Le serpent à plumes et la couleuvre - Daisy

Tout était parti d'une envie de le revoir.
L'heure de la couleuvre avait été une éclaircie dans dans sa routine, parfois ennuyeuse. Il s'entendait bien avec les Nakhus, évidemment, mais peinait à créer de réels liens avec les siens, au delà d'une légère affection, mais jamais de manque si les loups venaient à s'éloigner de lui. Il se l'avouait, les choses n'avaient pas été bien différentes avec sa propre famille : Lorsque Sokaris et Horus l'avaient laissé derrière, il n'avait rien ressenti de particulier et avait rapidement retrouvé sa routine et ses livres.

Mais pour Daisy, tout était différent et il aurait aimé connaître bien plus d'heures de la couleuvre.
C'était pour cette raison, qu'un matin, il avait pris son sac et avait traversé les terres de Punk Wolf, atteignant la frontière des terres Etelkrus, sans la franchir, cependant, en espérant pouvoir croiser son ami.
Ce fut un autre loup qui l'accueillit, et qui l'informa de la situation.

Daisy était parti après la mort de sa mère.

Ce même jour, Noé quitta Punk Wolf pour se mettre à sa recherche.
Car il savait, pour avoir été son confident, à quel point Daisy l'aimait, sa mère. Et il n'avait pas besoin de pouvoir accéder à ses pensées pour se douter, à juste titre, du chaos qui devait éclater en lui, actuellement, au point de le pousser à fuir loin des siens, loin de ce clan qu'il servait depuis sa naissance.
Car il savait que lui, Noé, ne pourrait pas reprendre sa routine. Pas alors que son ami le plus précieux souffrait.

Si on lui avait dit, un jour, qu'à son âge et qu'étant donné sa condition physique, il se remettrait en vadrouille.
Pourtant, le voilà sur un chemin poussiéreux, désertique, à remonter son écharpe pour se protéger, à avancer malgré ses coussinets abîmés et son corps qui criait grâce.
Bientôt, les premiers voyageurs croisés et ce fut la première fois qu'une question, qui deviendrait ensuite récurrente, franchit ses babines.

- Avez-vous vu un loup gris, à la queue de chat, avec les cheveux rouges ?
Et avec elle, la première réponse négative.

Parmi les dunes, il se perdit. Il n'avait jamais eu un très bon sens de l'orientation, à vrai dire, et là, le paysage n'était pas fait pour l'aider.
A cours de provision, épuisé et assoiffé, il s'effondra dans le sable, pour être sauvé par eux, par ce peuple silencieux qui, jamais, ne s'exprimaient pour des futilités.
Ce qui lui convenait bien, honnêtement.

Ce fut à leur côté, qu'il traversa le désert pour rejoindre des terres plus accueillantes. Il marcha encore, grimpa, nagea encore, toujours à la recherche de son ami.
Sur ses babines, toujours la même question.
Sur les leurs, toujours la même réponse.

Il se dit alors que le monde était immense et qu'il cherchait une aiguille dans une botte de foin.
Ce qui était vrai, en soi, mais ne suffirait pas pour le faire renoncer. A quoi bon retourner sur ses pas pour embrasser, encore, une routine qui, plus que jamais, lui paraissait ennuyeuse ? Comment pourrait-il connaître une autre éclaircie, après avoir échoué ?
Noé avait encore besoin de rêver.

- Oui !
- Tant pis, mer...

La réponse lui était venue comme ça, sans qu'il n'y réfléchisse, tant il était habitué à la prononcer, elle aussi.
Mais cette fois, par ce qu'elle n'avait pas lieu d'être, pour une fois, il se sentit submergé par une émotion forte, indescriptible. La confirmation qu'il avait bien fait, de continuer de rêver.
Avec ces maigres indications, qui lui procuraient pourtant tant d'espoir, il reprit sa route dans ces pays chauds qu'il ne connaissait pas.

