Quatre cœurs battants - Méridor

Premier jour.
Holly n’avait, effectivement, pas fermé l’oeil de la nuit.
Durant des heures, elle avait repensé à ce qu’il s’était passé, avec Méridor. Elle avait revécu ces contacts, ces mots, cette étreinte, en boucle comme une torture mentale. Si elle s’était sentie bien, sur l’instant, lors du fait, ou plutôt du méfait, ce n’était plus du tout le cas, bien au contraire. Dans sa poitrine, son cœur battait si fort et elle peinait à conserver un souffle normal : L’angoisse l’écrasait.

Elle ne pourrait pas continuer ainsi. Il lui fallait assumer ses erreurs, maintenant.
Et la rupture se fit, douloureusement. Par ce qu’elle se refusait de mentir à cette louve qu’elle avait aimé pendant une bonne partie de sa vie d’adulte et que, bien sûr, elle aimait encore, malgré ce qu’elle avait pu lui faire subir. Sa culpabilité fut à peine allégée.
Mais son cœur se retrouva brisé.
Un peu plus.

La louve bleue regagna le Castel, les yeux rougis par les larmes. Elle évita soigneusement ses congénères pour rejoindre sa tanière. Si quelqu’un venait la chercher : Elle était malade, aujourd’hui. Pas besoin d’un panseur, cependant, lorsque le mal était tout autre et elle ne pouvait pas se plaindre de ce qu’elle avait, elle-même, provoqué.
Sa douleur, elle la méritait. Il aurait peut-être même fallu qu’elle soit plus intense, encore, qu’on la frappe, qu’on l’injurie, pour qu’elle puisse se sentir un peu moins sale, un peu moins traîtresse, tout aussi égoïste.

Plus jamais, elle ne se verrait enveloppée amoureusement sous une aile de cuir. Plus jamais, elle n’entendrait son rire sonore, à sa proximité, ainsi que ses mots d’amour, autrefois si agréables à l’oreille. Plus jamais elle ne la verrait fréquenter ce lit et, plus jamais, elles ne pourraient se blottir amoureusement l’une contre l’autre. Il n’aurait plus de matins qui s’éternisent, au lit, pour se faire de câlins et plus de promesses non plus. Il n’y aurait plus de projets ensemble et l’avenir était brisé.
Holly pleura encore, longtemps.
Jusqu’à s’endormir.


_____


Première semaine.

Elle était Alpha et, de ce fait, elle ne pouvait s’éloigner de ses fonctions trop longtemps. Et puis, elle devait bien l’avouer, remplir celles ci l’empêchait de repenser aux derniers et évènements et, par moments, elle en aurait presque oublié son cœur brisé. Pourtant les souvenirs revenaient à elle, toujours aussi détaillés.
Quand bien même elle aurait souhaité tout oublier. Tout. Ces presque quatre ans d’amour réduits à néant, le sourire d’Alex et ses mots d’amour. Bien d’autres choses encore, tellement de choses, encore...

Ce soir là, seule sur son lit d’herbes, ce fut pourtant à ces amours, rompus et lointains, qu’elle offrit ses pensées. Elle songea d’abord à lui, à Méridor. Quels étaient ces sentiments qui les liaient vraiment ? Holly était un peu confuse, quand à ceux ci. Ils avaient été trop vite. Quel paradoxe. Elle eut un rire sans joie.
Ça faisait bien cinq quand, qu’il la regardait avec des yeux pleins d’amour.

L’aimait-elle, lui, comme lui l’aimait ?
L’aimait-elle, lui, comme elle avait aimé Alexandrine ?

Elle secoua la tête, comme pour mettre de l’ordre dans ses pensées.
Ce n’était pas comparable et elle refusait de le voir comme une bête consolation. Par ce que des sentiments s’étaient développés, depuis bien longtemps déjà, et qu’elle se souvenait très bien d’à quel point elle avait pu avoir peur de le perdre, à différentes reprises. Elle repensa également à toutes ces fois ou le mâle noir et feu avait pris le soin de l’éviter, sans doute pour l’oublier, et qu’elle s’était sentie peinée, sans oser se l’avouer.
Alors, oui, bien sûr, qu’elle aimait Méridor. Assez pour être heureuse, lorsqu’il lui avait avoué la réciprocité de leurs sentiments et assez, également, pour le laisser l’enlacer, chose qu’elle n’aurait pu permettre à aucun autre mâle, aussi gentil soit-il.
Maintenant, elle ne pourrait que lui laisser sa chance, à celui qui n’avait cessé d’espérer malgré toutes ces années à tenir la chandelle. Peut-être seraient-ils heureux, ensemble ?

