Conséquences

L'offrande serait bien maigre, aujourd'hui : Quelques jolies fleurs ramassées sur le bord du chemin.
Elle n'avait pas le temps pour plus, Onyx, lorsque tout était une question de minutes, peut-être.

Elle entra dans le temple, le pas rapide, s'inclinant directement devant la statue de cette Déesse qu'elle aimait tant, les yeux clos. Pas longtemps, pour les raisons évoquées précédemment, relevant bien vite ses yeux de chat vers elle, elle prit la parole.

- Ao, vous savez ce que j'ai causé. J'regrette vraiment, mais je suis pas là seulement pour vous présenter mes excuses.

Les Dieux étaient omniscients et la dragonne ne ferait pas exception.
Elle savait certainement, Ao, tout ce qu'elle avait fait : Les recherches, menées avec Isrâ, par ce qu'elle n'avait pas eu la force de lui dire à quel point cette quête était insensée, cet affront à la vie, les morts qu'elle avait causées, indirectement. Elle savait aussi, à quel point elle s'en voulait.
Qu'elle devrait vivre avec et que ce serait ce qu'elle ferait, sans se chercher d'excuses et sans chercher à défiler.

- Je veux réparer. J'sais que tout n'est pas réparable, mais si j'peux minimiser l'impact qu'auront mes conneries... J'le ferai, c'est mon devoir. Je connais si peu ce mal qui sévit, ce chaos. Je sais pas ce qu'il cherche, ce qu'il veut, ni même si on peut quelque chose contre lui, nous, en tant que mortels. Si j'peux quelque chose contre lui, en tant que Licorne.

Quand bien même elle n'était plus digne de l'être. C'était ce que Maman lui avait dit.
Elle laissa cette triste pensée de côté. Ce n'était pas le moment.

- Qu'est ce qu'on doit faire de Miraj ? A quoi doit-on s'attendre ? S'il vous plait, Ao, j'ai besoin de vos lumières.

Il aura finalement fallu peu de temps pour que ton innocence qui laissait la Dragonne dubitative soit mise à mal.

Si rien ne se passe quand tu commences à dire ce que tu as sur le cœur, tu peux pourtant sentir que la Déesse bleue t'écoute.

Ce n'est pas par l'atmosphère du Temple, toujours aussi froide, mais par une présence, dure à expliquer et à peine saisissable, mais tu la ressens quand même.
Tu ressens aussi son agitation.
Comme si... Comme si il y a quelque chose pour lui déplaire et qu'elle se débat avec.

La luminosité faiblit et vacille autour de la petite louve, avant de reprendre brutalement en vigueur.
Ao est apparue. Elle est aujourd'hui louve de grande taille au corps couvert d'écailles, et ses yeux bleus étincèlent. Impétueux.

L'expression de son visage est dure, mais la Dragonne ne compte pas revenir sur les actes que tu viens expier. Insensés, oui ; ils l'étaient. Se jeter à corps perdu dans un processus dont on ne connaît nullement les détails et ce qui serait nécessaire à son accomplissement, ce n'est pas une attitude qu'elle peut cautionner.

Mais ce n'est pas ce qui l'agace tant, non. Car au moins te tiens-tu droite devant elle, acceptant pleinement tes erreurs au lieu de te recroqueviller dans un coin en pleurnichant, au moins es-tu toujours d'attaque pour déployer la même énergie à vouloir réparer les torts causés.

Et cette volonté est au final ce que retient la Dragonne. Pour le reste, elle n'est pas mère de la petite louve et laisse à celle-ci la tâche de lui faire la morale si bon lui semble.

Ce qui fronce tellement les traits de son museau anguleux... C'est ce vide insondable auquel elle se heurte, quand tu évoques ce Chaos et Miraj. Tes paroles sont même brouillées à ses oreilles pourtant divines.
La seule chose qu'elle est capable de ressentir en tentant de les percevoir est une vague de dégoût, qui l'irrite tout autant.

Elle siffle, elle gronde, les deux sons mêlés ensemble dans un roulement menaçant qui fait vibrer la roche.

" Ce mal dont tu parles, je ne parviens à le saisir. "

De longs crocs elle révèle, pareils à du cristal ou des stalactites, profondément contrariée de se trouver... Impuissante.

" Peu importe de quoi il s'agit, sois prudente. Cette... Essence qui parvient à m'aveugler indique une certaine forme de puissance. Je ne peux pas t'aider. Pour l'instant. "

Les derniers mots te sont livrés avec hargne.
La Dragonne se refuse à être ainsi mise en échec. Il lui faudra tenter d'éclaircir cette tâche qui vient de survenir.

Avec un dernier sifflement frustré, Ao bondit et disparut.

Elle ressentit l'agitation de sa Déesse avant même que celle ci n'apparaisse et une pensée traversa alors son esprit.
Les choses étaient, peut-être, bien plus graves que tout ce qu'elle avait envisagé, pour que la fière dragonne se retrouve dans un tel état.

L'expression dure de la divinité ne la fit pas ciller. Onyx ne s'était, de toutes manières, pas attendue à un accueil joyeux, après ce qu'elle avait pu faire. Il faudrait bien plus que de jolies paroles pour remédier au problème et, peut-être, apaiser la déception et la rancoeur de ceux qui l'entouraient -si c'était seulement possible-.
Et elle comptait bien ne pas se contenter de paroles. C'était pas son genre à elle, de pleurnicher, hein Méridor ?

La louve brune hocha la tête.

- Vous m'avez déjà bien aidée, Déesse Ao, en m'prévenant de ce danger. Merci.

Elle inspira, songeuse.

- J'vais chercher des informations sur ce truc, dès que j'en saurai plus, j'reviendrai vers vous, Ao. J'veux pouvoir vous aider, moi aussi.

Elle n'avait pas la prétention d'être l'égale de la belle dragonne mais souhaitait contribuer, du mieux qu'elle pouvait, à cet effort, convaincue qu'elles pourraient avancer en avançant, ensemble, dans un but commun.
Sur ces mots, et après un dernier salut de la tête à l'attention de la statue de sa Déesse, Onyx tourna les talons pour quitter le temple.

Elle avait toujours une enfant à retrouver.