Le chrome et le coton ✩✡ Eva

Il était rentré dans la bibliothèque, se pensant longtemps seul je crois.
A regarder de son œil fatigué la tranche des livres, à chercher quelque chose de particulier. Il n'était pas des curieux, venu pour laisser au hasard la chance de leur présenter un ouvrage, celui qui par sa couverture aurait le plus gagné leur attention ; lui était venu avec un but particulier, l'envie d'obtenir un savoir précis.
Il n'était pas dans le rayon des romans et des épopées, se promenant silencieux dans les ouvrages de médecine. C'est comme ça, que je pouvais affirmer ça !
De mémoire... De mémoire, ce n'était d'ailleurs pas la première fois que je le trouvais là (chez moi, aurais-je pu dire huehue !). Moi, Bibi observant celui qui s’appelait tristement Désastre, qui des fois d'un côté et de l'autre penchait sa tête, comme pour délier des cervicales douloureuses (ça m'arrivait souvent, à moi aussi, quand je restais trop longtemps penché sur un livre sans bouger !).
Moi, Bibi, qui devait à ce jeune mâle venu d'une autre meute ma survie.
Quand Kerguelen s'était occupé de Serket, quand Kiro avait soigné ses disciples... Je sais que c'est lui, oui, qui vint à mon chevet.

Pour d'un scalpel et d'une aiguille me doter d'un ravissant moignon au lieu d'un membre arraché.

Sur trois pattes, je claudique toujours non loin de lui, l'observe sans oser troubler la quiétude dans laquelle il a l'air de s'être plongé.
La vérité est qu'il m'a aperçu, mais ne dit rien. Il m'observe du coin de l’œil autant qu'il lit le contenu des étagères, retient son souffle et se questionne sur ma présence dans son dos. Ca ne lui plait pas. Il n'est pas tout à fait méfiant mais il ne me fait pas confiance ; ce que je ne sais pas, parce que moi de confiance je donne à tout le monde. Il avait eu ma vie, entre ses pattes, ma v i e !
Et soudain, nos regards se croisent.
Un peu par accident, que son œil vient taper dans les miens si clair.

Oh.
Un grand sourire m'illumine, quand il reste de marbre.
Et je prend cela comme invitation à lui venir, là, tout de suite. Parce qu’il est dans mon domaine, après tout ; et que le bibliothécaire a bien envie d’un peu aider.

« Coucou ! Tu te souviens de moi, Des...Astre ?! Moi oui en tout cas, c’est dur d’oublier ça huehue ! »

Je lève mon postérieur amputé pour le placer perpendiculaire à mon flanc.
Et je le rabaisse.
Et je le relève
Et je-
« J’ai jamais fait d’aussi beau levé de patte que sans patte !
- Mmh. »

Je ris un peu, viens me positionner au côté de lui qui ne bouge plus. Il réfléchit, je ne sais pas trop à quoi. Mes mots l’ont perturbés, mais ça..! Je ne pouvais pas le deviner.

« Tu cherches quelque chose ? Je peux t’aider, tu sais. La bibliothèque, je la connais aussi bien que ma poche ! »
Les capes Nakhus ont des poches intérieures, c’est ce que conclus Désastre.
« Puis... Je te dois bien ça, après tout, et ça me ferait plaisir ! Je comprendrais aussi, si tu préfères te débrouiller seul, ou si tu veux te pencher sur des p’tits soucis plus intimes et ne pas me parler de tes recherches ! »
…
« Tu dois trouver que je parle beaucoup, pardon huehue ! Mais bref, tu  peux compter sur moi si tu as besoin. »

Il dévisage mon glowstick violet.
Un Nakhus. Tu lui avais dis, qu’il pouvait demander à un Nakhu, et c’est ça qui lui revient soudain en tête.

« Je… Cherche la suite des livres d’Eva.
…
De ceux qu’elle m’a prêté. »

Peut-être en avait-elle écrit, s’était-il dit. Les Nakhus devait bien s'adonner à cette activité, il pense, pour avoir telle bibliothèque.
Je te regarde les yeux ronds, la gueule entrouverte. Oh. OH EVA, tu le connaissais déjà ! Mais je ne savais pas de quels livres il parlait, moi.
Alors c’est toi, la concernée, que je me dû appeler alors d’une voix roucoulante.

« Evaaa ? »

Tu étais peut-être là, qui sait.
Et mon intuition fut bonne !

Oh, Eva que voilà ! Tu rayonnes au travers de ta grossesse, de ce ventre rond que j'ose faire bouger jusqu'à nous. Promis, je saurais me racheter ; je ne sais encore comment mais je trouverais bien. Autrement qu'en me proposant pour baby-sitter, ça c'est sûr huehue ; mais peut-être en répondant à tes envies de fraises. Mon sourire est grand, je compense celui qui manque au jeune mâle qui se tient tout droit à mes côtés et te dévisage sans un mot, répondant à ton signe de tête par un bref battement de sa longue queue qui viendrait presque faire la poussière des lattes tant elle frôle le sol.
Je frotte mon museau contre le tien, ravi, te rendant au centuple l'affection que tu m'offres.