Et Alex, dans tout ça ? Parviendrait-elle à l’oublier, un jour ? Notamment lorsque, lassée des dinosaures, elle reviendrait au Castel.
C’était… Plus compliqué que cela encore : Est-ce que Méridor pourrait accepter, ces sentiments qu’elle gardait, évidemment, pour son ex-copine ? Au moins le temps que cette douleur s’estompe et qu’elle accepte ce renouveau.
Il demeurerait, sûrement, une tension entre elles deux. C’était compréhensible et elle ne pourrait pas lui en vouloir, après ce qu’il s’était passé.

Leur absence, à tous les deux, n’était peut-être pas un mal : Au moins, elle lui permettait de réfléchir à tête reposée.

Avait-elle réellement besoin de quelqu’un dans sa vie, dans ce moment difficile ? La solitude avait parfois du bon, aussi.
C’était presque drôle, de la part de celle qui en avait toujours eu peur.



____


Combien de temps ?

Ça faisait quelques jours, déjà, qu’elle était malade comme un chien, tous les matins. Elle se précipitait alors derrière les buissons les plus proches pour vomir de la bile.
Quelle horreur. Peut-être un petit coup de froid, avec le changement de saison. Rien de bien grave, en tout cas. Elle n’aurait qu’à attendre quelques jours encore et voir si ces symptômes incommodants disparaissaient. Sinon, peut-être qu’elle irait voir un panseur.
Peut-être.

Elle s’ébroua et retourna à ses activités.


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Ses crocs déchirèrent la chair d’un écureuil fraîchement tué. Elle en mangeait combien par jour, en ce moment ? Bien plus que d’habitude, c’était une chose certaine. Mais elle avait faim, et lorsque l’on avait faim, on mangeait… non ?
Sauf qu’à se goinfrer autant, elle allait sûrement grossir, et elle n’en avait pas spécialement envie.

Son regard lorgna sur le tas de gibier. Quelqu’un venait de déposer un oiseau.
Elle le prit entre ses crocs et disparut au fond du Castel pour le dévorer en paix.

Si elle connaissait les fraises, sans doute en aurait-elle eu envie.


___


Holly avait beau être Etelkru, peuple réputé pour leur peu d’intelligence, elle n’avait pas tardé à faire le rapprochement avec ses nouveaux symptômes et ce qu’il s’était passé avec Méridor, quelques temps plus tôt.
Elle n’avait, d’abord, pas voulu y croire. Après tout, le mâle sombre avait été mutilé… Il devait donc avoir perdu en fertilité. Et ils ne s’étaient enlacés qu’une fois. Alors les chances étaient faibles, non ?
Non ?

Elle fronça les sourcils.
Ce n’était pas dans ses plans, de tomber enceinte maintenant, pas alors qu’elle était célibataire et qu’elle avait encore bien d’autres choses à gérer, comme le travail, par exemple. Et en même temps, malgré le contexte actuel, surtout dans sa vie, un petit peu particulier, elle ne pouvait pas non plus occulter totalement cette envie de famille qui l’avait toujours habitée.

Elle secoua la tête.
Il était encore trop tôt pour savoir, de toutes manières et elle ne voulait pas se faire de fausses idées. De faux espoirs, peut-être ? Pourrait-on réellement parler d’espoir ni même espérer une vie heureuse à des gamins conçus de telle façon… ?

Bref, elle se montait déjà la tête toute seule.
Ce n’était probablement pas grand-chose.
Elle ne pouvait pas y croire. Pas maintenant.

Pas tout court ?

___


Seule, dans sa tanière, elle posa l’une de ses pattes avant sur son ventre.
Holly s’était, finalement, décidé à aller dans la tanière des panseurs, malgré la honte qu’elle ressentait toujours fortement. Et Perrine avait été formelle : De par son expérience, l’état de la louve bleue n’avait rien à voir avec un quelconque changement de saison.
En elle, grandissaient de petites vies.

Ce jour là, elle pleura encore. Mais pas de tristesse.

