A l'ombre de toi [Ft. Onyx]

Elely

Comme c'était amusant, de la voir ainsi se tordre à son tour de rire jusqu'à en pleurer. Enfin Elely avait fini par reprendre le dessus, elle avait retrouvé sa fierté et son honneur et s'en délectait. Mais ce fut de courte durée, malheureusement, car le corps de sa victime se faufila hors de son emprise.
Déçue de sa prestation et vexée par les provocations d'Onyx, elle lui tourna le dos et fit mine de regarder le paysage.

C'était voulu, tu crois quoi. Rétorqua Elely d'une voix froissée.

Elle posa ses fesses au sol et se mit à gronder pour elle même, par le biais de ses pensées. Chiante de base, la fatigue n'arrangeait pas son caractère. Il ne fallait pas trop jouer avec sa fierté, c'était quelque chose qu'elle n'arrivait pas à contrôler. Pire qu'une gamine.

Ouais ouais, c'était ce qu'ils disaient tous pour pas reconnaître que c'était bien elle, Onyx, la plus fo...
Attends, ce ton, et cette attitude lui disaient qu'elle ne jouait plus, Elely. Qu'elle était même agacée. Peut-être avait-elle été trop puérile, en jouant à la bagarre comme le font les louveteaux ?
Là encore, elle ne savait plus trop quoi penser, à croire que son cerveau s'arrêtait dès lorsque les choses devenaient un peu trop... compliquées.

Elle était ptet conne, Onyx, en fait. Trop conne pour comprendre les gens.

La licorne s'approcha doucement, confuse, un peu perdue... Puis laissa son éternel optimisme la regagner. Bah, ça devait pas être bien grave, si ? Elle était p'tet un peu émotive, Elely, comme elle pouvait être constamment trop pleine d'énergie. Faudrait faire avec.
S'étant auto-rassurée, Onyx vint se glisser dans le dos de son amie, collant sa tête contre son épaule.

- Dis, c'est quoi ton pouvoir ?

Valait mieux changer de sujet et faire comme si elle n'avait rien vu.

Elely

Lorsque la tête d'Onyx vint se poser sur son épaule le regard d'Elely tourna un bref instant sur elle, en biais, avant de retourner sur le paysage. Elle boudait comme une gamine parce qu'elle manquait de maturité, elle manquait de compréhension et de discernement. Elle ne connaissait que la colère et l'agressivité, Elely, alors dès que de nouveaux sentiments apparaissaient elle devenait bête et réagissait comme une enfant.

Le changement de sujet proposé par son amie lui força à dépasser sa rancune personnelle et elle répondit, plus agréablement :

Je peux faire voler des plumes.

Elle ferma les yeux et se concentra pour faire le vide en elle. Au bout de quelques secondes seulement, certaines plumes devinrent roses sur sa cape et s'entourèrent de l'aura lumineuse et puissante de Moiro. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, les plumes se détachèrent de sa cape et volèrent doucement pour s'aligner en face d'elle. Ensuite, d'un coup, elles se séparèrent et comme si elles dansaient, elle se mirent à faire des boucles gracieuses dans les airs, tournoyant tantôt sur elles-mêmes, tantôt entre elles dans un spectacle de lumière et de délicatesse. Puis elles vinrent tourbillonner autour d'Onyx précautionneusement et enfin, elles remontèrent en spirale et disparurent chacune leur tour.

Ça t'a plu ?

D'habitude utilisées comme des armes tranchantes, Elely avait dû faire un grand effort de concentration pour avoir un tel contrôle sur leurs mouvements et ne pas blesser Onyx. Contente de sa performance elle afficha un grand sourire, la colère s'étant entièrement évanouie au rythme de la danse des plumes.

Onyx observa les jolies plumes roses tournoyer, les yeux écarquillés. Elle se sentit comme une enfant et c'était peut-être ce qu'elle était encore, dans sa tête, s'émerveillant de beaucoup de choses, d'un beau paysage comme ceux qu'elle découvrait encore, parfois, à ces choses là, surprenantes et qui, pourtant, trouvaient leur explication dans la magie conférée par les Dieux.
Cette magie qu'elle ne possédait pas encore, à l'exception du Don de l'enfance, celui que l'on expliquait pas.

- Oui, c'était super joli ! J'trouve qu'on reconnait bien Moiro dans c'pouvoir, c'est vraiment super gracieux !!

Elle afficha un grand sourire et, pour ne pas changer, piailla joyeusement.

- J'espère que j'aurai un gros pouvoir un jour, moi aussi ! Comme ça j'pourrai t'le montrer !