Pour, un jour, saisir son odeur sur un sentier.
La sienne, et celle d'un autre.

Il sourit, rassuré de savoir que Daisy n'était pas seul.

Longtemps, il suivit la trace, la laissant le guider jusqu'au point de départ. De là, il en déduit que son ami avait trouvé l'apaisement dont il avait besoin dans ces autres contrées. Peut-être, également, grâce à ce camarade qui l'accompagnait.
A son tour, il foula sa terre natale. Pas son chez lui. Il avait renoncé, durant ce voyage à trouver, un jour, un endroit ou il se sentirait à la maison.
Ca ne lui posait pas de problèmes.

Désormais, il y était presque, près de son ami, traversant les plaines savanes pour apercevoir la Rougelande, territoire Etelkrus protégé dont il ne franchirait pas la frontière.
Sur ses babines, naquit un sourire apaisé.

Quand bien même il était épuisé.

Le serpent à plume et la couleuvre

▬ ft. Noé

Printemps 2021.
4ans et 11mois.

C'était un jour chaud.
Un jour comme il en avait connu beaucoup, de vent inexistant et de soleil agréable.
De ce dernier Désastre se laisse baigner, sur une roche pleinement exposée. Il s'est couché, d'abord tout regroupé. De ses cuisses serrées contre ses flancs, de cette queue longeait l'une d'entre elle pour se déposer sur son dos, de ses antérieurs glissées sous son torse. Et progressivement, avait allongé ses pattes avant, écartant les doigts sous l'effet du délice que lui apportait cette chaleur bienfaisante.
Là, il sentirait son poil roussir, quand progressivement arbore les reflets roux de celui qui vit dehors.

Il pense aux herbes sèches de la savane et à la façon dont elles brûlent, parfois.
Feu de brousse sur son dos.

Devant lui le regard s'est fixé et il observe la frontière. C'est sa façon à lui, de surveiller, de contribuer même durant ce temps de repos qui ne se veut qu'illusion. Il a beaucoup à rattraper, alors il ne s'arrête plus. Veille, autant qu'il pense.
De nouvelles, il n'avait pas eu tant à prendre. Les choses avaient bougées, un peu, mais pas tant qu'il aurait pu le croire. Il n'était plus soumis aux mêmes loups, la hiérarchie avait changée. Dans le castel, il n'avait plus retrouvé une trace d'elle.
C'est tout.
Et parce que l'action avait manqué lorsque trop elle fut auparavant, parce qu'on avait eu besoin de lui, parce qu'on avait compris, son absence fut comme oubliée dès le lendemain de son retour.
C'était cinq mois, ce n'était rien.
Ses marques sont reprises, et maintenant il veut faire mieux.

Ses frontières, sous ce soleil chaud, il les regarde encore.

Il pourrait marquer. Les décaler, d'un peu.
Le territoire peut s’agrandir.
Il se permettra d'essayer.
Les idées viennent et s'enregistre.
Il se réinvente un cadre et se saisit de missions nouvelles, tant qu'on ne lui en pose pas.

Et tout va bien.
...
Bien que peut-être un peu moins, quand le point brin, là-bas, se rapproche de la ligne qu'il ne faut franchir. Et le voilà debout, Désastre, sa queue redressée haute et droite sur son dos.
Posture nouvelle, la queue n'est plus toujours basse.
Et la crête sur son dos gagne en hauteur, les babines frémissent quand d'attention il ne lâche pas. Parce qu'il vient, le petit point brun, parce qu'il continue à se rapprocher de ce qu'il ne faut pas.
Il l'a vu le premier, le premier il le gérerait.
C'est comme ça qu'il pense (encore, oui, parce qu'il pense beaucoup, maintenant qu'il est sans elle, parce qu'il pense tout le temps maintenant que ce n'est plus elle qui pense à sa place) devoir agir, regagnant place efficace au sein des siens.