« Oh que oui, ma belle Eva, tu es la seule apte à nous sortir de cette terrible situation ! »

Je pose ma patte sur l'épaule du loup gris, de taille un peu plus basse que moi mais d'épaules plus large bien que de ventre moins rond (ça manquait de madeleines tous ça huehue!). La maintient et le bouge un peu, comme si j'aurais pu secouer quelque chose chez lui, je ne sais pas. C'est qu'il avait cessé de respirer il me semble, quand je prononça la fin de ma phrase.
Et puis... Il sait qu'il ne peut pas l'ôter de toute façon, ma patte, sinon je perdrais l’équilibre au vu de ma patte arrière manquante et il ne souhaite pas ça ; aussi reste-t-il aussi immobile que stoïque.

« Il cherche tes livres !
- La suite de ceux prêtés. Pas ceux écrits. »

Il revenait en boucle sur cette même réflexion, ainsi que sur le fait que tous les Nakhus étaient aussi lecteurs qu'auteurs. De savoir qu'il pourrait pousser un peu plus ses savoirs, que ce qu'il pouvait encore acquérir se tenait à porté de patte, le fit rentrer dans un autre état, que l'on aurait chez lui pu qualifier d'enthousiaste. Même si cela se limitait, chez lui, à arborer petite lumière en plus dans son regard d'ordinaire terne, ainsi que relâchement dans les muscles que toujours il tenait trop gainé, prêt à esquiver autant qu'à attaquer.
Il enchaine. Semble gagner en clarté dans ses mots ; il est conscient de ton état et se dit qu'il doit t'imposer le moins de réflexion possible, pour cela ne devait te laisser te perdre dans la compréhension de ce qu'il désirait. Mais plutôt te laisser concentré sur un sujet qu'il estimait plus que maîtrisé, à savoir ce que tu avais commencé à lui inculquer.
Tu t'étais dressée en maîtresse, pour lui, gagnant chez lui ce respect qu'il n'offrait usuellement à ceux en dehors de sa meute.
Était même prêt à te servir, en échange des savoirs transmis qui le poussait à devenir meilleur encore.

S'ensuit alors un discours monotone et grave, où se transcrivait une passion pour ses pratiques précises.

« Je veux gagner en savoir. Sur l'acupressure. Sur l’ostéopathie, aussi. C'était dans un de vos ouvrages, je crois que les deux méthodes sont alliers.
...
Je dois savoir, avant de le tester, si des douleurs persistantes aux cervicales nécessite une stimulation de certains points sur les méridiens environnants, si c'est elles qui doivent être manipulés directement. Aussi, comment discriminer de celles des os, les douleurs aux ligaments et aux muscles qui soutiennent la nuque, pour être sûr de ne pas me tromper de cible.
...
C'est pour ça que je dois avoir plus de livres. La suite de ceux que vous m'avez prêté.
...
Je vais vous les rendre.
...
Je les ai oublié. »

...Hué, ça en faisait beaucoup de choses ! Je glousse doucement et réajuste mes lunettes.

« Bon ! Si tu as des titres en tête ou les références des ouvrages, j'irais te les chercher Eva, compte sur moi ! »

Que tu ne te fatigues pas davantage, me dis-je en tirant vers toi un coussin pour que tu puisses te mettre plus à l'aise.

Tu peux les garder autant que tu le souhaites. C'est ce que tu lui dis, Eva, et lui se dit qu'alors il les gardera toujours. Il les ramènerait chez lui, les prêterait à son tour. C'est un enseignement qu'il veut montrer à son apprenti, aussi maladroitement qu'il essaye d'en faire un panseur comme lui, dans son enseignement complexe qu'il peine à transmettre. Il est bien moins pédagogue que toi, il ne sait pas captiver comme tu su le captiver. Pour ce point, tu lui fais penser à son propre mentor, à lui, à celui qui su tout lui enseigner sans que jamais il ne doute de quelque chose.
Pour ça il te respecte.
Et le respect entrainait chez lui une soumission caractéristique, la docilité du soldat qu'il aurait accepté de devenir sous un ordre sortant de ta bouche, à la condition que celui-ci n'entre en conflit avec tous ceux déjà posés sur lui.
Mais tu n'es pas âme qui utilise ; tu es davantage âme qui sert, toi.
C'est pour ça que nous sommes Nakhus, je crois ! Des altruistes.