Elely

Au moins aura-t-elle vu que la beauté de ce pouvoir, et non son aspect féroce. Car si elle savait l'utilité qu'Elely en faisait, peut-être qu'elle n'y verrait pas autant de grâce. Et pourtant.. Qui a dit que le meurtre n'avait pas d'élégance ? Pour l'instant la disciple rose n'avait tué personne, mais dans son esprit façonné par l'entraînement, ce serait un acte comme un autre.

Tu sais vers quel dieu tu veux diriger tes prières ?

Pour l'amour de Moiro, pas un dieu Etelkru..

D'un coup de patte, elle retira les cinq grandes aiguilles de sa tête et détacha son chignon qui s'était un peu défait par la récente bataille. Sa chevelure rouge sang tomba en une cascade d'ondulations sur ses épaules et dégagea un petit parfum rosé lorsqu'elle la trifouilla pour la démêler.

Même si on ne peut pas toujours choisir son pouvoir, toi tu aimerais quoi ?

A la question posée, le regard d'Onyx s'éclaira et son visage se fendit d'un large sourire. Sa réponse fut donnée sans la moindre hésitation.

- Ao ! Clairement, ce sera Ao ou personne ! J'me suis toujours reconnue dans ce qu'elle représentait, puis un jour, quand j'étais gosse, j'ai accompagné ma mère la voir... J'me souviens que je lui avais fait un cadeau ! Elle est apparue, et elle était tellement cool, ça m'a vraiment confortée dans mon choix !

Est-ce qu'Elely venait de réveiller la fangirl d'Ao qui était en Onyx ? P'tet bien. Elle aimait, sans savoir expliquer pourquoi, Ao et cela se ressentait dans chacune de ses paroles.
De tout cœur, elle espérait pouvoir arborer la couleur de sa déesse préférée.
Seconde question, elle réfléchit, cette fois.

- J'kifferais un truc cool comme... Comme pouvoir exaucer les vœux, par exemple ! Ca ça serait vraiment vraiment cool ! Ou pouvoir voler ! Ou pouvoir guérir n'importe quel blessure ! J'sais pas, en vrai, mais j'suis sure que si Ao veut bien d'moi, elle me donnera un super pouvoir.

Son regard pétillant se posa sur Elely.

- D'ailleurs, si t'avais un vœu à faire toi, ce s'rait quoi ?

Elely

L’enthousiasme d'Onyx arracha un sourire amusée à Elely. Elle l'écoutait tout en retirant les résidus infiltrés dans ses cheveux, ses prunelles azur tantôt sur elle, tantôt sur ce qu'elle faisait.

Mon frère aîné voue une grande admiration aussi à Ao. Lui par contre il ne peut pas la voir à cause de sa malédiction, mais ça ne l'empêche pas de lui rendre visite de temps en temps.

Il devait probablement tenir ça de son père, Gloriel, qui a été son mentor. Lorsqu'elle était sur les terres désolées, elle passait très souvent proche de la grotte d'Ao en espérant le voir, mais jamais ils ne se croisaient..

En voilà des pouvoirs généreux. Tout pour les autres, ce n'était pas si étonnant quand on apprenait à connaître le caractère d'Onyx. Sûrement un truc de licorne, toute cette gentillesse dégoulinante.

Elle remonta ses cheveux sur sa tête et forma un nouveau chignon parfait en quelques minutes. Autrefois elle mettait des heures pour avoir ce résultat, même avec une flaque d'eau, mais grâce à de l'entraînement elle y arrivait les yeux fermés maintenant.

La question lui figea le regard.

Retrouver mes frères. Venger ma mère. Ressusciter Akira. Refonder une nouvelle meute.

Ce n'était pas les idées qui manquaient.

Vivre une histoire d'amour comme dans les livres. Être la première aux yeux de Mère. Avoir toute sa fierté et l'admiration de mes sœurs.

Même si certaines étaient un peu puériles.

Tout en remettant ses aiguilles une à une, elle répondit :

Que mes frères aillent bien..

Que Méridor ne nous aie pas trahi.

Les oreilles pointées vers l'avant, Onyx écouta tout ce qu'avait à dire Elely, sur son frère qui, tout comme elle, aimait Ao. Qui, tout comme elle, était soumis à une malédiction... Différente de la sienne, pourtant. Est-ce que c'était, là aussi, quelque chose de familial qui venait d'un pays lointain ? Ou quelque chose d'ici ? Mais pourquoi ?
Elle n'eut pas le temps de questionner Elely. La sienne, de question, sembla susciter quelque chose chez la louve rouge. Quelque chose qui lui tira, à elle, un air étonné.

