Le troc du patron - Kerguelen

Bon, puisque tout était arrangé avec le Patron des Nakhus, 'fallait maintenant qu'elle retourne au jardin d'ces mêmes Nakhus pour récupérer des plants auprès de Kerguelen. Elle doutait qu'celle ci refuse, vu comme elle était gentille, et par ce qu'il y avait un p'tit marché avec la meute, maintenant. Elle ferait pas que prendre, Onyx. Elle leur rendrait service en retour en les aidant pour leurs récoltes et en leur rendant des p'tits services, quand ils auraient besoin, aussi. C'était pas comme si ça la gênait, de toutes manières, elle aimait bien aider les autres.
Faudrait aussi qu'elle aille voir Ao pour l'Patron, aussi, puisqu'il avait demandé.

Ca en faisait, des choses à faire ! Mais bon, il en faudrait vraiment beaucoup plus pour la décourager, par ce qu'elle était putain de motivée ! Le plus important, c'était d'rester organisée, de bien planifier tout ce qu'il fallait faire, du coin de terrain à délimiter, de la terre à labourer, du refuge à nettoyer...
Elle savait pas combien d'temps ça prendrait, à faire tout ça.

Sa gueule s'ouvrit en un large sourire lorsqu'elle reconnut la silhouette grise de son amie.

- Coucou Kerguelen ! Ca va ?

Elle se rapprocha d'elle, se permettant une accolade chaleureuse.

Kerguelen faisait une petite taille à l'Aubépine. Celle-ci avait besoin de tendres soins pour se refaire une excellente santé. Surtout avec les derniers prélèvements effectués pour le somnifère. Avec les tiges coupées, elle comptait bien faire quelques boutures. Pour donner des successeurs à l'arbuste au cas où celui-ci viendrait malheureusement à dépérir. Mais elle restait optimiste. Avec tout l'amour qu'elle lui prodiguait, il saura remonter la pente.

Elle regroupait proprement les branches enlevées lorsqu'un mouvement attira son attention. Redressant la tête, elle reconnut la silhouette d'une amie. Sa battit fouettait l'air pendant qu'un air joyeux éclot sur sa frimousse. Elle était toute contente de la revoir.

"Onyx ! Déjà de retour ?! Attention, tu vas devenir accro aux Nakhus !"

Petit rire léger. Elle profita de son accolade pour lui offrir une petite léchouille affectueuse. Les amitiés avaient le don de chasser le sérieux de son rôle pour la rendre bien plus vivante.

"Tu es là, alors je ne peux qu'aller bien ! Et toi ? T'as l'air en pleine forme."

Un rire léger, cristallin, franchit ses babines. Son regard pétillait de toute cette joie de vivre qui l'habitait depuis l'enfance.

- J'suis toujours en pleine forme !

Sans blague ?
Elle était, en tout cas, tellement contente de voir Kerguelen ! Celle ci avait toujours des mots super gentils à son égard et ça lui faisait toujours trop plaisir.

- Dis ! J'ai discuté avec ton oracle y'a pas longtemps et on a conclu un p'tit marché tous les deux, du coup il m'a dit d'voir avec toi, vu que tu connais bien le jardin. J'veux transformer l'antre des Lazulis, vu qu'ils sont plus là, en refuge pour les Sans-tribus ! Pour ceux qui voudraient un endroit sympa ou s'poser sans hiérarchie, tout ça. Et du coup, à côté, j'aimerais bien faire un jardin un peu comme celui là pour que les gens puissent trouver de quoi se soigner et manger, à côté !

C'était un gros projet qui lui tenait vraiment à coeur.

- Du coup, l'patron a dit que tu pourrais me filer des plants, en échange de services. J'vous aiderai à la récolte, y'a pas de soucis pour ça. J'peux aussi faire d'autres choses, comme transmettre des messages ou c'que vous voudrez. J'me bats pas et j'chasse pas, c'est tout, mais bon, la baston ça a pas l'air d'être trop le genre de la maison ~

Elle se montra totalement tournée vers Onyx. Écoutant attentivement ses paroles avec son sourire bienveillant. Seul son regard put attester de son étonnement. En voilà un beau projet ! Ambitieux comme elle les aimait !