Alors que tu t'installes un peu plus confortablement, nous t'écoutons avec la même attention. Les oreilles redressées, trois yeux rivés sur toi et sept pattes prêtes à se mettre en marche pour aller chercher tes ouvrages. Ok ! Nous devions donc nous rendre trois étalages plus loin, pour récupérer tout ce que tu avais déjà soutiré des rayonnages (ah ! C'est toi, qui laissait les livres au sol et me forçait à ranger derrière toi ?! ...Huehue, c'est pas grave, je faisais bien la même chose et ne rouspétait jamais après quiconque venu trouver de quoi s'instruire ou s'évader !)

« Ça marche, on va aller de suite récupérer tout ça ! J'irais aussi nous chercher du thé et des madeleines pour nous donner de la force à l'ouvrage huehue~, et en me retournant sur mon compatriote masculin, pressant contre son épaule ma patte avant en me laissant basculer par manque d’équilibre sur deux pattes, Tu sais ce que c'est au moins, les madeleines ?
- Non.
- Tu verras, c'est ma s p é c i a l i t é ! »

Je ris d'une façon claire, en reposant ma troisième patte au sol.
En attendant, c'est sur toi qu'il continue d'être le plus focalisé. Il hoche la tête, à ta proposition de travail en parallèle ; il sait que c'est comme ça qu'on peut être le plus efficace. On couvre plus de page, on comprend plus de chose.
Ses oreilles s'agitent, quand tu dis ne plus avoir beaucoup d'avance sur lui.

« C'est plus facile d'apprendre que de découvrir. »

Quand on dispose déjà des ressources, sans avoir besoin de consacrer du temps à leur recherche, il est normal d'aller plus vite. Il lui semble nécessaire de rétablir cette vérité, juste avant de faire volte-face et s'éloigner pour suivre tes indications.
Trois rayonnages plus loin... Je le suis sur trois pattes, non sans t'avoir offert un dernier sourire.

Ensemble, nous voilà donc devant les étalages. Je connais la classification presque par cœur, à force de vivre dans la bibliothèque, tu sais ? Alors je me dois de te renseigner.
Eva, de sa position, doit m'entendre piailler sans cesse. A moi tout seul, je suis capable de faire une conversation huehue !
Enfin ! On ne fait que parler boulot, après ! ...Enfin, je fais que parler boulot, on peut pas dire qu'il soit vraiment un p'tit bavard lui.
C'est pas grave ! Il a quand même l'air de m'écouter, et même s'il faisait la sourde oreille ça ne m'aurait pas beaucoup dérangé. Ramassant les livres disposés au sol et qui portait encore les douces effluves d'Eva, on se concentra sur tous les recueils de médecines.
J'en pris quelques uns de plus, et lui un peu plus encore : il pouvait porter plus de charge que moi, c'était indéniable !

C'est chargé comme deux mules qu'on revint auprès de toi, mon amie la pie.

« Et voilà la compagnie qui revient~ »

On dépose tous les bouquins au centre du cercle que nous formons alors ; je m'absente juste pour nous chercher quelques petits remontants.
Et maintenant...
Maintenant, on peut travailler !

Dés 1 : Sobieski cherche des informations intéressantes, PC ING:3 ;
Dés 2 : Désastre cherche des informations nouvelles, PC ING:3
...


La raison pour laquelle on fit deux lancers aussi foireux on ne trouva de pistes de travail se trouva dans une de mes fameuses madeleines. Dans celle que je donna à Désastre, plus particulièrement.
Il la mangea un peu trop vite, je crois que c'est pour ça. Il n'était sans doute pas habitué, à de telles sensations sur la langue, ou au fait que ça glissait moins bien dans la gorge qu'un filet de poulet.
C'était beaucoup plus sec, une madeleine.
Quoi qu'il en soit il se redressa vivement en toussant, s'étouffant à moitié avec le petit met sucré. Me forçant à lui taper dans le dos pour l'aider un peu, parce qu'il me semblait un peu en peine.
Ah !
J'aurais dû me douter, que les Etelkrus n'étaient pas initiés à la pâtisserie !

« Ohlàlà ça va ? T'es pas allergique au gluten au moins ?! »

Il secoue le museau de gauche à droite, puis marque un mouvement hésitant. Il ne sait pas c'est quoi, le gluten. Forcément.
M'enfin ! Allez ! Malgré ta larme à l’œil ça avait l'air de passer !
Et dans tout ça...On avait pas plus avancer, même pas commencer, ah..

Rip, la crédibilité de notre groupe de travail.