...
Que ses frères aillent bien ?

- Est-ce qu'ils sont... malades ?

A défaut d'être une sorcière avec des super pouvoirs magiques ou d'avoir un pouvoir la rendant capable de guérir n'importe quelle blessure, elle avait de bonnes bases en herboristerie grâce à l'enseignement parental.
Alors, peut-être pourrait-elle exaucer le vœu d'Elely, juste comme ça ?

Elely

Lorsqu'elle reposa ses pattes à terre, son regard était devenu plus froid, plus dur. Méridor, où es-tu bon sang ? La voix d'Onyx chassa cependant les pensées négatives et inquiétantes qui venaient de lui serrer l'estomac et elle afficha un sourire plus rassurant.

Non, enfin je ne l'espère pas. Ça fait si longtemps que je ne les ai pas revu, j'ai très peu de nouvelles d'eux au point où j'ignore si ils sont encore en vie aujourd'hui.

Elle soupira par le nez. Elle s'inquiétait plus pour Méridor que pour Rhaegar, aux dernières nouvelles c'est lui qui était gravement blessé et pris par le clan Etelkru.

Tiens au fait, toi tu peux la voir Ao ! Si jamais Rhaegar repointe le bout de son nez, tu pourrais parler de lui à la déesse bleue ? Je suis sûre que ça lui ferait plaisir.

Elle planta ses prunelles désireuses dans les siennes, plus optimiste.

Oh, d'accord, elle comprenait mieux maintenant. Se voulant réconfortante, elle donna un coup d'épaule amical (oui oui) à Elely, un doux sourire sur les babines.

- Vous finirez bien par vous revoir, et alors vous s'rez encore plus heureux de vous retrouver. Si ça peut te rassurer, ça fait un moment, aussi que j'ai pas vu mes frangines. Pourtant j'les aime très fort, mais voilà, on grandit, on emprunte des chemins différents... Et c'est pas grave, ça enlève rien aux sentiments.

Elle était sûrement un peu naïve. Comment lui en vouloir, alors qu'elle était née et avait grandi dans du coton ? Ses parents étaient probablement les plus aimants que cette terre avaient foulées. Quand à ses sœurs, elles avaient beau s'être séparées, le jour de leur premier anniversaire, pour découvrir le monde chacune de leur côté, dès qu'elles se voyaient, les sourires revenaient fendre leurs visages et les gueules s'ouvraient pour se raconter tout ce qu'elles avaient pu vivre.
Onyx espérait la même chose à Elely, lorsqu'elle retrouverait ses frères.

La petite licorne hocha vigoureusement la tête.

- Pas d'soucis ! J'ferai ça ! Tu veux que j'lui dise un truc en particulier, à Ao ?

Elely

Les paroles réconfortantes d'Onyx lui firent chaud au cœur et elle se trouva bien chanceuse d'avoir une amie comme elle à ses côtés. Avec ses sœurs elle gardait tout pour elle mais avec la licorne, elle pouvait enfin se confier presque librement. Elle se sentait plus naturelle, plus détendue en sa présence. Plus libre.

Si seulement tu avais raison.

Mais leur histoire, leur famille était bien trop différentes pour qu'Onyx ne puisse saisir la réelle angoisse qui rongeait le corps d'Elely de l'intérieur. La rouge ne pouvait qu'envier sa vie, que la jalouser car elle n'avait jamais connu un bonheur comme le sien. Son unique bonheur jusqu'à maintenant résultait dans le regard froid que Mère portait parfois sur elle avec un peu d'intérêt. Mais cela ne l'empêchait pas de sourire, c'était devenu automatique, artificiel. Un masque si parfaitement porté qu'elle ne le sentait même plus. Seule Onyx parvenait à le faire tomber, parfois, et à la surprendre. Là est ton pouvoir, fille de Teddy.

Euh.. Je n'en sais rien.. J'espérai que ce soit Rhaegar qui te le dise plutôt. Quand je l'aurai retrouvé, je te le présenterai. Il est a-do-rable tu verras !

Ou peut-être qu'elle était tout simplement trop naïve elle aussi, Elely, et que ça la mènerai à sa perte.

- Ok ! J'en doute pas héhé

Si il était aussi sympa qu'Elely, ils devraient bien s'entendre ! ... Et même si il était aussi mystérieux qu'Isrâ qu'Onyx trouvait quand même sympa. Mais en soi, Onyx trouvait tout le monde sympa, tant qu'on la plaquait pas au sol, qu'on essayait pas de la mener en bateau et qu'on ne la forçait pas à faire quelque chose contre son gré. Surtout, elle était toujours motivée à se faire de nouveaux potes.

