. Il s'arrête l'agitation de ses pensées, la regarde et retient son souffle. Observe la façon dont elle se tient, droite devant lui, qui même assis et courbé la dépasse encore de taille ; voit la gorge qui frémit avec les babines, et la question.

« Tu n'es pas malade ?
- Non. »

Maigre intérêt qu'il saisit, se raccroche toujours à tout ce qu'il peut. A ses mots, à sa présence rien que pour lui. Il sait pourtant qu'elle vient pour une raison, il le sait mais à cet instant il s'en fou.
Parce que ça, c'est mieux que rien. Ça, c'est mieux que le silence et l’ignorance.
Et il viendra un ordre, il le sait, il le sent.
Mais à cet instant présent, c'est elle et lui en face à face, et c'est tout ce qu'il retient.

« Bien. Je veux que tu aides Meshret quant à la conception de sa cape, fils mien, en y mettant mêmes compétences que pour Holly et Anita.
- D'accord. »

Il sait faire, il peut le faire encore. Une troisième fois, pour une apprentie de Pepper ; et dignement lui offrir protection qu'elle mérite. Pour lui revenir, pour ne pas l'inquiéter et épuiser l'esprit toujours endeuillé par les pertes récentes ; il le sait, ça.
Elle fait un mouvement et machinalement il abaisse sa tête à sa hauteur, car c'est ainsi que fonctionne ce signal. Pour mieux la côtoyer, petite louve si forte pourtant.
Sur sa tête visse un bonnet, protège l'oreille qui ne se devait elle, un jour, de souffrir d'otite.

« ...Tiens. Tu as toujours l'air d'avoir froid. »

Elle ferme la gueule, étire ses babines en une moue mitigée. Une vague hésitation, et puis sans doute sait-elle que ce sont ces mots là plus que d'autres qui se doivent d'être prononcé.

« Et merci. Pour ce que tu fais ici.
…Va, maintenant. »

Ses épaules se haussent, à la Petite Reine qui se détourne du fils qui n’a plus d’yeux que pour elle. Raccroche son regard, jusqu’à ce qu’elle disparaisse.
Et quand il ne vit même plus son ombre projeté sur une tente…
C’est à ce moment, qu’il se mit en action.
Partant retrouvercelle à qui il devait aujourd’hui sa mission.

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Il la retrouve quelque part dans le camp, s’approche d’un pas agile. A Joy il pense encore en la voyant, à Joy et à la peine que sa perte provoqua à Pepper. Il se demande, si elle ressentit même chose.
Lui ne sait pas, ce qu’il ressentirait quand il perdra la sienne, de mère ; c’est une vérité qu’il sait bientôt venir mais que sa conscience lui impose au silence.

« Je viens t’aider. Pour ta cape. »

Bref. Concis. Focalisé dans cette tâche à faire.
Il ne perdrait pas de temps, à s’exécuter à ses côtés.

Désastre avait retenu son souffle et n'avait plus bougé, lorsque les mots de la disciple reconnue d'Aka avait fusé hors de sa gueule, après des secondes à se regarder intensément dans les yeux. Rubis sur rubis, deux brasiers presque accordés mais dont l'un plus qu'un autre brillait d'intrépidité.
C'était comme si on venait de l'insulter, tout d'un coup.
Comme si on venait de lui dire la chose la plus terrible de son existence.
C'était un peu le cas.

Meshret venait de lui mettre un râteau, en quelque sorte.
Et c'était violent, pour lui.

Il est possible que ce soit la sensation de mal aise, qu'il manqua en ce jour de connaître, la frôlant du bout d'une griffe. Et il aurait pu dire avoir été presque désemparé, autant qu'ennuyé.
Désastre n'avait jusqu'à présent essuyé aucun refus véritable quant à sa serviabilité. Plus encore. Il n'avait jusqu'à présent jamais eu de problème quant à l'exécution des ordres octroyés par Pepper.
Parce que personne n'aurait été contre ses décisions.
Parce que personne n'avait été un jour contre lui, ni contre elle.

