The host of seraphim — Isrâ (contenu sensible)

Un endroit maudit.
Là où personne ne viendrait la chercher. Là où Lewis pouvait laisser son esprit se faire ronger progressivement. Parce que les autres tentaient toujours de faire ressortir ses émotions, de faire taire sa culpabilité. Qu’elle avait été idiote de croire en toutes leurs belles paroles à tous. De penser, qu’elle aussi pouvait avoir une chance en ce monde, quand bien même le destin s’acharnait contre elle, encore et encore.
Elle avait voulu y croire. Si fort.
En leurs promesses.
Avoir espoir.
Mais l’espoir était une bien faible chose. Une chose à laquelle il ne fallait s’accrocher, sous peine de sombrer. Et Lewis s’était montrée naïve en voulant y croire. Le miroir s’était fissuré progressivement, à chaque perte. À chaque abandon. À chaque promesse brisée. Puis… Il ne restait plus qu’un fragment, qui revoyait un bien sombre reflet. Elle se perdait. Dans la noirceur de ses pensées. Ses tourments, l’emportaient vers le fond. Lentement.
Mais ils finiraient pas la détruire.

Un nuage de fumée s’échappe de la faille. Lewis se tient au bord, sans peur. Tomber, cela ne l’effrayait pas. Si c’était ainsi que le fil de sa vie devait être tranché, alors ainsi soit-il. La mercenaire se foutait bien de ce que pouvait penser Rhaegar, comme l’ours maudit avait un mot à dire sur la façon dont-elle entendait mener sa vie.

Toi aussi tu m’as menti Rhaegar. Tu m’as parlé de l’amour comme une chose dénué de peine, mais regardes. Ceux de mon sang, ceux qui m’ont côtoyé, toi et Cendres. Nous nous sommes détruits mutuellement.
Vous m’avez détruit avec vos promesses.  
Je vous ai détruit en voulant y croire.

Une odeur de vivant.
La tête se penche en arrière au maximum, au point d’en faire craquer les os. Les yeux mauves croisent le regard de l’inconnu.

« — Tu es venu te perdre toi aussi ? »

Dans les ténèbres.
Car ce lieu n’était en rien un appel à la vie.

Iel approche, s’installe à ses côtés. Un étranger. Chez qui sonnait quelque chose de familier. Quelque chose qui échappait à Lewis. Qu’importe.
Trouver. Un bien bel objectif. Un objectif ampli d’espoir. Une chose en laquelle, elle, avait cessé de croire.

Des noms, Lewis en avait eu divers. De La-Faiseuse-De-Grenouilles, à la mercenaire. En passant par la pirate. La traître. Égoïste même ils avaient osé. Sombres imbéciles. Aucun n’avait jamais compris. Aucun ne comprendrait jamais. Comment le pourraient-ils ? Eux qui avait grandi dans l’amour, dans une famille, sans jamais connaître la trahison. Sans jamais la comprendre.
Mais Poupée Oubliée. Fut peut-être celui qui lui correspondait le mieux. Elle, enfant oubliée part une mère qui la délaissa un beau matin, par un père qui ne revint point, par ceux qui s’étaient présentés comme des amis. Par ceux qui avaient voulu lui faire croire en la beauté de la vie.
Oubliée par la chance.
Poupée, qui s’était laissée manipuler par les mots, les sentiments.
Désormais chose délaissée.

Le regard se perd dans la fumée.
Oui nombreux, ils l’étaient de l’autre côté. Dans cette obscurité qu’aucun ne pouvait réellement s’être vanté d’être revenu. Parce que c’était briser l’ordre naturel des choses que de contrer le cycle de la vie.
Ce qui était mort devait le rester.
Et ce qui s’apprête à l’être, ne se doit d’être préservé.

« — De ce côté, ils n’ont fait que mentir. Trahir. »

J’ai été naïve.

« — Là-bas… le peuvent-ils seulement ? Ou n’y a-t-il que le néant ? »

Étais-ce calme là-bas ? Sans jugement ? sans mépris ? sans trahison ? Une simple coquille vide, dénuée de tout sentiment, dénuée de toute forme de pensée ?

« — Y as-tu déjà songé, à voir l’autre côté ? »

Ou à ce que serait l’autre côté quand tu t’y rendrais ?
Dis-moi étranger, à quoi penses-tu ?

Loin l’époque où la louve pouvait se permettre d’être si insouciante, de demeurer une enfant. Regarder les autres grandir, en espérant ne jamais avoir à le faire, pour ne jamais être confrontée à toute la tristesse des adultes. Aux sentiments.
Qu’elle était garce cette vie.
Et les autres osaient la glorifier, comme chose la plus précieuse, comme chose pour laquelle il fallait se battre. Ils se trompaient. Encore. Ils ne comprendraient jamais, se berçaient d’illusions. Pensant qu’aimer la vie, c’était haïr la mort, quand les deux ne faisaient qu’un.
Mais ils ne comprenaient pas.

Les paupières se ferment un instant, écoutant les mots. Peut-êtres étaient-ils deux âmes qui s’étaient égarées en ce bas monde ? Deux âmes qui n’avaient point leur place ici, mais qui subissaient la vie.

