Du borgne au menu [PV Désastre]

Son créneau de panseur achevé, Désastre avait quitté Perrine suite à un repas pris à la suite de leur service, s'en allant trouver le calme d'une solitude choisie et l'air encore frais du milieu du matin. Une marche, pour détendre ses membres gardés prêt de son corps dans la tanière des soins, laissant lors de vastes foulées pattes et dos entrer en totale extension pour compenser leur staticité des heures dernières.
Un moment de repos, où l'éveil ne se voulait être que faible. La réflexion était diminuée, le regard n'avait à chercher les détails des visages. Il était un mécanisme mis en veille, pour mieux retrouver ensuite efficacité.
Pour autant, il ne pouvait se résoudre à laisser ses sens aux repos.
Ce qui l'amène à cette pensée, d'abord fugace puis trop persistante.

Ce n'était pas qu'une impression.

Au fond de l'oreille entendante, lui venait porté par l'air marin la respiration bruyante et les pas lourd d'un loup, d'une louve. S'il avait d'abord pensé à la présence d'une patrouille, de celle qu'il croisait fréquemment durant ses marches sur les frontières (destination simple et balisée qu'il suivait machinalement), le fait de quitter celles-ci avait fait naître en lui le doute qu'il était suivi.
Si on le suivi, c'est qu'on le cherchait.
Si on le cherchait, c'est qu'on avait besoin de lui.

Désastre n'eut le temps d'esquisser qu'une moitié de mouvement (exactement, une torsion de son rachis et un pivot des épaules)
quand survint un éclair bleu. Bien plus grand, bien plus gros que ne put l'être celui qu'il connut jadis.
Un grognement, pour faire hérisser son poil en une crête dorsale et ébouriffer sa queue.
Un dérapage, pour le faire s'appuyer davantage sur ses quatre pattes en une flexion légère de celles-ci.
Il lève ses babines, un peu. Un avertissement.

Il n'aimait pas être surpris, Désastre. Il n'aimait pas qu'on le touche, il n'aimait pas que l'on grogne.
Sinon, c'est que...

« D'accord.»

Sinon c'est que l'on veut se battre contre lui.
Et le soldat réagit.

- Désastre attaque, PC FOR:2 -

Il n'y a pas la concession de lui laisser le premier coup, car l'ennemi ne lui offrira jamais celui-ci.
Il se veut attaquer de face, frontalement. Il ne peut pas la faire tomber, il est plus léger qu'elle, alors que ses pattes contre ses épaules ne servent qu'à mieux l'attraper à la gorge.

L'efficacité.
C'est ce que l'on attend, d'une machine si rodée.

« Oui.»

Il est fort, il le sait, il n'a pas à le nier.
Pepper l'a fait ainsi, combattif et puissant ; bien que de force pure il sait aussi qu'il en dispose moins que la louve bleue. Du moins, la déploie différemment.
Sa plus grande force restait Quetzalcoatl.

Celui qu'il ne ferait pas venir, enfin, pas tout de suite.
Celui dont il pouvait se passer encore un temps mais peut-être pas éternellement.

Cela dépendrait de sa façon de le toucher, plus que par ce coup de boule qui le sonna sur le coup et le laissa yeux clignants et oreilles en arrière alors qu'il avait bondit..
Erreur, une seconde trop tard. Son rire tonitruant l'a déstabilisé, bien que d'excuses il n'avait pas à se trouver : un soldat, toujours, se devait de rester concentré.
Il plisse ses babines et lèche le sang qui en tapisse le devant, ne perd du regard cette adversaire dont il a encore les poils coincés entre les crocs.

Il doit la mettre au sol, maintenant.
Voilà que d'un bond propulsé de ses postérieurs il vient à elle, prêt à la percuter, prêt à la mordre...
Prêt à vaincre.

- Désastre attaque, PC FOR:2 -

Et son pelage est épais, et c'est sur lui que se referme sa mâchoire qui claque, bien plus que sur sa peau.
Il se sait exposé et en proie à son contre-coup ; déjà prévoit l'esquive qui sera loup..
Ou finalement serpent à plumes.
.

L'erreur commise ne sera pas oubliée.
Il ne l'a pas sous-estimé, mais contre elle il ne se bat plus assez bien. Les entrainements doivent reprendre, de façon quotidienne. Il le sait, il le sent.
Soldat, doit-il pourtant rester ?

Face à la patte qu'elle envoie, il se doit d'esquiver. Il aurait pu se faire toucher, en profiter pour mordre, en profiter pour la mettre à terre. Mais il ne peut pas ainsi déroger aux valeurs de l'Anaconda.
Il est disciple de Kiro.
Il est agile.
Et face au rouge, se doit être jaune s'il veut gagner.

Alors sa tête et ses épaules se rejettent en arrière, son dos se creuse et ses postérieurs se figent dans le sol. Il forme un instant une demi-lune parfaite, quand tout se délie et que d'attaque, voilà qu'il se veut éviter.

- Désastre esquive, PC AGI:2 -

Il aurait pu devenir Quetzalcóatl, là.
Creuser la distance d'un battement d'ailes.

Mais c'est en loup qu'il la vaincra, Désastre. Qu'encore lui reste cet honneur, il n'est pas devenu impuissant.
De cette patte qui trace sur son ventre, entre deux crocs laissés par la mâchoire d'un monstre des temps anciens, un fin sillon rouge... Le gris soudain fait volte face, rassemblant ses pattes pour mieux se contorsionner dans les airs et soudain s'emparer de ce membre.
Y refermer sa mâchoire, fort.
Ne plus lâcher, la forcer à tomber.

Vaincre.

Aujourd'hui, c'est le loup qui gagne.
Le goût de fer et l'épuisement, eux, lui rappellent les erreurs et son état de faiblesse.

« Toi aussi. Tu es forte. »

Il doit l'admettre, Désastre.

Rival.
Il ne sait pas ce que cela signifie, d'être le rival de quelqu'un. Il ne l'a jamais été, du moins, on ne lui a jamais dit. Un terme qui fait se redresser ses oreilles, alors qu'il observe la louve en silence. Cherchant sur son visage marqué par la poussière et quelques éclaboussures rouges, la réponse à cette question qu'il se pose.
Ca a l'air d'être important...

« D'accord. »

...Aussi, il veut bien l'être, rival.
Et ce soir, sans doute, emprunterait le dictionnaire de Tawana pour savoir ce qu'impliquait ce rôle nouveau. Celui qui se mêla bientôt à frère de sang, alors qu'elle l'aboyait au ciel.
...

« Ça veut dire demain. Même heure. »

Ça veut dire se battre, encore.
Ça veut dire s'entrainer.
Ça veut dire créneau de Kusmi.
Il n'est plus aussi fort qu'avant, il est nécessaire de reprendre un créneau. Et elle est forte, tant que presque elle fut capable de le mettre à terre, et...

Et, peut-être, de retrouver sur Quetzalcóatl la présence d'une petite louve bleue.
Il y pense, en même temps qu'il la quitte.