Les foulées sont amples et souples, le galop rapide.
Le disciple de Kiro se propulse de ses antérieurs contre le sol et presque décolle.

La distance est avalée et il dépasse d'un pas la frontière pour en faire barrage de son corps.

Pour d'abord ce sourire, les babines retroussées sans qu'il ne grogne (de silence, il conserve).
Avant que l'expression se fige et se décompose.
Neutre.
Un peu surprise, aussi.

Son corps reste en tension le temps de cet instant qui lui sert à réaliser, qui il a devant lui. Il est un loup qu'il n'a pas oublié, il est son Nakhus, le sien.
Il est un confident.
Il est l'heure de la couleuvre.
Même là-bas, il n'avait oublié ce créneau ; à la place parlait un peu plus à Serpent.

La voix est rauque est basse, quand il s'avance sans venir au contact. Il a baissée la tête et la queue pour tout aligner avec son dos, vient en paix et apporte avec lui la fragile sérénité qu'il prétendit gagner ailleurs.

« J'ai cru t'avoir senti, sur les sentiers. »

Mais j'ai cru rêver. J'ai cru que c'était un tour du subconscient, qui ramenait à mon nez les odeurs que j'avais quitté et que je revenais retrouver.

« L'heure de la couleuvre.
...
Je ne l'ai jamais oublié. »

Les mots se cherchent quand ses gestes un peu se bousculent. Il veut communiquer avec ce corps, de cette façon que seul l'Ami comprendrait aujourd'hui.
Je crois que tu sais qu'elle est morte, Pepper.
Il n'y a que toi, qui savait pour le cœur écouté chaque jour. Toi et Anette aussi. Et même si la mélodie était de moins en moins jolie, et même si je savais plus que les autres ce qui pourrait arriver...
...

Je n'ai pas réussi à me préparer au silence, Couleuvre.

Il ne tarda pas à apercevoir Daisy.
Et sur son visage, son sourire s'agrandit, malgré l'attitude quelque peu hostile qu'empruntait le mâle gris. Car Noé, avait, aujourd'hui encore, toute confiance en lui. Il ne bougea donc pas, jusqu'à ce que son ami s'arrête à quelques pas de lui, regagnant l'expression neutre qu'il lui connaissait bien.
C'était mieux ainsi.

Ainsi, il pouvait goûter à ce bonheur simple qu'était leurs retrouvailles. Il s'était, évidemment, beaucoup imaginé cet instant et avait, bien souvent, craint de faire preuve de maladresse, tant il manquait cruellement d'aptitudes sociales. Par ce qu'il se doutait, aussi, de l'état dans lequel se trouvait Daisy.
Mais tout allait peut-être mieux, puisqu'il était rentré ? Ce voyage avait-il permis d'apaiser un peu le chagrin ?

Noé hocha doucement la tête.

- Je ne l'ai pas oubliée non plus.

Son regard vint chercher celui du jeune.

- C'est pour cela que je suis venu, dès que j'ai su.

J'ai eu peur de ne plus te voir, tu sais ?
J'ai eu peur qu'il n'y ai, jamais plus, d'heure de la couleuvre.

Aujourd'hui, il se sentait rassuré, de le voir aller bien.
Et son oeil, d'ailleurs, que s'était-il passé ? Avait-il découvert une quelconque magie, dans ces contrées étrangères lui permettant de le retrouver ? Était ce, là, l'œuvre de Kiro, dans toute l'affection qu'il pouvait avoir envers ses disciples fidèles ?
Quelle importance, au fond. Était-ce vraiment sa priorité, en cet instant ?

- Est-ce que tu veux en parler ?

De tout ça, de Pepper et de son cœur qui battait si mal. Du tien qui souffre encore différemment, sans aucun doute.
Encore une fois, il serait son confident, pour cette heure de la couleuvre.

Le serpent à plume et la couleuvre

▬ ft. Noé

Printemps 2021.
4ans et 11mois.