« — Se libérer de ce mal qui nous ronge. Parce que tout le monde n’est pas destiné à vivre. »

Peut-être qu’en se penchant un peu plus, ils comprendraient.
Alors pourquoi ne pas bouger ?
En entendant cette forme d’espoir chez iel, les paupières s’ouvrent de nouveau. Iel semblait y croire, à cette promesse d’une vie meilleure. Les autres avaient-ils empoisonné son esprit ? Ou iel-même se berçait-il encore d’un peu d’illusion ?
La petite louve se redresse, son museau légèrement relevé vers le ciel caché par la fumée.

« — Les autres aussi se sont fondés sur l’espoir, aujourd’hui la plupart n’est plus que poussière, quand les autres ne sont que ruines. »

Des ruines qui bientôt elles aussi, disparaîtraient, car la vie n’a jamais fait de cadeaux et ne leur en ferait jamais.
En un triste sourire, les babines s’étirent à l’évocation de la solitude.

« — Oui et au bout du compte, il ne nous reste plus qu’elle. »

Cette satanée solitude.
Ma seule amie.
Celle qui jamais ne m’abandonna.

Qui fut là, lorsque celle-qui-aurait-dû-être-une-mère-à-mon-égard me délaissa dans l’obscurité.
Que le traître dont je partage le sang ne revint.
Que le frère se condamna.
Quand ceux appelés amis disparurent.
Quand ceux qui évoquaient les sentiments, mentirent.
Là, quand seule l’obscurité fut là pour m’accueillir en ce monde vide.

Une amie honteuse ? La seule véritable alliée dans ce bas-monde, la seule qui jamais, n’avait déçu Lewis, quand tout les autres n’avaient eu de cesse de mentir.

« — Non. »

La louve écoute. Le glowstick rouge à ses cheveux brille plus faiblement, perdant vigueur depuis quelques jours. En même temps qu’elle se perdait.
Le regard se pose sur iel, quand il la cite.
Penses-tu être destinée à vivre ?

« — Je pense… »

Enfant désapprouvée, mi-Etelkrus, mi-raeder. Batârde abandonnée par sa mère qui trouve l’herbe plus verte dans le champ d’à côté. Qui avait du accumulé les peines, la douleur, la haine. Cachant tout cela derrière une double identité, plus franche, plus directe, Poe. Pour ne pas trahir l’image de la gentille petite Lewis. Mais la gentillesse n’avait plus sa place. Elle ne pouvait plus ignorer son passé, parce qu’il l’avait rattrapé. Un revers de médaille pour ces quelques moments de naïveté. Ce qu’elle avait cru être de l’espoir.
La vie, n’avait jamais été clémente à son égard. Peut-être pour le bien de tous ? Pour éviter à d’autres de souffrir plus encore ?

« — … je pense ne l’avoir jamais été. »

Une brève pause, alors qu’il tremble légèrement le petit corps.

« — Que dès la naissance déjà, la vie cherchait à me faire comprendre que j’étais du mauvais côté. Que les mensonges m’ont bercé d’illusions. »

Et elle coule, larme silencieuse qui creuse sillon dans le pelage épais.
Larme qui ne peut que trahir sa tristesse face à une telle vérité.
Le museau se fronce, par frustration, alors que sous son pelage, elle sent ses muscles se contracter.

« — Mais je pense que j’ai compris à présent. Ma vie n’a été que souffrances, car elle n’avait pas lieu d’être. Je ne suis que poison, car seule la mort m’est destinée. »

Et à un moment, le poison doit cessé de s’écouler.

« — Et je ne sais pas quoi faire. »

Une proposition.

« — Un hymne à la solitude. »

Un instant, Lewis fixe la patte, sans n’esquisser le moindre mouvement. Cela sonnait comme une promesse. Une énième. Pouvait-iel seulement la libérer ? Ce soir c’était bientôt. Imminent.
Mais quelle autre option avait-elle ?
Attendre, encore qu’un autre lui fasse une promesse, lui apporte de l’espoir pour peut-être retrouver un sens à tout cela ? Pour que plus tard, lui aussi finisse blessé et développe sentiments à son égard ? Non. Elle ne pouvait plus laisser d’autres s’attacher à son triste sort. Ne les avait-elle pas prévenu ceux qui s’étaient obstinés ? Que le poison qu’elle était, les emporterait tous ?
N’avez-vous pas vu les feux d’alarmes, quand sans cesse je me jetais dans la bataille sans tenir compte de vos vies ? Quand j’vous ai répété une centaine de fois que la mort n’avait rien d’effrayant ?
Vous vous êtes reposés sur l’espoir, vous vous êtes surestimés, en pensant pouvoir m’ôter le fardeau qu’est la vie, en me montrant l’espoir. Une chose plus perfide encore.

Et la patte mauve se lève, plus petite dans celle d’iel. Cette aide, Lewis n’aurait su la refuser. Elle n'aurait pu.

« — Libères-moi. »

De cette vie.
De celle que je suis.
De leurs promesses et de leur traîtrise.
De l’espoir qui a chaque fois fait renaître la flemme, avant qu’un vent glacial ne s’abat.

Aides-moi, étranger.