Elle avait observé la petite cérémonie de la mort du vieux maître des rituels avec attention, et le blabla d'Ann l'avait beaucoup intéressé. Elle avait l'air un peu cradingue, avec ses dreads et ses yeux fous. C'était sa tante, certes, mais vraiment elle avait un pet au casque. Et si elle était rapide, un rien semblait pouvoir la
briser. Comment avait-elle pu survivre tant de temps ? Probablement grâce au reste de la meute, oui.
Elle avait vu, ses frères de coeur et de sang s'avancer vers elle. Elle l'avait vu, elle l'avait entendu donner son petit défi, sa petite énigme. Elle l'avait vu retenir les médailles contre elle comme un trésor dont elle serait gardienne. Comme une magie dont elle serait maîtresse, alors qu'elle ne faisait qu'en délivrer la puissance. Elle s'arrogeait ce qui ne lui appartenait pas - parlait pour l'Océan quand ce dernier avait sa propre voix.
Celle des vagues sur la grève.
Celle du rhume dégoulinant de la fontaine.
Makuro rampa de l'ombre d'un caillou à un autre, preste et invisible. Elle portait sa longue cape noire et sa capuche qui cachait aux yeux du monde sa longue chevelure d'argent. Il n'y avait pas que des désavantages à être petite. Lorsque l'on ne souhaite être vu, c'est un atout de poids.
Elle ne souhaitait pas être vue. Elle ne souhaitait pas qu'Ann la voit, elle ne souhaitait pas s'expliquer avec elle, elle ne voulait pas
lui parler. Cette petite louve noire était tout ce que Safran n'était pas - outre peut-être sa dévotion à l'Océan. Elle lui préférait largement Abysse, benêt mais gentil. Prêt à se faire mener par le bout du nez.
Cette Ann, non, avait beau être sa tante, elle ne la sentait pas. De la même façon qu'elle s'était détachée de sa mère, avait fait de Safran son mentor malgré elle, était allée sur le Continent et avait arpenté ce dernier sans relâche des mois durant. Découvrant le Manoir aux araignées -
quel lieu exquis - les Bois et évitant bien entendu les terres de ces Etelkrus si...
Dangereux.Mais ça n'était pas un Etelkru qu'elle fuyait là, non, ni un crabe qu'elle chassait.
C'était un médaillon.
Devant le trésor elle se redresse, yeux pétillants, et en saisit
un. Elle les a observé longuement, avant de décider qu'ils étaient tous pareils et qu'elle n'y perdrait pas plus de temps. Elle le passa autour de son cou, à l'intérieur de sa capuche, le cacha dans sa chevelure.
Fit demi tour, et de nouveau se glissa dans l'ombre.
Silencieuse.
Affairée.
Mais sereine.