Souvent il aurait pu lui faire peur, dans ses postures ou ses comportements. Souvent il aurait pu le faire reculer.
Pourtant Noé toujours avait conservé ce calme apparent, cette posture neutre, cet air tranquille. Comme imperturbable, quand à l'intérieur se jouait la discordance de l'état. Quelque part, ils se ressemblaient.
Et si Noé se trouvait mal à l'aise lors de rapports sociaux, c'était chose partagée avec celui faits de nuances de gris (tant de corps que d'esprit). La maladresse des premiers mots, ceux que l'on offre sans savoir s'ils seront bienvenus aux oreilles familières. Les bonjours qui n'en sont jamais, se veulent plutôt être copie de la salutation venue d'en face, ou phrase venue des vécus passés.
Un souvenir, un moment que l'on rappelle. A la recherche de l'émotion vécue à ce moment, peut-être, celle pourtant digérée et que l'on ne retrouve pas vraiment.
On se souvient que c'était bon. Mais le corps n'est plus apte à se détendre comme il le fut jadis.
Il se doute toutefois, Désastre, que ce n'est qu'une incapacité de sa personne ; quand il se rappelle, de la façon dont le visage de Pepper s'illuminait d'une étrange clarté aux moments narrés de son passé.

L'oreille qui entend se penche vers la Couleuvre, reprend une phrase prononcée.

« Dès que tu as su..? »

Pour la mort de Pepper, pour le retour ? Ou pour les deux. Es-tu venu à chaque fois, Couleuvre ?
Combien de fois es-tu venu me chercher, combien de temps m'as tu chercher.
...
Le regard glisse, il continue à prendre des photos de lui. Les range dans cette banque de données, les compare aux images qui n'ont jamais faiblis en intensité.
Il avait trop bonne mémoire, pour ce qu'il choisissait de sauvegarder.

Vient ensuite cette question, qui jusqu'à présent n'était pas venu d'une autre gueule. Celle qu'il aurait craint, au début, celle qui l'aurait fait fuir. Non : celle pour qui il est partie, tant elle aurait habité les yeux et dormit sur les lèvres de trop.

Est-ce que tu veux en parler ?

Ça l'aurait rendu dingue, plus qu'il ne le fut déjà à ce moment.
...
Ce n'était plus le cas, maintenant.

« Je ne sais pas.
...J'ai écouté le cœur battre mal trois ans, je savais que le silence arriverait. Mais pas ce jour-là, pas encore.
J'avais encore besoin d'elle. »

J'avais encore tant de choses à lui dire, je devais lui parler. Tu le savais, ça.

« Mmh.
J'ai ressenti trop de mal, c'est pour ça que je suis parti. »

C'était nécessaire. Et il n'y eut que le Phoenix pour se recueillir prêt de lui, pour lui permettre d'arracher ce cri de douleur coincé au fond de sa gorge. Celui qui l’étouffait, le maltraitait un peu plus. Dans la rage d'un combat, les plumes et le sang ; dans la tristesse que l'on se partage dans une danse chaotique.

« C'était nécessaire et ce n'était pas...C'était bien. »
Je crois que je n'aurais pas pu aller mieux, avec les traces d'elles partout. Son odeur et ses mèches bleues ; il faut du temps pour que tout parte, c'est lui que j'ai trouvé.
« Nous avons rencontré des Autres et nous avons vécus avec eux. J'ai appris à comprendre ceux que je ne comprenaient pas, je sais que j'ai fais des erreurs à cause de ça.
...
Leur vie était différente, j'ai aimé cette vie. »

Il ne la regrette pas, comme il n'avait alors regretté la vie Etelkrus en vivant parmi eux. C'était une expérience nouvelle et différence, c'était ce dont il avait eu besoin à ce moment précis.
Il se rappelle aussi de l'Amie importante, celle de là-bas, celle qui y était restée et qu'il ne reverra probablement jamais mais dont il ne pourrait oublier ni les moments, ni les mots, ni les mœurs partagés.

