Partir par amour [PV Holly]

Elle frémit, en l'entendant prononcer son surnom.
Il se tenait là pour la dernière fois avant un moment et, évidemment, que cela ne la laissait pas indifférente. Déjà, son cœur s'emballait dans sa poitrine, son regard cherchait le sien, son corps voulait le sien.
Ce n'était pas bien.
Elle cilla.

- Méri.

Je ne sais toujours pas quoi faire, Méri.
Mais je n'ai pas envie que tu partes.

Elle s'approcha de lui, jusqu'à le frôler. Son disparut subitement dans la fourrure de son cou.
Ce n'était pas bien.

Et c'était peut-être pour cela, qu'il valait mieux qu'il s'en aille. Même si c'était difficile à accepter. Par ce qu'elle perdait pattes, parmi tous ces sentiments qu'elle ne parvenait plus à différencier les un des autres. Par ce qu'elle était en chaleurs et crevait d'envie qu'il l'aime.
C'était mieux comme ça, le temps qu'ils réfléchissent tous les deux. Elle ferma les yeux.

- Je suis désolée.

C'est de ma faute, si tu souffres.

Il vint glisser son museau contre son cou et son cœur s'emballa plus encore.
Ils ne pouvaient se soustraire, éternellement, à leurs contacts respectifs et leurs corps passionnés ne cesseraient de se trouver, encore et encore, le temps que durerait cette entrevue. Que ce soit une accolade, une étreinte, des regards qui s'accrochaient, les options étaient milles et les actes se succédaient alors que les esprits s'embrumaient.
Un pas de trop et ils franchiraient la ligne.

C'était si tentant.
Il était si gentil et si beau, Méridor. Il était là, prêt d'elle, et tout, dans son attitude, dans son regard, lui disait à quel point il l'aimait. Et elle se sentait si seule, toujours si vulnérable, derrière cet air qu'elle cherchait à se donner devant les Etelkrus. Tout l'impactait : Des absences d'Alexandrine à un moment si difficile, celui des grands bouleversements, à la mort de Pepper. Il était ce réconfort dont elle avait besoin, il l'apaisait, soignait les blessures béantes creusées dans son âme.
Il était la tentation de se rendre vers d'autres terres pour voir si l'herbe y était plus verte et, l'espoir, peut-être, d'avoir un jour cette famille dont elle avait tant besoin.
Viscéralement.

- Ne dis pas ça, tu sais très bien que c'est faux.

Il essayait de la rassurer. Peut-être de la protéger.

- Tu avais pris tes distances et c'est moi qui... C'est moi qui suis venue vers toi. C'est moi qui te fait souffrir avec mes incertitudes et qui la ferai souffrir pour la même raison.

Elle hoqueta et, sans qu'elle ne puisse les retenir, les larmes roulèrent sur ses joues.

- Je n'ai pas le droit de vous infliger ça. Je ne mérite pas tout l'amour que vous me portez. Je...

C'est trop dur de penser, Méridor. C'est trop dur de savoir quoi faire, dans ces moments là. Personne ne m'a appris, tu sais ? Je n'arrive plus à démêler le vrai du faux, je ne sais pas si les choses sont liées entre elles ou si elles sont indépendantes. Pepper me manque, Méri. J'ai si peur de mal faire et d'être une Alpha minable. Je ne veux pas sombrer.

Je voulais juste être heureuse.

Il y avait un immense paradoxe.
D'un côté, elle avait, dans la tête, un tas de souvenirs heureux avec Alexandrine. De leurs premières chasses ensemble, de l'exploration du château. Beaucoup de rires, beaucoup de promesses, la caresse de ses ailes de cuir. Il y avait ces combats, ensemble et l'une contre l'autre, toujours dans le respect et l'affection, ces épreuves.
Cette fois ou elle lui avait sauvé la vie. Ce jour, inoubliable, ou elle lui avait avoué la réciprocité de leur amour.
Ces souvenirs, elle les chérissait comme un trésor.

Mais c'était, à peu de choses près, tout ce qu'il lui restait : Des souvenirs.
Elle savait que sa belle dragonne ne voyait pas le problème, ne voyait rien de malsain dans ses absences actuelles. Mais il y avait toute cette douleur, tous ces doutes auxquels s'ajoutaient cette absence. Au Castel, Holly se retrouvait seule, sans même des enfants pour lui tenir compagnie.
Des enfants qu'elle n'aurait probablement jamais, via cette relation là. Par ce que quelqu'un qui rejetait les jeunes ne pouvaient pas se mettre à les aimer, au point d'en vouloir, d'un jour à l'autre.

C'était un deuil qu'elle avait cru pouvoir faire, par amour pour elle.
Pourtant, cette certitude se fissurait au fur et à mesure que l'éloignement perdurait.
Que lui resterait-il, si Alexandrine venait à disparaître ? Combien de choses, encore, pourrait-elle sacrifier ?
A quel point pourrait-elle faire comme si tout allait bien, comme si la situation lui convenait, par amour pour elle ?

Était-elle amoureuse de cette fière combattante du Nord, ou de tous ces souvenirs heureux qui lui restaient d'elle ?

Est-ce qu'un jour, les choses redeviendraient comme avant ?


Puis il y avait Méridor. Ah, Méridor.
Méridor qui ne cessait de la cajoler, depuis tout à l'heure, dont chaque mot était une caresse sur son âme blessée. Méridor qui l'aimait depuis si longtemps, déjà, et qui lui montrait tout cet amour, via son regard.
Méridor qui la laisserait pourtant, lui aussi, pour partir dans le Nord. Par ce qu'il avait besoin de réfléchir.