"Tu sais bien que je suis toujours prête à aider n'importe qui !"

Mais il y avait quelques mots qui l'avaient touchée. Qui peinaient ses iris dorés. 'Pour ceux qui voudraient un endroit sympa ou s'poser sans hiérarchie'. Une phrase avait suffi pour ébranler son être. Car elle avait été prononcée par son amie. Donc, cela ne pouvait être que la vérité. Et avec sa sincérité naturelle, elle ne put empêcher son cœur de s'exprimer.

"Mais les terres Nakhus ont-elles perdues de leur hospitalité ? Nous avons toujours accueilli tous les Réfugiés en leur demandant seulement de ne pas s'en prendre à leurs pairs. Nos richesses nous les partageons de bon cœur avec eux."

D'un mouvement de patte, elle montra tout ce qui les entourait. Le potager, le jardin et la ferme. Rien n'avait été l'exclusivité des Nakhus. Que du pur partage avec tous les voyageurs de passage. De l'ouverture au monde qui les entourait. Alors, elle était un peu attristée de découvrir qu'ils voulaient reproduire tout çà ailleurs. Cela lui donnait un petit goût amer d'échec. Sa voix se fit plus douce.

"Où avons-nous fauté ?"

Peut être qu'il y avait une erreur à réparer ? Un comportement qui n'avait pas plu ? Quelque chose à faire pour éviter de perdre cette diversité de profils qui lui plaisait temps. Pour éviter de voir les visiteurs se faire de plus en plus rares. Pour éviter que sa famille se retrouva uniquement entre elle, comme avant. Renfermée dans sa vallée. Et avec peu de contacts avec l'extérieur.

Oh mais non, elle voulait pas lui faire d'la peine, à Kerguelen, avec son idée ! Elle comprenait un peu, là où elle avait fauté. Par ce que les Nakhus, ils s'étaient toujours montré accueillants, elle avait l'impression mais... Mais ce n'était pas exactement comme ce qu'elle avait en tête.
Par ce qu'ils étaient, ici, sur les terres de Yurai, par ce qu'ils avaient un oracle et que tout ici rappelait à la foi envers la déesse Corneille.
Elle eut un sourire qui se voulut rassurant et déposa une patte amicale sur l'épaule de la louve grise.

- Nulle part, vous êtes des amours.

En tout cas, pour ce qui était des Nakhus qu'elle avait pu rencontrer : Elle, Violette, Cheza, le Patron. Tous semblaient avoir cette volonté de faire le bien autour d'eux et elle se reconnaissait plutôt bien, là dedans.

- C'est juste qu'ici, on reste sur les terres de Yurai. Et qu'même si vous accueillez tout le monde de bon cœur, j'en doute pas un instant, certains pourraient ne pas se sentir à leur place... Tu crois pas ? Ou du moins, 'voudraient pas rester ici éternellement. Puis, devoir passer par l'Oracle, ça peut freiner aussi.

Elle préférait parler à coeur ouvert, faire part de ses inquiétudes... qui n'en étaient même pas vraiment, sans se défaire de son doux sourire.

- Puis, surtout, dans un sens pratique, vous êtes tout au Nord ~ C'est pas très pratique si on veut crécher dans un lieu tranquille sans avoir à traverser les terres. Là, ce s'rait au moins un relais, un lieu de repos pour les voyageurs ou les blessés qui ont pas la force de rallier leur camp aussi. Peu importe d'où ils viennent. Au moins une option supplémentaire.

Onyx s'assied.

- J'ai eu cette idée par ce que j'suis touchée par une malédiction, par ma mère. Mes sœurs ont la même. On peut pas chasser, on peut pas tuer, et si on arrive pas à sauver quelqu'un... On meurt aussi, par ce qu'on est des licornes. Parfois, j'galère à trouver de la nourriture en chemin et j'pense que c'est la même chose, pour mes frangines. Mais on est sûrement pas les seules, dans ce cas : Comment ils font, ceux qui trouvent pas leur place en meute mais qui sont pas très doués pour chasser ? Est ce que, pour ça, ils devraient devenir membres d'un clan ?

Elle posa son regard peiné sur la patte posée sur son épaule. Un geste dont elle comprenait la signification et qui allait avec les mots prononcés. Rassurant. Des amours. Oui, mais dans ce cas pourquoi cette appréhension envers eux ? Elle voulait comprendre pour mieux accepter cette différence de point de vue.