Et s'il s'était bien préparé à l'exécution de la couture, se préparant à tanner la peau, à l'assouplir sous ses pattes avant de prendre des mesures à même la louve en même temps qu'il piquerait deux morceaux soigneusement découpés...
Et s'il s'était bien préparé, à lui faire une cape !
Il ne savait plus quoi faire maintenant.
Devant celle qu'il enquiquinait.
Devant celle qui commettait une erreur, en lui disant qu'il avait mieux à faire de sa vie, car non. Il n'avait rien de mieux à faire que ça, parce que ça était son mieux, justement.
Elle était une grande fille, oui, il ne pouvait dire le contraire. Grande comme Holly ou Anita. Plus petite qu'Alexandrine, qui était elle une très grande fille.

C'était beaucoup de mots, un peu difficile pour lui.

C'était une situation dont il ne parvenait à se défaire, malgré l'analyse qu'il tentait là d'en faire.

A chercher quoi dire, quoi faire, pour qu'elle lui cède. Confronte dans sa banque de données les relations des autres et leurs mots, ce qu'il a déjà vu. Mais rien ne vient, rien ne colle.
Il peut lui dire "Si, je vais t'aider". Insister. Se confronter à elle. Mais elle est aussi sanguine que Pepper et peut-être se battra-t-elle alors.
Il peut lui dire "S'il te plait". S'apitoyer. Demander pitié. Mais là aussi, il croit qu'elle peut le taper, et que si elle le tape il ne pourrait alors coudre.

Inspire. Expire.
Reste immobile, encore, la machine dont on vient de faire rouiller l'engrenage.

Et le temps passe.
Et il ne bouge toujours pas.

C'est finalement comme ça, qu'elle cède.
D'un soupir bruyant et d'un râle d'ours, elle permet au serpent félin de revenir à lui. Elle veut bien des conseils et de l'aide, s'il ne touchait trop à l'ouvrage.

« D'accord. »

Il a redressé ses oreilles et le sang semble à nouveau circuler en lui. C'est mieux, comme ça.
Maintenant, il sait quoi faire.
C'est mieux, oui...
Et puis, elle pourrait râler. Elle ne ferait que ressembler davantage à Pepper.
Au reste, ses paroles sont aussi courtes.

« De rien. »

Et il ne perd pas plus de temps, Désastre.
Il dispose ses aiguilles, de belles tailles, et ses outils. Il déploie les peaux d'ours et n'oublie qu'il ne doit pas trop y toucher.
Tout semble se délier chez lui, ses mouvements comme sa langue dont l'extrémité splitté se rejoint contre ses canines pour mieux ponctuer ses phrases.

« Il faut d'abord découper les peaux d'ours, en plusieurs morceaux. Un pour ton dos, qui le recouvre lui et tes flancs. Un pour ton ventre. Deux pour tes antérieurs. Pour prendre les mesures... Si tu veux le faire toi, tu peux marquer ta silhouette en te couchant dans la neige, et travailler à partir de celle-là. »

D'un mouvement du museau, montre la couche blanche et fraiche. Il faudrait être fou pour s'y plonger. Mais elle semblait l'être un peu.
Et pour assurer ses arrières de guerrière, sans doute ajusterait-il ses mesures. Sans doute surveillerait-il, de l’œil unique qu'elle sait regarder, y louche de ses deux yeux dans une façon surprenante qui ne lui laisse (au moins) le temps d'hésiter entre deux.

« Ensuite, nous les assemblerons. Tu prendras ma cape pour modèle. Je te montrerais comment faire les points. »

Des sutures, c'est de la même façon qu'il les fait. Sur un coin de son propre vêtement, il irait doubler une de celle-ci pour montrer à l'apprentie de la Petite Reine la façon dont il fallait piquer le tissu. Comment incurver l'aiguille, pour la faire rentrer dans le cuir et la faire ressortir de l'autre côté. Y laisser glisser le fil, serrer mais pas trop pour laisser une certaine lâcheté qui permettrait aux mouvements de mieux se faire.
Il ferait attention, à son application. Là encore.

D'un œil, sur l'ouvrage il veille.