C’était prématuré, elle le savait.
Les gens allaient peut-être jaser et, son ancienne belle famille, la regarder de travers, elle le savait aussi.

Méridor allait peut-être être un peu chamboulé, lorsqu’elle lui annoncerait la nouvelle.
Ça, ce n’était même pas un peut-être, mais bien une certitude.

Elle aurait alors pu se rendre dans le Nord, là où il faisait si froid et où les fausses couches avaient une grande chance de se produire, pour s’éviter tout ça. Pour ne pas que ses bébés aient à souffrir d’être nés de ce genre de relation.

Elle aurait pu, oui.
Mais c’était hors de questions.

Premièrement, il serait terrible de s’infliger cela : A elle même. Perdre des bébés, devaient être une épreuve difficile aussi bien physiquement que psychologiquement. Même si ils n’étaient pas encore bien formés, tout au plus ils faisaient la taille de petit pois, même si Holly ne savait pas ce qu’était un petit pois, puisqu’elle n’aimait pas les légumes, elle ne se sentait tout simplement pas le courage de leur infliger tout cela, autant à elle qu’à eux.

Et puis...

Ça faisait si longtemps, qu’elle rêvait d’être maman.
C’était un bonheur qu’Alexandrine lui avait refusé, lorsqu’elles étaient encore ensemble et, qu’elle n’aurait peut-être pas pu connaître, si elles étaient restées ensemble. Pas que cela vienne excuser l’infâme trahison dont elle s’était rendue coupable.
Mais elle devait bien avouer que, savoir que ses petites vies tant désirées, viendraient bientôt se blottir contre son flanc chaud, ça réparait un peu son cœur brisé.

Bien sûr, elle avait conscience du milieu dans lequel elle avait elle même grandi : Elle était né d’un père solitaire qui s’était bien vite évanoui dans la nature et d’une mère volage, trop jeune, qui avait fait preuve d’une grande négligence à son égard. Elle avait tellement souffert et ce passé douloureux avait laissé ses traces : Holly devait vivre avec la perte, terrible, d’un frère duquel elle était si proche, enfant, avec une peur de la solitude et, surtout, ce manque de liens familiaux. Elle avait parfois envié, mais jamais de façon malsaine, tous ces foyers unis, pleins d’amour, et avait bien souvent voulu construire le sien.
Mais comment le faire bien, sans savoir réellement ce qu’était-une bonne famille ? Et Méridor, y parviendrait-il ? Après tout, son histoire, à lui, était à peine plus simple que la sienne. Peut-être qu’ils feraient des erreurs, des bourdes aussi grosses qu’eux.
Peut-être que parfois, les bébés les détesteraient.

Mais elle ferait de son mieux.

Elle les aimait déjà tellement.
Les larmes coulèrent encore. Elle pleurait de joie.

- Mes trésors…

Les gens penseraient ce qu’ils voudraient.
Elle les protégerait.


___

Pour eux, elle se mit à chanter et à inventer des histoires. Elle avait lu dans un livre, il y a longtemps, que les bébés pouvaient entendre ces choses là, et même y être sensibles, depuis le ventre de leur mère.

Elle ne savait pas si c’était vrai mais, au pire, n’avait rien à perdre.
Elle devait bien avouer, surtout, aimer leur parler.

Toujours avec cette patte posée contre son ventre.

___


Parler…
Ce ne serait pas mal, de le faire avec Méridor, non ?

Elle avait tout particulièrement songé à lui, ce matin, en traînant un peu au lit. Que faisait-il, à cette heure ci ? Etait-il, le museau plongé dans des livres sur la maternité, puisque c’était, là, ce qu’il souhaitait apprendre, durant ce voyage ? Pourquoi ce choix là, d’ailleurs, alors que Dag préférait la chirurgie ? Espérait-il secrètement devenir papa, un jour, son beau blond ?
Peut-être pas si tôt, en tout cas.

Peut-être qu’il serait même surpris de l’être, étant donné ce qu’on lui avait fait.
Peut-être qu’il prendrait peur, aussi. C’était une possibilité qu’elle n’oubliait pas. Elle ne pouvait chasser de son esprit le rejet dont avait fait preuve Alexandrine, lorsqu’elle lui avait demandé une famille. Méridor avait peut-être, également, ses propres craintes, à cause de son cadre familial complexe.
Ou, tout simplement, il n’avait pas du tout envie d’avoir des enfants. Il faudrait alors le rassurer… Mais comment le rassurer ? Ça demandait quand même un sacré investissement, des bébés loups. Sauf, peut-être, lorsqu’ils étaient encore de minuscules lardons accrochés aux mamelles. Mais après , ils grandissaient et ils auraient alors droit à de véritables petites terreurs ambulantes.
Combien étaient-il, d’ailleurs ?