"Mais vivre ici n'oblige pas à croire en Dame Yurai. Maman en était le parfait exemple. Plusieurs des nôtres portent un glowstick d'une couleur qui n'est pas celle de de notre Corneille. Cela n'a jamais posé problème."

Comme il était dur de voir que son doux rêve d'utopie n'était pas partagé par tous. Que ses semblables semblaient se créer des barrières là où il n'y en avait pas. Triste découverte. Bienvenue dans le monde réel, Kerguelen. Tu fais un pas supplémentaire hors de tes roses illusions.

"Je t'accorde qu'Ajani peut paraitre imposant. Mais il ne ferait pas de mal à quelqu'un demandant l'asile. Et puis, sinon, il y a la possibilité de passer par moi. Je fais moins peur apparemment ahah !"

Petit rire d'auto-dérision. Elle était pleinement consciente de ses capacités. Ce n'était pas avec sa force de mouche et sa petite taille qu'elle intimidera quiconque.

"Attends, tu m'as parlé de l'antre des ex-Lazulis. Mais, le Gouffre aux rapaces, c'est juste à côté d'ici ! C'est à la limite de nos champs. Tu es sûre de l'emplacement ?"

Onyx devait avoir du mal avec la géographie. Il devait y avoir une erreur. Ou alors elle avait mal entendu le nom du lieu à cause de ses fausses-oreilles. Si le projet avait été pensé pour la Passe Ventue, par exemple, elle aurait compris. Elle était placée au milieu du continent, cela aurait été un bien meilleur choix pour en faire un relais. Mais refaire un jardin et un potager, aux frontières de leurs propres terres, si proches de leur propre Éden, c'était un peu... dénué d'intérêt ? Çà ferait vraiment doublon pour le coup. Si proches les unes des autres, les plantes ne risquaient-elles aussi pas de se féconder entre elles ? De rendre plus difficile le suivi et la maitrise de leur croissance ? D'être une menace pour les deux cultures ? Il fallait éclaircir ce point-là avant d'aller plus loin et de se plonger à la recherche des plants adaptés.

Vint ensuite l'aveu de la malédiction. Cette confidence toucha notre Colombe. Suffisamment profondément pour que des larmes vinrent faire briller ses iris. Parce qu'elle se reconnaissait en partie dans cette vie. Parce qu'elle avait vécu certaines situations de sa camarade. Et elle en avait souffert. Longtemps. Jusqu'au présent du lac du Terrier Lumineux. Mais elle en restait encore marquée aujourd'hui.

"Je partage cette incapacité à chasser, mon amie. J'ai connu ce sentiment de dépendance d'autrui pour pouvoir vivre. Tu sais, je rêvais d'une vie libre comme la tienne. Remplie d'aventures. Mais la vie n'offre pas toujours ce que l'on veut. Il faut savoir faire des concessions. S'adapter pour survivre et s'épanouir. Même si cela reste dur d'accepter de voir son rêve se briser..."

Elle donna un petit coup de museau compatissant à la disciple d'Ao. Si un loup était incapable de survenir seul à ses besoins, alors un groupe devenait nécessaire. Que ce soit un clan avec une religion, une tribu athée ou ou tout autre. Sinon la Faucheuse viendrait rapidement le chercher. Même l'ambitieux projet de son amie nécessiterait l'aide de plusieurs congénères. D'une union temporaire ou non. Pour tout mettre en place, mais aussi pour tout entretenir. L'union faisait la force comme on dit !

Ses oreilles se couchèrent sur l'arrière de son crâne. Pas qu'elle soit de mauvaise humeur, ou quoi, mais elle devait bien avouer qu'cette situation l'embêtait un peu, Onyx. Elle avait clairement pas envie d'peiner Kerguelen ou même d'offenser les Nakhus...
... Mais elle ne pouvait s'empêcher de penser, au fond d'elle, que la louve grise ne comprenait pas tout. Onyx, elle avait pas envie d'crécher pendant des lustres sur les terres d'une Déesse qu'était pas la sienne. Elle était d'ailleurs sûre, qu'c'était le cas pour d'autres.
Comment lui expliquer ça ? C'était quand même compliqué. Elle était pas trop douée pour ces choses là, apparemment.

