Il heurte le sol d’un bruit clair, glisse sur la glace avant de heurter ses griffes. Les oreilles de la louve pie se baissent sur le côté et elle tire un sourire attristé, avant de le saisir. Il brille d’une douce lueur violette, et une vague d’énergie la parcoure comme une vague de sérénité lorsqu’elle l’amène à hauteur de ses yeux. Elle ferme les yeux un instant, mais la rage qui émane de Lyn est un brasier qu’elle ne peut ignorer, alors que la louve déjà a fait demi-tour et s’éloigne. Elle n’a apprécié sa décision,
mais Eva pouvait-elle benoîtement abandonner sa déesse à cette louve ? Oui, elle voulait construire un pont entre leurs nations. Oui, elle voulait tendre la patte. Mais son glowstick, au demeurant particulièrement personnel, ne pouvait entrer dans la balance.
Elle attacha l’industriel à son oreille, là où était sa place, avant de jeter un dernier et fugace regard vers la louve crème qui s’éloignait.
Il était temps de rentrer à la maison.
Elle observa ses acolytes et leur offrit un sourire avant de les inviter au campement. Ils avaient beaucoup à réfléchir, beaucoup à trouver, beaucoup à éclairer. Un petit raptor vert ? Cela lui évoquait bien des idées… Mido était-il responsable de tous ces problèmes qui leurs tombaient dessus les uns après les autres ? C’était une piste à explorer. Ca n’est pas à
lui qu’elle irait le demander, ceci dit.
—
Elle eut tôt fait de faire un retour de leur rencontre avec Lyn et des éléments en sa possession à Ajani, Kerguelen, mais aussi aux dames Pepper et Anette. Elle resta factuelle dans les données qu’elle transmit, mais très probablement ne put cacher la joie intrinsèquement liée à cette prise de contact et aux opportunités qui s’offraient à eux.
D’accord, des dinosaures avaient envahi leurs terres. Mais ils avaient découvert un
peuple ! Des loups qui avaient des dieux similaires aux leurs, des loups d’un temps oublié.
La fibre exploratrice de la pie
vibrait à chaque fois qu’elle y pensait. Elle se
devait d’y retourner, et surtout elle se
devait de travailler à une meilleure connaissance et un rapprochement de leurs peuples. Elle eut l’agréable surprise d’entendre parler de Knut à son retour au camp, et les liens se firent. Plus forts, plus cohérents. Lyon et Knut faisaient partie d’une petite meute qui se protégeait des dinosaures et survivaient dans leur territoire hostile… Et réalisaient, eux aussi, des
épreuves pour prouver leur valeur. Un fonctionnement si similaire au leur…
Ils se devaient de resserrer ces liens naissant.
Cela faisait plusieurs jours qu’ils avaient quitté la grève, et déjà ils se devaient d’y retourner. Mais dans ses préparatifs…
Ses griffes crissèrent sur le sol du temple de la Corneille. La louve-pie ferma les yeux un instant et inspira à pleins poumons, s’emplissant de la quiétude qui emplissait les lieux. Les malades avaient depuis longtemps déserté l’église, qui avait retrouvé son calme habituel. Ses statues. Sa fontaine. Des hauts carreaux de couleur filtrait une lumière douce et chaleureuse, éclatant sur le sol en mille tâche multicolores et dansantes. C’était le début de l’après-midi, et il faisait frais. La neige formait un tapis immaculé sur le sol, d’où perçaient les arbres dénudés. A l’intérieur de l’édifice s’engouffraient de larges bouffées glaciales, mais c’était comme si se rapprocher du centre de l’église réchauffait plus que le coeur.
Eva sourit et laissa ses pas la mener au centre, où elle contempla le visage apaisé de la sculpture.
Déesse Yurai.Sa voix résonna, calme, se réverbérant sur les pierres alentours.
Nous sommes face à une situation sans précédent. Des monstres sont à nos portes, à tel point que Kerguelen elle-même se pare d’une armure et de flèches.Elle ne parvenait pas à se défaire de la vision de la petite louve grise et de son carcan de peau de Mozzarella délicatement paré de violet. Une vision fière, mais une vision…
Triste. Qu’une louve certes déterminée mais si opposée à toute forme de violence soit prête à aller en guerre, contre la nature elle-même.
Ca ne lui plaisait pas.
Elle secoua la tête.
Nous sommes face à un problème que l’on doit aborder à la fois avec nos griffes et nos crocs, mais aussi avec notre coeur. Car nous sommes aussi face à un peuple, un peuple à qui nous pouvons tendre la patte. Un peuple prêts à nous tendre la patte. J’aimerais solidifier ces liens qui se forment et ne sont que soie pour l’instant.Elle laissa les pierres s’imprégner de ses paroles. Sa patte effleura le glowstick accroché à son oreille.
J’ai du pour assurer la sécurité de Lewis - et la notre - me séparer un instant de votre présence. Lyn, éclair jaune, éprouve un attrait évident pour ces artefacts. Un sourire creusa ses babines.
Mais vous comprendrez que je ne peux me séparer de ce lien que j’ai avec vous. Et qui ne lui serait que peu utile, je le crains.Elle rit doucement, et s’assit face à la déesse de pierre avant d’enrouler sa longue queue blanche autour de ses pattes.
Alors j’aimerais lui faire un présent, qui sans être un glowstick le rappelle. Quelque chose qui vienne de nos dieux, quelque chose qui vienne de vous. Qui affiche notre volonté et nos efforts de rapprochement. Une certaine façon de bénir nos efforts conjoints. De tendre la patte, un peu plus loin.De nous montrer votre soutien.Si Eva n’avait jamais été particulièrement dévote avant d’arriver sur le continent où elle vivait actuellement, elle s’était attachée à la rassurante présence de la déesse violette. Cette chaleur, ce sentiment de sécurité qu’elle recelait.
Accepteriez-vous de m’assister en cette action, déesse de notre peuple ?C'était pour le coup quelque chose qu'elle ne pourrait accomplir seule.