Dans tous les cas, n'était-elle pas promise à la solitude ? Est-ce qu'un bonheur simple lui était seulement accessible, dans l'immédiat ou dans les semaines qui suivraient ?

Elle lui avait promis d'être son bouclier.
Comment un bouclier pouvait protéger, en se tenant si loin ?

Il lui avait promis d'être présent.
Pourtant, il partait.

Il était tentation mais elle ne se brûlerait pas à son contact. Pas aujourd'hui, du moins. Elle recula d'un pas, gardant néanmoins son regard dans le sien.

- Tu reviendras ?

Il reviendrait et, mieux encore, serait présent jusqu'à la fin de ses jours.
Elle se méfiait des grandes promesses, Holly. Elle savait à quel point celles ci avaient tôt fait d'être oubliées, dès lors que les choses devenaient compliquées ou lorsque l'on voyait, près de soi, une grande tentation. Ce n'était pas l'envie de le croire qui lui manquait, pourtant. L'idée d'un avenir où il serait présent lui plaisait.
Mais elle ne voulais plus souffrir.

Pourtant, dans sa poitrine, son cœur s'emballait dangereusement.
Cette distance entre eux... Elle était aussi nécessaire, dans l'état actuel des choses qu'insupportable. L'envie restait présente, de venir à son contact. D'être étreinte par lui. Elle rougit un peu à cette pensée.
Il y avait ces mots, aussi.

Ses pensées allèrent, un instant, à sa Dragonne, au Nord. Elle serait blessée, de tout cela.
Mais ne la blessait-elle pas, elle-même, en la laissant derrière à un tel moment de sa vie ?

Merde, elle perdait pattes.
Son regard vint trouver le sien, un instant, passionné. Elle s'avança brusquement, brisant cette limite qu'elle s'était imposée. Une fois de plus, son museau trouva sa place dans le poil fourni de l'encolure du mâle noir et fauve.
Sa gueule remonta jusqu'à son oreille, un murmure.

- Tu ?

Il l'attira davantage contre lui, sans qu'elle ne retrouve rien à y redire.
C'était agréable, d'être là, contre lui. Elle cessa de penser n'attendait, finalement, même pas de réponse de sa part. Ou alors, à peine. Il exprima pourtant ses interrogations, légitimes.

- Alex, elle préfère les dinosaures.

C'était pour ça, qu'elle n'était pas là, non ? Par ce qu'il valait mieux castagner du dinosaure que de rester-ici. Qu'elle n'en avait visiblement rien à foutre de tout ce qui la hantais actuellement, du deuil de Pepper à cette pression qu'elle se mettait seule. Ou alors, c'était elle, qui lui en demandait trop.
Ces pensées furent bien vite chassées de son esprit embrumé. La chagrin, lui, demeurait pourtant.

Elle lui caressa la joue du museau.

- Je ne sais pas. Ce n'est pas simple à comprendre, les sentiments.

Il lui avait plu dès lorsqu'elle l'avait croisé sur les terres désolées. Elle l'avait alors trouvé joli garçon et il l'était encore, aujourd'hui. Il était gentil et la faisait rêver. Il était présent, aussi, et demeurait à ses côtés lorsqu'elle en avait le plus besoin.

Un sourire vint étirer ses babines, et elle le câlina doucement.

Quelle étrange situation. Ouais, étrange, ça lui paraissait être un bon mot.
Ils étaient là, à se câliner alors qu'elle se l'était refusé, quelques instants plus tôt. Elle savait, désormais, ce qui allait se passer, maintenant et il lui restait, évidemment, la possibilité de s'arracher à son contact pour retourner à sa vie bien rangée. La possibilité d'attendre Alexandrine, durant, peut-être, des mois encore et de devoir se contenter de ses quelques passages au Castel. Elle resterait alors avec toutes ces questions et la tension reviendrait dès lorsqu'elle croiserait Méridor.
Elle ne pourrait que la blesser.
De toutes manières, elle ferait forcément souffrir quelqu'un. C'était comme ça.

Il fallait que tout cela cesse : tout ce qui l'épuisait, actuellement. Toutes ces questions, ces choses qu'elle retenait et qui menaçaient de la faire éclater, d'un instant à l'autre.
Alors Holly cessa de penser, à tout cela, pour se focaliser sur l'instant présent, sur ces yeux d'or qui la contemplaient avec tant d'amour et, surtout, en quête d'un accord qu'elle seule pourrait donner.
Elle rougit davantage, jusqu'aux oreilles, et détourna légèrement le regard.

- Aime moi.

L'accord était donné.
Les conséquences devraient être assumées.

Il vint à elle et, puisque ce contact était consenti, elle le laissa l'étreindre.
C'était quelque chose qu'elle ne se serait jamais imaginée faire, et encore moins dans de telles conditions. Mais soit, elle devait bien reconnaître, sur le moment, tout le bien que cela lui faisait, toutes ces carences affectives dont elle souffrait et qui se retrouvaient comblées, par ce rapport charnel.
Elle ne pensa plus à rien. Sentit des larmes lui venir, mais elle les chassa, d'un battement de cils, avant que Méridor ne puisse les soupçonner.

Ce qui était fait était fait. Il ne l'avait pas forcée.

Si il l'aimait, elle, se faisait horreur.
Déjà, l'apaisement laissait place à une culpabilité bien trop grande. Cette même culpabilité qui l'empêcherait de fermer l'œil, la nuit tombée.

- Je t'aime aussi.

Holly ferma les yeux et vint appuyer sa tête contre l'épaule de son amant.
Son amant.
Putain qu'elle était.