- C’est vrai, ça. Vous êtes combien, là dedans ?

Elle digressait.
Dans tous les cas, il devrait bien assumer un minimum, si il n’était pas un lâche. Par ce que les enfants, jusqu’à preuve du contraire, ils n’étaient pas arrivés par magie dans son ventre et qu’il avait été bien content de ce petit câlin d’au revoir, ce jour là.
Le coquin.

Mais puisque sa grossesse la rendait plus optimiste, elle décida de lui faire confiance.

___

C’était fou, comme elle s’était voilée la face. Elle en prenait pleinement conscience, maintenant.
Ca lui revenait toujours un peu en mémoire, Alexandrine, tout ça, les enfants qu’elle aurait aimé avoir avec elle. Le refus, surtout, et le processus de deuil qu’elle s’était imposée par la suite, par ce que la belle louve crème ne ferait pas de concessions sur ce genre de choses là. C’était quelque chose qu’elle pouvait comprendre, évidemment : l’on ne faisait pas des bébés juste pour faire plaisir à quelqu’un, surtout si l’on n’était pas certain de les aimer. Et à quoi bon, y penser davantage, lorsque la partenaire qu’elle avait été, s’y résignait si bien.

Par amour, elle s’était pensée capable d’encaisser courageusement cette désillusion, par ce qu’elle avait été une compagne dévouée, et, oh, il fallait qu’elle se montre forte, pour Alex.
Finalement, cela l’avait rendue si malheureuse, à en laisser cette très désagréable impression de vide, persistante, en elle. Pire encore, quelque part, elle avait toujours espéré voir la louve beige changer d’avis et lui offrir cette famille dont elle avait tant envie.
Par ce que c’était viscéral.

Peut-être que si cet… accident n’était pas arrivé, elle serait restée encore des mois, des années peut-être, à attendre cette louve qui lui préférait la castagne. Peut-être qu’elle aurait alors vieilli seule, malheureuse, et avec ce regret de ne pas avoir pu être maman, au moins une fois.

Elle s’était menti tant de fois.
L’amour rendait aveugle et elle l’avait été jusqu’au bout.

Rien de tout cela ne venait justifier l’adultère, cependant. Elle aurait du être plus forte, plus adulte, cesser de rester à flotter contre les deux personnes ou à espérer un polyamour qui n’était pas consenti par l’un et qui n’avait pas seulement pu être évoqué auprès de l’autre, faute d’une présence suffisante. Il aurait fallu rompre, proprement, et douloureusement, certes, avant de batifoler avec Méridor.

Il resterait toujours, sur sa conscience, tout ce chagrin qu’elle avait pu provoquer, à être aussi égoïste. Elle ne se le pardonnerait peut-être jamais, mais souhaitait simplement cesser d’y penser.

Il n’était pas question de se torturer indéfiniment l’esprit, alors qu’elle allait être maman. Ses bébés devaient ressentir son état d’esprit et elle ne souhaitait, d’aucune manière, les affecter alors qu’ils étaient encore si petits, si vulnérables…
Un léger sourire vint étirer ses babines.

- Tout va bien.

Elle partit faire un tour des terres Etelkrus, afin de se changer les idées et de chasser un peu. Car même enceinte, l’on ne l’empêcherait pas de se défouler.

____

Debout dans sa tanière, elle s’observait dans l’un des miroirs ramené du tombeau antique, il y a un moment de cela.
Avait-elle pris du ventre, un peu ?

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Elle avait très envie de voir Méridor. Et là, pas de risque d’un quelconque dérapage : Non seulement elle était célibataire, donc faisait désormais ce qu’elle voulait de son corps, mais en plus, son odeur devait avoir changé : Elle n’avait plus celle, si intéressante aux narines des mâles, si caractéristiques des chaleurs.
Il n’était même pas certain qu’il s’intéresse encore à elle, dans cet état.

Elle ricana, nullement inquiète.
Advienne que pourra.