- Kerguelen...

Elle soupira, gênée.

- Ca reste un endroit qui est pas chez nous. Qui est pas à nous, ici. Y'a des Sans-Tribu qu'ont une histoire avec les terres Lazulis. Mes parents les ont aimées, ces terres, mes grandes sœurs ont été élevées là bas. Des loups se sont démenés pour les restaurer. Ces mêmes loups sont enthousiastes à l'idée de reconstruire quelque chose, là bas. J'suis pas seule sur ce projet.

Peut-être qu'au fond, elle aussi rejetait le principe même de clan. Elle ne voyait dans cette organisation que des ailes coupées, des barreaux, une liberté qui serait forcément moins grande que lorsqu'elle se retrouvait sur les routes.
Même le plus gentil des supérieurs hiérarchiques restait un supérieur hiérarchique.

- C'est pas juste à côté non plus.

Et qu'importe la distance, quand d'autres motivations avaient été évoquées.

Si elle avait pris avec calme tous les arguments de Kerguelen, les dernières paroles de la loue grise furent comme une flèche envoyée en plein coeur.
Renoncer à son rêve ?

Onyx secoua doucement la tête.

- Nan. Pas moyen. J'm'en sortirai toujours. Quand on veut, on peut. Et j'veux rester libre de tous mes choix, mêmes les plus infimes, jusqu'au dernier battement d'mon cœur.

Puis, si j'dois mourir jeune, j'mourrai libre, c'est pas grave, ça m'convient.
Toutes nos actions, tous nos choix, ont et auront des conséquences.

- J'veux que l'antre Lazuli redevienne un endroit où on se sent bien. J'suis convaincue que c'projet a son utilité. Sinon... sinon ils seraient pas venus, les autres.

Les paroles s'enchainèrent, les unes après les autres. Toujours dans le calme et avec la volonté de comprendre. Ah, donc c'était plus une histoire de reconstruction, de liens avec le passé et de nostalgie. Pas de reproduire ce qui avait longuement réfléchi et mis en œuvre avec amour et dévotion de son prochain. Peut être même les prémices d'un nouveau groupe si ils étaient plusieurs sur ce projet ? Ce serait l'évolution naturelle.

"Alors, le véritable projet c'est de redonner vie à un passé disparu. Et non, créer un refuge."

Parce que être un Refuge, c'était le but même des Nakhus. La raison de leur existence. Offrir de bons soins à tous ceux qui en ressentaient le besoin. Sans tenir compte de leur provenance ni de leurs actes passés. C'était ce qui caractérisait leur grande famille. C'était leur place dans ce Monde. Leur unicité.

Des mots furent plus violents à entendre que d'autres. 'Quand on veut, on peut.' Vraiment ? Vu toutes les épreuves qu'elle avait passé, notre Colombe savait que ce n'était pas toujours possible. Et cette insistance, juste après qu'elle ait avoué l'un de ses plus grands rêves perdus, ne put que la blesser. Que toucher son cœur trop sensible. Comme une accusation directe de faiblesse. Très mauvais choix de mots, très mauvais timing.

"Tu ne devrai pas dire çà. Pas comme çà et pas maintenant. Parce que je ne peux que le prendre personnellement. Je ne peux que comprendre que tu dis que j'ai manqué de volonté... Que j'ai été faible..."

Ce n'était pas ce que l'on attendait d'une amie à qui on venait de faire une confidence. Mais comme d'habitude, elle fut incapable d'incriminer Onyx. Parce que celle-ci était jeune et n'avait pas connu l'obscurité. Parce que c'était une amie et les amis c'était pour la vie, non ? Notre Sans-Oreille reprit toute la faute de son mal-être sur elle-même. D'une patte, elle vint essuyer ses petites larmes. Fichue sensibilité. Elle devrait prendre exemple sur Lestat. Devenir moins facile à blesser. Moins naïve, moins confiante. Un soupir passa à travers ses crocs.

"Ta malédiction est aussi une bénédiction. Elle t'empêchera de voir un être cher mourir sous tes yeux. Tu ne connaitras pas l'impuissance devant un patient que tu n'as pas réussi à sauver malgré tous tes efforts. Je te souhaite que la vie te préserve de ces douloureuses épreuves où la volonté n'est pas reine."