« A l'heure une de la nuit, ils allumaient un petit feu qu'ils teintaient de la couleur qu'ils attribuaient à leur mort. Elle m'a montrée comment faire, l'Amie de là-bas.
C'est à partir de là que le trop de mal s'est apaisé, je crois. Parce que je pouvais lui parler et que cette heure était la sienne. »

Elle avait retrouvé un créneau précis dans sa vie, il en avait tant besoin. Et s'il ne lui avait pas encore dit ce qu'il devait lui dire, il déliait sa langue face à cette bougie bleue et trouvait apaisement à cette peine qu'on ne pouvait mesurer.
Ainsi en avait-il trouvé un.
De remède face à sa perte.

Elle ne reviendrait pas.
Mais il ne l'oublierait jamais.

Noé se râcla la gorge, comme pour chercher les mots qui seraient justes. Mais puisqu'il n'était pas doué à cet exercice, ils seraient ce qu'ils seraient.

- Dès que j'ai su pour la mort de Pepper. Je suis alors venu aux frontière et les tiens m'ont informé de ton départ.

Vint ensuite le temps du récit de voyage et les oreilles de Noé pointèrent vers la bouche de Daisy, aussi droites qu'elles pouvaient l'être, de par leur forme singulière. Mais avant le départ, il y avait la mort et cette douleur que son ami semblait peiner à décrire, qui l'avait dépassé, sur l'instant, sans que cela ne soit surprenant et l'avait poussé à partir loin des siens durant quelques mois. Il l'écouta parler des Autres, de l'apprentissage qu'il avait fait durant ce périple et, enfin, du feu symbolisant Pepper.
Le mâle chocolat hocha doucement la gorge.

- Il n'y a pas de mauvaise façon de faire son deuil. Certains ressentiront le besoin de s'entourer de leurs proches, quand d'autres trouveront refuge dans la solitude pour accepter toute la douleur ressentie en cet instant. Il y a de nombreuses manières de réagir. C'est... difficile, de perdre quelqu'un. Tu as trouvé le meilleur moyen, celui qui te convenait à toi, d'évacuer ce trop plein de sentiments. C'est une bonne chose.

Quand bien même il n'avait suivi aucun des deux cas de figure énoncés, puisqu'il avait fini par s'entourer d'inconnus, loin d'ici. Des inconnus qui étaient devenus des amis.
Mais il n'y avait pas que ça, il l'avait senti, sur les sentiers.

- Je suis rassuré, de te savoir apaisé.

De le savoir entouré, aussi. Par ce que c'était ça : Il suffisait de voir Daisy en compagnie des siens pour voir à quel point il était apprécié.
Ce n'était pas son cas, à Noé, mais il n'en était pas envieux : Sa condition de vieil ermite lui convenait. A la différence de Daisy, il n'avait pas vécu grand chose, puisant davantage son savoir et sa réflexion dans les livres qu'il dévorait durant des heures que dans les relations fragiles, au mieux cordiale, qu'il avait pu nouer.
Rares étaient ces loups qui avaient marqué sa vie au point de le peiner, lorsqu'ils étaient partis. Ca n'avait pas été le cas pour sa propre famille adoptive, quand bien même il avait regretté, un peu, de ne pas pouvoir dire Adieu à ses parents.

C'était comme ça et il l'acceptait bien, sans qu'aucune tempête n'éclate en lui.
C'était pour cela, aussi, qu'il était désormais un vieux loup solitaire et que son départ n'affecterait pas grand monde, il le savait, ça aussi, et c'était tant mieux.

Il ferma les yeux et inspira tranquillement une goulée d'air.

- J'aurais été jusqu'au bout du monde, pour que nous puissions partager d'autres heures de la couleuvre.