Elle l'écoute, sans broncher.
Ne coupe jamais ses mots, ni ne s'impatiente. Malgré son explosivité apparente, elle savait garder son calme et se montrer davantage réfléchi, lorsque cette situation s'imposait à elle.
Désastre connaissait peu, Meshret. Ce moment en tête à tête lui permettait de davantage observer ses traits. La façon dont elle fronçait les sourcils, dont elle étirait ses commissures. Il traçait en sa mémoire le moindre trait de son visage, tous les détails qui lui permettraient de mieux la comprendre. Il y a beaucoup de chose en commun avec Pepper, il trouve. Avec Joy, aussi, bien que son visage ne soit plus qu'un souvenir dont les détails s'oublient.
Les rides du lion, qui finiront fortement marqués, chez elle. Se dressent déjà en de fines marques. Tout comme les plissures, juste au-dessus de son nez. C'est ce qui marque le visage des plus guerrières.
Il se dégage d'elle cette aura forte, qui lui impose un certain respect. Il ne lui aurait pas obéit pour autant, mais...

Il sait, Désastre. Qu'elle frappe sans doute plus fort que lui.
Il sait et n'aurait eu de mal à l'admettre.

La voix de Tawana lui fait redresser l'oreille et il cesse cette contemplation, alors qu'il se tourne dans la direction de celui qui fut son mentor. Il veut lui répondre, entrouvre la gueule pour lui dire Oui. Un simple oui, un mot qu'on lui connait si bien et qui pour une fois supplémentaire serait venu fleurir au bout de sa gueule.
Mais elle le prend de court, la femelle qui le trouble. D'un ordre elle le surprend, elle fait assoir le mentor. Lui retient sa respiration, inhabitué à entendre de telles invectives.
...
Finit par baisser la tête pour affirmer lui aussi, sans prononcer moindre mot.
Il ne sait pas quoi répondre, après ça. Il doit réfléchir.

Il ne peut cependant reprocher la façon dont elle a, de suivre ses conseils. D'user, aussi, d'un instrument de mesure qui attire toute son attention.
De cette marque dans la neige, voilà donc qu'elle reporte sur le cuir les traces de son corps. Sans avoir besoin de se courber sur elle-même, ce qui aurait faussé les mesures de son flanc par une flexion inopportune ; celui qu'il aurait pu lui mesurer mais se tenir trop proche d'une femelle durant telle période ne menait qu'à le perturber.
C'est chose qu'il peut cependant faire, pour Tawana.
Celui vers qui il se tourne, avec peut-être cet ersatz de gêne -ou ce qui s'en approchait- qui l'habitait encore.

« Mmh. Je vais t'aider. Pour tes mesures. »

Il s'active à cette suite.
Laisse le lycaon mesurer ce qui lui est possible de mesurer, quand lui passe le long de ses flancs pour, d'une longueur de cuir et d'un coup de crayon, marquer une grande peau de renne de sa longueur. Travailler à deux, s'était se remettre au niveau de la femelle qui avait entamé sa production avant que ne puisse s'y mettre son mentor.
Pour achever cette partie première.
Il observe Meshret découper avec une grande application et quelques maladresses -non importantes quant à la tenue de la cape mais qui sautaient à l’œil du perfectionniste- les morceaux de peau, lorsque lui tend à Tawana un scalpel lui permettant d'en faire de même.
Il n'a pas besoin de lui donner davantage d'aide, pour ça.
Il sait faire, il est panseur.

Le laissait faire, lui pu revenir entre les deux loups en phase de conception. Répondant à Meshret, dont le terme professeur déclencha sur son visage un tic discret.

« Maintenant il faut assembler les morceaux entre eux. »

Il ramène sa propre cape à lui, la déploie pour qu'elle puisse constater où chaque morceau trouve sa place. Il s'oblige à gagner un peu plus de proximité avec elle, d'un feutre rouge trace le long des morceaux de cuir ce qui deviendra bientôt couture.
Pour lui indiquer, plus clairement.
Non pas qu'il l'eut pensé bête ; elle lui semblait être capable de stratégie et de réaliser ce que l'on attendait d'elle sans moindre problème. Mais il ne lui laisserait occasion de faire une erreur qui coûterait à la qualité de son travail.
Puis il lui indiqua, où chaque morceau du patron trouvait alors place. Créant, sur la neige, une cape décomposée pour le moment.

