La sixième semaine † Libre

Est-ce que sa démarche était la bonne ?
Pour faire plus précis : Est-ce que c'était une bonne idée, d'fouiller les terres plutôt que de retrouver un autre moyen de retrouver Miraj ? Elle était ptet même plus dans ce pays, Miraj. Ptet que le monstre l'avait envoyée dans un monde ou dans une dimension parallèle ou elle n'savait trop quoi.

Enfin, y'avait pas grand chose d'autre qu'elle pouvait foutre, malheureusement.
La bibliothèque était toujours impossible d'accès -Elle salait plus que jamais de la fermeture des frontières- et elle ne pourrait donc pas faire de recherches sur ce qui avait enlevé sa protégée. A moins de collaborer étroitement avec les Nakhus mais, eh, est-ce qu'ils auraient envie d'l'avoir dans les pattes, après ce qu'elle avait fait ?
Onyx maugréa pour elle même. Adios, bonne humeur légendaire, pour le coup.

Elle était fatiguée, de toutes ces conneries. Déterminée, évidemment : Elle la retrouverait, Mimi, mais tellement claquée. C'était beaucoup à encaisser, la mort d'Isrâ, celle de cette louve, l'enlèvement, la détresse, partout, la colère d'sa daronne...
Autant dire qu'elle dormait pas très bien, en ce moment.

Mais bon, elle rattraperait tout ça une fois la gosse retrouvée.
Fallait rester optimiste. Elle voulait clairement pas devenir une vieille aigrie avant l'heure.

Sur ces bonnes pensées, elle quitta la jungle pour se diriger vers la plage.

Ca faisait combien de temps, qu'elle la cherchait, Miraj ?
Elle ne comptait plus les semaines, honnêtement : Ce n'était pas quelque chose d'important et ça ne ferait que la mettre devant un fait qu'elle ne pouvait accepter : Les recherches prenaient du temps, trop de temps, elle n'avait toujours rien trouvé, Miraj grandissait loin d'elle et le monstre lui avait peut-être fait du mal, sans qu'elle n'ai rien pu faire.
Après tant de journées passées sans la voir, elle ne s'était pas attendue à ça.
A ce Mirage.

Qui ne l'était peut-être même pas. Était-elle en train de délirer ? Putain, non ! Elle était là et elle avait l'air d'aller bien. Elle était belle comme Isrâ l'avait été, elle semblait si fière, comme iel. Une vraie petite dame, déjà.
Son regard s'embua de larmes d'émotion et ce fut en courant qu'elle avala la distance qui les séparait.
Si elle n'avait pas oublié comment le faire, Onyx aurait probablement crié son nom, là, sur la plage. Au lieu de ça, elle se mit à japper joyeusement et sautiller autour de l'enfant.

Je suis tellement contente de te voir !

Sa petite fête terminée, la petite louve brune se coucha dans le sable et son regard se posa sur Miraj, encore si plein d'émotions.
Attendri, surtout.

C'était pour ça, putain, qu'elle ne perdait pas de vue son objectif. Il y avait quelque chose de dangereux, par ici. C'était Ao, qui l'avait prévenue et il lui fallait rester prudente.
Elle devait surtout la protéger de lui, du monstre.
Mais où se terrait-il ?

Elle le cherchait du regard, le Monstre.
Il l'avait surpris une fois, et c'était déjà la fois de trop : la prochaine, elle l'anticiperait, dans cette prudence -toute relative, certes- dont elle faisait preuve vis à vis de lui.
On ne lui enlèverait plus Miraj, maintenant qu'elle l'avait retrouvée.

La petite voix de l'enfant lui fit tourner la tête vers elle, laissant de côté, pour le moment, du moins, elle y reviendrait probablement vite, cette menace invisible.

Cacher...
Ca, elle savait faire : C'était important de savoir cacher correctement ses ressources importantes pour ne pas se les faire piquer. Si certains de ses congénères les enterraient, elle, en tant que nomade, ne pouvait se permettre cela : ce fut dans l'une de ses poches que fut mis son glowstick, avec d'autres trésors.
Là, il était bien caché. Personne ne viendrait le lui voler et Miraj ne pleurerait plus à cause de lui.

