Petit piranha - Nirvana

Elle l'avait finalement gardée, cette enfant, Holly.
Est-ce que c'était vraiment étonnant ?

Pour sa défense, après l'avoir ramenée au Castel pour la nourrir, la louve bleue était retournée à la Rougelande pour chercher d'éventuels parents. S'en était suivi un tour du territoire, méticuleux, par ce qu'elle avait beau ne pas aimer les étrangers... elle ne souhaitait pas non plus leur voler leurs bébés.
Elle avait fait cela plusieurs fois, avant de se résoudre : De parents, elle ne trouverait pas.

L'enfant serait donc sienne et elle l'aimerait, et l'élèverait, comme si elle l'avait portée.
Ce n'était pas difficile, par ce que son coeur était fait, depuis bien longtemps, pour aimer un enfant. Par ce que c'était un besoin si important, cultivé par cette frustration que ses relations amoureuses lui avait fait ressentir. D'enfant, ni Alexandrine, ni Méridor, n'avait été d'accord pour lui offrir et, une fois célibataire, Hollyhock avait songé à devenir mère, seule, après avoir trouvé quelqu'un capable de lui offrir ce bonheur là.
Elle n'en aurait, finalement, pas besoin. C'était bien, ça, par ce qu'elle n'avait pas forcément envie d'offrir son corps à quelqu'un qu'elle n'aimait pas.

Cette enfant était un don de ce ciel imploré mille fois.
Elle était belle, elle était merveilleuse, elle était...
Elle était sa fille.

Un doux sourire vint étirer ses babines alors que son regard bleu l'enveloppait.
Le soleil avait beau se lever, elle avait beau avoir des habitudes bien ancrées depuis des années... Holly ne pourrait se résoudre à se lever maintenant et à réveiller son enfant.

Il faisait bon ici.  
Dans son sommeil, Nirvana soupira, étendant le bout de ses pattes. Tout à l’heure elle retournerait manger, puis elle rendormirait, puis rebelote. Une vie de larve. Bon quelques fois, fallait pousser les autres pour accéder au manger, parce qu’ils étaient beaucoup et prenaient de la place.
M’enfin avec sa petite taille, la petiote parvenait généralement à se frayer un chemin, ou des fois la louve qui sentait bon l’aidait.
Elle était gentille.

Puis un oeil qui s’ouvre. Puis le second.
Et le regard se pose sur sa maman.
En utilisant ses pattes, Nirvana rampa pour poser sa tête sur l’épaule de la louve bleue.
Sa gueule s’ouvrit, alors qu’elle lâcha un bâillement encore endormi.

Il ne se passait pas un instant sans qu'Holly ne soit attendrie par ce que pouvait faire sa toute jeune enfant.
Ca commencerait, aujourd'hui, par ce regard clair posé sur elle, par ce contact recherché par la petite louve et cet adorable bâillement.
Holly la prit contre elle et la berça doucement.

- Alors, mon ange, on a fait un gros dodo ?

De son museau, elle vint lui chatouiller le flanc.
Ce ne serait pas terminé, pour la petite Nirvana, de dormir. Mais quoi de plus normal ! Elle était encore si jeune et avait besoin de prendre des forces pour bien grandir.
Ne pouvant, décidément, se résoudre à laisser sa fille entre d'autres pattes, Holly l'emmènerait dans la salle des trônes, lorsqu'il serait temps, pour elle, d'aller travailler. Pendant que les Etelkrus exprimeraient leurs doléances, elle n'aurait, alors, qu'à la garder tout contre elle.
Personne ne lui en tiendrait rigueur, non ?
De toutes manières, ils n'avaient pas le choix.

- Qui c'est qui va manger ?

Ca aussi, c'était important.
Quel regret, de ne pas pouvoir la nourrir elle-même ! C'était quelque chose qu'elle aurait, sincèrement, souhaité faire. Mais soit, la nature ne le permettait pas et elle était déjà bien assez reconnaissante envers la vie pour avoir placé Nirvana sur son chemin.

La voix est apaisante. Se faire bercer aussi (c’était comme quand tu te faisais bercer par le courant dans l’oeuf, mais de cela tu ne peux te souvenir en détail, mis à part de la sensation). La petite queue remue doucement au contact du museau sur son flanc.  
Pour ça oui, elle avait bien dormi, c’était peinard quand même la vie de louveteau, enfin M’man aussi elle dormait… ou pas ?
La gueule s’ouvre. Ça parlait bien bouffe là non ? Maintenant que Nirvana s’était habituée à se faire une place entre les autres petits pour manger, cela ne l’effrayait plus vraiment.

« — va ! »

C’est pas comme ça qu’on disait oui ? Ou qu’on avait les crocs ? Enfin quelque chose dans ce genre là quoi.
Les pattes se posent sur le museau de maman, c’était tout doux, et la truffe plus humide. C’était un gros nez là d’ailleurs, faisait la taille de sa patte à Nirvana ! Le sien aussi serait aussi gros ? La loupiote passa une patte sur sa propre truffe, pour le moment elle était toute petite, c’était rigolo.
Ce serait aussi gros en buvant beaucoup de lait ?

Eh ben, ses paroles n'étaient pas tombées dans l'oreille d'une sourde.
C'était drôle, d'ailleurs, elle ne savait pas encore communiquer clairement, sa petite, mais prêtait déjà une attention toute particulière à certains mots.
Si jeune, et déjà gourmande.

Lorsque Nirvana posa ses pattes sur son museau, puis le sien, la louve bleue plissa les yeux, amusée.

- Tu veux me voler mon nez ?

Ou peut-être mon piercing, mais pour ça, il va encore falloir attendre, mon bébé.

Lui voler son nez ? Et maman en échange voudrait peut-être lui voler son nez aussi à Nirvana ? Hum, non ça ne semblait pas être une très bonne idée. La louvette se contente de poser sa truffe sur celle de bleue avant de se reculer, avançant de sa démarche pataude jusqu’au récipient d’eau.
C’était juste assez pour faire patauger (même si ce n’était pas le but).
Nirvana se coucha dans l’eau, sa queue de sirène dépassant des rebords, alors qu’elle riait doucement. Y’avait plein de petites écailles sur son corps.
Mais pas sur celui de maman.
Peut-être parce qu’elle était pas mouillée ?
Nirvana éclaboussa doucement la louve, observant si des écailles apparaissaient aussi chez sa mère.

La louve bleue suivit son enfant du regard, lorsqu'elle se dirigea vers le récipient d'eau pour y barboter.
Comme d'habitude, des écailles et une queue de sirène firent leur apparition sur son corps minuscule. Holly devait bien l'avouer, cela l'avait surprise, la première fois, et elle n'avait pu s'empêcher de songer à la vermine...
Puis avait maîtrisé ces pensées : Sa fille n'avaient rien à voir avec leurs enfants monstrueux. Elle était belle et, par ce qu'elle était née sur leurs terres, alors elle était une Etelkru à part entière.

La louve bleue gloussa, lorsque les gouttelettes projetées par la petite louve vinrent s'écraser sur son pelage.
Elle se rapprocha et éclaboussa, à son tour, la petite louve, taquine, partageant avec elle un moment de jeux.

- On va manger, maintenant ?