Elle lui adressa un triste sourire avant de chercher du réconfort auprès de son familier. Elle caressa tendrement la petite tête rousse qui venait de dépasser de son écharpe. Aaah Waffle, heureusement qu'il était là. Petite présence qu'il lui rappelait tout le chemin parcouru depuis son arrivée dans sa vie.

"Revenons à l'objet de ta visite. Quel type de terrain utiliseras-tu ? De quelle taille ? Exposé ou à l'ombre ?"

Avaler la douleur et avancer. Ne jamais se plaindre. Préserver les autres. C'était bien son style à Kerguelen. Au moins, la phytothérapie était un domaine qu'elle maitrisait et qui ne lui ferait pas de tort.

Elles se comprenaient pas, c'était dommage, quand même. Onyx avait tellement de mal à s'exprimer, à laisser voir ce qu'elle ressentait vraiment.
C'était pas juste histoire de reconstruire un passé qu'elle avait pas connu, et elle doutait fort que ce soit la motivation de pas mal des volontaires prêts à prêter patte forte. C'était... Ce serait, leur endroit à eux, à ceux qui n'avaient plus de chez eux, à ceux qui préféraient rester loin des clans.
Mais elle ne dit rien, par ce qu'elles ne seraient jamais d'accord sur la question. Onyx se sentit blessée, un peu. Mais bon, rien de grave ! C'était de sa faute aussi, un peu, si elle savait mieux parler, ça se serait p'tet passé différemment.

Aux larmes de Kerguelen, elle ouvrit la gueule, se sentant décidément bien bête.

- ... J'suis désolée, c'était pas les bons mots.

Si ses mots avaient touché la louve grise, cette remarque, sur sa malédiction, la toucha aussi, quelque part.
Fallait bien être un loup normal, pour dire des choses pareilles. Par ce que nan, clairement, Onyx elle voyait pas comment ça pouvait être une bénédiction, dans ce genre de circonstances. Est-ce qu'elle avait bien compris ce qu'elle lui avait expliqué, ou là encore, la petite licorne s'était trop mal exprimée ?
Sa gorge se serra.

Non... J'dirais pas que c'est une bénédiction. J'ai pas envie d'crever par ce que j'ai pas réussi à sauver l'un de mes potes. J'ai pas non plus envie d'laisser un parfait inconnu crever par ce que j'peux pas le toucher sans risquer de caner...C'est clairement pas une bénédiction.

Une réflexion silencieuse.
Elle les soignait quand même, de toutes manières, les parfaits inconnus. Avec la boule au ventre, mais elle les soignait quand même.
Par chance, elle n'avait encore jamais eu entre les pattes de cas trop sérieux.
Enfin. Elle avait pas non plus envie de dramatiser la situation et préférait le prendre comme elle l'avait toujours pris : de façon neutre.

Et surtout profiter de cette vie qui lui était offerte. Ca, c'était encore le plus important.

Enfin, valait mieux changer de sujet, de toutes manières. Kerguelen le fit pour elle. Onyx pencha la tête sur le côté.

- Mhh, c'est un grand terrain. Y'a pas mal de fleurs sauvages qui y poussent, donc je pense que le sol est plutôt fertile. Exposé.

Elle sourit, par ce que c'était ce qu'elle savait l'mieux faire, sourire, et parler aussi.

- Merci beaucoup.

Elle ne quittait pas son petit écureuil de yeux. Un début de sourire réapparut sur ses babines en voyant qu'il prenait plaisir sous ses caresses. Il était si pur. Une beauté de la Nature qui se retrouvait fidèlement à ses côtés. Nullement considéré comme un animal de compagnie, mais plutôt comme un ami. Sa tête se redressa néanmoins lorsqu'Onyx lui apporta les informations demandées. Elle la fixa un bref instant du regard avant de se plonger dans la réflexion. Ses méninges tournaient, cherchant le schéma le plus adapté au besoin.

