Wyrd — Épine

La truffe de Narcisse s’arrêta à deux centimètres du sol, alors qu’il essayait de déterminer à quel genre de proie appartenait la piste. Un lapin. Le Phénix n’aimait pas le lapin, s’en plaignant à cause du trop grand nombre d’os. En soupirant, le disciple de Kiro se redressa, ses longues griffes cliquetants sur la pierre, alors qu’il lève la tête vers un immense rocher.

Ça le démange d’escalader.
D’atteindre le sommet.

La queue féline s’abat, alors qu’il incline son corps avec souplesse, avant de bondir pour planter ses griffes dans la roche. Le Koridé beugle, mécontent de rester une fois de plus seul avec pour seule compagnie le drag insecte. Mais Narcisse ne l’écoute pas, il ne l’écoute que lorsqu’il le familier sent le danger.

Il a appris à distinguer l’avertissement de la peur.

Le disciple de Kiro gaine son corps, avant de planter ses griffes au-dessus de sa tête. Toujours plus haut. Toujours… Cette fois, le Koridé ne gémit plus, il pousse un cri que Narcisse sait reconnaître comme un avertissement. Le loup stoppe son ascension, observant un instant le sommet qui n’était plus qu’à quelques prises, avant de finalement soupirer en entamant la descente. D’un bon souple, l’assassin se laissa tomber au sol, ses familiers venant aussitôt à lui. Hum. Il y avait quelqu’un en effet. Les yeux dorés fixent la silhouette plus petite que lui.

Une gamine de la louve encombrante.
Celle qui emporta l’agacement de Narcisse dans la tombe.
Pourtant, voilà qu’il devait en supporter la descendance.

Pas de mots.
Simplement une observation silencieuse.

EPINE
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Elle s'entraînait Epine. Elle s'entraînait dur. Chaque jour elle repoussait plus loin ses limites, chaque jour elle continuait de s'exercer jusqu'à tomber de fatigue, jusqu'à ce que ses muscles crient grâce et qu’elle soit perclue de crampe. Cette douleur répondait parfaitement et quotidiennement à la culpabilité qui continuait, sournoisement, de rôder dans son jeune esprit. C'était une punition volontaire et à la fois complètement bénéfique, puisqu'elle forçait l'adolescente à être toujours meilleure. Ce jour-là ne faisait pas exception, et la femelle verte s'efforçait de courir à une allure soutenue, dans la forêt d'Aka, comme un marathonien s’entrainerait à l'endurance. Elle adorait ce lieu, elle aimait ce sol parfois glissant à cause des épines de pins, traître à cause des racines entremêlées et des roches cachées sous leur chapeau de mousse. Autant de détail sur lesquels être attentifs forçaient également son regard à capter rapidement les informations pour éviter la chute. Elle apprenait ainsi à réagir plus vite. Dans sa course, elle vit du mouvement dans son champ de vision, qui éveilla sa curiosité. Sans ralentir au début pour ne pas perdre la régularité imposée à son souffle, elle bifurqua, entama un cercle de ralentissement progressif pour afin cesser son pas sans brutalité et sans violence pour son corps. Elle leva la truffe pour voir un loup escalader la roche. Très vite, pourtant, il redescendit avant d'atteindre le sommet. Si jusqu'à l'apprentie Epée s'était sentie intriguée quand à sa capacité à grimper tout en haut, elle fût bien déçue. Encore plus en reconnaissant le fils de l'Alpha. Si prêt du but... Et il avait abandonné.

Le museau d'Epine se plissa alors qu'elle le vit l'observer, la jauger. Et dans ce regard, quelque chose la dérangea. Un quelque chose qui faisait écho à sa propre haine d'elle-même. Quelque chose qui fit qu'elle se sentit agressée par ces yeux dorés.

« Pourquoi t'es pas allé jusqu'en haut ? »

Demanda t-elle, déjà sur la défensive. Quelle belle démonstration de l'adolescence grognonne en puissance.

Le sommet à portée de griffe.

Narcisse sentait encore l’excitation qui l’avait envahi au moment où il aurait dû toucher le sommet, surplomber le territoire de la hauteur pour ressentir cet instant de liberté. Au lieu de ça, il était bloqué, au-dessus d’un Koridé tremblotant, face à l’enfant qui avait interrompue sa séance d’escalade.
Les sourcils se froncent en sentant une certaine agressivité dans la voix de la petite. Certains réagissaient si mal face au silence… La réponse à la question semblait tellement évidente, alors que l’assassin continue d’observer de haut son interlocutrice.

« — Parce que tu es là. »

Fille de celle dont-il ne pouvait supporter la présence.
Qui l’avait surpris dans un de ses passes-temps.

Parce qu’ils n’étaient que trop peu à le connaître réellement Narcisse. Savoir ce qui l’amusait, ce qu’il faisait de son temps libre, ce pour quoi il vivait… Les autres ne voyaient que le loup froid et distant, trop occupé à discriminer ceux qui auraient une ascendance de solitaire.

Que ferait-elle maintenant l’enfant ?

EPINE
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Sa réponse tomba comme un caillou, lourde sur les épaules de l'adolescente qui à son tour plissa les yeux. Elle avait donc raison de sentir peser sur elle sa désapprobation. C'était ridicule, elle ne lui avait même jamais parlé. Il y avait donc autre chose, et Epine devrait creuser pour comprendre le sentiment négatif qu'il semblait avoir d'elle sans la connaître. Ou alors il l'observait de loin depuis longtemps et il la trouvait misérable. Non c'était vraiment louche comme idée, il n'était pas un adulte stalkant une enfant, pas vrai ? Roulant des épaules pour détendre ses muscles et à la fois chasser cette pensée saugrenue, la femelle inspira profondément pour rejeter ce sentiment d’insécurité que le fils de l'Alpha lui procurait. Elle aurait presque frissonné sous ses prunelles dorés, mais son égo lui permis de rester à peu prêt stoïque. Elle releva la tête en signe de défi, attitude de révolte face à un mâle aussi peu amical. Pourtant, elle ne souhaitait pas encourager la négativité de ce très court échange. Elle avait assez évolué pour savoir mettre en retrait -à peu prêt- sa colère, pour ne plus réagir au quart de tour sans toutefois se laisser piétiner. Il fallait se montrer plus maligne et ne pas se laisser inonder d'une rage inutile dans ce cas précis.