« Oh non mais c'est encore pire alors !! »

Parce que mon dieu, c'est vrai ça, ce que disais Eva ! Si ça se trouve, il était prédestiné à un grand avenir (bien que de porter le poids des responsabilités de toute une meute n'était une chose évidente, j'aurais compris qu'on puisse en avoir peur et ne pas voir ça comme étant un grand avenir, justement), et moi je menaçais de le tuer avec mon p'tit gâteau ! Reposant ma patte au sol après avoir cessé de te taper dans le dos, pour ne pas non plus te faire mal (un peu plus, et j'étais contraint de lui faire Heimlich !), je le regarde avec un sourire pincé, les crocs découverts et serrés et les commissures maladroitement remontées au niveau de mes pommettes.
Bon, au moins, il n'avait pas l'air de m'en vouloir ! Le gris termina même le gâteau, sans en reprendre un autre pour autant. Parce qu'il ne fallait pas gâcher, sans doute, s'abreuvant toutefois assez pour que je sois poussé à lui resservir quelque chose à boire.
Le regard rivé jusqu'ici sur ses pattes, du moins ce qu'il tenait entre, il redressa vers toi son œil unique pour répondre à ce que tu disais. Il avait marqué une vague hésitation, ne sachant s'il avait le droit de parler de tel sujet.
Jugea finalement que rien de tout cela ne devait être confidentiel. Et surtout qu'il ne fallait pas laisser une telle erreur persister, que de parler de lui comme était un héritier.

« Oui.
...
Anette et Pepper ne sont pas un couple, juste âme sœur. Anette a sa famille. Avec la prêtresse Sheina. Mmh.
...
Ce sont ceux le plus à même de diriger et d'amener plus loin la meute, qui seront leurs héritiers. »

Avoir de l'ambition et du leadership, être charismatique. Il n'avait rien de tout ça, il savait rester à sa place. Dans l'ombre.
D'autres, quant à elles, étaient davantage amener à briller, s'avérant à leur façon les filles véritables des deux meneuses.

« Je vois ! Je te demanderais pas qui c'est, ces héritiers, même si ça serait pratique pour savoir qui ne pas étouffer avec une madeleine huehue~»

Un rire franc s'échappe en un glapissement de ma gueule, avant que je ne me remette au travail. Bossons ! Toi, Eva, tu t'étais déjà bien remise au travail, capable de trouver dans les ouvrages quelques pistes nouvelles à explorer. Et tu étais bien plus efficace que nos deux cerveaux à nous !
Entre ostéopathie et kinésithérapie, notre jeune camarade fit son choix, laissant tomber sans moindre doute quant à l'interprétation  de ses mots ce qu'il souhaitait.

« Ostéopathie. »

Ses oreilles se pointent vers l'avant, alors qu'il ouvre l'ouvrage associé à ce thème, resserrant un peu plus ses membres contre lui pour se serrer à la façon d'une sardine dans une boite, malgré toute la place qui l'entourait. Marrant ! Le contraire de moi,qui étalait mes pattes et mon moignon d'un côté, les étendant presque de tout leur long.

« Je vais te suivre sur la kiné' ! Le sujet des massages me plait d'avance.»

Nouveau rire, en provenance de mes lèvres.
Je m'attèle moi aussi à cette lecture intéressante bien que portant sur un sujet pointu, repoussant d'un doigt mes lunettes sur mon nez. Voilà que notre groupe devient assidu, le silence perturbé uniquement par le crépitement du feu, le bruit combiné de nos trois respirations et le bruissement des pages que l'on tourne jamais en même temps.
D'une certaine façon, cette atmosphère studieuse est agréable, réchauffant mon cerveau d'informations nouvelles.
Et si moi, non initié, ressentait déjà ça...

Je me dis que vous deux, si concentrés, si intéressés ! Deviez trouver satisfaction immense.

Dés 1 : Bibi lit sur la kinésithérapie - double RC
Dés 2 : Désastre lit sur l'ostéopathie - RS

Et moi, plus que pour moi... C'est finalement pour vous, que je cherche ! M'y intéressant, certes, mais ne portant votre passion. Aussi, quand je trouve dans un livre quelques process intéressant, mon cœur à l'idée de vous faire plaisir ne peut s'empêcher de faire un bond !
Parce que je sais, que cela vous plaira, ah !

« Tiens Eva, ce livre est une pépite, tu devrais le lire ! Je pense que son étude permettra déjà quelques mises en pratique hue, il permet de poser un premier bilan et de savoir vers quelles méthodes de massage ou de rééducation se tourner.
« Oh. »
»

Ça lui a échappé.
Mes mots éveillent la curiosité de l'Etelkru, qui cesse de lire l'ouvrage marqué d'un Techniques de mobilisation articulaire passive, ouvert au chapitre Cervicalgies (où il comprend que plus qu'une manipulation de ses cervicales, il aurait besoin aussi de toucher aux structures environnantes pour ne plus avoir mal). Celui qui semble soudain se souvenir que son thème est l'ostéopathie, et qu'il n'a donc pas encore droit de s'intéresser à la kinésithérapie, regagnant une focalisation exemplaire pour servir un rapport à la hauteur à la fin de notre session, du moins l'espérait-il.