Jouer ?
Ca aussi, elle savait faire.
Mais l'on ne jouait pas tranquillement dans un lieu dangereux, elle le savait. Si elle s'amusait avec Miraj, elle se laisserait distraire par cette activité et ne pourrait plus protéger. Protéger, c'était plus important que jouer.

Ses yeux cherchèrent encore le monstre, sans l'apercevoir.
Tant mieux, qu'il reste là où il était, sinon... sinon...
Ses babines se soulevèrent, dévoilant ses crocs, brièvement.

Il fallait partir d'ici.

Elle observa l'enfant, un très court instant. Trop lourde pour être portée dans la gueule...
Sa langue passa sur sa truffe, nerveuse.
Il fallait traverser la mer, pour s'enfuir.
Mais si la mer tuait Miraj ?

Protéger, il fallait protéger, avant tout, c'était le plus important.

Elle revint près de Miraj, se plaçant au dessus d'elle dans un geste protecteur, prête à se dresser entre elle et le reste du monde.
Jouer, elle voulait jouer.
Tant qu'elle restait proche, le Monstre ne viendrait pas, sinon...

Elle avait de quoi jouer, dans sa poche, sans s'éloigner. Elle devait pas s'éloigner.
Il fallait protéger.

Ses crocs se refermèrent sur la figurine du gros ours à l'air gentil. Elle la laissa tomber aux pattes de Miraj.
Joue, je protège.

Le contact de la figurine sur l'une de ses pattes lui fit baisser les yeux vers l'enfant.
Elle ne put s'empêcher de sourire, amusée et encore attendrie, face à l'imitation du cri de l'ours. Onyx bougea encore, reprit sa place couchée dans le sable en face de la petite louve.
Comme ça, elle pouvait protéger aussi.

Il fallait un copain pour l'ours.
Son regard balaya la plage et elle tendit la patte pour attraper un gros galet blanc, pierre beaucoup moins jolie que celles, semi-précieuses, qui composaient ceux de Miraj, mais là Onyx qu'elle était actuellement était bien loin de se formaliser des critères esthétiques : Il fallait juste un ours.
Alors, le galet devint ours, sous l'effet de son pouvoir inné.

- Grrr !!

Un copain.
Est-ce qu'ils se grognaient dessus, les copains ? Non, ils parlaient... Mais elle ne savait plus faire ça, elle. C'était étrange et peut-être à cause du monstre.
Au moins, elle comprenait.

Ah ouais, quand même.
Ce serait sacrément dans la merde, si les choses fonctionnaient comme ça : Si seuls les beaux pouvaient accéder aux hauts rangs et, ainsi, régner, sur ceux qui ne l'étaient pas.
C'était quelque chose qu'elle aurait souhaité lui expliquer, à Miraj, et aussi, qu'on pouvait avoir deux Rois, ou alors, pas de Roi du tout, et même copain avec un Roi mais... Mais bon, elle était actuellement incapable de le faire, tout comme bien d'autres choses.

Aujourd'hui, elle serait seulement capable de l'amuser, peut-être de la protéger. Etait-elle seulement de taille face au monstre ?
Aujourd'hui... Mais aussi demain, et le surlendemain, et même après. Onyx ne pourrait quitter cette île sans l'enfant, de peur de ne plus la retrouver ensuite.

Miraj voulait d'autres animaux et Onyx la suivit du regard, toujours protectrice, lorsqu'elle partit récolter quelques galets sur la plage, avant de revenir près d'elle.

Fais !
...
Eh ben. Elle lui avait pas appris la politesse, la louve brune ?
Par ce que bon, elle était bien gentille, Onyx : Ca la dérangeait pas d'filer un coup de patte, de faire des p'tits cadeaux, mais d'là à se faire parler comme ça...
Puis, c'était important, d'apprendre tout de suite les bonnes habitudes aux enfants. Par ce que ça lui porterait préjudice, à Mimi, si elle parlait n'importe comment aux gens, lorsqu'elle n'aurait plus son apparence de mignonne louvette.
Certains étaient sacrément susceptibles.

Son regard vint chercher le sien et, tout dans son attitude, exprimait l'attente de quelque chose.
Un mot magique, peut-être ?

T'es trop mignonne Mimi, t'as pas idée !