Il lui fallait donc des plantes s'épanouissant sous le Soleil. D'après les souvenirs qu'elle avait des anciennes terres Lazulis, lors de son aide apportée à leur reconstruction, la terre devrait être plutôt sèche. De plus, comme la petite parcelle sera entretenue par des Solitaires, il faudrait des fleurs nécessitant peu de soin et d'eau. Bref, des Simples pour débutants et qui apporteraient de beaux résultats rapidement. Pour ne pas décourager les efforts fournis.

"Je peux te proposer cinq plantes. Elle seront adaptées aux conditions de vie que tu as à leur offrir et nécessiteront un arrosage peu fréquent. L'Echinacée pour le système immunitaire. L'Hysope pour le système respiratoire. Le Souci pour les problèmes de peaux et blessures. Le Basilic sacré pour le système nerveux. Et la Guimauve pour le système digestif."

Il restait un détail. Celui de la végétation déjà présente sur zone. Des plantes endémiques sûrement. Il fallait donc les préserver un minimum. Ne pas bousculer un cycle déjà établi.

"Sais-tu à quelles espèces appartiennent les fleurs sauvages ? Elles doivent faire parti d'un petit écosystème. Il vaudrait mieux en laisser une partie. Ne serait-ce que pour les insectes pollinisateurs. Ceux-ci seront tes alliés pour accroitre ton jardin. Comme lorsque tu m'as aidée pour la récolte des Coquelicots."

Une évocation d'un joyeux souvenir, d'un bon moment passé ensemble. Brin de nostalgie. Il y en aurait-il d'autres entre elles ? Elle l'espérait. Le pardon avait déjà été accordé. Une valeur qu'elle suivait à la lettre. Sûrement trop, mais elle ne s'en rendait pas compte.

Elle pencha la tête sur le côté, tâchant de se remémorer les espèces de fleurs trouvées près du gouffre. C'était pas difficile, heureusement pour leur histoire : De par son statut de solitaire vouée à se démerder toute seule et par héritage familial, elle connaissait un peu les plantes sauvages utiles ainsi que leurs vertus.

- J'ai vu pas mal de pissenlits. Des pâquerettes aussi. Quelques violettes. Je pensais en garder, de base, par ce qu'elles peuvent être utiles pour soigner et pour apaiser les maux... Mais ça, tu le sais déjà ~

Kerguelen devait être bien plus calée qu'elle, sur la question. Onyx restait une novice ayant beaucoup à apprendre, et ce malgré le temps passé à la bibliothèque, entre deux aventures.
Songeuse, elle entortilla une mèche de cheveux autour de l'un de ses doigts.

- Merci ! Ce sera parfait ! Mhh... Désolée, si j'abuse, mais tu aurais quelque chose pour l'arthrose, s'il te plait ? J'pense que mon père en est bouffé, vu sa démarche, et j'aimerais bien pouvoir le soulager un peu.

Il avait un sacré paquet d'années derrière lui, son daron, quand même, même si il essayait d'pas le montrer. Y'avait des choses qui l'trahissaient, comme ses cheveux devenus tout blancs, sa démarche, son pif qui s'collait aux trucs qu'il voulait regarder. P'tet qu'au refuge, lui et Maman pourraient continuer leur p'tite retraite tranquille ? En ayant plus d'assistance, en cas d'besoin, que paumés dans leurs plaines savanes.
Elle, ça la rassurerait.

La liste des fleurs sauvages lui fut dictée. Elle hocha doucement la tête. Pissenlit pour l'effet diurétique. Pâquerette pour le côté antiseptique. Violette contre la toux. Il s'agissait de plantes basiques. Rien d'endémique ou qui aurait pu faire concurrence avec les cinq végétaux qu'elle souhaitait lui confier. Il n'y avait pas d’inquiétude à avoir.

"Tout ce beau monde pourra cohabiter en harmonie."

Sa proposition fut acceptée. Notre Colombe n'aura plus qu'à aller les récupérer. Mais une nouvelle requête tomba. Plus personnelle cette fois-ci car la notion de famille y été attachée. Elle songea avec une pointe de tristesse que Papa aussi avait dû souffrir de ces maux de la vieillesse. Mais il avait toujours pris soin de les cacher en sa présence. Si elle avait su lire à travers les lignes, peut être aurait-elle pu l'aider et mieux se préparer à sa disparition. Mais on ne refaisait pas le passé. Par contre, elle pouvait adoucir le cœur d'Onyx. Rattraper à travers elle ce qu'elle n'avait pas pu faire.