Il n'avait pas idée, Daisy, de tout ce qu'il représentait.

Le serpent à plume et la couleuvre

▬ ft. Noé

Printemps 2021.
4ans et 11mois.

Ils sont deux à si mal parler.
C'est pour ça, qu'ils parlent si bien entre eux.

Peut-être au fond est-il peu désolé, Désastre. De cette quête de la couleuvre, qui ne mena qu'à son épuisement. La fatigue se lit sur son visage, la maigreur sur ses côtes ; il n'a jamais été épais, Noé, du moins il ne l'a jamais connu ainsi. Mais... Oui. Il est désolé. De ces semaines à le chercher, quand d'autres l'attendirent. Parce qu'il n'avait pas pensé à ça, Désastre.
Pourtant, il aurait pu s'en douter, de ce que ça faisait, une absence.
Il connait maintenant le vide et prend conscience de ce qu'il a causé en prenant chemin vers l'Ailleurs.
Il ne dit cependant rien, parce que cela ne servirait pas ; son solitaire évincerait ses excuses, il le fait déjà au profit de ce qu'il dit ensuite.

Une façon de faire son deuil.
...
C'est ça.
Ses mots résument la période vécue sans qu'il ne trouve rien à redire. Parce que Noé est intelligent, assez pour ne prononcer que des choses justes. Il se veut étirer un sourire maladroit au coin de ses babines, quand il pose sur lui un regard comme il ne pose sur personne d'autre.
Il y a quelque chose d'étrange, chez lui, qu'il n'y a chez les autres.

Plus qu'un confident, il est comme son serpent gardien.
A lui, qui ne croit pas aux anges.

« Oui. »

Ça ne pouvait que l'être. Une bonne chose...
Ses dernières phrases lui font relever la tête, alors que son museau progressivement s'était orienté vers ses pattes. Pas par gêne (il n'en avait pas) ni par lassitude (jamais face à lui), mais par simple façon de regarder les griffes usées du marqué de Kiro.

« Tu ne m'aurais pas trouvé, au bout du monde. J'étais au quart, je crois. »
...
« Moi aussi. J'ai beaucoup pensé à l'heure de la couleuvre. »

Il se redresse, Désastre.
Il fait quelques pas, regarde plus loin quand son flanc s'aligne avec celui du brun. Il ne le touche pas, pas sous cette forme ; ils sont tous les deux de ses introvertis qui préfèrent une discussion calme à une profusion de contacts.
Et quand il fixe plus loin, et quand il parle... Il ne sait pas trop, Désastre, pourquoi sa gorge se noue un peu.
C'est désagréable. Le force à parler un peu plus vite, comme soudain pressé par un évènement survenu par surprise et surtout incompris.

« Je... Nous pouvons les reprendre, les heures de la couleuvre. Ton heure, à toi. »
Ton créneau, à toi.
« Chaque jour. »
Avant la danse, pour Kiro.
« ...Sauf si je dois partir, mais je te préviendrais. Mmh. »
Ne plus partir sans un mot.

Il courbe son dos, se retourne à moitié. Les yeux hétérochromes fixent ceux plus naturels de l'autre loup, qui lui rappellent la vase de la moère.

« Et si tu veux toujours...
Tu pourrais venir danser, au créneau de Kiro. Avec moi. »

Maladroit, dans cette demande.
Il se souvient de la volonté du loup de se racheter d'un comportement mauvais, auprès du dieu jaune. Aussi... Il l'invite à ce créneau qui lui sert lui aussi à accomplir cette même tâche.

Pour, à deux, l'honorer un peu plus.
Et lui montrer, ce que le marqué et le disciple ont trouvés l'un chez l'autre.