La gueule de la louve s'ouvrit en un large sourire ravi et elle remua joyeusement la queue. Pour peu, elle se serait bien permis un contact physique avec l'enfant, mais puisqu'elle ne souhaitait pas l'effrayer ou la mettre mal à l'aise, et par ce que ce genre de chose ne s'imposaient pas, elle s'abstint.
Bon, maintenant qu'elle avait obtenu ce qu'elle souhaitait, Onyx n'avait plus aucune raison de faire patienter davantage cette adorable petite. Alors, elle aligna les cailloux devant-elle, éloignant la Saint-Jacques.
Avec celle ci, elle ne pourrait rien faire.

Miraj voulait un chat.
Elle aura un chat.

Miraj voulait une chauve-souris.
Elle aura des chauve-souris.

Miraj voulait un crabe.
Elle aura un crabe.

Satisfaite de ses créations, Onyx les poussa entre les pattes avant de la louvette.
Ce n'était pas tout, cependant : Elle en avait plus encore, pour l'épater, puisque l'ours n'avait pas été sa seule création, avant la résurrection de l'enfant. Les pattes de la licorne plongèrent à nouveau dans les grandes poches de sa cape, pour en ressortir le petit sac blanc fermé, portant toujours cette inscription qu'elle ne savait plus lire, désormais, contenant surtout les figurines d'animaux faites de ces mêmes pierres semi-précieuses
C'était son cadeau, pour cette seconde naissance.

Quand bien même Onyx aurait souhaité le lui remettre dans d'autres circonstances.

Le ravissement de la petite louve fut immédiat, au grand bonheur d'Onyx dont le regard se mit à briller également.

Ta vie sera sûrement pas facile, p'tite Miraj, alors kiffe bien chaque instant, émerveille toi devant un joli caillou, profite !
Il n'y aura pas de grandes contrariétés qu'elle se voudra imposer à cette enfant là, si précieuse. Son bonheur, la licorne en faisait son devoir et se promit de faire naître d'autres étoiles dans ce regard bleu.
Dusse-t-elle partir lui décrocher la lune et lui ramener, avec elle, quelques nuages aux couleurs du crépuscule.

Des sourires de sa part, elle en voulait mille, dix-mille, cent-mille !
En attendant les prochains, Onyx s'immobilisa dans le sable, posa son regard de chat sur l'enfant imaginative qui, sans attendre, trouva des rôles à ces sujets de pierre.
Curieuse, elle l'observa se rendre près des vagues, veilla, par peur de la noyade, et récolter des coquillages.

Un bracelet ?

La licorne s'empara de l'objet et, incitée par l'enfant, l'enfila autour de l'un de ses antérieurs, l'étendant devant-elle pour admirer les reflets nacrés des coquillages.
C'était joli et touchant, ce cadeau. Le sourire d'Onyx s'élargit et son regard devint reconnaissant : elle marqua un hochement de tête en remerciement, quand bien-même elle aurait souhaité, préféré, le lui exprimer oralement.

Merci, ça m'touche beaucoup. J'le garderai pour toujours.

Sur le sable, ses pattes avant s'étirèrent devant-elle, l'arrière train en l'air et la queue battante dans son dos.
A quoi veux tu jouer, désormais, merveille ?

Durant un instant, Onyx oublia.
Il n'y avait plus de fatigue, plus d'inquiétudes, plus de Nakhus, plus de Dieux, plus de remontrances, plus de monstre.
Il n'y avait que Miraj, le jeu, et ce sourire éclatant.

Un instant hors du temps, passé à courir dans le sable, à rire, à prendre entre ses crocs la figurine du chat.
Un instant qui ne durerait pas.

On t'emmènera loin de moi, encore.

D'un regard, elle s'assura qu'aucun prédateur ne viendrait représenter un danger pour l'enfant si précieuse, prête à bondit devant elle, en un instant, pour lui offrir son corps comme un bouclier entre elle et le reste du monde.
Il n'y avait pas grand chose qu'elle pourrait faire, seule : Elle n'était pas capable de miracles, Onyx, elle était même un peu bête, assez pour ignorer les sirènes d'alarme que tous plaçaient sur son chemin.

Mais je veux croire que tout s'passera bien, maintenant.

Onyx bondit par dessus une grosse racine, sourire aux babines, fière.
D'une patte tendue vers elle, proposa à Miraj de l'aider à grimper.