« C'est comme ça, qu'ils s'assemblent. Mmh. Je vais te montrer comme faire des points. »

Désastre prit une chute de cuir, une aiguille épaisse et un fil de suture, quand la louve entre ses pattes se vit remettre même chose.

« Pour s'entrainer. Avant de le faire sur la cape. »

Prendre le coup de main. Ensuite, s'exécuter.
Avec lenteur et précision, puisqu'une mise en pratique valait mieux que des explications théoriques (surtout lorsque c'était lui, Désastre, qui donnaient celle-ci, dans une façon si morose et plate qu'il aurait sans doute immédiatement Meshret), il prit soin de montrer à l'Epée la façon dont il fallait piquer le cuir, faire rentrer l'aiguille. La laisser ressortir, de l'autre côté, tirer le fil. Faire un nœud, au début. Recommencer à piquer. Recommencer à tirer le fil.
Et cetera.
Cette tâche était longue et fastidieuse, mais une fois le rythme prise n'en restait pas moins simple.

Cette élève occupée, il retourna vers Tawana.

« Mmh. Tu peux te calquer sur ma cape. Pour le patron. Je l'ai travaillé avec Holly.
...
Pour la capuche, on pourrait user de scratch à refermer autour de tes cornes. Des trous risqueraient de te prendre plus longtemps, à la mettre, et une capuche plus large ferait trop rentrer le vent.
Ce sera plus..performant. »

A chaque cape, il faut penser sa particularité. Il avait dû réfléchir à des pans supplémentaires, pour les ailes d'Anita. Il réfléchissait maintenant pour les cornes de son mentor.
Ensuite...
Ensuite, il resta là. En temps qu'aide.
A observer.

L’œil passe de l'un à l'autre, revient à son propre ouvrage qu'il poursuit et termine. Sa cape est doublée d'une peau de renne, désormais, il aura moins froid qu'avec la simple peau de gnou.
A leur tour ils achèvent aussi ce qu'ils avaient entrepris, sans que de conseils supplémentaires n'aient besoin d'être donnés. Il se doit toutefois de surveiller.
La façon dont est appliqué le protocole de couture, leur concentration respective. Il en profite pour tirer quelques analyses, rapides, sur Meshret. Ses expressions, la façon dont son visage se renfrogne sous la concentration, à l'inverse s'ouvre quand elle parait être satisfaite.
Des données, là, qu'il enregistre. Elle éveille son intérêt et un certain trouble, par cette façon de tenir tête, de lui parler presque comme le fait Pepper (ce détail, marqué en majuscule et en gras dans son profil, parce qu'il est celui que plus que tout autre le marque le plus).

Quand elle pivote sur elle-même, se contorsionne et tourne, il ausculte sa kinésie et la façon dont la cape retombe sur ses flancs, ses pattes. Comment le vêtement l'entoure et prend possession de son corps, sans qu'il ne trouve quelque chose à redire.
Aux mots de la louve (est-elle maintenant amie, maintenant qu'ils ont partagés quelque chose ? Pas encore, mais elle pourrait le devenir), il n'en a qu'un à dire.

« Parfaite, oui.
...
Ce n'était que mon devoir. »

Donné par Pepper. Sa mentore, à elle. Sa mère, à lui. La seule chose qui pouvait bien les lier.
Son oreille pivote, offre attention à Tawana pour qui la dernière phrase énoncée était aussi destinée.
Discuter avec deux personnes éloignées l'une de l'autre est un handicape, il peine et sait qu'il ne doit faire durer cet instant plus longtemps. La concentration dont il fit preuve auprès d'eux l'avait fatigué plus que le froid lui-même.
Celui contre lequel il se remet à lutter, renfilant sans plus tarder sa cape désormais qu'elle n'avait plus à être usé en patron.
Frémissant, un peu.
Claquant deux coups des crocs avant qu'il ne prenne davantage de contrôle sur sa mâchoire grelottante.

« A bientôt. »

Il achève à son tour de ranger ses affaires, hoche la tête et enfin...
Les laisse.