"Je ne laisse aucun congénère souffrir. Surtout quand j'ai ce qu'il faut pour l'aider !"

L'Arthrose. Le premier remède qui lui vint à l'esprit fut les racines d'Harpagophytum. Il n'y avait pas meilleure plante pour lutter contre les articulations douloureuses. Malheureusement, elle ne poussait que dans les climats chauds, à la limite du désertique. Elle ne pourrait pas s'épanouir dans le futur jardin de sa camarade. Elle réfléchit plus intensément, fouillant dans sa mémoire. Qu'avait-elle sous la patte ?

La Gaulthérie. Avec ses jolis fruits rouges. Qui aimait les pentes montagneuses ensoleillées et les zones fraiches. Cela conviendrait au Gouffre aux Rapaces. Elle était contente. Tout problème avait sa solution. Elle la partagea à celle qui restait son amie.

"La Gaulthérie pourra l'aider. Il faudra transformer ses baies en huile d'essentielle et masser les zones douloureuses. Sauf qu'elle mettra un peu plus de temps qu'une fleur à pousser. C'est un arbuste d'une dizaine de centimètres. En attendant qu'il arrive à maturité, je peux te conseiller une ration journalière de cassis, framboise ou cresson. Oh ! Mais c'est vrai que j'ai des protégés sur les anciennes terres des Lazulis ! Près des cours d'eau, tu trouveras des Saules. Prépare leur écorce en décoction. Cela aidera à lutter contre les maux de ton père."

Finalement, ce n'était pas une mais plusieurs réponses qu'elle proposait à la Solitaire. Mais quand on aimait, on ne comptait pas. Et la Nature proposait tellement de possibilités. La phytothérapie semblait sans limite. Si ce n'était celles de ceux qui la cultivait. D'ailleurs, elle avait besoin de connaitre combien de personnes se chargerait de ces soins. Pour estimer correctement la quantité de graines ou plants à donner.

"Tu m'as parlé des autres. Êtes-vous nombreux ? Et penses-tu que cela les dérangera de voir débarquer une Disciple de la Corneille ? J'aime beaucoup voir ce que sont devenus les plantes que je confie."

Elle les considérait un peu comme ces enfants. Elle donnait tant et sans compter pour les voir s'épanouir. Mais la discussion précédente la faisait douter de la bienveillance des fameux Sans-Tribu à son égard. A cause de la part de Dame Yurai qui l'accompagnait partout où elle allait. Celle qui les dérangeait de se sentir bien et serein sur les terres des Nakhus.

Son regard se para immédiatement d'un éclat reconnaissant, pour tous ces conseils administrés.
Y'avait rien, pour Onyx, de plus important que sa famille, et peut-être, plus encore, que ses vieux darons à qui elle portait tant d'amour.
Ils lui avaient tant donné, maintenant, c'était son tour. Elle aimait pas prendre sans rien donner en retour, Onyx. Ca valait aussi pour l'aide de Kerguelen : Lorsque celle ci aurait besoin, et si les Nakhus n'étaient pas là avant elle, elle serait là.

- Merci infiniment !

Elle porta l'une de ses pattes à son menton. Combien ils étaient, déjà ?

- Mhh, douze, de souvenir ! A voir si d'autres pattes se rajoutent pour aider. Et oui, bien sûr !! Quand tu voudras !

Ca lui ferait vachement plaisir, de voir Kerguelen là bas... Tout comme ça lui faisait toujours vachement plaisir, de voir Kerguelen, de base.

Elle chassa les remerciements d'une patte accompagnée d'un sourire. Elle ne faisait que son boulot. Elle n'avait pas besoin d'être remerciée pour quelque chose qui lui faisait plaisir. En y réfléchissant, elle pourrait elle-même dire merci. Merci pour la confiance et pour se tourner vers elle. Merci pour lui offrir de quoi s'épanouir. Merci de lui donner la chance d'aider et d'en puiser toute une satisfaction.