Elles avaient des chauve-souris à trouver.
A défaut d'une lune à décrocher, elle pourrait au moins lui offrir cela.

Onyx fut surprise, par la légèreté de ce corps soulevé, hissé d’une patte.
Elle était tout tout son contraire, Miraj ; Toute fine et frêle lorsqu’elle était trapue, elle promettait d’ailleurs de devenir une bien jolie fille, lorsqu’elle sera plus grande.
Ses pensées furent coupées par le contact spontané offert par l’enfant rouge, une étreinte affectueuse à laquelle la licorne ne s’était pas attendue et qui, pourtant, la fit poser une patte sur le dos de la petite Miraj, bien affectueusement.

L’émotion qui l’habitait alors se fit plus grande, étirant ses babines et mouillant un peu ses yeux.
Pas de tristesse.

Cette petite là, c’était un coup de coeur qui dépassait, de loin, l’attrait du bébé magique dont elle avait eu connaissance : Elle aimait son sourire, sa créativité, l’entendre rire et toute la lumière qu’elle dégageait.
Il était difficile d’accepter qu’elle puisse être touchée par le chaos et par la mort.

La fatalité sera éloignée.
Pour Miraj, Onyx renouera avec la magie.
Si seulement les Nakhus lui laissaient l’accès à leur bibliothèque… Sinon, elle devra s’y prendre autrement pour accéder à ce savoir.
Pour elle, elle sera plus persévérante, encore : Si la recherche de rituels de protections n’avait rien donné, cela lui faisait au moins un premier contact avec la magie blanche.

Pour le moment, pourtant, elle n’était pas en capacité de faire quoi que ce soit, sous l’emprise de ce Chaos qu’elle haïssait. Onyx n’avait plus rien à offrir à Miraj, pour le moment, et c’était d’ailleurs, désormais à son tour d’être émerveillée par ce que la petite louve lui dévoilait.
C’était l’occasion de respirer, un peu, de cesser, pour un instant, de se mettre de nouvelles exigences pour profiter de ce cadeau.

Les chauve-souris aussi, aimaient Miraj.
Ce constat la fit sourire, encore et elle contempla, presque impressionnée, les animaux qui voletaient tout autour de l’enfant, tels de nombreux familiers.

Il y avait Aurore, et les autres… ?
Avaient-elles un nom, elles aussi ?

Elle aurait pu rester longtemps ainsi, Onyx, sourire aux babines, à profiter de ces retrouvailles tant rêvées.
Mais le rythme biologique de l'enfant se rappela à elle : Miraj était fatigué et leur échange touchait à sa fin. La licorne promis, d'un hochement de la tête, par ce que c'était important que la petite louve puisse se reposer, si elle voulait grandir en bonne santé et par ce que, évidemment, ça n'la dérangeait pas, de lui ramener les jolies pierres qu'elle aimait tant.

Sans perdre de son sourire, elle laissa la gamine venir se blottir contre elle et l'enveloppa de ses pattes épaisses. Les yeux mi-clos et un peu songeuse, la louve brune profita de cet instant là encore, repoussant, un peu, le moment de partir.
Par ce qu'elle le savait, désormais et devait bien l'admettre, à regrets : Elle n'pouvait pas agir seule.
Il faudrait, pourtant, que Miraj soit libérée de l'emprise du Chaos.

Onyx se redressa cependant, enfin, avec une délicatesse qui, sûrement, serait étonnante tant elle ne lui était pas habituelle. De geste tout aussi lents, elle vint poser l'enfant sur ses épaules, sans, elle l'espérait, troubler son sommeil.
Elle marcha vers la plage, lentement et le cœur lourd, 'fallait bien l'avouer, pour la mettre là ou elle pouvait sentir l'odeur de la louve brune.
Le corps de l'enfant quitta ses épaules en même temps que sa cape sombre, celle qui lui servirait de lit de fortune et qui, elle l'espérait, la maintiendrait un peu au chaud. Ne fut récupéré, dans ses poches, que le précieux glowstick d'Ao.

Un dernier regard, un peu mouillé, malgré elle, et Onyx s'éloigna vers l'océan.
Les pattes dans l'eau, libérée de l'effet du Chaos, les mots qui revinrent.

- J'reviendrai, c'est promis. Dors bien, p'tite Mimi.