- Ils s'appellent comment, tes frères et sœurs ? Ils sont comment ? Et tes parents ? J'sais que ta mère est une amie d'mon père mais... C'est tout. J'ai l'impression que tu sais tout d'moi et d'ma famille, mais moi, je sais rien de toi.

Bah ouais, quand même, elle était un peu curieuse.
...

- Sauf si tu veux pas en parler ! 'Pas obligée du tout !

Elely

Vilaine petite curieuse.
Le bombardement de questions qui arriva lui claqua d'un coup en pleine face et Elely se sentit soudainement attirée par le sol, comme écrasée par un poids invisible. A chaque question son cœur s'emporta un peu plus, jusqu'à battre la chamade et provoquer en elle un mouvement de panique imperceptible. Immobile, la seule différence notable qu'Onyx pouvait observer était sa légère raideur apparente et le mouvement de sa queue qu'elle avait placé autour de ses pattes.

Pourquoi toutes ces questions si soudainement sur sa famille ? Voulait-elle lui sous-tirer des informations ? Elely n'avait pas l'habitude qu'on s'immisce autant dans sa vie privée, surtout familiale. C'était un point très sensible qu'il ne fallait surtout pas toucher. Quelle importance ça avait réellement, d'en savoir plus sur sa famille ? Ils sont si nombreux à leur vouloir du mal, à vouloir exploiter leurs faiblesses.. Mère lui a toujours appris à ne jamais faire confiance aveuglement, à ne jamais parler de leur famille car ce serait les mettre en danger. Ce serait naïf.

Euh.. C'est que...

Elle hésita, la pression lui broyant la gorge.

Je n'aime pas trop parler de ma famille.

Elle avait baissé sa garde devant le beau sourire innocent d'Onyx mais cette avalanche fit très vite remonter sa méfiance. Le regard qu'elle posa sur elle, neutre, n'avait cette fois-ci plus rien de timide.

Je vais y aller, j'ai passé une mauvaise nuit alors je vais aller me reposer un peu.

Elle bailla derrière sa patte, élégamment, et se releva.

A bientôt Onyx, je l'espère. Ca m'a fait plaisir de te revoir.

Elle lui sourit, de ce ravissant et doux sourire artificiel, puis se dirigea vers Pitaya qui jouait avec un mulot.

Onyx haussa les épaules.

- Y'a pas d'soucis, c'est ton droit !

C'était pour ça, qu'elle lui avait laissé cette possibilité, avant même que la louve rouge ne lui réponde. Il semblait peser sur cette famille comme un terrible secret, des choses qui faisaient mal, qui angoissaient et inquiétaient. Des choses qu'elle ne comprenait pas, Onyx, et qui lui paraissaient si loin de la notion même de la famille.

Elle, aurait pu parler avec amour de la sienne durant des heures. Raconter une enfance heureuse, à faire de la peinture sur les murs de la tanière familiale, à sauter sur les corps alors endormis de ses pauvres parents. Les petits déjeuners et son père qui leur donnait toujours un récipient pour manger, pour leur faire plaisir, quand bien même elles auraient très bien pu manger par terre. Les excursions d'enfance, la mer. L'odeur de maman, sa douceur et ses pauvres plantes qui s'étaient plus d'une fois retrouvées en péril lors de leur enfance, à ses sœurs et elle. Toutes les fois ou elle avait cassé ou modifié la forme de la queue d'Agathe et les cornes de Prudence. Les potions magiques dans les flaques de boue, la carte au trésor.
Être celui de maman, de trésor, et la fierté de papa.

Onyx aurait sincèrement aimé entendre Elely lui parler de ces choses là, de ce frère qu'elle semblait tant aimé, par exemple. Après tout, elle ne connaissait même pas son nom.
Et ne comprenait pas pourquoi tant de secrets. Et pourquoi elle fuyait, maintenant.

Elle ne savait pas non plus ce qu'elle était censée faire à ce moment là, ce qu'Elely attendait d'elle. Si elle devait jouer les idiotes qui ne comprenait rien et s'arrêtait face à cette excuse ou si elle devait persévérer, quitte à la mettre mal à l'aise.
Ce qu'elle ne voulait pas.

Onyx se surpris elle même à soupirer, quand bien même un sourire flottait toujours sur ses babines.

- D'accord, repose toi bien ! J'vais aller explorer un 'tit peu dans les environs. On se recroisera p'tet ! A bientôt !

Un signe de la patte et elle la laissait tranquille, disparaissant dans les champs.