Le monde est fou — Groac'h — Te Hari

Le monde est fou — Groac'h ft. Te Hari

- "Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix. Un, deux, trois, quatre..."

Une patte après l'autre, il est nécessaire que tu regardes devant toi. Pourtant ton regard furet de droite à gauche, de gauche à droite. Cet endroit te donne la chair de poule. D'ailleurs pourquoi parle-t-on de poule ? C'est vachement bizarre tu trouves pas ?

Attention, là !

Tu tournes la tête vivement d'un côté mais tu ne vois rien.
Tu restes sur tes gardes, la poitrine bondissante, comme si de ta cage thoracique allait s'échapper cette pompe à sang...
Tu analyses la zone, longuement, la respiration coupée...
Avant de remarquer que ce sursaut n'était simplement dû qu'à l'une de tes mèches de cheveux. Tu soupires, fort mais pas trop. Il ne s'agirait pas que l'on t'entendes...
Tu reprends ta marche.

- "Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix. Un, deux, trois, quatre..."

Cela fait maintenant cinq... Non... Six jours que tu erres dans ces bois sans en trouver la sortie. Cela ne sembles pas difficile. Mais comme tu ne sais comment tu es arrivée dans cette contrée, tu ne sais comment sortir de ce peuplement d'arbres... Ils te dominent, te sourient de leurs stries déformant leur tronc, des créatures poussent des cris glaçants à leur cîme.
Et tu es seule.
La vie était plus douce au fond de cette grotte. Tu avais parfois de la visite mais tu préférais te cacher. Compréhensible lorsque tu ne sais ce qui t'attend hors de ta zone de confort. Alors tu observais. Des êtres comme toi, tu en as vu passer quelques uns. Ils semblaient tous chercher des choses dans ce dédale. Parfois ils trouvaient, d'autres fois rentraient bredouilles.

Et puis le froid s'est invité, s'est insinué dans chaque fissures. Tu as entendu avant de voir et de sentir. Tes amies étaient paniquées, voletant en tous sens, elle te pressaient de t'enfuir. Quelque chose se passait et tu entendais craqueler un peu plus à chaque secondes qui passaient. Alors tu t'es emmitouflée dans cette écharpe qu'à tes côtés tu avais trouvé et tu as détalé, s'assurant que tes camarades te suivaient.
Tu déboula dehors, trébuchant sur pierres et racines. Au moment où tu allais percuter un arbre dans ta roulade, un bruit assourdissant, telle une détonation retentit derrière toi. En te retournant, tu ne pu qu'apercevoir brièvement pour la dernière fois la lumière si rassurante du Terrier.
Puis plus rien.
Juste un grand nuage de poussière et dans le silence de la forêt, tu entendais les dernières pierres rouler dans le peu d'espace qu'il restait entre elles.

Depuis lors tu n'as cessé de ne dormir que d'un oeil. Le gibier est mortellement rare par ici et tu sens chaque jour un peu plus le froid mordre ta peau si maigre. Ton instinct te pousse à grignoter racines et insectes pour survivre. La solitude aurait pu te rendre plus folle que tu ne l'es mais bien heureusement tes amies sont là, à tes côtés. Elles ne peuvent t'aider, tu le sais. Mais leur simple présence suffit à te rassurer.
Tu n'es pas si seule finalement.

- "Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix. Un, deux, trois, quatre..."