C’était bien, quand même, de ressentir ça, c’était agréable et ça faisait battre son coeur un peu plus fort, cette idée là.
Elle était amoureuse de Méridor.

Il fallait qu’elle le retrouve au plus vite, désormais, et qu’il sache enfin que son kiwi restant était bien loin d’être dysfonctionnel.
Le pauvre.

Le pauvre, ou le veinard.
Ça dépendrait.

____

Une envie ne venait, visiblement, jamais seule, avec elle.
Elle avait, désormais, très envie, aussi, de s’atteler aux préparatifs pour bien accueillir les bébés, puisqu’elle était, pour le moment, toute seule pour eux et qu’elle souhaitait qu’ils soient à leur aise dès leur naissance… Et, bon, qu’elle ne serait peut-être pas aussi motivée pour faire ces choses là, lorsqu’elle serait énorme.
Deviendrait-elle vraiment énorme, d’ailleurs ? Peinerait-elle à redevenir fine, lorsque les bébés seraient nés ?

Peu lui importait. Pour eux, elle était prête à devenir une barrique. La plus grosse barrique de Punk Wolf.

Elle hésita.
Les préparatifs, ou Méridor ?

Allez, Méridor. Elle n’aurait qu’à l’exploiter pour qu’il l’aide, ensuite. Peut-être qu’il serait content, un peu, de pouvoir s’investir aussi.
C’était beau, de rêver. C’était agréable, aussi.

Elle sourit.

____

Holly jeta, devant elle, une peau de bête. Il était temps de faire un petit paquetage, puisqu’elle s’apprêtait à traverser les terres, accompagnée d’une escorte, bien entendu, pour rejoindre le beau Méridor et lui annoncer la grande nouvelle.
Elle prit un peu de viande séchée, en cas de fringale, puisque c’était un phénomène courant, chez elle, en ce moment.

Si on lui avait dit, qu’elle ne ferait, finalement, pas le voyage pour aller discuter avec l’Oracle Nakhu, dont les cachotteries l’avaient un peu énervé, il fallait bien l’avouer, mais bien pour retrouver l’être aimé, par ce qu’elle n’était pas capable d’attendre patiemment son retour.
Tant pis.

Elle prévint, tout de même, sa collègue de son départ, puisque c’était la moindre des choses. Il n’y avait rien à craindre d’elle, cette fois, car elle ne comptait nullement s’agacer, voir s’énerver, contre quiconque. Car cela pourrait être mauvais pour les bébés et qu’elle souhaitait en prendre soin, au cas où l’on ne l’avait pas remarqué, de ses bébés.

- Vous allez rencontrer votre Papa. Dommage, que vous ne puissiez pas le voir à travers ma peau. C’est un beau loup, vous devriez l’être tout autant… Si ce n’est plus.

Il était temps de se mettre en route, alors elle partit sur les routes, en compagnie de deux de ses épées. Pressée de retrouver Méridor, elle avança bien vite, gagnant les terres Nakhus en un temps record.

Elle pénétra à l’intérieur de la bibliothèque et son cœur s’emballa, agréablement, lorsqu’elle aperçut sa silhouette sombre.

- Je suis enceinte.

Le pauvre.
Elle se dit, après coup, qu’elle aurait pu prendre des gants.

Elle fut d'abord surprise par le mouvement de recul du mâle sombre et, évidemment, par le boucan provoqué par la chute des ouvrages.
Effectivement, il aurait été bien de prendre davantage de pincettes, pour lui apprendre la nouvelle. Il avait vraiment l'air tout perdu, le pauvre, à la regarder comme ça. Puis il vint à elle pour l'enlacer et dissipa, par la même occasion, toute ses réflexions sur la qualité de cette annonce de grossesse.
Il pleurait, et elle connaissait bien ces larmes. Ca la toucha, évidemment, et elle se sentit rassurée de cette réaction : Chez lui, il n'y aurait pas de rejet. Il semblait être aussi heureux d'être papa que d'elle, d'être maman.
La voilà, cette famille dont elle avait tant rêvé.

Qu'est-ce qu'elle comptait faire d'eux, alors ? C'était une bonne question.
Elle sourit et ses yeux se parèrent de mille étoiles.

- Leur offrir la meilleure enfance possible.