Il ne releva pas, pour le quart du monde. N'eut même pas un sourire amusé, puisqu'il ne s'agissait pas d'une plaisanterie.
Il sentait Daisy incapable, ou du moins pas avec un tel sérieux, de ce genre de choses, pour ce qu'il connaissait de lui, du moins, et soupçonnait, chez lui, une absence de second degré. Ce qui n'était pas dérangeant, à son humble avis.
Cela ne changerait rien à toute l'affection qu'il pouvait lui porter.

Ses yeux cernés par la fatigue -il lui faudrait du repos, pour récupérer- se rouvrirent et un sourire serein vint fendre son visage. L'heure de la couleuvre reprendrait donc, car c'était évidemment ce qu'il souhaitait.
Si il se coupait des autres, il recherchait la présence de Daisy à ses côtés, ne serait-ce qu'un temps.

Par ailleurs, ce moment promettait d'être plus intéressant encore, si il pouvait lui permettre de revoir Kiro. Cela faisait combien de temps, déjà, depuis son départ ? Des années, mais il peinait à les compter. Sans doute étaient-elles trop nombreuses, il avait tardé et en était conscient.
Mais ne valait-il mieux s'y prendre tard que de ne jamais s'y prendre ?

Plus que d'être libéré de cette malédiction, qu'il avait appris à apprécier, tant elle lui avait apporté par la simple rencontre de son ami, il souhaitait être libéré de la culpabilité qu'il entretenait vis à vis de Kiro.
Son intention n'avait jamais été de le blesser et il avait tout à fait conscience de sa maladresse.
Il hocha la tête.

- J'en serais ravi.

De retrouver l'heure de la couleuvre.
De retrouver Kiro.
De te retrouver, toi.

Le serpent à plume et la couleuvre

▬ ft. Noé

Printemps 2021.
4ans et 11mois.

« J'irais lui demander. »
Un silence d'une seconde, avant qu'il n'apporte cette précision.
« A l'Alpha et à la prêtresse de Kiro, pour que tu puisses venir avec moi. »

C'était quelque chose d'important, qu'il devait faire avant de s'engager un peu plus dans ce projet entrepris aux côtés du mâle chocolat. De sa couleuvre. Malgré toute l'affection qu'il pouvait porter à cette dernière, il n'en rester pas moins Nakhus. Ou solitaire.
Quoi qu'il en soit, il n'était pas Etelkrus, et n'était de ce fait pas autorisé à franchir les frontières de son pays, aussi louable qu'était son intention. Lui-même ne l'aurait pas laissé faire, parce que c'était interdit.
Et que de permettre à un, c'était de permettre à d'autres.
Pour finir à tous.

Il restait rigide sur la protection de sa meute et l'exclusion des étrangers de son territoire, Désastre. Il n'aurait su prendre pour responsabilité que de déroger à cette règle.
Alors...
Alors c'est Anita, qu'il irait voir.

Elle, pour trancher le mieux. Il irait sur l'un de ses créneaux d'Alpha, ou bien de prêtresse. Cela concernait ses deux rangs.
Il l'inviterait peut-être, elle avait droit d'y assister.
Il y a alors chez lui un sursaut d'enthousiasme, quand à cette idée d'aider celui qui l'avait aider, et de contenter en même temps son divin. Quelque chose qui l'aurait presque fait se précipiter vers la louve chauve-souris, pour laisser éclater cette demande.
Désastre reste calme.
Il ne laisse rien paraître.

« Nous pourrions dès l'heure de demain, apprendre à danser ensemble. Mmh ! Je prendrais aussi Serpent. »

Il serait sans doute jaloux, s'il dansait avec un autre serpent que lui. Il ne voulait pas blesser Serpent, Désastre, le faisant déjà trop en partant dans le Nord.

« Ce sera beau. »

Ce cadeau pour Kiro.
Déjà, Désastre se veut de l'affirmer.

» L'heure de la couleuvre ✡ Noé
» L'antre du démon [Daisy]
» Avant la fête - Daisy
» Dance of the Decorous (ft. Daisy)
» Des plumes et des cendres | Libre