« Tu m'apprends ? »

Elle se tint droite, à la fois fière mais sans chercher à prendre domination du dialogue, voyant ici une occasion de s'améliorer dans un domaine trop peu connu, avec juste assez de respect pour le mâle pour qu'il voit qu'elle acceptait qu'il soit actuellement du moins, le plus expérimenté.

Le regard d’or soutient celui de l’enfant, ne trahissant aucune émotion. Ni dégout. Ni colère. Ni joie. Simplement une forme totale d’indifférence. Narcisse n’était pas doué avec les enfants, il ne cherchait pas spécialement à l’être, mais moins il les côtoyait, mieux il se portait. Après tout, certains semblaient si fragiles à cet âge, l’avait-il été lui aussi ? Probablement pas.
À la question, les longues oreilles se redressent. Lui apprendre ? Comment enseigner chose que lui avait appris seul à maîtriser ? Comment lui apprendre si elle n’avait pas déjà l’instinct d’essayer d’elle-même ?
La réponse est donc automatique.


« — Non. »

Car il n’y avait rien à apprendre à partir du moment qu’on n’avait pas pas essayé. La queue féline s’agite, trahissant une fois encore ce que le disciple de Kiro ressentait.

« — Qui cherches-tu à devenir ? »

Combattante ? Protectrice ? Chasseuse ? Soigneuse ?
Hum, Narcisse ne savait que trop en penser.

EPINE
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Epine serra les crocs, déçue mais pas abattue pour autant. Elle était plus volontaire que ça et ne se laisserait plus jamais dominer par autre chose que le désir de s'améliorer. C'était là sa seule rédemption face à la culpabilité qui restait tapit au fond de son esprit. Malgré tout ses efforts, elle resterait la cause de la mort de sa génitrice, il lui fallait donc prouver aux autres, mais surtout à elle-même, qu’elle valait ce sacrifice.

« Quelqu'un de complet. »

Quelqu'un sans faiblesses. Elle croyait naïvement qu'un jour elle parviendrait à n'avoir plus aucune faiblesse, elle l'espérait du moins, ne savait pas encore que tout le monde, même ceux qui semblaient être tout puissant et invincibles, en avait, des points faibles. C'est maintenant un regard plein de défi qui fit face à l'élève de l'Alpha. Elle n'avait pas besoin de lui dans l'absolu, elle avait juste vu une occasion de devenir meilleure, elle en trouverait d'autres. Bien que l'idée de prendre conseils chez un disciple de l'Anaconda en terme d'agilité était forcément l'une des solutions les plus logiques. L'adolescente ne lâcherait pas l'affaire si vite.

« Et toi, qui es-tu devenu ? »

Si tant est qu'il ai atteint ses objectifs.

Quelqu’un de complet ? Voilà chose que l’hybride n’avait entendu jusque-là. N’était donc pas quelqu’un de complet par la force des choses ? Qu’est-ce qui lui manquait tant à cette enfant ?
Le disciple de Kiro hausse un sourcil, lorsque la question lui est retournée. Ah oui. Un truc de gosse ça, d’utiliser la psychologie inversée.

« — Ce qu’il était nécessaire que je devienne. »

Un loup capable de protéger sa meute. De protéger ceux qui lui étaient chers. Un combattant sans faiblesses, prêt à combattre jusqu’à son dernier souffle.
Quelqu’un qui n’avait pas peur de la douleur, pas plus que de la mort.
Oui, il était devenu cela.
Au risque de se faire détester plutôt qu’aimer par les autres. Mais quelle importance après tout ?

EPINE
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La réponse du disciple de Kiro ne se fit pas attendre, aussi évasive que la sienne. Épine sourit, moqueuse, mais ne releva pas. Cela ne servira pas son dessein que d'agacer outre mesure le prince à la truffe pointue.

« Qui a dicté ce nécessaire ? »

Le regard de la femelle se plissa, toujours étincelant de ce défi à peine contenu, mais également pétillant de curiosité. Le discussion prenait une tournure intéressante, bien au delà d'un simple échange de vacherie comme elle s'y était attendu venant du fils de l'Alpha et de la Prêtresse de l'Anaconda. D'ailleurs, comment louve si douce et louve si puissante avait pu se mixer dans... Lui ? Bon, esthétiquement parlant... Ça le faisait. Tout comme Anita, il était plutôt regardable avec ses mèches folles et ses orbes dorés. Caractériellement, il lui semblait -de loin du moins- tout simplement imbuvable. Toutefois, comme elle l'avait appris au contact de sa mentor, l'habit ne faisait pas le moine et tout à chacun méritait qu'on creuse un peu sous la façade. Sauf pour les solitaires qui n'étaient que renégats. Sauf pour les Raeders qui n'étaient que vermines. Sauf pour les Nakhus qui n'étaient que...niais et fleur bleue. Bon, oui. Tout Etelkru méritait qu'on s’intéressa un peu à lui avant de le juger. De fait, Narcisse en faisait parti. Et elle voulait apprendre de lui quelques astuces de grimpeurs parce ce que de ce qu’elle avait pu observer, il se débrouillait pas trop mal quand même.