Un nombre lui fut confié. Un nombre raisonnable si la motivation restait intacte du début à la fin. Mais si ils étaient tous aussi motivés qu'Onyx, alors ses protégés s'épanouiront à merveille. Et vu qu'elle venait de recevoir l'autorisation de s'y rendre, elle pourrait vérifier cela par elle-même. Et fournir d'autres conseils bienveillants si le besoin s'en faisait sentir.

"Alors, viens ! Je vais t'amener devant un jeune pied de Gaulthérie. Je te laisserai le déterrer. Il y a tous les outils nécessaires. Pendant ce temps, j'irai chercher un pot pour le transporter, ainsi que les graines des cinq plantes dont je t'ai parlé !"

Elle invita son amie à la suivre. Elle la guida dans les allées parfumées jusqu'au plant évoqué. Une fois là-bas, elle la quitta sur un sourire encourageant. Elle repartit dans plusieurs directions différentes. Faisant cinq haltes pour récolter des graines. Toujours avec tendresse, économie et minutie. Chaque variété fut rangée dans une poche où elle nota leur nom respectif. Elle y ajouta même leurs principaux bienfaits. Elle savait que la mémoire pouvait jouer des tours. Autant garder une trace écrite. Cela faciliterait le travail d'Onyx et de ses camarades.

Elle termina par un détour pour récupérer un pot assez grand pour contenir le pied de Gaulthérie. Mais il devait également ne pas être trop lourd. Il y avait un peu de trajet d'ici au Gouffre aux Rapaces. Or, Onyx était venue seule. Il fallait donc tout faire pour la ménager. Elle choisit le plus léger et repartit à l'endroit où elle l'avait laissée. Les paquets de graines dans le pot et le pot entre ses crocs.

Elle hocha la tête, sans perdre son sourire, et emboita le pas de son amie, jusqu'au pied de Gaulthérie.
Bon, il allait falloir faire attention à pas lui abîmer ses p'tites racines par ce qu'il allait pas trop kiffer... Et que Kerguelen apprécierait pas trop non plus qu'on malmène l'un de ses protégés. Alors Onyx prit son temps, dégageant un peu la terre autour de la plante, histoire de faire ça bien.
Voilà, ça lui paraissait pas trop mal.

Elle leva la tête vers son amie, lorsque celle ci revint avec les graines et les pots. Son sourire s'élargit.

- Rooh t'es une déesse, t'as même noté les bienfaits ! Merci encore, Kerguelen, j'te dois une fière chandelle !

Par ce qu'elle était du genre enthousiaste et tactile, elle vint offrir une accolade sincère à son amie.
Elle glissa les sachets de graine dans les poches de sa cape et mit le pied de Gaulthérie dans son p'tit pot.

- Bon, y'a plus qu'à ! J'te promet de prendre soin de tout ce beau monde. J'vais me répéter mais... Merci encore !!

Malgré leurs désaccords sur la question du refuge, elle était reconnaissante de l'aide apportée par la louve grise.

Elle accepta avec joie l'accolade. Plongeant son museau dans la chatouilleuse chevelure d'Onyx. Toujours prête pour des partages de câlins avec ses amis. Comportement parfois jugé enfantin, mais qui faisait entièrement parti d'elle. On ne la changera pas sur ce côté là. Et puis, son petit cœur battit si vite. Toute contente d'apprendre qu'elle avait pu autant aider la Licorne. Il n'y avait rien qui pourrait lui faire plus plaisir. C'était sa raison de vivre. Alors, quand elle réussissait, c'était la fête ! Yeux qui brillaient davantage et queue qui frétillait. Bref, que des signaux d'allégresse. Qui balayaient d'un simple souffle tout doute, toute incertitude. Son âme préférait se gorger de ces bons moments et ensevelir les mauvais.

"C'était un réel plaisir ! Tu as toute ma confiance pour mes protégés. Et sois prudente sur la route !"

Oh, elle ne pensait pas aux mauvaise rencontres, mais plutôt aux éventuels accidents. Une glissade, des coupures... Ou à un caprice de la météo. Ces petites choses qui pouvaient arriver à tout le monde. Par maladresse ou malchance. Du bout de la patte, elle la salua énergiquement. Un au revoir qui annonçait de futures retrouvailles. Car oublier ses amis lui était chose impossible. Ils la faisaient tellement vivre.

[Fin pour moi ! Merci pour le RP :3 ]

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