Il était un petit peu nerveux, son petit Méridor, non ? Tout comme elle, il devait déjà les aimer, ces gamins là. Est-ce qu'il réalisait pleinement, d'ailleurs ? Elle, était déjà au courant depuis quelques temps, déjà, alors c'était plus facile. Elle avait pu rêver, imaginer, de cette vie qui l'attendait, d'ici quelques petites semaines.
Il lui tardait déjà de faire leur connaissance.

Son sourire s'élargit et elle plongea son museau dans le poil de Méridor.

- Je t'aime. Je suis certaine que tu seras un super papa.

Elle rit, à sa remarque.

- Ils seront Etelkrus. Forcément, qu'ils aimeront la baston.

Ils étaient plus ou moins conditionnés dans cette voie, les jeunes Etelkrus. Même les panseurs, dont faisait d'ailleurs partie son compagnon, apprenaient à se battre alors... Alors oui, elle comptait bien leur apprendre à être de redoutables adversaires, en combat. Pour que rien ni personne ne soit en mesure de leur faire du mal, ainsi, elle serait rassurée.
Sa patte vint retrouver son ventre, tendrement.
Puis se retira, attrapant celle de Méridor pour l'y déposer. Lui aussi, avait droit à un premier contact avec ses bébés.

- Ton premier cas pratique. Si tu le souhaites.

Si il se sentait l'envie et le courage de prendre en charge le suivi de sa grossesse et d'aider à venir au monde ses propres enfants. Elle pouvait comprendre, que cela soit un peu intimidant, faute du recul qu'il pourrait avoir avec une femelle qu'il connaissait moins qu'elle. Mais elle devait bien avouer qu'elle aimerait qu'il le fasse.

- Est-ce que tu veux rentrer avec moi au Castel ?

Elle savait, qu'il avait ses recherches à faire, tout ça... Forcément, qu'elle avait aussi envie qu'il rentre et reste près d'elle jusqu'à ce que les petits naissent, et au delà, qu'il puissent, ensemble, choisir leurs prénoms et préparer le nid. C'était important, tout ça, aussi.

C'était incroyable, ce qu'elle ressentait là.
Depuis le début de sa vie, elle avait traversé des périodes bien sombres : Un environnement familial chaotique, la perte d'un frère, l'exécution d'un collègue, des sentiments confus, la perte, bien que temporaire, d'une louve qui lui était chère, une trahison, des rêves de famille brisés, la mort d'une mère spirituelle et une successions de choses qu'elle ne comprenait plus, une ex-compagne qui l'avait délaissée. Dans tout cela, elle oubliait sûrement des choses qui l'avait plus ou moins marquée et rendue malheureuse. Elle songea à toutes ces fois, où elle aurait pu se laisser sombrer.

Mais aujourd'hui, elle était là, bien debout et prête à exaucer son plus grand rêve : celui d'avoir une famille. Elle était avec quelqu'un qu'elle aimait, quelqu'un de profondément gentil et attentionné qui serait présent, elle le sentait, pour elle et les enfants à naître.
Elle se dit alors que ces souffrances avaient valu la peine d'être endurées, pour mieux pouvoir goûter au bonheur présent.
Si grand qu'il gonflait son cœur.

Holly sourit et, sur ses joues, coulèrent les larmes sans qu'elle ne cherche à les retenir par une quelconque pudeur.
C'était trop d'émotions, dont beaucoup de positives et, peut-être un peu d'hormones de grossesse, aussi.
Elle lui caressa tendrement la joue.

- Je risque surtout de vider le garde manger. Et beaucoup pleurer.

Tout n'était pas parfait, c'était vrai.
Elle avait fait des choses avec lesquelles elle n'était pas à l'aise, et elle ne le serait probablement jamais. Mais pour son propre bien et pour celui de leur future famille, elle s'autorisa à ne pas y penser. Peut-être qu'on la confronterait, un jour, peut-être que les gens se poseraient des questions en voyant les petits naître mais... Tout ça, ce n'était pas important.
Elle soupira d'aise et se blottit davantage contre lui.

- Je dois t'avouer être un peu fatiguée. Un peu de repos ne me fera pas de mal... Et à eux non plus.

De toutes manières ils n'avaient, pour le moment, aucun moyen de se plaindre.
Pour le moment, par ce que ça viendrait bien assez vite, lorsqu'ils seraient nés. Elle sourit à cette pensée, évidemment.

Ses paupières se firent plus lourdes, elle papillonna.

- Je t'aime.