Sonate pour Sel et Amertume ☾ Libre

L’odeur était bizarre.
Il y avait le sang, mais pas que. Ça sentait comme les cadavres que Prudence avait pu trouvé dans la savane, ceux rongés par les vautours et les charognards, quant-elle ne ressentait que culpabilité pour cette vie partie. Combien de fois mère leur avait-elle donc expliqué que ce n’était là que l’ordre des choses ? Que la mort permettait une certaine forme de renaissance, que c’était là un procédé naturel ? Oui, il est vrai, Prudence reconnaissait cette beauté à la mort. Mais comment oublier le regard de Leikn, le dégoût sur son visage lorsque ses yeux se posaient sur cette mort ? Comment ne pas oublier la Licorne lorsqu’ils avaient la mort en face ?

Le pouvoir flotte de chaque côté de sa tête, tenant entre ses pattes différentes fleurs ramassés lors de sa marche, ainsi que quelques plantes, qui lui serait bien utile pour ses repas futurs. Les yeux mauves étudient les ruines de l’ancien temple, ultime trace du passé.

C’était un lieu que Prudence s’était contentée de traverser une fois. Cherchant les traces d’une vie passé. Là où l’une de ses soeurs inconnue, adoptée jadis par ses parents, aurait passé du temps. Mais le lieu était vide. Y régnait une ambiance étrange, presque pesante. Les oreilles de la louve se couchent sur son crâne, alors qu’elle continue de s’avancer, pour s’arrêter en haut d’une pente.
Une silhouette blanche passe devant elle.
Alors que ses yeux mauves se posent sur la silhouette ensanglantée d’un loup plus bas. L’odeur de la mort. Elle n’était donc jamais loin, n’est-ce pas ?

La solitaire hésite, pas parce qu’elle ne connait pas les deux individus, mais parce que la Licorne en elle était chose bien complexe. La poussant à agir pour sauver autrui, mais flottant au-dessus d’elle, telle une épée de Damoclès. À sa patte, Peter vient siffler, visiblement excité par l’odeur du sang.
Avec précaution, Prudence descend jusqu’au duo, observant d’abord le loup blanc occupé à tenter de recoudre la blessure béante à la gorge du brun, lui étendu, gisant dans son propre sang. Il était en train de mourir.

« — … Ce n’est pas beau… »

D’accord. Du calme. Que faisaient Papa et Maman lorsque leurs filles casses-cou se blessaient ? Désinfecter la plaie, d’accord, ça c’était fait. Le loup avait apporté avec lui une petite flasque qui dégageait une odeur d’alcool. Voilà maintenant qu’il était en train de recoudre la plaie, de manière un peu maladroite, certes, mais au mieux. L’alcool était efficace pour désinfecter, mais Prudence avait également quelque chose. D’une de ses pattes constituée de fumée, elle récupéra délicatement les soucis qu’elle avait pu ramasser, s’intéressant particulièrement à leur tige.

La solitaire se pencha au-dessus de la blessure recousue, pressant délicatement la tige de la fleur entre ses crocs, afin que s’en écoule le jus, qui permettait aux plaies de ne pas s’infecter.

(Lancé de dé)

Les gouttes tombent sur la couture, de manière lente, mais Prudence est patiente, cela ne la dérange pas. Un sourire vint étirer ses babines lorsque sa tige semble ne plus rien avoir, alors que la patte flottante vient la récupérer. La louve se tourne vers le loup blanc.

« — Pardon, je me suis permise de me mêler de votre travail sans même me présenter... Prudence ! »

Maintenant, ne restait plus qu'à espérer que leur patient ne s'en sorte.

Prudence se sent soucieuse de la santé de cet étranger. La Licorne voulait aller plus loin, tout donner pour mettre cette vie en sécurité. Pourtant… la louve elle avait l’impression d’en avoir assez fait. Assez pour lui permettre de survivre du moins, grâce au loup blanc à ses côtés. Ses yeux mauves suivent le mouvement des yeux que portent le brun sur son armure, mais également sur les flancs qui se soulèvent à chaque inspiration et s’abaissent.
Finalement, le regard glisse vers l’ouvrage de son partenaire de soin. Le temps peut-être permettrait d’effacer la blessure, mais rien n’était sûr…

Les terres Nakhus ce n’était pas à côté. Peut-être même que le transporter ne ferait qu’aggraver les blessures, car ne le cachons pas, le loup blanc ne semblait pas être particulièrement fort ou endurant. Prudence non plus.

« — Le transporter aussi loin, ce serait le condamner. »

Peter sifflota à ses pattes, presque séduit par cette perspective, alors que sa langue vint pourlécher le sang qui avait souillé l’herbe.

La solitaire hésite, fronçant ses sourcils avant de porter son regard sur son interlocuteur.

« — Les bois de l’oublis sont justes à côté, nous prendrions moins de risques en l’établissant là-bas. Les branches nous permettront sans mal de lui faire un abris, même de fortune. »

C’était mieux que rien.
Mieux que de prendre le risque d’aggraver ses blessures en le transportant plus loin.
Prudence se redresse, attendant l’avis du Nakhus.

« — Que préfères-tu ? »

Il faisait froid à découvert. Prudence ôte la fourrure autour de son cou, celle qui couvre ses épaules, pour la déposer sur leur patient. À lui pour le moment, elle lui serait bien plus utile. En attendant que sa situation s’améliore.
La patte effleure le front du brun, alors que les yeux mauves l’observent avec certitude. La Licorne ne permettrait pas qu’il arrive quoique ce soit d’autre de néfaste, pas en sa présence.

« — Il va s’en sortir. »

À la question du loup blanc, elle secoue négativement la tête. Non, pas d’autres pouvoirs magiques, pour le moment. Par contre, chercher un abris, ça, c’était dans son domaine de compétence. Après tout, son père avait bien construit leur tanière dans la savane et on ne pouvait pas dire que ces derniers temps, Prudence avait un vrai toit au-dessus de la tête, menant une vie de semi-vagabonde. Ce qui ne lui déplaisait pas… mais qui au moins lui permettait de savoir quel endroit choisir judicieusement pour la nuit, ceux à éviter aussi.

« — D’accord. » La solitaire se redresse, hésitant un instant. « Tu veilles bien sur lui, hein ? »

Parce que la Licorne l’avait touché.
Pour l’instant son destin était lié, jusque’à ce que la Faucheuse passe son chemin.
La silhouette de la louve s’éloigne, laissant le blessé aux bons soins de l’inconnu Nakhus. L’herbe laisse place aux feuilles mortes et petites branches qui craquent sous son poids. Le museau levé, les yeux de Prudence cherchant tant bien que mal un emplacement. Concentration. Le terrier abandonné ? Bien trop étroit. Le creux d’un arbre ? Pas assez confortable. Un arbre tombé ? Pas… Quoique. Les cornes viennent tapoter le tronc qui ne bouge pas. Hum… C’était solide. Assez pour disposer d’autres branches contre afin de former un toit. De l’eau à proximité grâce au ruisseau qui s’écoulait à tout juste deux pas. Ne restait plus qu’à amener le patient.
Prudence fit demi-tour, pour rejoindre les deux loups, quelque peu essoufflée, alors que ses yeux brillent d’un certain enthousiasme.

« — Y’a endroit pour l’installer, tu devras m’aider pour que ce soit parfait. En attendant, on ne va pas avoir d’autre choix que de le transporter. »

En espérant que cela ne rouvrirait pas les blessures… À deux, ils pouvaient s’en sortir, mais ce n’était pas non plus à côté. Moins loin que chez les Nakhus dans tous les cas…